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Au Paraguay, les manifestations continuent et se heurtent aux vieux démons d'un passé récent

mercredi 19 avril 2017 à 20:33

Photographie de Male Bogado publiée originalement dans le média DX et utilisée ici avec autorisation.

Cet article a été conçu avec la collaboration de Osmar Cáceres, du média DX

[Article d'origine publié le 3 avril sur Global Voices en espagnol] Deux jours après le saccage et incendie du Congrès qui a mis le Paraguay au centre de l'actualité internationale, le pays fait le bilan des dégâts, parle de la fragilité de la démocratie dans le pays, de l'amendement constitutionnel qui a provoqué les faits et on observe avec préoccupation la répression qui rappelle de douloureux souvenirs de la dictature stroniste (1954-1989).

L'amendement (#Enmienda)

Ce qui a précipité les gens dans la rue, c'est le vote lors d'une séance parlementaire parallèle et secrète d'un amendement qui permettrait de réélire le président Horacio Cartes après 2018. La réforme revient sur un amendement à la constitution paraguayenne lors du retour à la démocratie dans les années 90, qui ne permet de réélire ni le président, ni le vice-président, “d'aucune façon”. Pour beaucoup, cela serait le premier pas à l'enracinement d'un gouvernement déjà considéré comme autoritaire et ne s'intéressant guère à la partie la plus vulnérable de la population :

Cartes quand vas-tu comprendre que le Paraguay n'est pas une des tes entreprises ? Le Paraguay ne t'appartient pas, il appartient à tous, imbécile #Amendement

Image: Le congrès du Paraguay a brûlé.
Suite à une session parallèle de sénateurs pour approuver l'amendement sur la réélection, des manifestants ont mis le feu au bâtiment.
Les répressions en centre-ville continuent.
Il y a des mobilisations dans différentes villes du pays.
Le président tient pour responsables les médias et l'opposition.

Tweet : Après l'analyse de l'amendement pour la réélection, des manifestants ont incendié le Congrès du Paraguay

Appel international au dialogue

A la demande de leaders internationaux, les représentants du gouvernement ont accepté de mettre en place un dialogue avec les opposants à l'amendement. Cependant, le chef de l’État a clairement dit qu'il ne renoncerait pas à la possibilité d'être réélu, et ses détracteurs ont refusé de se joindre à la table des négociations si le projet de réélection n'est pas complètement abandonné.

Pendant ce temps, les mobilisations continuent et différents groupes ont demandé aux gens de sortir dans la rue malgré les fortes répressions policières du week-end dernier et la menace latente de nouvelles interventions policières. Les autorités ont annoncé des contrôles stricts, en particulier envers ceux qui tentent de s'approcher du centre de la capitale, Asunción, depuis tous les coins du pays. L'objectif, selon eux, est d'éviter du “vandalisme” en effectuant un travail “préventif”.

Dans le même temps, des médias comme Kurtural partagent la nouvelle communiquée par le média El Surtidor, qui rappelle à la population le potentiel qu'a l’État pour maintenir la surveillance :

Image: Souriez :) (ils sont peut-être en train de nous espionner illégalement)
Finfisher est un logiciel de surveillance qui s'installe sans qu'on le sache sur les ordinateurs et téléphones mobiles.
L’État paraguayen a acquis ce programme, ce qui lui permet de violer nos droits à la vie privée.

