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Sarajevo confère le titre de citoyen d'honneur à la star anglaise de heavy metal Bruce Dickinson

lundi 3 décembre 2018 à 00:15

Arrêt sur image du documentaire “Scream for me, Sarajevo” avec les images originales du concert du 14 décembre 1994 avec Chris Dale et Bruce Dickinson.

[Article d'origine publié le 1er novembre 2018] Par un vote unanime, le conseil municipal de Sarajevo a décidé d’attribuer le titre de « Citoyen d'honneur de Sarajevo » au musicien anglais Bruce Dickinson.

Il a reçu cette distinction en mémoire de sa visite pendant le siège de Sarajevo, au moment où la guerre de Bosnie faisait rage. Il avait alors donné un concert le 14 décembre 1994.

D'après le communiqué de presse de la municipalité, c’est une ONG qui est à l'initiative de cette démarche, l’association d’artistes Concept Media.

Dickinson est surtout connu pour être le chanteur du groupe de heavy metal Iron Maiden, qui a eu (et a encore) beaucoup de fans en ex-Yougoslavie et Europe orientale.

En 2006, l’histoire du concert de Dickinson avait fait l’objet d’un film documentaire intitulé «Scream for me, Sarajevo», inspiré par un post de 2010 sur le blog MetalTalk par un membre du groupe, Chris Dale.

La session du conseil municipal de Sarajevo du 31 octobre 2018. Photo: site officiel du conseil municipal de Sarajevo City Council.

Ce film avait été réalisé par un groupe d’auteurs bosniens, dont le producteur Adnan Ćuhara. Lors d’une interview, des années après sa visite, Dickinson raconte comment l'expérience au sein de la ville assiégée l’a changé :

I was quite naive about it. They wouldn't be asking us to go into a proper war […] and it was more than just a proper war. It was a PROPER war. It was harrowing and it changed the way I thought about people.

J’ai été assez naïf à ce sujet. Ils ne nous auraient pas demandé d’aller dans une vraie guerre […] et c’était plus qu’une vraie guerre. C’était une VRAIE guerre. C’était atroce et cela a changé ma façon de voir les gens.

Dans une déclaration au journal sarajévien Dnevni avaz, Ćuhara a dit que Dickinson remerciait tout le monde, et particulièrement les citoyens de Sarajevo. Le musicien a précisé, avec la modestie qui le caractérise, qu’il partage le mérite de cette récompense avec le groupe qui l’a suivi dans ce dangereux périple, et les gens de l'ONU qui ont aidé à l'événement.

Bruce Dickinson à propos de titre de Citoyen d'honneur de Sarajevo : Mes émotions sont un tourbillon, merci à vous tous.

Dickinson n’a pas confirmé sa présence à Sarajevo, le 25 novembre prochain, pour recevoir cette distinction en personne.

Il faut regarder [le film[ “Scream for me Sarajevo” et lire l'autobiographie de Bruce Dickinson. Vous y gagnerez une appréciation toute nouvelle du Dieu du Métal.

Au total, 13.952 personnes, dont 5.434 civils, ont perdu la vie durant le siège de Sarajevo. Ce dernier a duré près de 3 ans et 11 mois et est considéré comme le plus long siège qu'une capitale ait connu dans l'histoire de la guerre moderne.

À l’époque, les contacts avec les artistes étrangers représentaient beaucoup pour les citoyens assiégés qui passaient leur vie isolés et sous le feu de l’artillerie et des snipers des collines voisines. Au fil des ans, ils ont témoigné leur gratitude aux artistes qui leur ont remonté le moral par diverses expressions de soutien, dont l’hommage rendu à la star musicale britannique David Bowie.

Devant les feux de brousse et pluies torrentielles, la question des Australiens est : ‘Quel changement climatique ?”

dimanche 2 décembre 2018 à 12:28
Bushfires and flooding rains

Feux de brousse et pluies torrentielles – Arrêt sur image d'une vidéo du Service de Météorologie d'Australie

Les feux de brousses au Queensland et les pluies torrentielles à Sydney suscitent un débat en ligne en Australie sur la causalité du changement climatique dans les conditions météorologiques extrêmes.

