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Le soulèvement en Syrie vu par les femmes syriennes

jeudi 20 mars 2014 à 14:02

[Les liens dirigent vers des pages en anglais]

Ce post est publié par Syria Untold.

En Syrie le 15 mars est l'anniversaire du soulèvement populaire contre la tyrannie. Quelques jours avant cette journée en 2011, les Syriens manifestaient devant les ambassades de Tunisie, du Liban et d'Egypte en soutien aux mobilisations qui se répandaient dans toute la région depuis la fin 2010. Des hommes et des femmes témoignaient leur solidarité pour les luttes menées par leurs voisins, auxquelles les syriens pouvaient s'identifier. Après trois années de soulèvement, Syria Untold décrit la Syrie telle que la voient trois femmes qui ont activement travaillé à promouvoir la justice et le liberté dans le pays.

 

Banner from the campaign for the release of Syrian activist Razan Ghazzawi: "The regime does not fear those imprisoned, but those who do not forget them." Source: Syria Planet

Affiche de la campagne pour la libération de l'activiste syrienne Razan Ghazzawi (2011) : “Le régime n'a pas peur de ceux qui sont en prison, mais de ceux qui ne les oublient pas.” Source: Syria Planet

 

Un soulèvement de femmes?

Dès le début du soulèvement, les femmes ont travaillé main dans la main avec les hommes pour organiser les manifestations et la désobéissance civile. Marwa Ghamian a été l'une des premières personnes arrêtées pour avoir appelé à plus de liberté en public, le 15 mars 2011, lors d'une manifestation sur le marché Hamidiah de Damas.

Pendant des dizaines d'années, la liberté de s'exprimer et de se réunir était interdite dans le pays, et il n'y avait aucun moyen de discuter librement de n'importe quel problème, en particulier des problèmes qui touchaient les femmes. “Au début du soulèvement, j'ai eu l'impression de connaître un espace de liberté personnelle et publique pour la première fois de ma vie,” raconte Khawla Dunia à Syria Untold. “Je pouvais élever la voix, parler franchement, exiger mes droits, dans les rues de Damas et partout.”

“C'était le cas pour des femmes de niveaux intellectuels et d'origines très différents, impliquées à tous les niveaux des manifestations”, ajoute Razan Ghazzawi.

Si les femmes ont joué un rôle primordial pendant la phase pacifique du soulèvement, elles ont moins contribué à la lutte armée. “Quand la militarisation a gagné du terrain, le rôle des femmes a beaucoup perdu de son importance et s'est pour la plupart du temps réduit à l'aide et au secours humanitaires”, dit Yara Nassir.

Dans les zones libérées du contrôle du régime, cependant, la participation des femmes pouvait être très active comme anecdotique, selon la personne qui contrôle la zone. La nature du pouvoir dans chaque ville, chaque village, va d'un fonctionnement civil à islamique modéré pour certains à un contrôle par des groupes affiliés à Al-Qaïda pour d'autres, ce qui fait une énorme différence quant à la liberté d'action et de mouvement des femmes.

Frappées par l'oppression du régime et par de nouvelles obligations

“Les Syriennes souffrent encore aujourd'hui de l'oppression du régime, mais aussi de nouvelles obligations qui leur sont imposées,” ajoute Nassir. “La situation est dramatique, car les femmes doivent encore supporter le contrôle du régime, alors que dans les zones libérées elles sont écartées de la vie publique et des processus de décision. Les femmes sont toujours à la recherche d'un espace civil où évoluer et s'exprimer librement. Le fait que la révolution n'ait pas intégré le droit des femmes dès le début fait partie du problème. L'égalité des sexes n'était pas au coeur du mouvement pour le changement.”

Il faut un changement des mentalités, approuve Dunia, et c'est ce qui a conduit les syriens dans la rue au début, mais les circonstances actuelles n'ont pas permis l'aboutissement de ce changement.

