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@ActLenguas : Irma Alvarez Ccoscco, poète et militante quechua, du 4 au 10 février 2019

lundi 4 février 2019 à 10:55

Photo provided by Irma Alvarez Ccoscco

En 2019, nous avons décidé d'inviter différents hôtes à piloter le compte Twitter @ActLenguas et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion de leur langue natale. Cette semaine, Irma Alvarez Ccoscco (@Sankaypillo), nous explique ce qu'elle a l'intention de discuter.

Rising Voices (RV): Pouvez-vous nous parler de vous ?

Irma Alvarez Ccoscco (IAC): I am from Haquira, in the Apurímac region in Peru. I am a Quechua poet, and I use the lyrics and my voice to express my language, and my life. My approach to activism has focused on localization (L10) of my native language in software. The project involves the systematization of the language in software, and team work with programmers.

I am interested in promoting the language (L1) in teaching writing and teaching it to native speakers. Likewise, I use poems in public spaces to express the sonority of the language in its multiple uses.

Irma Alvarez Ccoscco (IAC) : Je viens de Haquira, dans le département d'Apurímac, au Pérou. Je suis une poète quechua et j'utilise les mots et ma voix pour exprimer ma langue et ma vie. Mon approche du militantisme s'est centrée sur la localisation (L10) de logiciels dans ma langue natale. Ce projet implique la systématisation de [l'usage de] la langue dans un logiciel ainsi que du travail d'équipe avec des programmeurs.

Je m'intéresse à la promotion de la langue (L1) dans l'enseignement de son écriture, et je l'enseigne à des locuteurs natifs. De la même façon, j'utilise des poèmes dans des espaces publics pour exprimer les sonorités de la langue dans ses multiples usages.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

IAC: There are individual and collective movements for strengthening the language, either from the academia, civic initiatives or the government; but they still need to be better articulated.

On the other hand, the internet is a limitless space where I think the language can be freely expressed, and thus there are more and more resources. There are many initiatives for teaching and learning in social media. There are different approaches for the Quechua variants. By providing readings by linguists and speakers, and by sharing support materials, the internet represents a medium for strengthening the language. But the internet is limited in terms of access and cost. The monopolization of data and the high cost make access a privilege for many.

IAC : Il existe des mouvements individuels et collectifs pour renforcer la langue, qu'ils viennent du milieu académique, du gouvernement, ou qu'ils soient des initiatives citoyennes. Mais ils ont besoin d'être mieux articulés.

D'un autre côté, Internet est un espace sans limite, où je crois que la langue peut s'exprimer librement, et on y trouve de plus en plus de ressources. Il y a de nombreuses initiatives pour enseigner et apprendre le quechua sur les médias sociaux. Les approches sont différentes pour les différentes variantes du quechua. En offrant des textes de linguistes et de locuteurs et en partageant du matériel pédagogique, Internet représente un moyen de renforcer la langue. Mais Internet est aussi limité en termes d'accès et de coût. La monopolisation des données et le coût élevé en font un privilège pour beaucoup.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur @ActLenguas ?

IAC: I plan to focus on software projects involving Quechua: Quechua voices in the networks and poetry.

IAC : Je vais me concentrer sur les projets informatiques concernant le quechua : les voix quechuas dans les réseaux et dans la poésie.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour le quechua ?

IAC: I would like to have the freedom of expression in any domain, context, country, in my native language. To create a society with linguistic democracy.

IAC : Je voudrais la liberté d'expression dans ma langue natale dans n'importe quel domaine, contexte ou pays. Créer une société avec une démocratie linguistique.

RV : Qu'espérez-vous pour votre langue ?

IAC: I hope to see the strengthening of programs, teaching and dissemination of native languages ​​already established as State policy.

IAC : J'espère voir le renforcement des programmes, de l'enseignement et de la dissémination des langues autochtones déja inscrits dans la politique de l'État.