Tweet: A prendre en compte lors des mobilisations: l’État paraguayen aurait des programmes permettant d'espionner ton ordinateur ou ton téléphone mobile, selon @citizenlab

Des répressions à la saveur amèrement familière

Sur les réseaux circulent constamment les chiffres consécutifs aux agissements policiers. Des médias indépendants et des organisations politiques ont dénoncé différents modes d'abus. Le moment le plus aigu de la répression a été l'assassinat par la police de Rodrigo Quintana, un jeune militant du parti d'opposition Parti libéral radical authentique (PLRA):

Kurtural a aussi partagé la nouvelle et fait un compte des victimes :

Image: Les chiffres de la répression au Paraguay – rapport du 02/04 à 14h
– 1 député gravement blessé par la police
– 1 parti agressé par la police
– 1 assassinat par la police
– 211 arrestations sans mandat
– 39 blessés par la police
– 12 journalistes blessés par la police

Tweet: Les chiffres du week-end de répression au Paraguay, en incluant l'assassinat du dirigeant du PLRA, Rodrigo Quintana

Au même moment, le site diffusait les faits les plus importants après l'attaque du Congrès :

Image: Répression policière à Asuncion – 01/04 à 15h
1 – Suite à l'incendie du congrès, la police a repris la place. Les manifestants se replient
2 – Les policiers répriment avec des balles en caoutchouc et des armes à feu à différents endroits du centre d’Asunción
3 – La police entre au siège du parti libéral. Ils assassinent Rodrigo Quintana, jeune dirigeant, à coup de fusil
4 – On dénonce plus de 200 détenus sans mandat au poste de police
5 – On dénombre au moins 12 journalistes blessés
6 – Le ministre de l'intérieur et le commandant de la police sont destitués

Tweet: Retour sur les heures de mobilisation et répression au Paraguay après le vote à huis-clos de l'amendement (#enmienda)

De son côté, Veleto raconte dans le média DX une partie des faits et la confusion :

La “parafernalia” con la que se desarrollaron los hechos de aquel día y aquella noche (cientos de apresados sin orden judicial, represión a manifestantes, y hechos de conocimiento nacional e internacional) […] generaron muchas dudas al principio […] Y las versiones oficiales, solo han generado más dudas y [han profundizado] la desconfianza hacia los ya poco fiables organismos de seguridad del Estado.

Toute la panoplie des faits qui se sont déroulés ces jours-ci et cette nuit (des centaines d'arrestations sans mandat, répression de manifestants et des faits connus sur le plan national et international) […] ont généré beaucoup de doutes au début […] et les versions officielles ont elles-mêmes généré des doutes et [ont aggravé] l'absence de confiance envers les organismes de sécurité d’État déjà peu fiables.

Et détaille :

Pero todo quedó “más claro” cuando vimos las grabaciones del circuito cerrado del local del PLRA [partido de oposición donde fue asesinado Quintana…] Muy por el contrario de las versiones oficiales, se vio a una Policía Nacional harto-agresiva y con una intencionalidad desconocida. Digo “más claro”, porque en la medida en que más vamos conociendo sobre los hechos y las personas involucradas y las condiciones anteriores y posteriores al asesinato, notamos que poco o nada sabemos sobre el oscuro trasfondo de todo esto.

Tout est devenu “bien plus clair” lorsque nous avons vu les enregistrements du circuit fermé du local du PLRA [parti d'opposition où a été assassiné Quintana…]. Très à l'encontre des versions officielles, on voit un policier national blasé et agressif avec une intention inconnue. Je dis “bien plus clair”, parce qu'au fur et à mesure que nous connaissons les faits et les personnes impliquées et les conditions antérieures et postérieures à l'assassinat, nous remarquons que nous ne savons presque rien sur l'obscur arrière-plan de tout cela.

La page principale de l'organisation politique Kuñu Pyrenda, a également dénoncé des mauvais traitements sur des manifestants de la part de la police et s'est jointe à une des préoccupations les plus commentées en ligne : les souvenirs de la violence lors de l'époque de la dictature d'Alfredo Stroessner durant 35 ans, considérée comme une des plus brutales de l'histoire de l'Amérique du Sud.

