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Afrique au quotidien : La vie quotidienne en photos, à travers l'Afrique

mardi 18 février 2014 à 09:49

“Une collection d'images de la vie quotidienne sur tout le continent, mettant l'accent sur le banal et le familier. En tant que journalistes qui avons vécu ou passé beaucoup de temps sur le continent, nous trouvons que l'extrême n'est pas aussi répandu que le quotidien. -Everyday Africa (Afrique au quotidien), extrait de la page de présentation du projet

L’Afrique au quotidien est un projet élaboré en 2012 par les photographes documentaristes Peter DiCampo et Austin Merrill. Fatigués de voir les photos illustrant l'Afrique représenter toujours la famine, la guerre et la souffrance, ils ont lancé un nouveau projet pour présenter le banal, le quotidien – et la diversité – de la vie sur le continent africain.

J'ai parlé à Peter sur Skype des objectifs du projet.

Laura Morris: La page présentant Everyday Africa, l'Afrique de tous les jours, dit ceci : ‘Comment pouvons-nous identifier les extrêmes sans établir d'abord le normal”. Pouvez-vous m'expliquer cette citation ? 

Peter DiCampo: [...] C'est une déclaration qui constate la perspective unidimensionnelle que l'on nous donne de l'Afrique.

Note #1 by Peter DiCampo.

Le premier pas est…
Le premier pas est de voir la dichotomie. L'hôtel de luxe qui surplombe les taudis. Vous pouvez passer d'un camp de réfugiés à un centre commercial en quelques heures. Qu'est-ce qui est normal, qu'est-ce qui est ridicule ? Cela dépend de votre interlocuteur. La deuxième étape sera de faire comprendre qu'il ne s'agit pas du tout d'une dichotomie. Cela dépend aussi de votre interlocuteur. C'est peut-etre aussi tout simplement la vie !

Peter DiCampo: [...] Les images sur l'Afrique ne permettent pas de voir les gens comme des personnes. Elles les présentent comme des personnages d'un drame. Ainsi, certains sont-ils des soldats et d'autres des victimes de la famine, d'autres encore des victimes de conflits, mais à aucun moment il n'y a de zone grise, une reconnaissance du fait qu'il s'agit d'êtres humains à tous les points de vue, tout comme le reste d'entre nous, qui ont des espoirs, des besoins de prendre un petit déjeuner,  des enfants, etc. Elles ne montrent pas que les gens que nous voyons habituellement dans ces situations de conflit, dans ces situations extrêmes, sont beaucoup plus que ce que les images laissent croire.

Il y a plein de citations sur, entre guillemets, des gens ‘normaux” qui ne sont jamais tout simplement photographiés, ou ne nous sont jamais présentés, parce que pour nous, seules les situations extrêmes comptent.

Une jeune fille regarde une messe à l'église de Sirigu, Upper East Region, Ghana le 30 Juin 2013. Photo de Peter DiCampo.

Une femme regarde un service religieux dans une église, à Sirigu, région de l'Est, Ghana, 30 juin 2013. Photo Peter diCampo.

LM:  Parlez-moi un peu de la structure de l'organisation. Comment ça marche ?

L'Afrique au quotidien a été réalisé en grande partie l'année dernière, lorsque nous [Austin Merrill et Peter DiCampo] travaillions grâce à une subvention du Centre Pulitzer en Côte-d'Ivoire sur la réalisation un reportage très classique sur la situation post-conflit, et nous avons commencé le tournage avec nos iPhones. Nous avons eu une conversation sur la façon dont l'Afrique que nous connaissions était rarement l'Afrique qui était montrée. l'Afrique que nous deux, journalistes, nous allions montrer. Donc, l'idée a germé à partir de là.

Nous avons réalisé très rapidement en parlant à vos amis et collègues que ces frustrations étaient partagées par d'autres photographes qui vivent sur le continent, ou qui ont une relation de travail cohérente avec le continent. Alors, ils ont demandé à participer ou nous leur avons demandé s'ils aimeraient commencer à publier pour nous, comme les photographes professionnels qui ont rendu célèbre Instagram au début, de sorte que beaucoup de personnes ont sauté sur cette occasion.

Révision à Kakuka, en Ouganda, à la frontière avec la RDC, le 7 juin 2012. Photo de Peter di Campo

Révision à Kakuka, en Ouganda, à la frontière avec la RDC, le 7 juin 2012. Photo de Peter di Campo

LM:  Ces personnes sont-elles principalement des photographes documentaristes ?