Mercredi 28 novembre 2018, les températures-record dans le centre du Queensland ont eu pour conséquence 200 incendies, dont certains ont été classés catastrophiques. 8.000 personnes ont été évacuées de la petite ville de Gracemere, voisine de Rockhampton, le chef-lieu régional.

Plus loin au sud, le même jour, l'équivalent d'un mois de pluie, soit 100 millimètres, a submergé Sydney en à peine deux heures. Il y a eu des inondations étendues, des dégâts matériels et deux morts déclarés. Un ‘mini-ouragan’ a arraché le côté d'un immeuble.

Malgré la réputation du ‘pays brûlé par le soleil’ de “sécheresses et de pluies diluviennes”, de nombreux Australiens ont été prompts à accuser le changement climatique de ces événements sortant de l'ordinaire :

au saut du lit je viens de voir les infos, au diable la politique pendant cinq minutes, j'espère que tout va bien pour mes amis sur Twitter à Sydney, sur la côte sud et au Queensland – quel cauchemar météo absolu, ah oui il est temps de parler de changement climatique.

En voyant une moitié de la côte est en feu et l'autre moitié sous l'eau, est-ce que le moment serait venu d'écouter les scientifiques ?

Un avis qui n'était pas unanime. Certains ont argué que des événements météorologiques isolés ne donnaient pas la preuve qu'ils étaient liés. Ce tweet d'un site d'information a offert cette riposte :

Du point de vue d'un moment unique dans le temps ce serait idiot. Des calamités météorologiques pires se sont produites de nombreuses fois dans l'histoire. Simplement les gens n'avaient pas l'étiquette “changement climatique” à brandir à la ronde

Melanie Elron s'intéressait davantage au tableau à long terme :

Malgré tout la tempête de Sydney n'est rien de nouveau. Vous vous souvenez de l'anormal orage de grêle de 1999 ? Ceci n'est pas une preuve de changement climatique. C'est la recherche soutenue dans le temps qui prouve le changement climatique

L'action, ou plutôt l'inaction, du gouvernement australien, est un sujet brûlant ces temps-ci. Par coïncidence, l'ONU a publié le même jour un rapport. Selon l'ONG australienne Climate Council :

A NEW UNITED NATIONS report has found that Australia, along with countries such as Saudi Arabia and the United States, is not on track to meet its 2030 Paris climate target.

UN NOUVEAU RAPPORT DE L'ONU indique que l'Australie, avec des pays comme l'Arabie saoudite et les États-Unis, n'est pas sur la voie d'atteindre ses objectifs 2030 de Paris sur le climat.

Jonathan Meddings rejette la faute directement sur les politiques (appelés ici les ‘pollies’) :

Incendies record au Queensland. Pluie record à Sydney. Sécheresse record dans des parties de la côte est. Voilà à quoi ressemble le changement climatique. Pendant que le Queensland brûle et que Sydney se noie, la plupart des ‘pollies’ ont la tête dans le sable. Pas assez bon pour eux.

Pendant ce temps, les élèves agissent à leur manière en séchant les cours pour participer aux rassemblements de la grève des écoles pour l'action climatique dans tout le pays :

Regardez ce super reportage sur Junkee avec un portrait fabuleux de tous les élèves qui se mobilisent dans leurs communautés afin d'agir pour le climat

Leur action n'a pas manqué de stimuler le Premier Ministre Scott Morrison, qui a appelé à “moins de militantisme et plus d'étude dans les écoles”. Sur les médias sociaux, nombreux sont ceux qui se sont rangés du côté des élèves :

Merci aux élèves des écoles qui tiennent tête à Scott Morisson et à l'inaction criminelle de son gouvernement sur le changement climatique. La vision de Scomo d'élèves qui se désintéressent de la politique ou de l'avenir dépasse l'imagination.

Bien joué, cet élève ! (sur sa pancarte : “Si vous étiez intelligent, nous serions à l'école”)

Le changement climatique promet d'être un thème majeur des élections fédérales australiennes prévues en mai de l'année prochaine.