[…] repudiamos la detención arbitraria de personas, la violencia de género hacia las mujeres detenidas que denunciaron haber sido desnudadas en dependencias policiales y la violencia ejercida hacia las personas LGTBI […] Es el mismo terror desatado en los atropellos a las comunidades campesinas con desalojos violentos, en los ataques a comunidades indígenas y en las violaciones de derechos humanos bajo múltiples circunstancias […] La historia nacional está cargada de sucesos violentos que han marcado el devenir social y político de nuestro pueblo […] Expresamos nuestra grave preocupación ante el resquebrajamiento de la posibilidad de convivencia democrática y pacífica en el Paraguay, en riesgo permanente por la pugna de intereses políticos y económicos mezquinos

[…] Nous rejetons la détention arbitraire de personnes, la violence machiste envers les femmes arrêtées qui ont dénoncé avoir été dénudées dans les locaux de la police et la violence exercée envers les personnes LGTBI.

[…] C'est la même terreur libérée que dans les agressions des communautés paysannes avec les expulsions violentes, dans les attaques de communautés indigènes et dans les violations des droits de l'homme en de multiples circonstances […] L'histoire nationale est remplie de faits violents qui ont marqué le devenir social et politique de notre peuple […] Nous exprimons notre grave préoccupation face à la fissuration de la possibilité de coexistence démocratique et pacifique au Paraguay, constamment menacée par les conflits d'intérêts politiques et économiques mesquins.

Sous le hashtag #DictaduraNuncaMás (plus jamais la dictature), les réseaux ont insisté sur l'importance de ne pas laisser passer les abus de pouvoir par lesquels, soutiennent-ils, les révoltes ont commencé :

“Ce mec est plus dangereux qu'Alfredo Stroessner” Diego Garcete, Conseiller de La Colmena

Sans autorisation judiciaire, dans le pur style stroniste. Chez Esso, angle rue Chili et rue Azara

Excédés par leurs élus, des militants écologistes de Sibérie en appellent à Leonardo DiCaprio

mercredi 19 avril 2017 à 18:46

Le message des militants écologistes de Krasnoïarsk à DiCaprio. Image: Vkontakte

Selon une légende populaire que de nombreux Russes ont apprise à l'école, il y a onze siècles le peuple russe invita des “conseillers” de Scandinavie pour l'aider à gouverner ses terres. La légende raconte que ces chefs tribaux connus sous le nom de “Varègues” (issus de territoires faisant aujourd'hui partie de la Suède et de la Norvège) avaient un don pour la gouvernance, apportant ainsi une aide inestimable à la Rus’ de Kiev.

Bien que l'ère des Varègues soit révolue, certains Russes cherchent aujourd'hui encore un sauveur au-delà de leurs frontières. A Krasnoïarsk, troisième plus grande ville de Sibérie, les espoirs des militants écologistes locaux reposent sur un homme : la star hollywoodienne Leonardo DiCaprio.

Afin d'attirer l'attention sur la pollution de l'air qui menace leur ville, ces militants ont récemment déployé dans Krasnoïarsk plusieurs grandes bannières à l'effigie du beau Leonardo, avec un message en forme d'appel désespéré : “Leo, délivre Krasnoïarsk du charbon !”

Il ne s'agit là que du coup publicitaire le plus récent d'une campagne contre les centrales électriques de la région qui dure depuis des années. Le mois dernier par exemple, des citoyens ont manifesté pour exiger que les centrales abandonnent le charbon au profit du gaz naturel, ce qui, les écologistes l'espèrent, permettrait de réduire la pollution de l'air.

Fondateur d'une réserve naturelle pour animaux en 1998 et ambassadeur des Nations Unis pour la lutte contre le changement climatique, Leonardo DiCaprio est mondialement connu pour son engagement en faveur de l'environnement. Lorsqu'il s'est vu remettre l'Oscar l'an dernier, il a consacré une grande partie de son discours de remerciement aux problèmes climatiques.

Le message des militants écologistes sibériens à DiCaprio s'inscrit dans un contexte plus large où ceux-ci, après des années passées à harceler les autorités locales en vain, tentent de faire le buzz en ligne afin d'attirer l'attention sur leur combat, en utilisant, dans ce cas précis, l'aura d'une célébrité connue de tous.