PDC: Oui, absolument. Nous avons une forte contribution de photographes africains à ce point.Nous avons quelques [contributeurs] réguliers et d'autres temporaires. Ils sont tous des photographes documentaristes.

Depuis que j'ai publié une adresse email de Afrique au quotidien sur notre compte Instagram, nous avons reçu plusieurs fois par semaine des messages de personnes qui veulent y contribuer. Parfois, il s'agit d'un photographe professionnel qui vit sur le continent qui veut y participer en tant que contributeur, mais parfois c'est juste un mec qui veut me faire parvenir deux photos qu'il a prises avec son iPhone. Nous essayons maintenant de mettre tout ça en ordre. L'idée est de garder une variété de points de vue sur ce que signifie “Afrique au quotidien”, et de reconnaître que nous parlons d'une variété de pays [et] de photographes, professionnels et non.

Coucher de soleil sur le fleuve Zambèze, juste au-dessus des chutes Victoria, à la frontière entre le Zimbabwe et la Zambie. Mai 2012. Photo par Austin Merrill.

Coucher de soleil sur le fleuve Zambèze, juste au-dessus des chutes Victoria, à la frontière entre le Zimbabwe et la Zambie. Mai 2012. Photo par Austin Merrill.

 

Le projet Afrique au quotidien est en pleine expansion. On crée des programmes éducatifs pour amener des adolescents à les suivre au Centre de documentation du Bronx à New York. Les cours vont encourager ces élèves à comparer les photographies d'actualité sur l'Afrique avec celles du projet Afrique au quotidien, en étudiant le journalisme, la façon de développer des perspectives différentes, et où se trouvent les stéréotypes. Ensuite, les étudiants se rendront dans leurs propres communautés pour les photographier. Le programme sera librement téléchargeable une fois le projet terminé.

Des bateaux de pêche au port de San Pedro, Côte-d'Ivoire. Mars 2012. Photo de Austin Merrill.

Des bateaux de pêche au port de San Pedro, Côte-d'Ivoire. Mars 2012. Photo de Austin Merrill.

Vous pouvez suivre le projet l'Afrique au quotidien sur tumblrinstagram, et twitter @EverydayAfrica.

Les services de santé publique de Madrid sous traitent les dons de sang à la Croix Rouge

mardi 18 février 2014 à 09:38
Convocatoria de la concentración del 8 de febrero. Imagen de la web de la Mesa en Defensa de la Sanidad Pública de Madrid

Convocation à la manifestation du 8 février. Image du site de la Table ronde en défense de la Santé Publique

Le 1er janvier 2014 est entré en vigueur l'accord signé en décembre 2013 entre le gouvernement autonome de la Communauté de Madrid et la Croix Rouge. Celui-ci établissait le transfert de la collecte des dons de sang dans les unités mobiles, une responsabilité qui appartenait jusque là à un organisme public, le centre de transfusion de la Communauté de Madrid.

La Communauté de Madrid (CM) paiera 9,3 millions d'euros par an pour ce service à la Croix Rouge, c'est à dire, 67 € par poche de sang, pour une collecte estimée à 140 000 poches. Il faut ajouter à ce chiffre le matériel, que la région cédera à la Croix Rouge, d'une valeur estimée à 14 millons d'euros, en plus des véhicules utilisés pour les collectes.

Même si les autorités ont  assuré que cet accord n'entrainerait aucune perte d'emploi dans le Centre de transfusion, comme l'explique le journal Publico,

Trabajadores del CTCM encerrados para «paralizar la privatización del servicio». Foto de la web de la Coordinadora Gregorio Marañón

Les travailleurs occupent le Centre de transfusion de la Communauté urbaine de Madrid pour « paralyser la privatisation du service ». Photographie du site de la Coordination, de Gregorio Marañón

Le 1er mars, la Croix Rouge emportera la moitié des unités mobiles dont dispose le Centre de transfusion, dans les rues comme dans les hôpitaux. Il restera huit unités composées d'un médecin, un ou deux infirmiers, d'un auxiliaire de soin, d'un auxiliaire intérimaire et d’ un chauffeur, en plus d'autres départements qui seront aussi touchés. Au total, 130 travailleurs seront licenciés ou mutés.

