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Brésil : en cette période politique agitée, le droit de manifester dans les universités est menacé

mercredi 7 novembre 2018 à 03:01

Parmi les actions menées dans les universités de Paraíba, la saisie d’une banderole revendiquant « plus de livres, moins d’armes » | Photo : Reproduction/GloboNews

Dès le lendemain de l’élection du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro [fr], du Parti social libéral, les universités ont été le théâtre de manifestations à l'encontre ou en faveur du nouveau président du Brésil. Synthétisant bien ainsi les clivages qui divisent actuellement le pays.

À l’Université de São Paulo, un évènement qui promettait de réunir 2800 partisans de Bolsonaro n’en a rassemblé qu'une vingtaine. Des suspicions de débordements dans l’établissement ont provoqué l'intervention de la police. À l’Université de Brasília, une manifestation qui avait débuté « contre le communisme » a fini par se transformer en marche « contre le fascisme », par réaction d’autres étudiants. À Juiz de Fora, dans l’état de Minas Gerais, la police locale est également intervenue après qu’un étudiant de l’université a envoyé des messages audio sur WhatsApp dans lesquels il disait qu’il « allait tirer (…) sur tous ceux qui lui mettraient la rage ».

La semaine précédant les élections, les établissements d’enseignement supérieur avaient déjà fait l'objet d’actions judiciaires controversées, autorisées par la justice électorale. Dans plusieurs universités publiques réparties dans tout le pays, du matériel a été saisi comme des banderoles et des drapeaux, et des conférences en faveur de la démocratie et contre le fascisme ont été interdites. Officiellement, il s’agissait d’empêcher une propagande politique illégale, les juges électoraux ayant bien compris que la teneur des manifestations portait tort à Bolsonaro.

Le futur président, alors qu'il était candidat, a même déclaré en direct sur les réseaux sociaux que « l’université n’est pas un endroit pour manifester », comme le rapporte la Folha de São Paulo :

“A universidade não é lugar disso mas, se querem fazer um ato desse, os dois lados têm que ter o direito de fazer”, disse, acusando que seus apoiadores não sejam autorizados a protestar.

(…)

Há relatos de ao menos 30 instituições de ensino alvos de operações desde o início da semana, a maioria sob a justificativa de coibir propaganda eleitoral irregular. Os críticos da atuação dos órgãos oficiais apontam censura.

« L’université n’est pas l’endroit pour ça, mais, s'ils veulent le faire, les deux partis doivent avoir le droit de le faire », a-t-il déclaré, regrettant que ses partisans n’aient pas l’autorisation de manifester.

(…)

On rapporte qu’au moins 30 établissements d’enseignement supérieur ont été la cible d’opérations de ce type depuis le début de la semaine, la plupart dans le but d’empêcher la propagande électorale illégale. Les opposants à ces agissements des organes officiels, eux, parlent de censure.

Les actions

À Rio de Janeiro les opérations ont eu lieu dans trois universités. Dans deux d’entre elles, à l’Université Fédérale Fluminense (UFF) et à l’Université d'État de Rio de Janeiro (UERJ), le motif a été le retrait de banderoles aux slogans « antifascistes » sur ordre du Tribunal régional électoral de Rio de Janeiro (TRE-RJ).

Le Directeur du cursus de Droit de l'UFF peut se faire emprisonner si la banderole contre le fascisme n'est pas retirée de l'Université.

À l’Université de Campina Grande (UFCG), dans l’état du Pernambuco, des policiers fédéraux ont saisi des tracts intitulés « Manifeste en défense de la démocratie et de l’université publique ». Dans les Universités fédérales de Grande Dourados (UFGD) et de Rio Grande do Sul (UFRGS), deux conférences qui devaient parler de « fascisme » et de « défense de la démocratie » ont elles aussi été interdites sur décision judiciaire.

Au Pará, dans le nord du pays, un professeur s’est retrouvé devant des policiers armés, sur le campus de l’Université de l’État du Pará (UEPA), après qu’une élève, fille de policier, ait dénoncé le fait qu’il parlait de fake news. L’universitaire, Mário Brasil Xavier, a été menacé d'emprisonnement.