Le chercheur Ethan Zuckerman (co-fondateur de Global Voices) a développé “La Théorie du chat mignon de l'activisme numérique” selon laquelle il existe, quelque part au milieu des photos d'adorables chatons et des selfies autour d'un brunch, un espace où de nouvelles formes d'activisme social peuvent prospérer.

Que des militants écologistes déploient dans Krasnoïarsk des bannières adressant un message à Leonardo DiCaprio ne permet pas de faire directement pression sur les élus locaux ; toutefois, ce coup de pub peut attirer leur attention indirectement, et peut-être plus efficacement qu'une traditionnelle manifestation devant l'hôtel de ville.

La difficile transition de l'écran vers la rue est un problème typique de l'activisme numérique. Aussi improbable que cela puisse paraître, ce qui aiderait le plus la campagne de Krasnoïarsk serait que DiCaprio lui-même évoque la situation de la ville.

En attendant, les internautes russes s'amusent déjà beaucoup avec l'étrange appel de Krasknoïarsk. “Mieux vaut demander de l'aide à Chuck Norris, Leo ne peut s'occuper que des nids-de-poule” est une plaisanterie populaire chez certains. D'autres, faisant preuve d'une impressionnante connaissance de la filmographie de DiCaprio, ont déclaré en commentaires “[qu’] ils vont appeler Tarantino à l'aide pour les combats de rue.”

En Italie, des manifestations populaires sauvent des centaines d'arbres de l'abattage pour la construction d'un gazoduc

mercredi 19 avril 2017 à 11:34
Des oliviers centenaires. Photo: Alessandra Tommasi

Des oliviers centenaires. Photo: Alessandra Tommasi

Ce billet est basé sur un article écrit par Rachel Hubbard pour 350.org, une organisation qui crée un mouvement climatique mondial. Il est publié ici dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Au Salento, au bout du talon méridional de l'Italie, les communautés locales ont remporté récemment une petite mais importante victoire dans leur campagne contre le Trans Adriatic Pipeline (gazoduc trans-adriatique, TAP), qui devait transporter du gaz de l'Azerbaïdjan à l'Italie.

La construction prévue aurait vu la disparition d'oliviers séculaires pour faire place au gazoduc, mais suite à de vives protestations, le chantier a été suspendu au début du mois d'avril.
Le méthanoduc TAP et le Southern Gas Corridor sont les plus importants projets de combustibles fossiles poursuivis par l'Union Européenne. Ils sont destinés à amener des milliards de mètres cubes de gaz vers l'Europe – ce qui les rend incompatibles avec les engagements climatiques de l'Union. Selon un rapport de Oil Change International, les opérations de production de combustibles fossiles contiennent déjà plus de carbone que ce qui peut être libéré pour maintenir la hausse de la température mondiale dans les limites que l'Europe et les gouvernements du monde entier ont acceptées dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat. Cela signifie qu'il n'y a plus de place pour de nouveaux projets de combustibles fossiles, et certainement pas pour une infrastructure de cette échelle, qui vise à accroitre massivement le marché du gaz en Europe.
Le point d’arrivée du gazoduc se trouve dans la belle ville balnéaire de San Foca. Les adversaires du projet craignent que la construction du gazoduc et d'un terminal méthanier ne nuisent considérablement au paysage et au littoral locaux.

Malgré les impacts climatiques prévus du projet et les objections des populations ainsi que des politiciens locaux, le gouvernement italien veut le faire avancer.

Réunion publique à côté du chantier à San Foca. Photo: Alessandra Tommasi

Réunion publique à côté du chantier à San Foca. Photo: Alessandra Tommasi

Le 20 mars, les enchères ont monté lorsque la société constructrice du gazoduc – sans avoir d'autorisation de travaux – comme ont fait savoir [it] les maires locaux et le président de la région des Pouilles – a commencé à déraciner des centaines d'oliviers séculaires près de la commune rurale de Melendugno. Ces arbres sont essentiels aux moyens de subsistance de beaucoup de gens. Non seulement cela, mais ils sont aimés par la population locale et sont séculaires (certains auraient plus de mille ans).