De nombreux citoyens voient en cet accord une privatisation du service public, car la santé est un service public universel en Espagne : la cession de compétence à un organisme privé -que ce soit une entreprise ou une ONG – n'a pas de sens si la santé publique peut la prendre en charge. Les travailleurs du Centre de transfusion ont occupé les locaux le 3 février,  et une manifestation a eu lieu le 8 du même mois, soutenue par la Table ronde en défense de la santé publique de Madrid et des principaux syndicats. Cette vidéo de HispanTV sur YouTube expose les revendications des travailleurs affectés:

La Croix Rouge espagnole s'est défendue en publiant une note sur son site,  dans laquelle elle explique les termes de l'accord:

Les tarifs des composants sanguins sont fixés par au bulletin officiel de chaque communauté autonome, avec un double objectif : que le sang ne fasse pas l'objet d'un commerce, et que les frais engagés soient récupérés, pour assurer son autofinancement. (…)

(…) Comme la Croix Rouge ne va pas fractionner et distribuer le sang à d'autres centres sanitaires, une estimation de la compensation des frais a été faite pour cette activité, avec pour résultat un coût de 67 euros par poche de sang.

Mais cette explication n'a pas touché ni convaincu les internautes, qui dans leur majorité se sont indignés de la nouvelle mesure des services de santé madrilènes, indignation compréhensible étant donné  le bilan des autorités madrilènes en matière de santé. Juan+Manuel a raconté son expérience sur le site de la “cadena SER” :

Bonjour….Lors d'une de mes visites au bus de don de sang de la Communauté de Madrid, j'ai demandé à une auxiliaire la différence entre donner à la Croix Rouge ou à la Santé madrilène, et sa réponse a été plus ou moins la suivante : la Croix rouge vend le sang à des hôpitaux privés. Comme le sang ne peut pas se vendre, la transaction se fait avec le prix de la poche, et si le sang ne sert pas, on la vend à des entreprises de cosmétiques. Ses propos m'ont interpellé et depuis, j'ai décidé que je donnerai toujours mon sang aux hôpitaux publics. Après avoir lu cette nouvelle, je ne sais pas vraiment où arrivera le sang. C'est pourquoi je veux aussi en tirer profit et je veux que l'on me paye également, sinon je garderai mon sang pour moi. En bref, si je ne donne pas mon sang à l'hôpital, l'autobus de la Croix Rouge peut toujours attendre.

Sur Twitter, le débat s'est concentré autour de hashtags tels que #PorMiSanidadSangro (“je saigne pour mon sang”) et #DonarEsRegalar  (“Donner c'est donner”). SíSePuede (“oui on peut”) et asambleaHTajo appellent à donner seulement aux centres publics de transfusion :

donnez votre sang toujours dans les centres publics et non à la Croix Rouge, qui le vend. Votre solidarité n'est pas leur profit.

Comment peut-on démonter leur projet de vendre notre sang ? En donnant (notre sang) aux hôpitaux publics

Dans le même sens, la Confédération Pirate a tweeté :

Notre sang est CC BY-NC-SA (Licence Créative Common), nous le donnons, mais nous ne voulons pas que l'on fasse du business avec #DonarEsRegalar Donnez seulement aux hôpitaux publics

La Croix Rouge de Madrid est intervenue avec ce tweet:

La Croix Rouge ne tire aucun bénéfice de la collecte de sang. On couvre les frais, sans faire aucun bénéfice

  Ce à quoi MªEugenia a répondu :

Question bête : vous perdiez de l'argent avec les dons, avant ?

et une autre question bête : si on ne collecte pas 14 000 poches, que fait-on avec le reste des 9,5 millions d'euros ?

Protesta por la privatización de las donaciones ante el Centro de Transfusiones de Madrid. Foto publicada en Twitter por Patusalud HIC

Manifestation contre la privatisation des dons devant le Centre de Transfusion de Madrid. Photographie publiée sur Twitter par Patusalud HIC

Nisio, sur le journal Público, a indiqué pourquoi, selon lui, une ONG ne doit pas se charger d'un service public, en rappelant à cette occasion certaines affaires un peu troubles qui ont éclaboussé la Croix Rouge de Madrid :

Les subventions sont une chose et PAYER une ONG en une autre, bien différente (qui choisit et nomme leur semployés ? Quels salaires se repartissent-ils ?) (…) Si c'est pour assumer une mission une mission publique, que l'administration publique elle-même s'en charge.