Pas moins de 20 interventions se sont produites la même journée, suscitant des doutes sur leur éventuelle orchestration. Dans un reportage, The Intercept Brasil indique :

Um levantamento inédito feito pelo Intercept revela que, desde 2011, pelo menos 181 professores universitários se tornaram alvo de ações como fiscalização de aulas, censura, investigações criminais, conduções coercitivas, ações judiciais, sindicâncias, demissões, perseguições, exposição na internet até ameaças de morte. Foram 12 ocorrências em instituições particulares, 54 em estaduais e 115 em federais envolvendo 101 homens e 80 mulheres. Com as eleições, no entanto, a perseguição atingiu outro patamar.

Em uma ação aparentemente orquestrada, pelo menos outras 20 universidades passaram por situações parecidas nesta quinta-feira – a justiça eleitoral, em conjunto com a polícia, determinou a apreensão de materiais supostamente ligados à campanha eleitoral,ainda que não mencionassem partidos, siglas ou candidatos.

Une enquête inédite menée par Intercept révèle que depuis 2011, pas moins de 181 professeurs d’université ont été victimes d’opérations telles que la surveillance de leurs cours, la censure, des enquêtes criminelles, des mesures coercitives, des actions judiciaires, syndicales, des démissions, des persécutions, l’exposition sur internet et même des menaces de mort. Douze de ces cas se sont produits dans des établissements privés, 54 dans des établissements d'état et 115 dans des établissements fédéraux, et ont impliqué 101 hommes et 80 femmes. Avec les élections, les persécutions ont pris une nouvelle dimension.

Dans une opération apparemment très bien orchestrée, pas moins de 20 autres universités ont eu à subir des situations similaires ce jeudi – la justice électorale, en collaboration avec la police, a saisi du matériel prétendument lié à la campagne électorale, même s’il ne mentionnait aucun parti politique, sigle ou candidat.

Les réactions

La Procureure Générale de la République a tout de suite saisi le Tribunal Suprême Fédéral (STF) afin de protéger la liberté d’expression dans les universités. Le ministre Marco Aurélio de Mello a qualifié cette ingérence « de déplacée ».

La veille des élections, la ministre du STF, Cármen Lúcia, ex-présidente de la Cour Suprême, a suspendu les décisions judiciaires ou administratives afin de prévenir d’éventuelles manifestations dans les universités. Dans un extrait de la décision, elle souligne que :

Daí ali ser expressamente assegurado pela Constituição da República a liberdade de aprender e de ensinar e de divulgar livremente o pensamento, porque sem a manifestação garantida o pensamento é ideia engaiolada.
Também o pluralismo de ideias está na base da autonomia universitária como extensão do princípio fundante da democracia brasileira, que é exposta no inc. V do art. 1o. da Constituição do Brasil.
Pensamento único é para ditadores. Verdade absoluta é para tiranos. A democracia é plural em sua essência. E é esse princípio que assegura a igualdade de direitos individuais na diversidade dos indivíduos.

La Constitution de la République garantit expressément la liberté d'apprendre, d'enseigner et de diffuser librement la pensée, car sans une garantie du droit de manifester, la pensée reste une idée emprisonnée.
Le pluralisme des idées est aussi à la base de l'autonomie de l'université en tant qu'extension du principe fondateur de la démocratie brésilienne, qui est exposée dans la sous-section V de l’article 1er de la Constitution brésilienne.
La pensée unique est pour les dictateurs. La vérité absolue est pour les tyrans. La démocratie est dans son essence plurielle. Et c’est ce principe qui garantit l’égalité des droits individuels au sein de la diversité des individus.

Le combat entre les deux camps qui déchirent le Brésil peut durer encore bien longtemps. Jair Bolsonaro est un fervent partisan du projet intitulé « École sans parti » qui, sous prétexte d’interdire un prétendu endoctrinement idéologique de gauche dans l’éducation, impose une ligne conservatrice à droite.

