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‘La porte de l'enfer' du Turkménistan

mardi 13 novembre 2012 à 16:21

‘La Porte de l'Enfer' la nuit, via Wikipedia.

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Le blogueur iranien Sattar Beheshti torturé à mort

mardi 13 novembre 2012 à 15:43

Capture d'écran du blog de Sattar Beheshti, http://magalh91.blogspot.se

Sauf indication contraire les liens dirigent vers des sites en anglais.

Les sites de l'opposition ont été les premiers à annoncer [en farsi] la mort d'un blogueur en prison. Choqués par la nouvelle, les internautes iraniens ont déclenché une tempête en ligne [en farsi] sans précédent. Selon les entretiens avec la famille de Sattar Beheshti et les informations des sites de défense des droits humains, il a été arrêté le 28 octobre 2012 et sa mort a été annoncée quelque dix jours plus tard.

Sattar Beheshti. Source: Campagne Facebook pour Sattar Beheshti

41 prisonniers politiques ont courageusement fait paraître [en farsi] une déclaration pour dire qu'ils ont constaté des traces de torture sur le corps de Sattar.

Plusieurs organisations internationales dont Reporters Sans Frontières ont demandé instamment aux autorités iraniennes d'éclaircir les circonstance de la mort du blogueur et en appellent à l'aide de la communauté internationale pour que le crime ne reste pas impuni.

C'est le cyber-activisme de Beheshti, et son blog [en farsi] personnel, qui ont conduit à ce qu'il soit brutalement arrêté, torturé et finalement tué à l'âge de 35 ans. En exergue de son blog, traduit du farsi, on peut lire : “Critique. Longue vie aux Iraniens et à l'Iran. Ma vie pour l'Iran”. Il semble que son dernier billet ait été publié le 26 octobre. Il a été arrêté deux jours plus tard.

Dans son dernier billet il critique Ali Larijani, chef du parlement iranien. Il dit que Larijani et la République Islamique sont hypocrites de critiquer les autres pays sur leurs violations des droits humains. Beheshti écrivait [en farsi] :

Vous parlez de violations des droits humains en Arabie Saoudite, au Bahrein… dans les pays occidentaux, comme si vous aviez créé le paradis sur terre en Iran. Non ce n'est pas le cas. Si vous aviez vraiment créé ce paradis, pourquoi ne demanderiez-vous pas à tout le monde de venir en Iran pour le voir ?

Les internautes iraniens ont réagi à ce “crime” qui nous rappelle une fois de plus que les blogueurs peuvent payer de leur vie leur activité virtuelle.

Une page Facebook [en farsi] a été créée avec pour titre “Les responsables de la mort de Sattar Beheshti devraient être jugés”.

Ahmad Sharifi (@sharifi123) twitte:

وبلاگ نویس مملکت رو گرفتن به جرم وبلاگ نویسی تو زندان اوین کشتن. بعد رییس جمهور مملکت رفته اجلاس جهانی دموکراسی از دموکراسی غرب انتقاد میکنه

Ils ont mis un blogueur en détention et l'ont tué en prison, et maintenant le président se rend en Indonésie pour le Sommet Mondial de la Démocratie, et critique la démocratie dans les pays occidentaux.

Hasan Ejraei publie sur son profil Google+ [en farsi]:

Qu'est-ce qu'il se passe ici pour qu'à chaque fois quelqu'un soit tué ? Qu'est-ce qu'ils font aux détenus ? Qu'ont-ils fait à Zahra Bani Yaghoub pour qu'elle meure ? Qu'ont-ils fait à Zahra Kazemi pour qu'elle meure ? Que font-ils à tous ceux qui sont en détention ? Le système judiciaire devrait en être tenu pour responsable. Non ? OK c'est non. Excusez-moi.

Il y a trois ans un autre blogueur, Omid Reza Mir Safayi est mort dans les prisons iraniennes dans des circonstances inexpliquées.