(…)

Les informations sur un certain Juan Mauel del Toro Rivero peuvent vous intéresser aussi. Juan Manuel Suárez del Toro, président de cette ONG depuis 1994, est bizarrement mis en examen dans l'affaire Bankia, pour être un de ses conseillers.

 

Russie : La dépendance de la télévision indépendante

lundi 17 février 2014 à 22:25

(Sauf mention contraire, les liens renvoient vers des contenus en russe.)

TV Rain disparaît. A qui la faute ? Montage de Kevin Rothrock.

“TV Dojd disparaît. A qui la faute ?” Montage de Kevin Rothrock.

[Article d'origine publié en anglais le 8 février - les liens renvoient vers des pages en russe]

Ces deux dernières semaines, sept fournisseurs d'accès au câble et à la télévision satellite ont décidé d'arrêter de transmettre TV Dojd ["Pluie" en russe], seule chaîne d'information indépendante russe, réduisant ainsi son audience en Russie de plus de 10 millions de foyers à environ deux millions seulement. Le catalyseur des problèmes de TV Dojd provient d'un sondage mené en janvier par la chaîne concernant le siège de Léningrad, que les patriotes russes auto-proclamés ont interprété comme une offense les visant directement. Les flagrantes mesures de répression contre la chaîne ont suscité des vagues de colère parmi les internautes russophones, et beaucoup d'entre eux ont accusé le Kremlin d'obliger ces fournisseurs de TV par câble à ne plus transmettre TV Dojd.

Alexandre Vinokourov, directeur des investissements de TV Dojd, a déclaré lors d'une conférence de presse le 4 février 2014 que la chaîne était “absolument certaine” que les entreprises se détournant peu à peu de la chaîne l'ont fait “sous pression”. Même s'il s'est refusé à désigner nommément des responsables, Julia Ioffe du [journal] New Republic a signalé [en anglais] que le chef de cabinet de Vladimir Poutine, Alexeï Gromov, ainsi qu'un autre haut responsable, Sergueï Tchemezov, avaient téléphoné à plusieurs reprises aux opérateurs de câble et de satellite, exigeant de ces derniers qu'ils “virent” l'antenne TV Dojd de leur réseau.

Alors que les déclarations de Vinokourov du 4 février réaffirment partiellement l'impression largement partagée selon laquelle la chaîne TV Dojd serait aux prises avec la censure politique, elles semblent aussi avoir accéléré en retour un contrecoup visant la chaîne, conduisant certains blogueurs à mettre en lumière son arrière-plan financier, celui-ci relativisant sans doute l'actuel degré de persécution politique en cours.

Dans ses déclarations, Vinokourov a proposé aux opérateurs de câble et de satellite de transmettre TV Dojd gratuitement en 2014. L'analyste Tatiana Stanovaya, écrivant pour le site politcom.ru, se demande pourquoi Vinokourov tente de résoudre un problème politique avec des solutions “marketing” – publiant un peu plus tôt sur Facebook, Stanovaya en vient même à qualifier Vinokourov de “naïf”. Pour d'autres internautes, le contenu de la conférence de presse vers le “marketing” a également détourné l'attention de “la répression par le régime sanguinaire”, renvoyant vers des questions relevant du marché de la télévision et des difficultés rencontrées par la chaîne TV Dojd dans ce secteur.

D'ailleurs, pourquoi l'offre commerciale de Vinokourov n'arrive-t-elle à terme qu'à la fin de l'année 2014 ? A quoi bon s'engager auprès de TV Dojd si les opérateurs doivent ensuite négocier de nouveaux contrats, payants cette fois-ci, dès 2015 ? Stanislav Apetian, blogueur politique connu sous le nom de Politrash (célèbre pour ses liens avec les élites russes et ses attaques visant le leader de l'opposition Alexeï Navalny) a pointé ce détail, écrivant le lendemain dans LiveJournal et Facebook que les problèmes rencontrés par TV Dojd relèvent davantage de la finance que de la politique.