“Souvent aux postes de contrôle on me demande quels vêtements je porte, où est ma famille, si je suis mariée ou non, on me pose des questions que l'on ne poserait jamais à un homme,” souligne Razan Ghazzawi. “Comme si je ne pouvais travailler librement pour mon pays, le pays pour lequel j'ai un passeport.” Elle reproche aux activistes, de la lutte pacifique comme de la lutte armée, de ne pas s'élever contre le traitement réservé aux femmes activistes dans certaines zones libérées. “Je n'ai pas entendu un seul de mes camarades dénoncer publiquement les restrictions imposées aux femmes,” se plaint-elle.

L'expérience de Nassir dans les zones libérées est complètement différente. “Tout le temps que j'ai passé ici, je ne me suis jamais couvert la tête et pas une seule fois on ne m'a parlé de ce problème, ni la population locale ni les soldats.”

Pour ce qui concerne l'origine des violences, les activistes sont d'accord pour faire porter l'entière responsabilité des mauvais traitements qui ont lieu dans le pays au régime. “La comparaison entre la violence de la part du régime et la violence de la part de l'opposition est un faux problème. Le régime vise toute la population, et est engagé dans des détentions massives, des tortures et des assassinats,” commente Ghazzawi.

Aujourd'hui, les femmes se trouvent coincées entre leur combat contre le régime et les autres menaces quotidiennes, celles des groupes d'extrémistes qui occupent le pouvoir laissé vacant dans les zones libérées, ce qui paralyse les droits des femmes. Par ailleurs, certaines se demandent si c'est le moment de discuter de ces problèmes, si ce n'est pas un luxe en regard de la mort, de la faim et des privations éprouvées sur le terrain. Cependant, comme le dit Dunia, il ne s'agit pas uniquement du droit des femmes, c'est une demande de justice, d'égalité et de citoyenneté qui fait descendre les syriens dans la rue depuis mars 2011.

Ce post est publié par Syria Untold.

Solidarité mondiale pour les disparus du vol malaisien MH370

jeudi 20 mars 2014 à 13:57
Trendsmap showing global Twitter discussion on MH370

Carte de tendance mondiale du thème MH370 sur Twitter

[Liens en anglais] Deux semaines après la disparition d'un avion de la la compagnie Malaysian Airlines en plein vol de Kuala Lumpur à Pékin, les autorités sont toujours incapables de le localiser ainsi que ses 239 passagers. Les recherches du vol MH370 ont été élargies au bout d'une dizaine de jours de tentatives infructueuses de le retrouver à proximité de la zone où les radars l'ont détecté pour la dernière fois.

L'absence d'information officielle sur ce qu'il est advenu du vol MH370, beaucoup de gens se tournent vers des hypothèses et autres théories plus ou moins crédibles pouvant expliquer la mystérieuse volatilisation de l'avion. La désinformation ajoute au malheur des proches des passagers du MH370. Dans les familles, certains ont exprimé leur colère et déception devant l'absence de toute nouvelle positive sur l'état des recherches.

Ce qui peut malgré tout leur donner du courage pour traverser l'épreuve, c'est l'effusion de solidarité et les messages de soutien du monde entier.

Le Premier Ministre [malaisien] Najib Razak est reconnaissant à tous les pays qui aident son pays dans les recherches du MH370 :

A ce jour, 14 pays, 43 navires et 58 aéronefs participent aux recherches. Je veux remercier tous les Etats pour leur aide dans un moment aussi grave.

Susan Ng A. Suan est très émue par le soutien mondial reçu par la Malaisie :

Cela fait chaud au coeur de voir les pays et gens du monde entier s'assembler dans un effort uni, pour aider aux opérations de recherches et de secours pour le vol MH370.
Merci à tous ces Etats d'avoir fouillé sans répit les cieux, les mers et les terres pour le MH370
Et aussi aux 2,3 millions de personnes à travers le monde qui scrutent péniblement, de façon collaborative et durant de longues heures, les images satellitaires.