L'un des cas les plus connus de poursuites judiciaires engagées contre des professeurs sur la base de ce projet a été rappelé le lendemain de sa victoire. Ana Campagnolo, récemment élue députée de l’état de Santa Catarina, a incité les étudiants à dénoncer leurs professeurs en fournissant le « nom de l’enseignant, de l'établissement et de la ville ». Le journal Estado de São Paulo explique :

Na publicação deste domingo, Campagnolo diz que “amanhã é o dia em que os professores e doutrinadores estarão inconformados e revoltados”. “Muitos deles não conterão sua ira e farão da sala de aula um auditório cativo para suas queixas político partidárias em virtude da vitória de Bolsonaro. Filme ou grave todas as manifestações político-partidárias ou ideológica”, diz a imagem.
Na legenda, ela afirma ainda que “professores éticos e competentes não precisam se preocupar”. E faz uma ponderação para que vídeos de outros Estados não sejam mais enviados para o seu número, alegando que isso já estava sendo feito na noite de domingo. “Não temos como administrar tantos conteúdos. Alunos que sentirem seu direitos violados podem usar gravadores ou câmeras para registrar os fatos”, orienta.

Dans l’édition de ce dimanche, Campagnolo déclare que « demain, les professeurs, les endoctrineurs vont être désespérés et révoltés». « Beaucoup d’entre eux vont donner libre-cour à leur colère et transformer leur salle de classe en auditoire attentif à leurs doléances politiques partisanes après la victoire de Bolsonaro. Filmez ou enregistrez toutes les manifestations politico-partisanes ou idéologiques », dit-elle à l'écran.
Dans les commentaires, elle affirme encore que les « professeurs éthiques et compétents n’ont pas de soucis à se faire ». Et elle demande ensuite que les vidéos en provenance d’autres états ne soient plus envoyées à son numéro, prétendant que c'était déjà le cas dans la nuit de dimanche. « Nous n’avons pas les moyens de gérer autant de contenus. Les élèves qui ont le sentiment que leurs droits ont été violés peuvent utiliser des enregistreurs ou des appareils photos pour consigner les faits », conseille-t-elle.

En 2017, Campagnolo a intenté un procès à une professeure de son master pour avoir donné des cours sur le féminisme, prétextant qu’elle s’était sentie « gênée » en tant que chrétienne. La professeure a reçu des marques de soutien de diverses institutions et le procès a finalement été jugé infondé par la Justice. La future députée, pourtant, a fait appel de la décision.

Interviewé par le site Nexo, avant les élections, le professeur Luiz Araújo, de la faculté d’éducation de l’université de Brasilia, a déclaré que « les gens avaient peur » et que cela s'avérait être « le pire ennemi » :

Em Pernambuco, um bispo católico foi notificado para que se abstivesse de fazer propaganda eleitoral na Igreja. O poder público não pode dizer o que ele pode ou não falar na igreja. E tem de ter isonomia nesse tratamento, pois não vi nenhuma igreja evangélica recebendo esse tratamento, apesar das campanhas ostensivas que elas têm feito. Nenhuma delas foi fechada. Então há também uma escolha de alvos, não é uma repressão generalizada. (…) São dois pesos e duas medidas. Tem um empoderamento das visões conservadoras dentro do aparato do Estado muito, muito perigosa.

Au Pernambuco, un évêque catholique a été averti qu'il devait s’abstenir de faire de la propagande électorale au sein de l’église. Les pouvoirs publics n’ont pas à se prononcer sur ce qui peut se dire ou non dans l’église. Il [l’évêque] doit en avoir des insomnies, parce que je n’ai vu aucune église évangélique recevoir ce traitement, malgré les campagnes ostensibles qu’elles ont menées. Aucune d’elles n’a été fermée. Il y a donc aussi un choix de cibles, ce n’est pas une répression généralisée. (…) Il y a deux poids, deux mesures. On observe une montée en puissance des visions conservatrices à l’intérieur même de l’appareil de l’état et c’est très très dangereux.

 

Les tableaux de l'ambassadeur indien en Croatie, des cadeaux d'adieu très commentés dans les médias

mardi 6 novembre 2018 à 13:07

La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović et l'ambassadeur de l'Inde Sandeep Kumar. Photo: Ambassade de l'Inde à Zagreb, publiée sur Facebook.

L'ambassadeur indien Sandeep Kumar a fait ses adieux aux représentants du gouvernement de la Croatie en faisant cadeau de quelques-unes des peintures qu'il a réalisées pendant ses trois en poste dans le pays.

Ce don inusité, qui a créé des turbulences sur les médias sociaux, a été révélé en premier par un statut Facebook de l'Ambassade de l'Inde à Zagreb, le 31 octobre 2018.