Prenant appui sur une étude parue dans [le magasine en ligne] Forbes.ru de juin 2013, Apetian a examiné la croissance de la chaîne depuis avril 2010, et souligne que ses problèmes avec les opérateurs de câble et de satellite sont aussi anciens que la chaîne elle-même. La question conflictuelle de savoir qui de la chaîne ou des opérateurs, comme “Tricolor”, devaient payer a déjà existé auparavant. Dès la première année d'existence de la chaîne, presqu'aucun opérateur n'a manifesté d'intérêt pour transmettre le contenu de TV Dojd, sauf lorsque celle-ci a accepté de payer son accès au réseau. Le plus important opérateur de câble de Moscou, Akado, n'a transmis la chaîne qu'une semaine en 2010 puis en a arrêté la diffusion aussitôt. Quelques mois plus tard, l'entreprise satellite NTV+ a accepté de diffuser TV Dojd, mais seulement après que Sindeeva [Natalia Sindeeva, fondatrice et directrice de TV Dojd] sollicite Natalia Timakova, une amie proche se trouvant être l'attachée de presse de Dmitri Medvedev, le président alors en exercice.

Fin 2011 et début 2012, Vinokourov, dont la fortune personnelle finance TV Dojd, a cherché activement d'autres investisseurs suceptibles de partager la charge (et les éventuels bénéfices futurs) pour maintenir la gestion de la chaîne. Il a de tenté de persuader Mikhail Prokhorov et Alisher Ousmanov, deux des hommes les plus riches de Russie, chacun ayant des liens étroits avec le Kremlin. Mais Vinokourov n'est parvenu à un accord avec aucun des deux, expliquant à Forbes.ru que leur offre d'investissement respective dans TV Dojd était décevante. L'échec d'un rapprochement entre la chaîne et un grand groupe tel que Prokhorov ou Ousmanov va alors coûter cher à TV Dojd. Il semblerait que Vinokourov et Sindeeva aient alors “misé sur le mauvais cheval” en plaçant leurs espoirs dans le président Medvedev.

Pour autant, dès le début, la loyauté envers Medvedev n'allait pas de soi. Fin mars 2011, Sindeeva a supprimé le programme le plus célèbre de la chaîne, intitulé “Poète et citoyen“, indiquant que les paroles d'une chanson de l'émission visant Medvedev se montraient trop critiques. Après avoir publié un billet sur Facebook expliquant les raisons de la censure, Sindeeva est même apparue en direct sur TV Dojd pour défendre cette décision.

Le président Medvedev visite le plateau de TV Rain, le 25 avril 2011. Service photo du Kremlin, domaine public.

Le président Medvedev visite les studios de TV Dojd. Medvedev au centre, Natalia Sindeeva à droite. 25 avril 2011. Service photo du Kremlin, domaine public.

TV Dojd est souvent décrite comme le produit du dégel politique qui a eu lieu en Russie sous le seul mandat du président Medveded, entre 2008 et 2012. Alors que l'impression dominante suggère que TV Dojd s'est épanouie spontanément, Apetian précise que la chaîne n'est parvenue à attirer une couverture médiatique sérieuse sur le câble ou le satellite qu'après avril 2011, quand le président Medvedev, moins d'un mois après le scandale des paroles de “Poète et citoyen”, s'est rendu en personne pour visiter les bureaux de la chaîne dans le centre de Moscou. Dans les semaines qui ont suivi la visite de Medvedev, Akado diffusait TV Dojd à nouveau, s'acquittant même de droits à hauteur de 28 dollars “symboliques” par mois. Peu après, jusqu'à treize opérateurs la transmettaient dans tout le pays, s'accommodant soudainement du refus de TV Dojd de leur payer quoi que ce soit.

De nombreux opérateurs de câble et satellite prennent dorénavant leurs distances à l'égard de TV Dojd. Certains profitent de l'occasion pour prendre en marche le train de l'indignation morale, accusant la chaîne pour son faux pas concernant le siège de Léningrad, tandis que d'autres pointent du doigt les activités financières. Les cols blancs dirigeant les câbles et les satellites en Russie ont saisi l'occasion de se débarrasser de TV Dojd. Cette opportunité se présente en raison de l'hostilité grandissante des apparatchiks russes et du déclin de l'influence politique de Medvedev. Mais si quelques fanfaronnades à la Douma et quelques coups de téléphones colériques d'un ancien exportateur d'armes suffisent à faire vaciller un secteur tout entier, n'est-ce pas parce que ce même secteur n'attendait q'une seule chose : se débarrasser de TV Dojd ?

C'est la question posée par Anton Orekh, expert [à la radio] Echo de Moscou, qui dans son billet du 4 février sur son blog, explique que les opérateurs de câble et satellite, en laissant tomber TV Dojd, risquent de tuer deux oiseaux avec une seule pierre, rassurant les conservateurs de l'establishment russe et mettant sur la touche un producteur de contenu gênant dont ils n'ont d'emblée jamais voulu.