Qui sont les militantes des droits des femmes emprisonnées en Arabie saoudite ?

samedi 1 décembre 2018 à 11:44

“Libérez les courageuses” Les militantes saoudiennes des droits des femmes Aziza al-Youssef, Eman Al-Nafjan et Loujaïn al-Hathloul. Image de la campagne d'Amnesty International.

Le meurtre en octobre 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi — dont les responsables turcs et étasuniens disent qu'il a été tué sur l'ordre du Prince héritier Mohamed Bin Salman — jette une nouvelle lumière sur les multiples violations des droits humains dans le royaume.

Les organisations et militants internationaux et régionaux de défense des droits humains font de ce réexamen une occasion d'exiger la remise en liberté des militants des droits humains emprisonnés, parmi lesquels les défenseures des droits des femmes.

Au moins dix militantes des droits des femmes sont actuellement emprisonnées en Arabie saoudite, en rétorsion à leurs activités relatives aux droits humains. Parmi elles se trouvent Aziza al-Youssef, Eman Al-Nafja et Loujaïn al-Hathloul. Les trois militantes sont détenues depuis mi-mai, quand les autorités saoudiennes les ont mises aux arrêts et à l'isolement dans un lieu inconnu. Toutes avaient fait campagne pour le droit des femmes à conduire et contre le système saoudien suranné de la tutelle masculine, qui impose à la femme d'avoir le consentement d'un gardien homme si elle veut se marier, louer son propre appartement, demander un passeport ou voyager hors du pays.

En plus de ces sujets extrêmement sensibles, chacune avait utilisé l'internet pour diverses sortes d'activisme indépendant. Aziza al-Youssef faisait du plaidoyer pour les survivantes de violences familiales. Al Nafjan est l'auteur du blog Saudiwoman, où elle écrivait sur les droits des femmes, les questions sociales et la compréhension culturelle dans le royaume.

En 2014, Loujain al-Hathloul avait défié l'interdiction de conduire pour les femmes en se rendant au volant de sa voiture des Emirats arabes unis en Arabie saoudite. Elle est passée en jugement devant la Cour criminelle spéciale (SCC), compétente pour les affaires de terrorisme et de sécurité nationale. Après dix semaines en détention, elle fut relâchée le 12 février. Sa situation judiciaire reste ambiguë, selon Amnesty International [en].

Al-Fassi au volant. Photo du compte Twitter de la militante.

Autre militante actuellement en prison, Hatoon al-Fassi a été arrêtée le 27 juin, trois jours après la levée de l'interdiction aux femmes de conduire. Selon le Gulf Center for Human Rights (GCHR, Centre pour les droits humains dans le Golfe) :

Al-Fassi is a renowned scholar, associate professor of women's history at King Saud University and the author of Women in Pre-Islamic Arabia: Nabataea. She has long been advocating for the right of women to participate in municipal elections and to drive, and was one of the first women to drive the day the ban was lifted.

[Mme] Al-Fassi est une universitaire de renom, professeure associée d'histoire féminine à l'Université Roi Saoud, et auteure de Les femmes dans l'Arabie pré-islamique : Nabatéa. Elle plaide depuis longtemps pour le droit des femmes à participer aux élections municipales et à conduire, et a été une des premières femmes à conduire le jour où l'interdiction a été levée.

Après les arrestations en mai de Mmes al-Youssef, al-Nafjan et al-Hathloul ainsi que de trois autres militantes, des déclarations officielles ont circulé sur les médias d’État, accusant les trois femmes de mettre en danger la sécurité nationale par leurs contacts avec des entités étrangères “dans le but de saper la stabilité et le tissu social du pays”, a rapporté Amnesty. Elles aussi devraient comparaître devant la Cour criminelle spéciale.

Dessin sur la campagne pour la conduite des femmes, par Carlos Latuff. Mis dans le domaine public.

Le 30 juillet, deux autres militantes ont été arrêtées : Samar Badawi et Nassima al-Sadah. Samar Badawi est la sœur de Raif Badawi, un blogueur incarcéré qui a été condamné à 10 ans d'emprisonnement et à 1.000 coups de fouet pour avoir monté en 2014 un site web pour le débat public. Infatigable militante des droits des femmes et de la justice sociale, Samar Badawi a été de multiples fois arrêtée et interrogée par les autorités saoudiennes.