Une extraordinaire démonstration de foi retrouvée en l'humanité.

Filipino students hold a candle lighting ceremony in honor of passengers of MH370. Photo from Kathy Yamzon

Des étudiants philippins allument des bougies dans une cérémonie en l'honneur des passagers du vol MH370. Photo Kathy Yamzon

Le club anglais de Liverpool est ému par le message Twitter de la fille du chef de cabine du MH370 :

“Papa, Liverpool remporte le match. Reviens à la maison pour regarder le match ! Tu ne manques jamais un match. C'est ta toute première fois. :') “ 

Ceci nous a touchés en plein coeur : un tweet dimanche soir de Maira, fille du chef de cabine du MH370 Andrew Nari

De nombreux internautes utilisent le mot-dièse #PrayForMH370 (Priez pour le vol MH370) pour exprimer leur soutien aux proches des passagers disparus. Il fait aussi apparaître la sympathie et l'inquiétude mondiale pour le vol disparu. Voici des photos en provenance de divers pays en solidarité avec la Malaisie :

Nous prions pour #MH370… Syrie

L'artiste sur sable indien Sudarshan Patnaik met la touche finale à une sculpture sur sable de voeux pour #MH370

Des artistes philippins rendent hommage aux passagers de l'avion malaisien disparu

Mobilisation des étudiants de l'Université de Warwick ! Participez à quelque chose de grand !

Le monde entier prie pour vous !

 MH370 La réponse mondiale. Voyez sur cette infographie comment tous coopèrent.

Messages d'espoir et prières pour ceux du MH370 et leurs proches à l'aéroport de Kuala Lumpur

Crimée : qu'en pense le blogueur russe n°1 ?

mercredi 19 mars 2014 à 18:20
Alexey Navalny speaks from confinement. An artist's depiction.

Alexeï Navalny s'exprime depuis sa réclusion. Auteur inconnu.

La semaine dernière, soi-disant pour cause de non-respect de son assignation à résidence, le blog d'Alexeï Navalny sur LiveJournal s'est vu bloqué. Celui-ci avait toutefois eu le temps de publier un long article sur la situation en Crimée. Et donc, qu'en pense le célèbre blogueur et possible leader de l'opposition ? 

L'article était une réponse directe aux critiques comme aux alliés de Navalny qui se demandaient pourquoi diable il restait en retrait sur cette question, car après tout, Alexeï Anatolievitch est un partisan affiché du nationalisme aux positions anti-immigration très tranchées. Malheureusement, dans une telle situation, il n'est pas si simple de choisir son camp. En tant que leader de l'opposition, il se doit de critiquer la politique interventionniste de Poutine. Une position qui, d'un autre côté, pourrait faire taxer d'hypocrisie le nationaliste qu'il est. Voici comment Navalny lui-même résume ce dilemne :

Тут мне передали, что в комментах ко всем постам оставляют “а что же Навальный по Крыму не выскажется? Боится, значит? Хочет на двух стульях усидеть!”. На двух стульях я, конечно, усидеть хочу (кто же не хочет) [...]

On me dit que tous les commentaires de posts demandent “Mais pourquoi Navalny ne s'exprime pas sur la Crimée ? C'est parce qu'il a peur ? Il veut jouer sur les deux tableaux ! !” Bien sûr que je veux jouer sur les deux tableaux (qui ne le voudrait pas) [...]

Mais Navalny va-t-il réussir à “jouer sur les deux tableaux” ? Il a commencé par choisir le “tableau” le plus évident pour lui : dénoncer la corruption du régime russe. De ce point de vue, l'action de  Poutine en Crimée est une façon de punir les Ukrainiens pour s'être soulevés contre leur propre régime corrompu. Poutine a fait d'eux un exemple pour limiter les risques qu'un tel mouvement se produise en Russie.  