Les actuels développements de TV Dojd suggèrent que son succès relatif était davantage dû à une protection politique (aujourd'hui révolue) qu'au sens des affaires. La chaîne a perdu son mécène [Vinokourov] avant d'atteindre l'étape de consolidation de son indépendance. Les hommes politiques et les hommes d'affaires semblent aujourd'hui déterminés à la voir s'évanouir et disparaître. Et cela pourrait bien se produire, et bientôt.

Sotchi 2014 : retour sur l'affaire des toilettes doubles

lundi 17 février 2014 à 15:46
"Sochi: if we are going to sh*t ourselves, might as well make it pretty." Anonymous image distributed online.

“Quitte à merder, autant le faire en beauté”. Image anonyme disponible en ligne.

Fin janvier, alors que tous les regards étaient rivés sur le mouvement de protestation ukrainien en train de prendre de l'ampleur et les photographes juchés sur les barricades, le journaliste de la BBC Steve Rosenberg a signé ce tweet illustré par un autre genre de visuel :

Voir double dans les toilettes pour hommes du centre olympique de biathlon de #Sotchi

La photo de ces deux cuvettes de WC rapprochées et dépourvues de cloison a été retweetée plus de 1000 fois. Elle a provoqué l'hilarité de la blogosphère russophone (puis du monde entier), devenant un symbole de plus des préparatifs des jeux de Sotchi, souvent brocardés pour leur incurie et corruption. A-t-on voulu faire des économies ? A moins qu'il ne s'agisse d'un problème de planification ? Ou peut-être y a-t-il un lien entre les Jeux et la dégradation du traitement des homosexuels en Russie, comme l'a twetté un blogueur :

En réponse aux critiques sur la restriction des droits des minorités sexuelles, les Jeux olympiques accueillent les premières toilettes gay au monde

Toutefois, la plupart des blagues ont été visuelles. On peut décerner la médaille de la plus drôle à un montage artistique sur le thème “La pilule rouge ou la pilule bleue ?” inspiré de “Matrix” :

"Make your choice, Neo" Anonymous image distributed online.

“Choisis, Neo”. Image anonyme trouvée en ligne.

D'autres “travaux”, bien que moins esthétiques, ont fait sourire. Ainsi ces allusions politiques transparentes au “tandem” Poutine-Medvedev :

Dual leaders for dual toilets. Anonymous image distributed online.

A présidence double, toilettes doubles. Image anonyme trouvée en ligne.

Et cette pique aux sportifs :

Biathlon target practice? Anonymous image distributed online.

Entraînement de tir à l'arc pour le biathlon ? Image anonyme trouvée en ligne.

On s'en doute, le bureau des relations publiques de Sotchi ne pouvait pas laisser passer ça ; l'une de ses membres, Elena Grinberg, a publié un post [en russe] sur sa page Facebook, pour expliquer qu'en réalité la préparation des Jeux ne s'était pas si mal passée que ça. D'après Mme Grinberg, il était prévu que ces toilettes soient transformées en placard, et les cuvettes de WC allaient en fait être enlevées. Sans doute devaient elles déjà être supprimées quand Steve Rosenberg a pris sa photo fatidique. Mme Grinberg a alors publié une vue d’autres toilettes, vraisemblablement du même immeuble, d'apparence tout à fait normale :

Selon Mme Grinberg, ces toilettes se trouvent un étage plus bas que les “doubles”.

Des toilettes transformées en placard, voilà qui peut sembler bizarre comme explication, mais tous ceux qui ont une petite expérience des lieux publics du système soviétique et post-soviétique trouveront ça plausible. Evidemment, tout le monde n'a pas cru Mme Grinberg. On a pu lire les accusations classiques  : l'explication a été élaborée après la découverte des faits, pour couvrir le scandale des toilettes. D'autres ont remarqué que ces toilettes doubles ne contiennent qu'un seul distributeur de papier (bien que le mur d'en face porte, semble-t-il, les traces de la présence d'un second). D'autres encore continuent à penser que si Mme Gringerg disait la vérité, c'est encore pire, parce que cela signifie que les erreurs de planification ont abouti à la construction d'un WC inutile.

Les soupçons des théoriciens d'un ‘complot des toilettes” sont-ils fondés ? Et puis même s'ils ne l'étaient pas ? Ce qui domine dans la perception de Sotchi, ce sont presque toujours des exemples de bureaucratie et d'incompétence, et cela ne changera que si les Jeux se concluent brillamment.