En février 2017, le Bureau des enquêtes et des poursuites l'a interrogée pendant sept heures, à propos de ses activités pour les droits humains et la campagne pour mettre fin à la tutelle masculine discriminatoire dans le royaume.

Mme Al-Sadah est membre co-fondatrice du Centre Al-Adalah pour les droits humains, une organisation à laquelle le gouvernement saoudien a refusé une autorisation de fonctionnement. Comme Samar Badawi, Nassima Al-Sadah a fait campagne pour les droits des femmes et elle a été précédemment interrogée sur son militantisme pour les droits humains. Lors des élections municipales de 2015, auxquelles les femmes étaient pour la première fois autorisées à voter et être candidates, Mme Al-Sadah voulut se présenter. Deux semaines avant le vote, sa candidature fut disqualifiée sans aucune explication.

Selon certaines informations, les femmes saoudiennes militantes emprisonnées subissent des mauvais traitements aux mains de leurs interrogateurs. Selon Human Rights Watch, au moins trois des défenseurs de droits détenues ont été torturées et subi ‘l'administration de chocs électriques, des coups de fouet sur les cuisses, ainsi que des étreintes et des baisers forcés’.

A l'occasion de la Journée internationale des défenseures des droits des Femmes célébrée le 29 novembre, les organisations de droits humains continuent à appeler à la libération des militantes saoudiennes à travers des campagnes en ligne, une pétition de 240.000 signatures à l'ONU mise sur pied par Women's March Global, et d'innombrables lettres et déclarations de soutien.

Un rappeur russe arrêté et relâché de façon inattendue après une intervention présumée du Kremlin

samedi 1 décembre 2018 à 09:57

Husky, un célèbre rappeur russe, a fait un caméo (une apparition furtive) dans un clip vidéo où Poutine est tourné en ridicule à propos de ses “liens spirituels” // YouTube, capture d'écran Runet Echo.

Sauf mention, les liens de cet article renvoient vers des pages en russe.

Fin novembre 2018, les autorités régionales de Krasnodar, une grande ville du sud de la Russie, ont interdit un concert du populaire rappeur Husky (Dmitry Kouznetsov de son vrai nom). La police locale a fait une descente dans le club où il s'apprêtait à se produire et a interpellé Husky au moment où il entamait une performance sur le toit d'une voiture garée dans les environs. Le rappeur a été incarcéré puis relâché presque aussitôt, ce qui pourrait être le fait de fans haut placés au Kremlin. Malgré cela, la carrière de Husky pourrait être menacée, car les autorités russes continuent leur politique de répression envers toute musique qu'elles jugent offensante. 

Husky est en détention pour 12 jours. Le rappeur a été interpellé à Krasnodar le 21 novembre au soir. Il rappait sur le toit d'une voiture devant des spectateurs qui n'avaient pas pu entrer au club local pour son concert.

Husky a été condamné à 12 jours de détention par un tribunal local pour hooliganisme, alors que les législateurs prônent l’interdiction des concerts de rap “qui font l'apologie du suicide et de l'usage de drogues”. L'interdiction du concert de Husky et son arrestation s'inscrivent dans une tendance plus large en Russie, où les autorités locales interrompent et interdisent les concerts qu'elles accusent d'avoir une influence néfaste sur la jeunesse du pays.

Peu avant, Husky avait fait un caméo, une furtive apparition prémonitoire dans le clip vidéo d'un groupe de hip-hop célèbre en Russie, Kasta. Dans cette vidéo intitulée “Les liens” (allusion moqueuse au discours sur l'état de l'union prononcé en 2012 par Vladimir Poutine où celui-ci déplorait le manque d'”éléments spirituels” ou de “liens” pour garantir la cohésion de la société russe), il jouait un jeune homme en survêtement harcelé par un policier à l'arrière d'un panier à salade.

Outre ses ennuis judiciaires, Husky a vu son dernier clip vidéo “Iuda” (Judas) censuré par Google, avec ce message sur YouTube aux usagers russes : “Cette vidéo a été supprimée à la demande des autorités de votre pays.”