During farewell calls, Amb presented paintings done by him on various Cro themes including Parl Elections; Agrokor Crisis; Zagreb Cathedral ⛪; Croatian FIFA 2⚽18 success journey; Cro landscapes 🛶 & portrait of Cro President. – “Soft Power” diplomacy to capture minds and hearts! 💓

Lors de ses visites d'adieu, l'Ambassadeur a présenté les peintures qu'il a réalisées sur divers thèmes croates : les élections parlementaires, le scandale Agrokor, la cathédrale de Zagreb ⛪, le voyage triomphal de la Croatie à la FIFA 2⚽18, les paysages de Croatie 🛶 & le portrait de la présidente croate. – Diplomatie de “Soft Power” pour conquérir les cœurs et les esprits ! 💓

La plupart des tableaux dépeignaient des événements marquants des dernières années en Croatie et des monuments qui avaient fait impression sur l'ambassadeur.

Ainsi, il a offert une peinture titrée “Élections 2016″ au Premier Ministre croate Andrej Plenkovic. Dans un entretien avec N1 TV, M. Kumar a expliqué qu'il avait voulu montrer de la Croatie la stabilité de son processus politique avec un peuple “qui vote et marche vers une nouvelle Croatie, et non vers l'ex-Yougoslavie”.

L'ambassadeur indien Sandeep Kumar (à gauche) et le premier ministre croate Andrej Plenković (à droite). Le texte en croate sur le tableau signifie “Mon choix, ma vie”. Photo: Ambassade de l'Inde à Zagreb, publiée sur Facebook.

Comme œuvre d'art abstrait, les interprétations sont ouvertes. Un commentaire du site web Total Croatia News l'a trouvée “réaliste puisqu'elle montre comment se font les élections en Croatie – dans le chaos”.

Une autre peinture inspirée par l'actualité est appelée “L'affaire Agrokor”, offerte au ministre croate de l’Économie, des entreprises et de l'artisanat Darko Horvat. Agrokor est un conglomérat agro-alimentaire qui a connu une expansion au-delà des frontières mais s'est trouvé en cessation de paiements en 2017. Comme il était jugé ‘trop important pour faire faillite’, le gouvernement a fait jouer une loi spéciale pour tenter de renflouer l'entreprise. Son équipe dirigeante a été poursuivie au pénal pour faux en écritures comptables, escroquerie et abus de position dominante.

Agrokor, Darko Horvat, and Indian Ambassador Sandeep Kumar

Le ministre croate de l’Économie, de l'entreprise et de l'artisanat Darko Horvat (à gauche) et l'ambassadeur indien Sandeep Kumar (à droite). Photo: Ambassade de l'Inde à Zagreb, publiée sur Facebook.

M. Kumar a expliqué que les craquelures sur le tableau (comme sur un miroir fendu) symbolisaient les effets du scandale sur l'économie croate.

Une peinture beaucoup plus consensuelle a été offerte au directeur de l'équipe nationale croate de football Zlatko Dalić. Elle décrit le succès de l'équipe à la Coupe du monde de la FIFA en Russie pendant l'été 2018.

Le coach de l'équipe nationale croate de football Zlatko Dalić reçoit la peinture intitulée “Vous êtes notre or” de l'ambassadeur indien Sandeep Kumar. Photo: Ambassade de l'Inde à Zagreb, publiée sur Facebook.

Plusieurs organes de médias croates ont écrit sur ces tableaux offerts. Leur ton quant au geste de M. Kumar a été tout à fait positif. Un article publié par le journal Jutarnji list a noté que pendant l'exercice de ses fonctions, l'ambassadeur s'est fait remarquer comme un sportif enthousiaste passionné de musculation et de yoga ; et aussi comme un mécène qui fréquentait les musées locaux et collectionnait des peintures d'artistes croates.

Mais quelques articles ont aussi fait apparaître des commentaires sarcastiques de lecteurs sur les peintures offertes, surtout à propos du portrait de la présidente.

Quand tu regardes [la photo] sur eBay et quand tu reçois le produit réel d'eBay.

Des médias ont publié des articles avec des des titres comme “Kolinda a reçu son portrait en cadeau : les Twittos se demandent ce qui est le plus drôle, le tableau ou la mimique de la présidente” et “Méconnaissable : regardez comment l'ambassadeur de l'Inde a peint Kolinda.”