Fidji, le prochain meilleur ami de l'Australie ?

lundi 17 février 2014 à 15:34

La visite de la Ministre des affaires Etrangères Julie Bishop à Fidji a fait naître de nombreuses spéculations sur les relations futures de l'Australie avec cet Etat insulaire du Pacifique. Le 15 février, elle a rencontré l'amiral et Premier Ministre Frank Bainimarama, à la tête du gouvernement soutenu par l'armée depuis un coup d'Etat fin 2006.

Beaucoup se demandent quels secrets cache leur échange d'amabilités :

PM Bainimarama meets Australian Foreign Minister, Julie Bishop

Le Premier Ministre rencontre la Ministre australienne des Affaires Etrangères, Julie Bishop
Photos Page Facebook du Ministère de l'Information de Fidji

Sa visite a rencontré un accueil mitigé sur Twitter. Ron Cato paraît apprécier ces développements :

Hmm. La reine des glaces Julie Bishop semble émettre une lumière chaleureuse à Fidji. Je ne peux que l'approuver. #PolitiqueAustralie

Martin John Carter préfère sans hésiter ce changement :

La décision de Julie Bihop est bonne ! Fidji a une situation unique dont il n'est pas responsable. Et ils paraissent contents comme ils sont.

Mais d'autres prennent le parti inverse :

Julie Bishop commence par ignorer les abus de pouvoir à Nauru et légitime maintenant le gouvernement militaire de Fidji. On va vraiment à reculons.

Greg Ross subodore un rapport avec la politique australienne du droit d'asile :

Alors est-ce que Bishop s'est envolée à Fidji dans le cadre d'un plan pour y envoyer les boat people ? Attendons de voir les futurs prêts et dons à Fidji du gouvernement Abbott.

Keith Jackson, qui blogue sur PNG Attitude a son idée sur les motivations australiennes :

L'Australie a besoin de tous les amis régionaux qu'elle peut gagner Rencontre historique Bishop – P.M. de Fidji Bainimarama

Keith a aussi retweeté cet additif à l'explication par les demandeurs d'asile :

Julie Bishop normalise les relations avec Fidji parce que nous adorons maintenant les dictatures du Pacifique. EIles nous prendront peut-être quelques bateaux ? 

Sur Pacific Scoop, Scott MacWilliam se demande avec quelle facilité de vieux ennemis pourraient se réconcilier en cas d'élections démocratiques à Fidji :

Contrairement à tout leur discours antérieur sur la nécessité pour Fidji de revenir à la démocratie, l'Australie (et la Nouvelle-Zélande) accepteraient-elles une victoire électorale de leur ennemi de jadis, quelle que soit la manière dont elle se réalise ?

Au cas où l'Amiral Bainimarama ferait une transformation réussie en premier ministre élu, pourrait-il se rendre en Australie, et poser pour la photo aux côtés du Premier Ministre Tony Abbott, de Bishop et du Ministre de l'Immigration Scott Morrison ? L'image illustrerait-elle un récit de comment Fidji accepte désormais de créer un centre de détention, financé par l'Australie avec de l'embauche pour les personnels militaires surnuméraires de Fidji ?

Le Parti Travailliste de Fidji, dans l'opposition, a lui aussi des préoccupations électorales :

Le chef des Travaillistes dit que les règles du jeu ne sont pas équitables pour les élections à Fidji

Comme son nom le laisse deviner, Fijileaks n'est pas impressionné par ce dégel des relations :

Bande d'invertébrés : Ce sont les électeurs et non Bishop qui décideront du sort du dictateur si et quand Fidji ira aux urnes ! Alors ignor[ez son graissage de mains tendues]

Dans le lien donné, ils proposent quelques conseils basés sur les propos rapportés de la ministre des affaires étrangères :

Sa Sainte Candeur “Bishop” [NdT : bishop = évêque] : “Lors de la rencontre, l'Amiral Bainimarama a parlé du processus électoral, et indiqué être prêt à tout rôle qui en résulterait, même s'il devait perdre la fonction de premier ministre”.
Le rédacteur en chef de Fijileaks à Bishop: “Oh, Yeah, Rêve Toujours !”

L'avocat fidjien Richard Naidu a un rêve particulier :

Un jour j'aimerais vraiment, quand je suis à l'étranger, pouvoir dire “Je suis un avocat fidjien” sans faire la grimace