A. Navalny tente toutefois de ne rien sacrifier du nationaliste qu'il est. Il souligne l'importance d'entretenir des relations d'amitié avec l'Ukraine, basées sur une fraternité “pan-slave” qu'il prête à chaque Russe envers les Ukrainiens et les Biélorussiens – mais pas à l'égard des Ouzbèques ou des Kirghizes. Il met aussi en doute une quelconque persécution des Russes en Ukraine, puisque, en tant que groupe ethnique, les Russes sont beaucoup plus mal traités en Asie centrale ou en Tchétchénie. nbsp;

А. Navalny estime aussi que la Crimée appartient “injustement” à l'Ukraine et que n'importe quel Russe “normal” partage ce sentiment. Dans le même temps, il se prononce contre le rattachement de la Crimée à la Russie, et ce même si ses habitants le votent lors d'un référendum légal. Pourquoi ? parce que…

Для нас самих вопрос территориальной целостности – болезненный. В интересах России – всегда заминать эту тему и всегда выступать против, как это делает Китай.

Chez nous, la question de l'intégrité territoriale est douloureuse. Il est toujours dans l'intérêt de la Russie de la balayer sous le tapis tout en prenant officiellement position contre, ainsi que le fait la Chine.

Tout référendum de ce type que soutiendrait la Russie constituerait un précédent, prévient Navalny : un précédent à une dissolution future de la Russie, si des régions peuplées par des minorités ethniques non russes, telles le Daghestan et la Tchétchénie, prétendaient sortir de la Fédération russe. S'il est difficile de savoir s'il a raison sur les autres points, force est de trouver les arguments de Navalny contre la tenue du référendum des plus étranges, surtout si on les passe au prisme de sa propre idéologie. Est-ce bien le même Navalny qui dans le passé soutenait l'appel à “cesser de nourrir la Tchétchénie” ? Le blogueur nationaliste Egor Prosvinine lui met le nez dans cette contradiction, faisant sarcastiquement remarquer que n'importe quel nationaliste sain d'esprit échangerait volontiers une Tchétchénie hostile contre une Crimée éthiquement russe. 

Совершенно верно, Алексей Анатольевич Навальный пугает русских, что если русские поддержат референдум в Крыму, то от России может уйти… Чечня. Обменять Крым на Чечню, что может быть ужаснее? Это же какой-то ночной кошмар каждого русского, поменять Севастополь на Грозный.

Tout à fait justement, Alexeï Anatolievitch Navalny fait peur aux Russes en leur disant que soutenir le référendum en Crimée pourrait bien faire sortir de Russie… la Tchétchénie. Échanger la Crimée contre la Tchétchénie, quoi de plus effrayant ? C'est une sorte de cauchemar nocturne pour n'importe quel Russe : remplacer Sébastopol par Grosny.

En fin de compte, l'issue que préconise Navalny à la crise en Crimée est très proche de la position officielle de la Russie sur cette question (sauf qu'il ne reconnaît pas la légitimité du référendum):  « accroissement de l'indépendance de la Crimée, garanties renforcées du statut de la langue russe et de la non-entrée de l'Ukraine dans l'Otan, amnistie pour l'actuel gouvernement autoproclamé en Crimée ». Voeux pieux ou non ? Le référendum bat son plein, donc nous le saurons vite. [Ndlt: Entre la rédaction de cet article et sa traduction, celui-ci avait eu lieu et V. Poutine avait signé le traité de rattachement de la Crimée à la Russie].

Mise au pas de Lenta.ru, le site d'informations le plus populaire de Russie

mercredi 19 mars 2014 à 13:26
Ainsi se termine une époque pour le portail russe de nouvelles Lenta.ru. Image mélangée par l'auteur.

Ainsi se termine une époque pour le portail russe de nouvelles Lenta.ru. Illustration de  l'auteur.