À propos de la restitution par la France des œuvres d’art venant d'Afrique

dimanche 3 février 2019 à 14:09

Capture d'ecran du journal televise de TV5 Monde avec Bénédicte Savoy et Felwine Sarr sur YouTube

En novembre 2017, Le president francais Emmanuel Macron déclare lors d'un un discours  à l’université de Ouagadougou, Burkina Faso que le patrimoine africain ne peut pas être uniquement exposé dans des musées en Europe et que des mesures doivent etre prises pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. Suite à cette demande, un rapport écrit par Felwine Sarr, professeur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal) et Bénédicte Savoy, professeure à la Technische Universität de Berlin (Allemagne), décrit comment la restitution par la France du patrimoine culturel africain peut se mettre en place.

A ce jour, il y aurait 90.000 objets d'art d'Afrique subsaharienne dans les musées publics français. Pour la plupart, ils sont le résultat de spoliations et de butins de guerres coloniales.

Dans un billet publié sur le journal panafricain Nsi mababu, les journalistes Konsimbo Ophelie et Poda Gabriel font le point:

Plus de 90% des œuvres d’art d’Afrique noire se trouvent hors du continent, selon les experts. Pillées pendant la colonisation, elles sont pour la plupart aux mains du British Museum, du musée du Quai Branly, ou du musée de Berlin. Le Bénin, le Nigéria et la République Démocratique du Congo entre autres, réclament aujourd’hui le retour de ses trésors pillés durant l’époque coloniale. La question des restitutions d’oeuvres d’art africaines est à la fois épineuse, politique et constitue aujourd’hui une polémique dont il faut comprendre les tenants et aboutissants.

Tous les pays africains sont concernés par ce pillage qui concerne 85 à 90 pour cent du patrimoine africain artistique du continent. Sur France Culture, la journaliste Eva Rassoul, explique que:

Dans les musées français, les œuvres africaines proviennent en grande partie du Tchad (9 200 œuvres), du Cameroun (7 800) et de Madagascar (7 500).

Les professeurs Bénédicte Savoy et  Felwine Sarr expliquent dans le journal de TV5 Monde (video ci-dessous) la démarche suivi pour évaluer comment cette initiative peut être mise en application:

Dans un billet sur son site, le journaliste Philippe Rey présente les résultats de ce rapport:

Il raconte les spoliations à travers l’histoire mondiale, évalue la part de la France, dresse un premier inventaire des oeuvres spoliées, fait le récit des tentatives des pays africains pour se réapproprier leur patrimoine, analyse les questions juridiques qui se posent, et énonce un certain nombre de recommandations pratiques pour la mise en oeuvre des restitutions, un des chantiers les plus audacieux de ce XXIe siècle.

Au Benin, Laurent Adjovi, journaliste,  rappelle sur le site Benin Revele:

La France vient d’autoriser la restitution au Bénin de 26 œuvres d’arts. Grâce aux discussions ouvertes avec la France, Patrice Talon offre ainsi une possibilité aux béninois de revoir  par exemple les  œuvres royales, évoquant les règnes des rois d’Abomey Ghézo (1818-1858), Glélé (1858-1889) et Béhanzin (1890-1894), des trônes, de récades, et les sceptres royaux.

Dans cette logique de mise en valeur de l'art africain,  le Sénégal, où il existe déjà plusieurs sites culturels, dont la Maison des esclaves de Goré et le Musée de la Femme Henriette-Bathily, a inauguré le 6 décembre 2018 le Musée des Civilisations noires:

Le président sénégalais Macky Sall a inauguré jeudi à Dakar le Musée des Civilisations noires. Un évènement qui intervient au moment s’anime le débat sur la restitution des biens culturels africains pillés par la France pendant la colonisation. C’est un rêve vieux de cinquante ans qui se réalise.

En Côte d'ivoire, le ministre de la Culture et de la Francophonie, Bandama Maurice, a fait le point sur les négociations avec la France concernant la restitution des oeuvres historiques de son pays:

Nous pensons qu'en 2019, tout ou en partie des 148 objets seront restitués à la Côte d'Ivoire. Nous avons demandé 148 parce que c'est ce que nous pouvons pour l'instant accueillir dans les caisses et les collections de nos musées.