Bangladesh : L'enquête sur le meurtre d'un couple de journalistes au point mort

mardi 13 novembre 2012 à 12:44

Le 11 février 2012, un rédacteur en chef de Maasranga TV, Sagar Sarwar, et son épouse, la journaliste de ATN Bangla Meherun Runi, étaient sauvagement assassinés dans leur maison louée dans la capitale du Bangladesh Dacca (lire l'article sur Global Voices en français). Ce jour-là, le ministre de l'Intérieur de l'époque Sahara Khatun avait déclaré [bangla] que leurs meurtriers seraient capturés sous 48 heures. Quand cela ne s'est pas produit, des protestations ont été organisées par des blogueurs et des journalistes. Mais l’enquête n'a pas avancé. Récemment,  le ministre de l'Intérieur a changé et Mohiuddin Khan Alamgir occupe désormais ces fonctions.

Sagar & Runi, the murdered couple

Sagar et Runi, le couple de journalistes assassinés. Photo tirée de la page Facebook “Nous exigeons que justice soit faite pour Sagar-Runi”

Plus de huit mois ont passé depuis ce double meurtre, mais aucun progrès n'a été accompli dans l'investigation. Mis sous pression, l'actuel ministre de l'intérieur a déclaré le  25 septembre 2012 que l’enquête parviendrait à une conclusion et que des informations seraient données le 10 octobre 2012. Fidèle à sa promesse, un jour avant la date butoir, les titres des journaux annonçaient l'arrestation de sept suspects [bn]. Les suspects ont des casiers judiciaires, et ont déjà été inculpés de meurtres. Une récompense de un million de Taka du Bangladesh (12 500 dollars américains) a été offerte pour le gardien, qui a disparu. Il avait été interrogé par la police. Mais les familles des victimes affirment que trois personnes l'ont enlevé.

De nombreux journalistes ont critiqué les déclarations du ministre. Ils soulignent que les déclarations sont peu claires et entraînent la confusion [bn]. Selon eux, rien n'est élucidé, et on ignore toujours le mobile des meurtriers.

Après le meurtre, le jeune frère de Runi, Nowsher Roman, avait déposé plainte au commissariat de Sher-e-Bangla. Il a écrit sur  Facebook le 10 octobre dernier :

The Facebook Status Of Nowsher Roman

Statut Facebook de Nowsher Roman

Je me regarde et je me demande jusqu'à quel point un homme peut être impuissant !!!!  Moi, ma famille, souffrons d'une grande infortune…j'ai de la pitié pour moi-même. Et Megh (le fils du couple assassiné), ma famille, et ces gens qui ont été arrêtés…mon coeur souffre pour eux, leurs parents impuissants, leurs épouses..N'y a-t-il pas de dieu ???? N'y a-t-il pas de dieu ????(Cité avec autorisation de l'auteur)

Nowsher Roman

Nowsher Roman, frère d'une victime, durant une manifestation devant le ministère de l'intérieur le 15 mai 2012

La mère du journaliste Sagar Sarwar pense que ces arrestations sont un leurre [bn] et a dit : “Nous voulons juste savoir la vérité, nous voulons les véritables meurtriers derrière les barreaux.”

Waiting

le 28 avril 2012, des blogueurs organisaient une reconstitution dans la rue pour rappeler le meurtre des deux journalistes. Source: BDNews20.com blog

Asif Nazrul, professeur dans le département de droit de l'université de Dacca, écrit sur la page Facebook We demand justice for Sagar-Runi [bn] :

Deux théories du complot circulent autour de ces meurtres. La première : ils avaient découvert une grave affaire de corruption impliquant le gouvernement, et ont été éliminés. Autre théorie : les meurtres sont liés aux partis au pouvoir. Le parrain est quelqu’un de proche du gouvernement, qui a reçu l'assurance que les autorités ne l’inquiéteraient pas. Si une véritable enquête n'est pas faite, ces théories prennent de la légitimité.”

Après les meurtres, la police avait jugé qu'il s'agissait d'un “travail d'amateurs”. Mais l'actuel ministre de l'Intérieur a précisé que cinq personnes arrêtées étaient des tueurs à gages. Arafatul Islam, un journaliste de la diaspora en fait état sur Facebook :

Si des tueurs à gages ont été embauchés, alors, pourquoi Tanvir, un ami de la famille, a-t-il été arrêté ? Qui a payé les tueurs ? Qui étaient aux commandes dans les coulisses ? Quel est le mobile des meurtres ? Comment huit suspects sont-ils impliqués dans l'affaire, et comment ont-ils été identifiés, je veux les réponses à ces questions. (publié avec l'autorisation de l'auteur)