Galina Timchenko, longtemps rédactrice en chef du site web d'information le plus populaire de Russie, Lenta.ru, a perdu son emploi. A la suite du deuxième avertissement officiel des services de censure gouvernementaux à Lenta.ru en moins de douze mois (le prétexte légal pour la révocation de la licence de publication), le propriétaire Alexander Mamut a soudainement licencié Galina Timchenko, en la remplaçant par Alexey Goreslavsky, qui, dans le passé, a dirigé plusieurs projets de médias favorables au Kremlin. Les membres du personnel de Lenta.ru ont réagi avec une lettre ouverte de protestation, publiée sur la page d'accueil du site, qu'un autre site de nouvelles, Slon.ru, qualifie de lettre de démission collective. Individuellement, plusieurs des plus célèbres journalistes de Lenta.ru, dont Ilya Azar (qui était encore correspondante depuis la Crimée), ont indiqué sur Twitter et Facebook qu'ils refusaient de travailler sous Goreslavsky.

Les problèmes pour Lenta.ru ont commencé avec l'information que le Roscomnadzor (organisme de réglementation des communications de la Russie) avait publié un avertissement officiel à cause d'un lien hypertexte contenu dans un article publié le 10 Mars 2014. Le lien incriminé a été inséré dans une interview de la journaliste Azar à M. Andrei Tarasenko, chef de la section de Kiev du groupe paramilitaire nationaliste ukrainienne Pravyi Sektor, une organisation que le gouvernement russe a fréquemment accusée de troubles en Ukraine.

Le 3 Mars, le Roscomnadzor, appliquant une décision du procureur général de la Russie demandait à Vkontakte, le réseau social le plus populaire de la Russie, de bloquer l'accès depuis des adresses IP russes à 13 groupes nationalistes ukrainiens, y compris Pravyi Sektor.

Bien que Azar ait interviewé une personnalité de haut rang de Pravyi Sektor, Roscomnadzor n'a soulevé des objections que pour un lien hypertexte dans le texte qui renvoyait les lecteurs vers un entretien séparé avec Yarosh, publié sur un site ukrainien en été 2008. Lenta.ru a rapidement enlevé le lien hypertexte, laissant l'interview de Azar en ligne accessible au public. Toutefois, le rédacteur en chef, Galina Timchenko a écrit sur ​​Facebook ce matin, “tout le problème était dans le lien hypertexte”, suggérant aux lecteurs que le drame de la journée à Lenta.ru avait pris fin.

Trois heures plus tard, Timchenko a annoncé à nouveau sur Facebook, la fin de ses fonctions à Lenta.ru, remerciant pour “les moments intéressants.”

Qu'est-il arrivé ?

En regardant en arrière, le départ de Timchenko et la perte de confiance du public envers Lenta.ru que son licenciement a précipité ne sont pas si surprenants. En mai 2012, Timchenko a parlé ouvertement de démissionner de Lenta.ru, disant qu'elle avait l'intention de le quitter dans quelques années, pour des raisons semblables à celles de Boris Eltsine peu de temps avant que celui-ci ne remette le pouvoir à Vladimir Poutine. (“Je suis fatigué, je pars.”) Il y a deux ans, Timchenko disait que les manifestations populaires de l'”hiver du mécontentement” en Russie de 2011 à 2012 n'avaient pas eu d'impact particulier sur Lenta.ru, contrairement à la chaine de TV Dojd, une station de télévision qui était devenue le porte-parole de la nouvelle opposition dans les rues.

Galina Timchenko, Lenta.ru's former chief editor, ousted today.

Dans une interview publiée plus tôt cette année, Timchenko ne se comparait pas à Eltsine mais à Vsevolod Roudnev, le commandant du croiseur russe  Varyag, qui s'est sabordé plutôt que de tomber aux mains des Japonais en 1904. Environ deux ans se sont écoulés depuis qu'elle a indiqué son intention de quitter Lenta.ru, mais son départ aujourd'hui est tout sauf volontaire.