La résistance locale s'est intensifiée et chaque jour, des centaines de personnes se sont rassemblées sur le site pour s'opposer pacifiquement à la construction du gazoduc. Le maire local a réussi à faire intervenir le préfet de la région pour demander à l'entreprise d'arrêter les travaux pendant trois jours, le temps de clarifier la question des permis.

Les gens de Melendugno protègent les oliviers contre le gazoduc Trans Adriatique. Photo: Alessandra Tommasi

Les gens de Melendugno protègent les oliviers contre le gazoduc Trans Adriatique. Photo: Alessandra Tommasi

Après la pause de trois jours, la question des permis n'était toujours pas été résolue et les travaux ont repris. L’État a envoyé la police défendre les intérêts de l'entreprise gazière, bousculant la foule avec des boucliers et des matraques pour permettre de continuer à arracher les arbres. On signale que des manifestants ont été blessés.

Au cours de ces quelques jours, de nombreux arbres ont été déracinés et enlevés, un spectacle déchirant pour de nombreux habitants.

Entre-temps, les arbres de cette image ont été déracinés Photo: Alessandra Tommasi

Les arbres de cette image ont été déracinés depuis Photo: Alessandra Tommasi

Mais les manifestants n'ont pas cédé. Des réunions publiques ont eu lieu régulièrement, rassemblant 500 à 1 000 personnes. La campagne a fait la manchette dans la presse italienne, des actions et des messages de solidarité ont été envoyés par des groupes depuis Milan, Bologne et Rome.

Les manifestations ont commencé à attirer l'attention des médias nationaux et internationaux, les rassemblements quotidiens sur le site ont attiré de plus en plus de monde et une nuit, les manifestants ont construit des barricades en béton pour empêcher les véhicules d'accéder au site.

Les résidents locaux ont construit des barricades pour bloquer les travaux du gazoduc. Photo: Alessandra Tommasi

Les habitants locaux ont construit des barricades pour bloquer les travaux du gazoduc. Photo: Alessandra Tommasi

Au début d'avril, l'enlèvement des arbres a été suspendu en raison des barricades et de l'importance des manifestations. Il reste une toute petite chance maintenant pour que les arbres restants soient épargnés. Dans quelques semaines, la saison de croissance commence et les arbres doivent rester pendant l'été.

Les rassemblements quotidiens et les réunions publiques se poursuivent. Personne ne sait ce qui se passera ensuite, mais le comité “No -TAP” local est déterminé à stopper complètement le gazoduc. Ils estiment qu'il s'agit d'un projet inutile, d'autant plus que la demande de gaz diminue en Europe, et qu'il est antidémocratique car imposé par le gouvernement contre la volonté des populations locales. Ils soutiennent également que cela causera dans la région de vastes dégâts économiques et environnementaux irréparables.

Leur message est “né qui né altrove” – ​​”Pas de TAP, ni ici ni ailleurs”.

On peut suivre leur campagne sur Twitter sous le hashtag #NoTAP. Le comité organisateur local est sur Twitter @no_tap et sur Facebook @MovimentoNoTAP. Pour en savoir plus sur le TAP, aussi dit Euro-Caspian Mega Pipeline, on peut voir le web-documentaire Walking the Line réalisé par les groupes de mobilisation Counter Balance, Platform London et Re: Common.

Un projet collaboratif cartographie les zones les plus vulnérables pour améliorer les interventions d'urgence

mercredi 19 avril 2017 à 11:31

Examen des soumissions au serveur sur le terrain. CC-BY David Luswata.