Le journaliste Shawkat Mahmud a écrit le 26 septembre 2012 sur Facebook :

Depuis 1971, 29 journalistes ont été tués (dans ce pays). Sur ce nombre,  17 personnes sont mortes sous cet actuel gouvernement. Beaucoup de journalistes ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Ils sont régulièrement menacés. Le gouvernement a créé un nuage autour de l'affaire du meurtre de Sagar et Runi. Le ministère de l'Intérieur avait dit que les meurtriers seraient arrêtés sous 48 heures. L'IGP avait dit que l'enquête progressait. Mais les détectives de la police ont dit que les indices et preuves de la scène du crime ont été détruits. Et nous continuons à manifester.

La sophistication croissante de la censure en Angola

mardi 13 novembre 2012 à 07:40

L'Angola a commémoré en ce dimanche 11 novembre le 37e anniversaire de son indépendance [portugais]Mais, en réalité, quel est le degré d'indépendance du pays aujourd'hui ? Pour ce qui concerne la liberté de la presse, par exemple, la réalité est préoccupante, et d'après certains spécialistes, la censure en Angola devient de plus en plus sophistiquée.

L'épisode de censure le plus récent s'est déroulé le 27 octobre 2012, quand le Semanário Angolense [pt] a été retiré de l'impression par Media Investe. D'après Maka Angola [pt], le motif est la publication quasi intégrale d'un discours très critique du président de l'UNITA, Isaías Samakuva, à propos de l'état de la nation :

L'entreprise propriétaire, contrôlée par de hautes figures des Services de Sécurité et d'Information de l'Etat [Serviços de Segurança e Informação do Estado (SINSE)], a retiré les exemplaires imprimés du journal pour les brûler. Maka Angola a obtenu une copie numérique du journal censuré, dont les pages 8, 9 et 10 reproduisent le discours de Samakuva du 23 octobre.

Cópia da capa do Semanário Angolense censurado. O discurso proferido por Samakuva a de 23 de Outubro é reproduzido nas páginas 8, 9 e 10.

Copie de la une censurée de Semanário Angolense. Le discours prononcé le 23 octobre par Samakuva y est reproduit en pages 8, 9 et 10.

Le discours du leader du plus grand parti de l'opposition angolaise - dont la version intégrale a été mise en ligne par Maka Angola [pdf pt] - critiquait l'absence de discours sur l'état de la Nation par José Eduardo dos Santos, président de l'Angola, lors de l'ouverture de la troisième législature, comme le prévoit la Constitution.

Au lieu de cela, le chef de l’État angolais a ordonné la distribution aux députés de copies de son discours d'investiture, le 26 septembre dernier. Cette attitude a été fortement critiquée par l'opposition, et pas divers secteurs de la société.

Dans une interview publiée sur le site de la radio allemande Deutsche Welle [pt], le défenseur des droits de l'homme angolais Rafael Marques, fondateur de Maka Angola, dit qu'il s'agit “d'une forme de contrôle de l'information de plus qui circule” dans le pays :

Le président de l'UNITA a fait un discours très énergique, qui a reçu une forte approbation de la société (…).D'où la nécessité de s'assurer que le discours d'Isaías Samakuva ne soit pas largement diffusé. Celui-ci circule seulement sur internet, et, comme on le sait bien, Luanda et le reste du pays souffrent d'une grave crise d'approvisionnement en électricité. Par conséquent, peu de gens ont accès à internet et les journaux sont davantage lus, puisqu'un journal peut être lu par différentes personnes. Maintenant aussi les journaux privés sont contrôlés par l'appareil de sécurité et dans ce cas, il y a eu une faille des censeurs, mais malgré ça, ils ont eu le temps d'aller chercher les journaux à l'impression pour les brûler.

Sur son site, le Syndicat des Journalistes Angolais [Sindicato dos Jornalistas Angolanos (SJA)] [pt] se plaint que des “incidents” comme celui-là ne soient pas une nouveauté dans le paysage de la “liberté de la presse” en Angola :

Ce type d'atteintes a commencé à se produire à partir de ce moment là, il y a déjà plus de deux ans, quand des hebdomadaires luandais ont commencé à être achetés par des sociétés anonymes. “Semanário Angolense”, “A Capital” et “Novo Jornal” ont changé de propriétaire dans ce contexte. Du point de vue éditorial, “A Capital” est jusqu'à aujourd'hui la publication qui a subi le plus de violence/censure par ses nouveaux propriétaires, pour des raisons clairement politiques et liées à ses prises de positions sur certaines questions défavorables aux intérêts de l'actuel pouvoir politique.