Son remplaçant, Alexey Goreslavsky, a dirigé deux médias connus pour être favorables au Kremlin: Vzgliad.ru, un site ouvertement partisan du gouvernement et l'Agence One, une entreprise de relations publiques. Critiquant la nomination de Goreslavsky aujourd'hui, le blogueur Alexeï Navalny a qualifié Vzgliad.ru “d'échec complet“, en dépit de son  budget très élevé. Quant à Agency One, elle est responsable d'une série de vidéos virales racistes destinées à soutenir la récente campagne pour la mairie de Moscou de Sergueï Sobianine. En décembre dernier, en sa qualité de représentant de Lenta.ru, Goreslavsky était l'une des seules personnalités des médias russes, même de loin, à prendre ses distances lors de la signature d'un mémorandum controversé du gouvernement sur ​​les mesures anti-piratages numériques.

L'indépendance de Lenta.ru a survécu à plusieurs bouleversements de l'entreprise, jusqu'au début de 2013, quand le propriétaire Vladimir Potanine (apparemment sous la pression du Kremlin pour faciliter une plus grande consolidation des médias en Russie) a convenu de fusionner ses activités avec un autre magnat des médias, Alexander Mamut. La fusion aurait du épargner à Lenta.ru de grands changements, si ce n'était la perte de Rafael Akopov, qui a quitté l'entreprise de Potanine quelques mois avant la fusion. Selon TV Dojd, Akopov a contribué au fil des ans à la protection de l'autonomie de Lenta.ru. Sans lui, dans le climat nationaliste de la Russie aujourd'hui, il est devenu beaucoup plus facile pour les propriétaires et les autorités publiques de s'immiscer dans la politique des sites d'information les plus populaires du pays. Lorsque Lenta.ru a utilisé le lien pour renvoyer vers les commentaires d'un Ukrainien nationaliste extrémiste et un ennemi de l'état, selon Moscou, c'était une excuse idéale pour purger la direction du site.

Voyez le résultat: Alexey Goreslavsky, et la destruction de la réputation de Lenta.ru.

Quelles perspectives pour le data journalisme en Afrique de l'Ouest ?

mercredi 19 mars 2014 à 12:15

Le site FiveThirtyEight vient d'être lancé avec un buzz important dans le monde des médias américains. C'est un site web qui a vocation à vulgariser le concept de data journalisme ou journalisme de données. Son créateur, Nate Silver, est un statisticien américain qui est devenu célèbre dans l'opinion publique américaine pendant la campagne présidentielle de 2007-08. En effet, la justesse de ses prévisions lors de l’élection présidentielle américaine de novembre 2008 (il prédit correctement le vainqueur dans 49 des 50 États) lui vaut une plus grande attention du public. Il prédit correctement aussi les résultats des 35 élections sénatoriales de cette année. Le journalisme de données n'est pourtant plus un concept inconnu pour la plupart des médias dans le monde. 

Nate Silver explique les objectifs du site :

Relatively little of this coverage entailed making predictions. It usually involved more preliminary steps in the data journalism process: collecting data, organizing data, exploring data for meaningful relationships, and so forth. Data journalists have the potential to add value in each of these ways, just as other types of journalists can add value by gathering evidence and writing stories.

A vrai dire, le site ne faisait pas tant de prédictions que ça. L'essentiel de notre contenu tendait plutôt vers le processus de journalisme de données, c'est à dire la collecte de données, l'organisation des données, l'exploration des données pour mettre en avant les relations significatives, et ainsi de suite. Les journalistes de données ont la possibilité d'apporter de la valeur ajoutée par ces canaux, tout comme les autres catégories de journalistes qui ajoutent de la valeur par la collecte de preuves et la rédaction d'articles.

Si le lancement du site et le buzz autour est indicatif du futur des médias, le journalisme des données n'est plus une nouveauté depuis quelques années. En Europe, de nombreuses initiatives ont déjà été lancé dans ce sens, notamment avec OWNI en France et le Data Blog du Guardian en Angleterre.  