Dans son entretien avec N1 TV, M. Kumar a remercié tous les Croates qui lui ont offert tant d'amour, d'affection et de générosité d'esprit :

I know in my future post when the going gets difficult for me, all I have to do is to look at Croatia and I know my heart will be filled with inspiration and with joy.

Je sais que dans mon prochain poste, quand surviendront les difficultés, je n'aurai qu'à regarder la Croatie et mon cœur se remplira d'inspiration et de joie.

Supporters de foot, bibliophiles, et bien d'autres : les multiples visages de la résistance brésilienne

lundi 5 novembre 2018 à 19:54

Les femmes ont défilé contre Bolsonaro à Rio de Janeiro avant les élections. Photo: Tânia Rêgo, Agência Brasil

Il est probable que tout ce que vous avez lu sur le Brésil ces derniers jours concernait le président-élu Jair Bolsonaro, un ancien capitaine de l'armée et député qui exprime publiquement des opinions homophobes, misogynes et racistes, préconise la violence contre ses opposants et menace la presse.

Ce que vous n'avez peut-être pas lu, par contre, ce sont les différents moyens trouvés par les Brésiliens pour exprimer leur opposition à Bolsonaro — et comment ils unissent leurs forces pour résister à ce que réservent les quatre prochaines années.

Dans un entretien avec le journal Valor, le politologue Wanderley Guilherme a proposé un front non partisan face au nouveau gouvernement :

O país não é fascista. Pode ser conservador e ter um conceito limitado da democracia, mas fascista não é. Vamos ter muitos motivos de continuada intranqüilidade social. Esta eleição não vai acabar. Agora é que vai começar porque os conflitos não vão ser resolvidos. Não tem nada que permita antecipar que essa polarização vá diminuir. Muito pelo contrário.

Le pays n’est pas fasciste. Il peut être conservateur et avoir une conception limitée de la démocratie, mais fasciste, il ne l'est pas. Nous allons avoir de nombreux motifs d'agitation sociale continue. Cette élection ne va rien finir. Elle ne fait que commencer parce que les conflits ne seront pas résolus. Il n'y a rien qui permettre d'anticiper une baisse de cette polarisation. Bien au contraire.

Nous avons listé ici quelques-uns des titres qui ne sont pas arrivés jusqu'aux médias internationaux.

La révolte des femmes

Le prochain Congrès du Brésil comptera 51 pour cent de femmes en plus– elles ne représentent toujours que 15 pour cent du total des sièges — et nombreuses sont celles qui ont juré de muscler l'opposition à Bolsonaro.

Parmi elles, Joênia Wapixana, élue députée fédérale par le parti de centre gauche et écologiste Rede. Elle est la seconde personne indigène à jamais avoir été ékue au Congrès National, et la première femme indigène à devenir avocate au Brésil.

Aussi élue députée fédérale, Taliria Petrone est une féministe noire, professeure et militante, qui a été amie d'enfance, collègue conseillère municipale et membre du parti de Marielle Franco, la femme politique de Rio de Janeiro assassinée en mars. Dans la foulée du meurtre de Marielle, qui reste non élucidé, Talita a reçu des menaces de mort.

Elles rejoindront Tabata Amaral, dont le périple des banlieues de São Paulo à deux fois diplômée avec les honneurs de Harvard, en astrophysique et en science politique, a inspiré de nombreuses filles au Brésil. A seulement 24 ans, Tabata est la fondatrice d'un mouvement d'éducation qui vise à engager les élèves d'écoles secondaires dans la politique. Elle a été élue députée fédérale.

Fernanda Melchionna, une ancienne conseillère municipale dans la ville méridionale de Porto Alegre, est également en route pour un siège à la Chambre des députés. En 2012, elle avait prononcé un discours mémorable à la législature locale après que ses collègues hommes ont tenté de lui faire la leçon sur sa tenue vestimentaire.

Football et démocratie

Peu de gens semblent le savoir, mais les premiers soutiens du mouvement #PasLui (#EleNão) furent les supporters de football. Ils ont commencé à s’y rallier en septembre, à la suite de deux gros soutiens à Bolsonaro, par de célèbres footballeurs et quand des supporteurs ont fait écho dans les stades aux diatribes homophobes du capitaine de parachutistes.