En cas de catastrophe, la possibilité de se fier à des informations précises peut faire toute la différence pour les équipes de secours. Savoir où les gens vivent, connaître les meilleures routes d'accès et d'évacuation ainsi que les locations d'eau et d'autres produits de première nécessité sont d'une importance vitale pour ceux qui se battent pour sauver des vies.

Malheureusement, les populations vulnérables, en particulier dans les zones rurales, vivent généralement dans des régions qui n'ont pas été convenablement cartographiées.

Le projet libre et collaboratif Missing Maps [Cartes manquantes, NdT] veut justement combler ces lacunes. Missing Maps travaille main dans la main avec la plate-forme OpenStreetMaps pour rassembler les données récoltées par des bénévoles contribuant à distance, des représentants de communautés sur le terrain et des organisations humanitaires.

Des bénévoles du monde entier participent en examinant les images satellites pour identifier et cartographier les bâtiments, les routes et autres points de repères. Ils peuvent le faire pendant leur temps libre ou dans le cadre de “mapathons” organisés par Missing Maps. Les informations initiales peuvent ensuite être vérifiées par des groupes sur le terrain en contact avec les représentants locaux.

L'une des campagnes les plus importantes de Missing Maps eut lieu au Sierra Leone, au Libéria et en Guinée et permit la cartographie plus de sept mille communautés [anglais] sévèrement touchées par la dernière épidémie d'Ebola. Maintenant, les organisations humanitaires ont accès aux noms et locations exactes de ces villages, ce qui pourrait jouer un rôle majeur dans la réponse à une prochaine crise.

Région cartographiées et communautés visitées pour une évaluation rapide suivie d'une cartographie détaillée. CC-BY Croix rouge américaine.

En Turquie, jusqu'où ira la machine à exclure ?

mercredi 19 avril 2017 à 11:16

Le palais présidentiel Ak Saray à Ankara. Creative Commons. photo de l'auteu Ex13.

“Ce pays est coupé en deux comme une pastèque”, ne cessait de répéter le commentateur politique Hasan Celik* dans une émission en direct de Kanal D, alors que filtraient les résultats du référendum constitutionnel contesté du 16 avril.

Ils montraient initialement une victoire indubitable du ‘Oui’ dans un vote destiné à accorder de vastes nouveaux pouvoirs à la fonction présidentielle jusque là honorifique actuellement occupée par le Président Recep Tayyip Erdogan. A la fin d'une longue nuit la marge s'était significativement rétrécie, et les dénonciations d'irrégularités dans le scrutin allaient bon train.

D'après le décompte provisoire, le ‘Oui’ ne l'a emporté qu'avec 51,3 % des voix.

Les modifications constitutionnelles adoptées dimanche donneront au président [qui sera élu en 2019] la faculté de dissoudre le parlement et de nommer les ministres et autres hauts-fonctionnaires sans procédure de contrôle. Il peut nommer la moitié de tous les magistrats supérieurs, pourra convoquer des référendums, déclarer l'état d'urgence et légiférer par décrets. [Et il reste dès à présent le chef en titre du parti dirigeant.] Elles marquent la fin de la république parlementaire en Turquie.

M. Erdogan a lancé sa campagne au milieu d'un état d'urgence motivé par le putsch manqué de l'été dernier. Un cadre dans lequel les hommes politiques d'opposition et les médias inamicaux tombent sous le coup d'enquêtes criminelles.

Le ‘Oui’ l'a emporté dans le pays profond, mais a été devancé par le ‘Non’ dans les principales villes, Ankara, Istanbul et Izmir, mettant en lumière une contestation grandissante de l'AKP (le parti Justice et Développement d'Erdogan).

Petites marges, grosses conséquences : la nouvelle Turquie

Sa majorité et jouer au dur pour l'obtenir, tels sont depuis deux ans le leitmotiv d'Erdogan et de l'AKP. En juin 2015, le parti qui domine la politique turque du XXIe siècle a subitement perdu le contrôle du parlement lorsque le Parti Démocratique des Peuples (HDP), de gauche et pro-kurde, a fait sa première entrée dans la législature à la suite d'un succès électoral inattendu.