 

Le cas du Semanário Angolense a généré un très grand nombre de commentaires sur les réseaux sociaux. Le 29 Octobre 2012, Joana Clementina commentait sur Facebook [pt] :

Pourquoi tant de bruit ? L'hebdomadaire en question a un propriétaire et il lui revient de décider ce qui sortira dans la rue. Si le problème est le discours de man samas [Isaías Samakuva], Rádio Despertar pourra toujours passer ce qu'elle veut, et on dira que Despertar a la plus grande audience du peuple angolais. Pas de big deal. Je serai très contente si vous pouviez trouver des solutions au problème de l'électricité et de l'eau. Le Semanário Angolense n'est pas non plus dans la poche du citoyen ordinaire. C'est une minorité qui le lit.

Peu de temps après, Mingiedy Mia Loa a répondu directement à ce commentaire :

Joana Clementina : indépendamment du propriétaire, il existe un Conseil National de la Communication Sociale [Conselho Nacional de Comunicação Social] et il lui revient de réguler et de contrôler la ligne éditoriale des organes de communication sociale,  qu'ils soient privés ou publics, et d'un autre côté, la Constitution de l'Angola ne prévoit pas des censures dans le domaine journalistique dans son chapitre sur les libertés d'expression.

Le 31 octobre 2012, Maurilio Luiele a également écrit sur Facebook [pt] :

Le fait est que la Constitution protège la liberté de la presse et de ce fait interdit la censure. Si alors cela n'est pas de la censure, alors qu'est-ce-que c'est ? C'est la violation de la Constitution qui est en cause, et, encore pire, les atteintes systématiques et injustifiés à la Loi en Angola. Je me pose toujours la question suivante : si la loi n'est pas la limite et si le libre-arbitre prévaut, alors où est la place de l'Etat Démocratique de Droit ? Où est la PGR pour défendre la légalité ?

Comme le rapporte le SJA, [syndicat des journalistes angolais], qui cite la législation en vigueur (7/06/15 de Mai), les atteintes à la liberté de la presse sont avérées dès lors que :

Celui qui, en dehors des cas prévus par la loi, empêche ou perturbe la composition, l'impression, la distribution et la libre circulation des publications périodiques, empêche ou perturbe l'émission de programmes de radiodiffusion et de télévision, saisit ou endommage les matériels nécessaires à l'exercice de l'activité journalistique.

“La liberté de chacun ne devra-t-elle pas être respectée ?” [pt] s'interroge également le journaliste Eugénio Costa Almeida dans un article d'opinion sur ce thème, publié dans l'hebdomadaire angolais Novo Jornal, le 2 novembre 2012 :

Si cette  attitude est avérée, alors ils n'ont montré aucun respect pour la liberté de chacun. La liberté de celui qui écrit, la liberté de celui qui produit et, plus grave encore parce qu'elle est la condition des précédentes, la liberté de choix du lecteur. Parce que les journaux et la presse n'existent que parce qu'il existe des lecteurs, des auditeurs et des téléspectateurs qui lisent, écoutent ou regardent les nouvelles et les opinions pour ensuite les apprécier, les citer, les questionner, les critiquer en toute liberté, et pour en tirer toutes les conclusions possibles.

"Samakuva: Cadê o meu discurso?" Imagem partilhada no Facebook de Projecto Kissonde.

“Samakuva: Où est mon discours?” Image du Projet Kissonde partagée sur Facebook

Des épisodes comme celui-ci sont la preuve que la censure en Angola est sur le point de prendre une autre dimension, avec la propagande et l'autocensure qui limitent chaque fois plus la liberté de la presse. Le modèle de censure angolais est pratiquement “plus sophistiqué que le chinois”, défend l'analyste angolais Nelson Pestana dans un entretien avec Deutsche Welle [pt]:

Le modèle de censure chinois est assumé comme l'un des mécanismes mêmes du parti. En Angola non. Le discours de légitimation passe par l'idée de démocratie, par l'idée de pluralisme. Ce n'est pas un organe extérieur qui empêche le journal de circuler, c'est le propre propriétaire du journal qui décide que cette fois ça ne circule pas. C'est que le propriétaire fait partie du groupe du pouvoir, et pour cela, il est un élément du mécanisme de censure et de contrôle de l'opinion publique nationale.