Basta: Le clip “Iuda” de Hasky a été bloqué. Il est précisé que c'est à la demande expresse des organes gouvernementaux.” Chers camarades du gouvernement, vous avez échoué(((((

Le 26 novembre, les amis rappeurs de Husky ont donné un concert improvisé pour le soutenir. Oxxxymiron, l'un des artistes hip-hop les plus populaires en Russie, a lancé un appel sur sa page Instagram:

 

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Я БУДУ ПЕТЬ СВОЮ МУЗЫКУ: Баста, Oxxxymiron, Noize MC. Концерт солидарности. В нашей стране участились отмены концертов и запугивание исполнителей. Артистов обвиняют в проблемах общества, ведь это проще, чем заняться решением этих самых проблем. Творчество – это отражение реальности, иногда кривое, иногда правдивое, но никак не сама реальность. Его нельзя понимать буквально. 12 суток ареста сейчас отбывает в Краснодаре рэпер Хаски, в чьих текстах увидели пропаганду того, чего там нет, заблокировали клип и сорвали ряд концертов. Его будущие концерты также находятся под угрозой срыва, а значит под вопросом как его свобода самовыражения, так и честный заработок. Это беспредел. Мы можем не разделять взглядов Хаски, не понимать его музыку или акционизм, но при этом должны принципиально поддержать его в этот сложный момент. Поэтому, раз он не в состоянии сейчас выступать и зарабатывать сам, мы выступим с концертом солидарности и перечислим ему всю выручку. Речь здесь не только и не столько о Хаски, сколько о всех нас и нашем будущем. Приходите и, даже если презираете хэштеги, поддержите нас в соцсетях хэштегом #ябудупетьсвоюмузыку. Билеты в кассе «Главклуба» и по ссылке в описании инсты. @noizemc @bastaakanoggano

Публикация от Oxxxymiron (@norimyxxxo)

JE VAIS CHANTER MA MUSIQUE: Basta, Oxxymiron, Noize MC. Concert solidaire. Il y a dans notre pays une vague croissante d’annulations de concerts et d'intimidations des musiciens. On rend les artistes responsables des problèmes de la société, car c'est plus facile que de s'occuper de leur trouver des solutions. L'art est un reflet de la réalité, parfois déformé, parfois fidèle, mais ce n'est en aucun cas la réalité elle-même. Il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Douze jours de détention à Krasnodar pour le rappeur Husky parce qu'on a vu dans ses textes une propagande qui n'y est pas, un clip bloqué et une série de concerts annulés. Ses concerts futurs sont également menacés d’annulation, c'est donc sa liberté d'expression même qui est en question, ainsi que son salaire gagné honnêtement. C'est n'importe quoi. Nous ne partageons pas nécessairement les opinions de Husky, nous ne comprenons pas toujours sa musique ou ses performances, mais par principe, nous devons le soutenir dans ce moment difficile. C'est pourquoi, puisqu'on l'empêche de se produire et de travailler, nous donnerons un concert solidaire dont toute la recette lui sera reversée. Il ne s'agit pas seulement et pas tant de Husky que de nous tous et de notre avenir. Venez et, même si vous méprisez les hashtags, soutenez-nous sur les réseaux sociaux avec le hashtag #jevaischantermamusique (#ябудупетьсвоюмузыку). Les billets sont disponibles à la billetterie du Glavclub et en suivant le lien sur ce profil Instagram. @noizemc @bastaakanoggano

Pour autant, Husky n'est pas un troubadour libéral. Avant d'entamer une carrière de rappeur, il travaillait pour une émission de télé progouvernementale lancée par Sergueï Minaïev [en], un écrivain et scénariste populaire qui est aussi l'actuel rédacteur en chef de “Esquire Russie”. Ce n'est pas tout : Husky a clairement soutenu les combattants pro-russes qui se battaient pendant la guerre séparatiste en Ukraine de l'Est avec l'aide de la Russie. Il s'est même rendu sur le front et a tenté de rejoindre un bataillon séparatiste, même s'il n'en est pas sorti grand-chose à part une poignée de photos et une performance improvisée pour Arsen “Motorola” Pavlov [fr], un chef rebelle notoire assassiné en 2016.