C'est à peu près à ce moment que l'une des plus grandes associations de supporters du Brésil, “Gaviões da Fiel”, a pris officiellement position contre Bolsonaro. Leur club Corinthians, de la ville de São Paulo, a une tradition de résistance : ses joueurs ont mené un mouvement pour la démocratie au plus fort de la dictature militaire brésilienne dans les années 1970, appelé Corinthians Démocratie. Lors de la transition du Brésil vers la démocratie, au milieu des années 1980, ce mouvement a été pionnier dans la défense d'une amnistie pour tous les prisonniers politiques.

La note de “Gaviões” sur Bolsonaro — qui a pavé la voie à d'autres associations footballistiques qui n'ont pas tardé à lui emboîter le pas, disait :

É importante deixar claro a incoerência que há em um Gavião apoiar um candidato que não apenas é favorável à ditadura militar, pela qual nascemos nos opondo, mas que ainda elogia e homenageia publicamente torturadores, que facilmente poderiam ter sido os algozes de nossos fundadores.

Il est important de souligner l'incohérence d'un “Gavião” appuyant un candidat qui non seulement est favorable à la dictature militaire, à laquelle nous sommes opposés de naissance, mais qui continue à vanter et à publiquement honorer les tortionnaires, qui auraient facilement pu être les bourreaux de nos fondateurs.

Le parti des livres

Tandis que Bolsonaro est un ancien capitaine de l'armée, son adversaire défait Fernando Haddad est un professeur de philosophie. En son honneur, ses partisans sont allés voter le 28 octobre en tenant des livres.

Je vais voter avec un livre

Parti voter ! La démocratie nous est très chère et il est important de la défendre avec toutes les armes, la mienne c'est le livre !

J'ai pris Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban pour voter pour le professeur Haddad, parce que c'est dans ce livre que Dumbledore dit : “On peut trouver le bonheur même dans les heures les plus sombres, il suffit de se rappeler d'allumer la lumière.” Je crois au tournant, Brésil !

Ils votent avec une arme ? Nous votons avec un livre !
Ele não!!!!
PS: J'ai persuadé ma grand-mère de 70 ans et quelque de venir voter en faveur de la démocratie alors que vous votez nul

Se donner la main

Après la confirmation de la victoire de Bolsonaro, une image a commencé à circuler sur les médias sociaux. Son message : “que personne ne lâche la main d'un autre”.

L'artiste tatoueuse Thereza Nardelli a dessiné l'affiche quelques semaines seulement avant le vote. Au site web G1, elle a déclaré que l'inspiration est venue de quelque chose que disait habituellement sa mère :

A gente atravessava um momento difícil na nossa vida pessoal, mas o país também passava por dificuldades. Aí ela virou para mim e disse, ‘ninguém solta a mão de ninguém’. 

Nous traversions un moment difficile de notre vie personnelle, mais le pays aussi passait par des difficultés. Et elle se tourna vers moi et dit “que personne ne lâche la main de personne”. 

Nous continuerons unis et unies !

La Syrie suivra-t-elle les traces des Émirats arabes unis en censurant les services VoIP ?

lundi 5 novembre 2018 à 11:00

Des millions de syriens ayant fui la guerre dépendent des applications VoIP pour rester en contact avec leurs proches. Photographie de Samer Daboul via Pexels

Cet article a été originellement écrit par Grant Baker et publié sur smex.org. Cette version revue est reproduite par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Le 17 octobre, l'Autorité syrienne de régulation des télécommunications (TRA) a annoncé qu'elle pourrait bientôt commencer à bloquer les appels vocaux et vidéo sur WhatsApp et sur d'autres services de VoIP (voix sur IP).

D'après Al-Watanle journal proche du régime syrien, la TRA a justifié cette décision en déclarant vouloir accroître les revenus de l'industrie des télécommunications. Ibaa Oueicheke, le directeur général de l'organe régulateur, s'est plaint d'une VoIP qui “réduit le retour sur investissement des entreprises [de télécommunications] et diminue leur motivation à effectuer de nouveaux investissements pour améliorer le réseau et offrir de meilleurs services à un prix inférieur.”

Comme pour d'autres gouvernements de la région et d'Afrique subsaharienne, la promesse d'une hausse des revenus des entreprises de télécommunications locales est attrayante, et ce, malgré les charges que cela imposerait aux citoyens.