“Aucun des pays africains de langue officielle portugaise [PALOP-Países Africanos de Língua Oficial Portuguesa] n'a les moyens de pression dont dispose l'Angola”, critiquait déjà le journaliste portugais Pedro Rosa Mendes dans une interview de février 2012, peu de temps après que le programme de radio auquel il collaborait (“Este Tempo”, retransmis sur le canal Antena 1) a été suspendu à la suite d'une chronique critique envers le gouvernement angolais :

C'est évident, pour tous ceux qui ne veulent pas être naïfs, qu'une grande partie de la pression que le gouvernement angolais peut faire fonctionne déjà d'elle-même. C'est une sorte de diplomatie parallèle, et de pression tacite.

Les errements du nationalisme russe

lundi 12 novembre 2012 à 23:10

Pendant la première décennie du post-communisme, la Russie a peiné à reformuler une des principales fêtes de l'Union Soviétique, celle de la révolution d'octobre [en russe] (célébrée le 7 novembre). Après des années de tâtonnements pour rebaptiser la célébration, le Kremlin a remis en vigueur en 2005 le 4 novembre, le Jour de l'Unité Nationale substituée au problématique jubilé communiste. Les critiques ont été multiples contre le pouvoir qui (ré)introduisait encore une fête à la symbolique comprise de peu de Russes contemporains.

Cette année, le Jour de l'Unité Nationale a honoré son nom, bien que de façon assez inattendue. Dans 46 villes de toute taille à travers la Russie [en russe], y compris Moscou, une trentaine de milliers de personnes ont assisté à des rassemblements d'extrême-droite. Même si cela représente une fraction infinitésimale de la population totale du pays, les mouvements d'extrême-droite du Jour de l'Unité Nationale ont réussi à attirer des sympathisants dans toute la Russie. L'étendue géographique des manifestations est impressionnante ; elles se sont déployées aux quatre coins du pays, enjambant climats et démographies. Les organisateurs du mouvement soutiennent que leurs défilés ont atteint 70 villes petites et grandes, attirant plus de 15.000 personnes rien qu'à Moscou.

Petit garçon à une marche nationaliste, Moscou, 4 novembre 2012, photo RiMarkin, CC 2.0.

L'utilisatrice de LiveJournal sofia_vb_88 affirme que l'activisme d'extrême-droite en Russie croît non seulement en nombre, mais aussi en audace. La marche de cette année a eu lieu malgré les tentatives des autorités de couper court aux manifestations. Certes, plusieurs activistes ont été arrêtés [en russe] hors de chez eux à Pyatigorsk, avant même le commencement de la parade du Jour de l'Unité Nationale dans cette ville. Que le mouvement continue à attirer des sympathisants en dépit de cette pression policière laisse imaginer un réseau étendu en mesure de regarnir ses rangs quand il est visé par les arrestations.

Les militants d'extrême-droite ont aussi créé une page [en russe] sur LJ, où des modérateurs réunissent scrupuleusement les entrées favorables à la mouvance. La qualité d'écriture est remarquable pour une campagne de la base, de l'avis de cet auteur, et donne un résultat qui approche un journal de bénévoles.

Un des traits les plus surprenants des nationalistes extrémistes russes est leur apparente obsession pour les symboles et l'esthétique nazies. Lorsque l'URSS a battu l'Allemagne fasciste, c'est une coalition d'ethnies bariolées qui a porté l'Armée Rouge jusqu'à la victoire. Pourquoi créditer la Grande Guerre Patriotique d'un triomphe des seuls Russes, et de plus en brandissant le drapeau de l'ennemi ?

La mouvance elle-même montre la plus grande confusion sur ce qui unit ses adhérents. Les photos [en russe] de la parade comportent des emblèmes et insignes empruntés aux fascistes, tsaristes, et même aux Celtes. Ceci dit, les meneurs de la marche proposent une idée-force des plus simples : “la Russie aux Russes”, un concept qui met d'accord de nombreux internautes. Ceux-ci ne doutent pas moins des individus nationalistes prêts à mettre le slogan en oeuvre. En particulier, les moyens et méthodes proposées par la droite font peur.