Dans les pays émergents, la valeur ajoutée au data journalisme n'est plus à démontrer. Cependant,  un modèle de pérennisation de la pratique est encore à trouver. Bertrand Pecquerie, responsable de Global Editors Network pense que les barrières juridiques sont encore trop importantes dans la plupart  des pays émergents [en] :

Clearly, data journalism is at an early stage in emerging countries. The real barrier is access to open data, and the laws are still friendlier in, [for example], Sweden and Norway than in Nigeria or Pakistan.

De toute évidence, le data journalisme est encore à un stade précoce dans les pays émergents. Le véritable obstacle est l'accès public aux données. Par exemple, les lois en vigueur sur ce sujet sont à ce jour plus adaptées en Suède et en Norvège qu'au Nigeria ou au Pakistan.

Sur le continent Africain, le data journalisme connaît aussi un bel essor mais fait face à des difficultés du côté de la disponibilité et de la fiabilité des données existantes.  Cheikh Fall, fondateur de Sunu2012 au Sénégal et  Nicolas Kayser-Bril, co-créateur de journalism++ et animateur d'un atelier de formation au data journalisme à Dakar, explique les besoins en données fiables au Sénégal :

L’accès aux données est largement insuffisant. Nous avons 100 personnes qui relaient l’information sur le terrain et une communauté de quelques 1 000 personnes qui suivent le site. Pour nous, l’enjeu principal est de démocratiser le mode de traitement de l’information et que celui qui habite à 500 kilomètres de Dakar puisse avoir accès à l’information [..] Ils vont chercher les données à la base et ne se contentent pas de vérifier un chiffre sorti de la bouche d’un politique. L’intérêt du fact-checking est de pouvoir vérifier et contester les données officielles. On sait qu ’il y a un problème de données, donc l’enjeu est d’en chercher de nouvelles.

Infographie sur la taille du continent africain - domaine public

Infographie sur la taille du continent africain – domaine public

Nicolas Kayser-Bril explique dans la vidéo suivante sa vision du data journalisme:

Internet sans frontières était aussi impliqué dans l'organisation de cet atelier de formation à Dakar. Les responsables du groupe, Julie Owono et Archippe Yepmou expliquent les objectifs de l'atelier :

Au Cameroun, Dorothée Danedjo Fouba note que le Cameroun est certes une référence en Afrique sur le journalisme en ligne et mais souligne qu'il existe encore des carences réglementaires : 

Au Cameroun, la classification des journaux en ligne devient plus complexe du fait d’une absence de nomenclature dans le domaine du webjournalisme. Des propositions de nomenclature non encore validées par le législateur présente la presse en ligne sous le nom presse cybernétique constituée de « cyberjournal » ou « journal multimédia ».

Mais des initiatives importantes sont entrain de se mettre en place, comme le souligne IZANE Gaétan sur twitter :

Une autre initiative, Feowl , a permis de mettre en avant avec les données existantes le problème du délestage à Douala. Une infographie de sensibilisation au problème a été produite avec les informations recueillies :

Délestage à Douala, Cameroun via Bantu Politics

Délestage à Douala, Cameroun via Bantu Politics

Le projet Feowl n'a pas pu aller à son terme faute de moyens, mettant en avant une nouvelle fois la difficulté de pérenniser les projets de data journalisme en Afrique de l'ouest.

En Côte d'Ivoire, Le blog de Yoroba pense que ce type de journalisme est l'avenir du journalisme :

« Est-ce un métier pour l’avenir ?» me demandait un journaliste au sortir d’un atelier que je donnais sur le même thème. « Non, lui ai-je répondu, c’est un métier pour aujourd’hui ». [..] Le web journaliste doit tenir compte de l’environnement web dans lequel évolue désormais la profession. Un environnement de pluralité de sources. Le journaliste se retrouve parfois avec des versions différentes sur un sujet. Des informations complémentaires ou même contradictoires. Aux journalistes de faire le tri, de recouper et de vérifier ses sources.