Si elle est mise en place, une telle interdiction augmenterait les coûts de communications déjà onéreux du pays et réduirait les flux d'informations. Cela constituerait également une menace pour les droits des Syriens à la vie privée et conduirait probablement à une plus forte autocensure au sein du pays.

Actuellement en Syrie, deux entreprises entretiennent un duopole sur le marché des télécommunications mobiles : SyriaTel, qui appartient à Rami Makhlouf, le cousin de Bachar el-Assad, et MTN Syria, une filiale de MTN Group Limited basé en Afrique du Sud. Le régime contrôle les infrastructures et la bande passante par le biais de deux agences gouvernementales, la Syrian Computer Society (SCG) et la Syrian Telecommunications Establishment (STE). La SCG contrôle les installations 3G du pays pendant que la STE, qui a établi le premier système de surveillance national du pays en 1999, est propriétaire de toute l'infrastructure de téléphonie fixe. Cela permet aux autorités syriennes de facilement espionner les utilisateurs.

Si WhatsApp et d'autres services de VoIP cryptés venaient à être censurés, les Syriens n'auraient d'autre choix que de se tourner vers les services de télécommunications contrôlés par le régime, ce qui rendrait leurs communications privées plus vulnérables à l'espionnage gouvernemental.

Cela signifie que le gouvernement syrien pourrait facilement écouter leurs conversations et collecter les métadonnées de leurs communications. C'est un secret de polichinelle, le gouvernement achète et utilise divers outils de surveillance pour espionner ses citoyens. Il est ainsi facile d'imaginer que si les Syriens n'avaient pas d'autre choix que d'utiliser les services de télécommunications nationaux, les autorités tirerait profit d'une technologie relativement peu sécurisée pour accroître leur pratique d'espionnage de la population.

Un tel changement pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles alternatives coûteuses et dangereuses. Le gouvernement des Émirats arabes unis (EAU), qui interdit les services VoIP tels que Skype, Viber et WhatsApp, a seulement donné son aval aux deux opérateurs mobiles du pays, Etisalat et Du, pour déployer leurs propres services VoIP. Non seulement ces services coûtent de l'argent, mais le gouvernement des EAU a également accès aux métadonnées et aux informations d'appels des clients, ce qui facilite la surveillance.

Afin d'accroître leurs bénéfices, les compagnies de télécommunications syriennes pourraient déployer des prestations similaires. Les nouveaux services donneraient aux citoyens l'illusion que leurs communications sont protégées, alors qu'en réalité, elles seraient aussi vulnérables que des appels normaux.

Bien que les utilisateurs syriens puissent toujours contourner cette interdiction en téléchargeant un VPN, cela exclura ceux qui ne sont pas des passionnés de technologie et ceux qui ont des moyens financiers limités. La plupart des VPN sont payants et ceux qui sont gratuits pistent la navigation et permettent à des tiers d'accéder aux données utilisateurs, générant ainsi des vulnérabilités supplémentaires pour les utilisateurs.

Si l'organe de régulation adopte le blocage des services VoIP, la Syrie sera le dernier pays en date de la région à adopter une politique aussi restrictive. En plus des Émirats arabes unis, le Qatar bloque actuellement l'accès aux services VoIP alors que l'Arabie saoudite interdit toujours Viber et WhatsApp bien qu'elle ait assoupli ses restrictions sur l'utilisation des applications VoIP l'année dernière. D'autres pays de la région, comme le Liban et le Maroc, ont brièvement interdit l'accès au VoIP en 2010 et 2016 respectivement, mais ils ont rapidement mis fin à ces dispositions. 

Mort par bureaucratie ? Les régulateurs russes infligent une amende record au site d'informations indépendant The New Times

dimanche 4 novembre 2018 à 20:30

Yevguenia Albats est une animatrice radio, journaliste d'investigation, politologue et écrivaine russe. Son journal, The New Times, a été condamné à une lourde amende pour avoir omis de se déclarer en temps et en heure auprès de l'organe de surveillance des médias du gouvernement russe. Photo de Evgueni Isaev (CC 2.0)

[Article d'origine publié le 26 octobre] The New Times, un site internet indépendant et hebdomadaire ancien à la voix sensiblement critique, a été condamné à une amende record de 22 millions de roubles (soit 295.020€).