Les quatre partis du parlement n'ont cependant pas réussi à s'entendre sur une coalition de gouvernement. Ce qui a pavé la voie à un retour aux urnes en novembre, pour lequel l'AKP a fait une campagne fondée sur la peur, avec des attaques contre la liberté de la presse et des opérations militaires lancées par le gouvernement dans le sud-est du pays à population kurde. Le parti récupéra sa majorité.

Après le référendum de dimanche, même des adhérents de l'AKP se sont dits surpris par des résultats aussi étriqués.

‘Les résultats ne sont pas ce que nous attendions’ dit le vice-premier ministre Vesi Kaynak

Erdogan gagne le référendum, mais perd les 3 grandes villes de Turquie, dont Istanbul, pour la 1ère fois depuis 2002

Pourtant, dans leurs discours de victoire, ni l'actuel Premier Ministre Binali Yildirim — dont le poste va disparaître sous l'effet de la réforme constitutionnelle — ni le Président Recep Tayyip Erdogan n'ont accordé d'attention aux 48 et quelques pour cent d'électeurs qui ont voté contre les amendements.

Les irrégularités font sortir l'opposition

Les deux hommes ont de même passé sous silence les irrégularités signalées qui ont entaché le vote.

Cette vidéo a été abondamment diffusée sur les plates-formes de réseaux sociaux, et a même été montrée sur une des chaînes turques de télévision qui suivaient en direct les résultats électoraux.

Autre polémique, le Haut Conseil électoral turc a transgressé une règle importante en autorisant les scrutateurs à prendre en compte les bulletins non tamponnés, une entorse à la pratique électorale habituelle.

Le président du Haut Conseil électoral de Turquie dit qu'ils ont validé les bulletins non tamponnés, qui sont normalement jetés, pour refléter la volonté des votants

A la suite de ces irrégularités et d'autres encore, les partis d'opposition ont contesté les résultats du scrutin, phénomène quasi sans précédent dans l'histoire contemporaine de la Turquie.

Ni le CHP ni le HDP, 2e et 3e plus grands partis de Turquie, n'ont reconnu les résultats. C'est la première fois en 70 ans que cela arrive à juste raison

Vers 23 heures (heure locale), les plates-formes de journalisme citoyen ont commencé à partager des vidéos de ce qui paraissait être des actions de protestations de voisinage  organisées dans les quartiers de Kadikoy, Moda, Besiktas et Cihangir à Istanbul.

Un bruit familier se faisait aussi entendre ailleurs : les concerts de casseroles popularisés par le mouvement de contestation de Gezi en 2013, qui avait dressé la scène d'une nouvelle opposition concertée au règne d'Erdogan.

“Trouvant douteux” les résultats du référendum, les citoyens de Besiktas ont également commencé à se rassembler.

Le Président Erdogan est resté inébranlable, signalant que l'une de ses premières décisions de président renforcé serait la réinstauration de la peine capitale, lors d'un discours au balcon qui a semblé éloigner encore davantage Ankara de son objectif officiel d'adhésion à l'Union Européenne.

Erdogan dans son discours de ‘victoire’ a eu une unique promesse pour la Turquie : rétablir la peine de mort.
Par où commencer ?
Tellement il veut en tuer ?

Le résultat du scrutin a causé consternation et joie en mesures presque égales. Mais le consensus est général sur un point : à quel point la Turquie a changé en l'espace d'un petit nombre d'années.

Pendant que nous digérons les résultats du référendum, n'oublions pas : 153 journalistes vont passer une nuit de plus derrière les barreaux en Turquie. #Libérez les journalistes de Turquie

* Une version antérieure [en anglais] de cet article indiquait que les propos de Hasan Celik avaient été tenus sur CNN Turk. Celik est bien un présentateur de CNN Turk, mais il a tenu ces propos sur Kanal D où il apparaissait comme analyste invité.