Ce n'est donc pas une surprise si plusieurs personnalités pro-Kremlin, parmi lesquelles Minaïev, son ancien patron, sont accourues à la rescousse de Husky. Minaïev a commenté les faits sur une chaîne Telegram gérée par l'équipe des médias sociaux de RT, la chaîne d'information internationale d’État, et a fait part de son mécontentement :

Это безумно талантливый, тонко чувствующий человек. Ничего и никого не боится, обладает обострённым чувством справедливости — и после всей славы, что на него обрушилась, ни на секунду не надел на себя корону. Всё, что происходит вокруг его концертов, — это дичайший бред. Дима сегодня один из главных музыкантов, не надо ему мешать творить.

Il [Husky] est quelqu'un d'extrêmement talentueux, et d'une grande sensibilité. Il n'a peur de rien ni de personne, il a un sens de la justice particulièrement aiguisé, et malgré la célébrité qui s'est abattue sur lui, il n'a pas pensé une seconde à tirer la couverture à lui. Ce qui se passe avec ses concerts est d'une absurdité totale. Dima [diminutif de Dmitry] est l'un de nos plus grands musiciens, il faut le laisser créer en paix.

Soudain, la condamnation de Husky a été annulée, et il a été remis en liberté. La rédactrice en chef de RT Margarita Simonyan a tweeté :

Et maintenant, quelques précisions au sujet de Husky. Quelques indiscrétions, comme on dit. Husky a été remis en liberté et désormais, touchons du bois, on le laissera tranquille, et tout ça parce que deux ou trois membres de l'AP (administration présidentielle) qui ignoraient hier jusqu'à son existence ont été mis au courant de ce qui lui arrive, et s'en sont, comment dire…, émus. Et quand deux-trois membres de l'administration présidentielle s'émeuvent de quelque chose, habituellement cette chose se termine bien.

Un mépris aussi flagrant pour les procédures — Mme Simonyan reconnaissait ainsi que les tribunaux russes sont totalement inféodés au Kremlin — s'est attiré la condamnation et les moqueries de tout le monde.

La rédactrice en chef d'une agence de presse d'Etat Margarita Simonyan : “Il n'y a pas de tribunaux indépendants en Russie, toutes les décisions sont dictées directement par l'administration présidentielle.”

Malgré cette intervention au plus haut niveau, la carrière de rappeur de Husky pourrait ne tenir qu'à un fil. Fin novembre, alors qu'il était sorti de prison, son concert dans la ville de Vologda a été annulé après que le club local a signalé des menaces de fermeture émanant de la police locale et du bureau du procureur.

Apparemment, 2-3 autres membres de l'AP ont prêté une oreille à Husky et se sont dit “bah non, en fait non”.

La guerre ne connaît pas de genre : les femmes soldats de Géorgie

vendredi 30 novembre 2018 à 16:39

La majore Manana Kurdadze et la sergente Nana Tskhadadze se souviennent de leur collègue Zurab Begiashvili, morte pendant la guerre en août 2008. Toutes deux ont servi comme médecins militaires pendant la guerre. Photos de Bach Adamia pour Chai Khana. Reproduction autorisée.

Ce qui suit est une version adaptée d'un article de Chai-Khana.org,repris dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices. Texte et photos de Bacho Adamia. 

La guerre, la doctoresse géorgienne Nana Tskhadadze la connaît bien. Âgée de 44 ans et médecin en Irak, elle était en première ligne à Tskhinvali pendant la guerre entre la Russie et la Géorgie en août 2008.

Toutefois, Mme Tskhadadze reste pour de nombreux Géorgiens un soldat improbable du simple fait qu’elle soit une femme, et ce malgré son expérience. Les stéréotypes sexistes sont très présents en Géorgie. Nombreux sont les parents qui élèvent encore leurs petits garçons pour qu’ils soient forts et courageux et leurs petites filles, gentilles et bienveillantes.

Cependant, une petite minorité de femmes, comme Madame Tskhadadze, bouscule ces traditions.