Les photoblogueurs n'ont pas manqué l'occasion de couvrir les marches de l'Unité. Citons les reportages de mikle1, politrash-ru, zyalt, et viktorlevanov (pour n'en citer que quelques-uns). Mikle1 commente :

Вот посмотришь на лица этих людей, послушаешь их лозунги, и понимаешь - это не борцы за Русский Мир. И не защитники русских и России. Это люди или психически неадекватные, или донельзя малограмотные, или желающие под красивыми лозунгами бить, резать, стрелять. […] Они не едут на Кавказ добровольцами, не записываются в контрактники. Они выходят на улицы русских городов с призывами гнать своего соседа-инородца. Или не инородца - просто рожей не вышел или фамилия неправильная.

A regarder les visages de ces gens, à écouter leurs slogans, on comprend que ce ne sont pas des guerriers du Monde Russe. Ni des défenseurs des Russes ou de la Russie. Ces gens sont soit des handicapés mentaux, soit des ignorants à l'extrême, ou ils ont [seulement] envie de taper, couper et faire le coup de feu au son de beaux slogans. […] Ils ne vont pas comme volontaires [pour servir] dans le Caucase, ne s'engagent pas dans l'armée. Ils sortent dans les rues en vue de chasser leurs voisins non-russes. Ou [parfois] ce n'est pas même un non-Russe, simplement sa gueule ne revient pas ou il n'a pas le bon nom de famille.

Filmant avec une caméra cachée, le blogueur viktorlevanov a été particulièrement cinglant dans ses commentaires :

 Когда попал вчера на Русский Марш, подумал, что на Хэллоуин пришел - столько колоритных персонажей и все в масках.

Quand je suis tombé hier sur la Marche Russe, j'ai pensé être arrivé à Halloween - tant de personnages colorés, tous portant des masques.

A la marche nationaliste, Moscou, 4 novembre 2012, photo RiMarkin, CC 2.0.

Levanov continue en plaisantant que les manifestants se protégeaient d'une épidémie de grippe, pour se jouer du fait que nombre d'entre eux portaient des masques médicaux afin de dissimuler leur identité et conférer une ambiance de danger.

Le blogueur avmalgin a interrogé les capacités des nationalistes extrémistes russes, remarquant que les sociétés plus avancées d'Europe sont aux prises avec leurs propres ‘problèmes musulmans,' sans succès jusqu'à présent :

В Европе умные люди не могут сдержать исламизацию, а в Москве идиоты - смогут?

Les gens intelligents en Europe n'arrivent pas à contenir l'islamisation, et les imbéciles à Moscou le pourront ?

Dans un commentaire sous le billet de Malgin, le blogueur non-russe tovbot décrit son vécu de membre d'une minorité ethnique en URSS :

 Я учился в советской школе в национальной республике и знаете - у нас даже не было урока родного языка, мы учили только русский язык и литературу. Мы не учили историю своего народа, мы учили историю России и русского народа.

J'ai étudié à l'école soviétique dans une république nationale, et vous savez, nous n'avions pas un seul cours dans notre langue maternelle, nous n'apprenions que la langue et la littérature russes. Nous n'apprenions pas l'histoire de notre peuple, nous apprenions l'histoire de la Russie et du peuple russe.

Dans leur volonté d'unir leurs sympathisants autour de l'idée de la supériorité russe, les dirigeants des mouvements nationalistes semblent prêts à remonter le temps et à adopter une approche proprement soviétique de l'histoire, en effaçant une suite complexe de succès et reculs multi-ethniques, en vue de réécrire un passé simplifié. Et là gît le plus gros problème des nationalistes : comme tant d'autres factions dans la société russe, ils restent incapables de relier l'héritage soviétique et le présent post-communiste du pays. La confusion sur les symboles nationalistes n'est qu'un des multiples symptômes qui empoisonnent encore la Russie. Avant qu'un mouvement social quelconque puisse menacer de façon crédible l'élite au pouvoir, il lui faudra faire la différence sur cette question centrale.