C'est une somme paralysante pour un petit organe de média en Russie. À titre de comparaison, MediaZona, le média de journalisme d'investigation de taille et de portée similaires au New Times, récolte un peu moins d'un million de roubles (soit 13.410€) par mois, ce qui suffit à peine pour couvrir les charges opérationnelles.

Alexeï Venediktov, le rédacteur en chef de l’Écho de Moscou, premier réseau de radio indépendant de la Russie post-soviétique, a annoncé la nouvelle sur son compte Telegram :

Журнал Нью Таймс и Евгения Альбац оштрафованы решением мирового суда на 22 миллиона рублей за несвоевременное предоставление сведений в Роскомнадзор.

Это, конечное, разорение и закрытие журнала.

[…]Информация о штрафе от адвоката журнала и Альбац Вадима Прохорова.

Le magazine The New Times et Yevguenia Albats [la rédactrice en chef du New Times] ont été condamnés par un tribunal à une amende de 22 millions de roubles  pour avoir omis de soumettre à temps un rapport au Roskomnadzor [l'organe de surveillance des médias du gouvernement russe].
Pour le journal, c'est évidemment synonyme de faillite et de fermeture imminente.

[…] J'ai appris l'existence de cette amende dans le magazine et par l'avocat de Yevguenia Albats, Vadim Prokhorov.

Alexeï Venediktov a rappelé à ses abonnés que Yevguenia Albats avait présenté lundi sur Écho de Moscou un entretien avec Alexeï Navalny, le principal militant de l'opposition russe.

The New Times a été condamné en vertu d'une loi du code administratif russe rarement utilisée et qui oblige les médias à déclarer toute source de financement étrangère auprès du Roskomnadzor, le régulateur des médias russes. Si aucune statistique de son utilisation n'est disponible, MediaZona note que de similaires infractions à la législation sur les médias ont à peine cumulé plus 7 millions de roubles (soit 93.870€) en amendes depuis 2015.

La loi exige des médias russes qui acceptent des subventions ou des dons étrangers, de déposer des rapports trimestriels auprès du Roskomnadzor — seulement parfois on ne leur laisse pas de temps pour le faire. Plus tôt dans l'année, The New Times a reçu une requête de la part du procureur général de Russie leur demandant de déclarer leur financement étranger. Cette demande a été émise le 10 mai alors que la date limite de dépôt des rapports était le 7 mai.

Instaurée à la fin 2015, la loi faisait partie d'un ensemble de mesures législatives visant les médias indépendants, les associations de la société civile et les ONG. Au sein d'une structure de régulation de plus en plus labyrinthique en Russie, il est devenu bien trop facile pour les structures d'aller à la faute sur la base du “trois fautes et vous perdez votre licence de radiodiffusion”, ou de se voir imposer des amendes pour avoir omis de préciser que l'État Islamique est une organisation terroriste interdite en Russie, à chaque fois qu'il est mentionné dans un article.

Bien que ces lois et réglementations aient été écrites dans le cadre d'un programme pour prévenir le terrorisme, l'extrémisme et d'autres crimes majeurs, l'application des règles par les autorités suggère que le journalisme indépendant aurait pu être la véritable cible : aucun média pro-Kremlin n'a ainsi été averti ou sanctionné suites à ces lois.

Lorsque tout cela est combiné à la réticence des annonceurs à acheter des encarts publicitaires dans des publications politiquement risquées, les petits médias comme le New Times, qui n'appartiennent pas directement ou indirectement au gouvernement russe, se rendent compte qu'ils sont toujours au bord du précipice.

En Russie, il reste relativement peu de moyens légaux de gagner de l'argent par la publicité ou la vente de versions papier. The New Times a arrêté sa propre version imprimée au début de 2017, faisant la transition complète vers le numérique après des problèmes continus avec la distribution. Le journal a finalement accepté des dons venant de l'étranger, ce qui le confronte désormais à une possible lent étouffement par la bureaucratie.

Et à côté de ces obstacles réglementaires, il existe un flot continu de violence, de menaces et d'intimidation à l'encontre des journalistes indépendants en Russie, à l'instar de ces effroyables “cadeaux” livrés à la porte d'un autre journal éminent, Novaïa Gazeta.