La sergente Tskhadadze n'a pas grandi en rêvant de l'armée. Petite fille dans le village de Sviri, situé dans la région sud de Samtskhe-Javakheti, depuis toute petite, elle voulait devenir médecin. Après avoir obtenu son diplôme de l'Université médicale de Tbilissi, elle a travaillé comme professeur pendant cinq ans. Puis elle a décidé de rejoindre l'armée, suivant finalement les traces de son frère et de ses cousins.

Au début de sa carrière, elle était en charge de la pharmacie dans la brigade Kodjori. Après avoir exercé comme médecin militaire pendant six ans, elle a finalement été affectée en Irak, où 2 800 soldats géorgiens se sont battus, principalement dans la capitale Bagdad.

Témoins de la mort et de la souffrance des soldats en première ligne, les médecins militaires se souviennent avec énormément d'émotion de la guerre d'août 2008. « Pendant une guerre, tout peut arriver. J'aurais pu être capturée,» déclare la docteure Nana Tskhadadze (à gauche).

En août 2008, lorsque la guerre [avec la Russie] a éclaté, la Géorgie a rapidement retiré ses forces d'Irak. Mme Tskhadadze a été envoyée à Tskhinvali, ligne de front de facto où la Géorgie centralisée touche le territoire séparatiste de l'Ossétie du Sud soutenu par la Russie.

Lorsqu'elle a entendu parler de son affectation, elle a pensé avoir plus de responsabilités que ses collègues masculins.

« C’est quand ils nous ont annoncé le début de la guerre que j'ai commencé à penser concrètement aux risques. Je savais qu'en tant que femme, j'avais plus de responsabilités. Dans une guerre, tout est possible et je risquais d’être capturée », a-t-elle rappelé. Elle ajoute que sa capture serait « honteuse » tant pour sa famille que pour le pays.

De plus, à la différence de ses collègues masculins, Madame Tskhadadze a senti que dans l'intérêt de ses parents, elle devait leur cacher son affectation. Lorsqu'elle a été envoyée à Tskhinvali, elle a donc menti à ses parents en prétendant qu'elle allait servir dans un hôpital militaire à Tbilissi, la capitale géorgienne.

La sergente Tskhadadze panse le bras d'un soldat à la base de Vaziani.

Dix ans plus tard, Mme Tskhadadze se souvient encore de l'attaque sur la ligne de front, du bruit des bombes et de la chaleur féroce. Et décrit avec précision la scène : « Nous avons suivi l'équipe médicale. Nous étions quatre — deux hommes et deux femmes. Nous avons dû nous défendre nous-même car elles [troupes russes] ont ouvert le feu depuis une maison déserte. Nous avons aidé nos soldats. »

Puis la situation s'est dégradée lorsque les forces russes ont lancé un bombardement aérien.

« C'était un véritable enfer dans la ville.» Ils tiraient de partout. Pour que nous puissions atteindre les blessés, les soldats avaient organisé une ligne de défense. Sur le chemin du retour, nous avons dû faire de même pour eux et ils nous ont aidés à sauver les blessés », raconte Mme Tskhadadze. Elle ajoute également que la présence de collègues féminines au front avait, selon elle, encouragé les hommes.

La docteure Nana Tskhadadze a débuté comme médecin civil pour finalement rejoindre l'armée, comme son frère et ses cousins. Tout comme d'autres femmes des forces armées, elle ne cesse de défier les stéréotypes sexistes largement répandus.

Alors qu'ils s’éloignaient de la zone de combats, ils ont entendu une explosion dans la forêt. Mme Tskhadadze se souvient des appels à l'aide et d’avoir attrapé son sac pour aider un soldat qui s'était cassé la jambe.

« J'ai arrêté le saignement et j'ai demandé de l’aide pour qu’on apporte la civière. À ce moment précis, le ciel est devenu orange. Une onde de choc m'a secouée, j'ai vu des soldats être projetés dans les airs puis je suis tombée », raconte-t-elle.

Quand elle est revenue à elle, elle se rappelle du calme et des corps sans vie autour d'elle.

« Tout le monde autour de moi était mort. Je ne voulais pas être capturée et j'ai commencé à chercher mon arme. Je ne sentais plus mon épaule. Je pensais ne plus pouvoir sortir des bois. »

Jusqu’au moment où d'autres soldats géorgiens sont arrivés sur les lieux pour les sauver.

« Ils m'ont aidé. Ces scènes sont gravées dans ma mémoire », dit-elle.

Mme Tskhadadze a été transportée à l'hôpital de Gori avec les autres soldats blessés. C'était la première fois dans sa carrière militaire qu'elle ressentait de la peur, dit-elle.

« J'ai été gravement blessée, mais ce que j'avais vu était encore pire que la douleur physique. Depuis que j'ai survécu, j'ai compris que je devais continuer à vivre. Un an plus tard, j'ai remis mon uniforme et je suis retournée servir dans l'armée », explique Mme Tskhadadze.

« Une mère est associée à la paix »

La majore Manana Kurdadze  pose avec des soldats devant le service d'hôpital, nommé en l'honneur de la lieutenante Zurab Begiashvili, tuée durant la guerre de 2008. Mme Kurdadze a été médecin pendant la guerre et son propre fils a été blessé lors des combats.

Depuis vingt ans, le docteur Manana Kurdadze, 53 ans, majore dans l'armée, défend la Géorgie.

Au sein de son unité, elle est connue sous le nom de « mère de la brigade ». Pour les soldats, Mme Kurdadze n'est pas seulement un médecin, mais aussi une amie. Quelqu'un qu'ils peuvent consulter dès qu'ils ont des problèmes.

« Quand vous êtes médecin, vous avez une grande responsabilité. Mais la plus grande, c’est de défendre la paix. Quel bonheur de servir les soldats et la paix! Je remercie Dieu de pouvoir aider nos militaires », affirme Mme Kurdadze.

Tout comme Mme Tskhadadze, l’émotion la gagne lorsqu'elle se souvient de la guerre de 2008.

La docteure Manana Kurdadze, 53 ans, est considérée comme la mère de sa brigade.

« Lorsque l'attaque aérienne a commencé, mes amis et moi, nous nous attendions au pire. On dit souvent que dans ces moments-là, vous voyez défiler toute votre vie devant vos yeux. Mais je n'ai pas vu ma vie. Je suppliais Dieu pour un miracle. Je priais pour notre survie », se rappelle-t-elle.

« Quand vous êtes témoin de la guerre et que vous voyez comment les personnes meurent, la vie prend plus de valeur. L’amour et les amitiés deviennent plus précieux. Je me souviens que j'embrassais et que je serrais tout le monde contre moi quand je suis retournée chez moi. »

À la base de Vaziani, la majore Manana Kurdadze mesure la tension d'un soldat.

Mme Kurdadze a deux enfants. Le soutien de sa famille lui est indispensable.

Pour elle, le moment le plus effrayant de la guerre en 2008 n'était pas sur la ligne de front, mais quand elle a appris que son propre fils avait été blessé au combat.

Elle va bientôt prendre sa retraite et imagine difficilement sa vie en dehors de l'armée.

Mme Kurdadze considère que les femmes et les mères jouent un rôle particulier dans le maintien de la paix.

« Une femme médecin ou une infirmière est une mère. Une mère est toujours associée à la paix. Même sans enfant, une femme a toujours un instinct maternel. Quand vous êtes une femme militaire, vous êtes responsable de chaque soldat. Il devrait y avoir plus de femmes dans les forces armées car les soldats ont besoin d’attention et d’écoute. Les femmes savent s’y prendre. »

Manana Kurdadze pense que le service militaire développe et renforce la force intérieure.

Elle se trouve maintenant face à un nouveau défi : la retraite.

« J'ai 53 ans. Dans deux ans, je quitterai l'armée. Je me demande souvent ce que je ferai quand je n'aurai plus besoin d'aller travailler à six heures du matin et que je ne verrai plus mes filles et mes soldats. Je ne sais pas comment je survivrai. »

Pour plus d'articles comme celui-ci, voir la rubrique spéciale de Chai Khana, The Peace Builders