Au Congo-Brazzaville aussi,  le musée du Cercle africain a été récemment inauguré à Pointe Noire:

L’objectif de ce projet est de permettre aux plus jeunes de retrouver l’histoire de leur culture. Ancien lieu culturel pour les congolais, avant d‘être transformé en Cour de justice et de finalement tomber à l’abandon, le bâtiment a été réhabilité et transformé en 2017 pour devenir ce musée. Depuis son ouverture au public le 4 décembre, le Musée du cercle africain a déjà accueilli plus de 600 visiteurs par mois.

Cependant, plusieurs internautes africains estiment qu’ il y a quelques problèmes à résoudre avant que les œuvres d'art africaines puissent prendre le chemin du retour. Yassin Ciyow, journaliste pour Neomag,  se pose la questionEst-ce difficile de rendre une œuvre ?

En revanche, pour les œuvres issues de l’époque coloniale, la complexité vient du fait qu’après avoir été pillées, elles ont généralement été données ou léguées (dans le cadre légal de l’époque) à des collections publiques françaises. Ainsi, ces œuvres sont de facto entrées dans le domaine public mobilier national, devenant ainsi propriété de l’Etat français. Par le passé, des lois d’exception ont néanmoins été votées afin de “déclasser” certaines œuvres. C’est grâce à cette pirouette juridique que la Vénus Hottentote a pu être rendue à l’Afrique du Sud et des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. 

Outre les difficultés d'ordre juridique, les africains s'interrogent aussi sur la capacité de nombreux pays à proteger et conserver ces patrimoines culturels rares qui sont africains certes mais aussi mondiaux.

Lettre d'information DigiGlot : la musique rock galloise trouve sa place sur les plateformes de musique en continu

dimanche 3 février 2019 à 12:06

« Llanfair­pwllgwyngyll­gogery­chwyrn­drobwll­llan­tysilio­gogo­goch » est le nom d'un village au pays de Galles. C'est aussi le lieu avec le plus long nom d'Europe, comme l'illustre une exposition en langue galloise au Festival Smithsonian Folklife de 2009. Photo d'Alan Kotok. Utilisée sous la licence CC BY 2.0.

DigiGlot est une lettre d'information collaborative bimensuelle sur la manière dont les communautés linguistiques en danger, minoritaires et autochtones adoptent et adaptent la technologie. Ces communautés ont deux objectifs : accroître la présence numérique de leurs langues et changer le paysage Internet en augmentant la diversité linguistique en ligne.

Deux millions de lectures décomptées

Capture d'écran de Spotify avec le nombre de lectures (au 29 janvier 2019)

À la fin de l'année 2018, le groupe de rock gallois Alffa devient le premier groupe à sortir une chanson en langue galloise, « Gwenwyn », qui a atteint un million de lectures sur la plateforme en continu, Spotify. Cette réussite est d'autant plus remarquable car le groupe n'est pas particulièrement connu à l'extérieur du Pays de Galles. Mais grâce à la portée de Spotify, les auditeurs d'aussi loin que le Brésil et le Mexique ont découvert une chanson dans une langue parlée par environ 700 000 personnes. Rhiannon Lucy Cosslett, une chroniqueuse du journal the Guardian, qui est elle-même galloise, a cherché à savoir pourquoi une chanson galloise est devenue si populaire. Elle a parlé avec Alun Llwyd du distributeur de musique PYST, qui a cru en l'ouverture de la plateforme Spotify à des musiques dans tous types de langues. Ce dernier explique que « Ce qui est beau c'est que Spotify juge les chansons non pas en fonction de la langue ou du groupe, mais de leur valeur musicale ». « Personne ne connaissait Alffa en dehors d'une petite partie du pays de Galles. Ceci témoigne de la force de la chanson. » Depuis que cet article histoire a été publié, la chanson galloise a atteint deux millions de lectures.

Un podcast en langue crie partage les histoires des aînés du peuple cri du Nord-du-Québec

Nick Wapachee, un étudiant en journalisme de Nemaska, au Québec, a lancé un nouveau podcast en langue crie qui vise à aider les jeunes à développer leurs aptitudes à parler le cri. Car il a remarqué une mode des jeunes cris à parler de plus en plus l'anglais. Il a donc voulu aider à fournir plus de contenu numérique en cri. C'est pourquoi il a lancé un podcast partageant les histoires des aînés du peuple cri. Le podcast In Eeyou Istchee « promeut la diversité crie, le respect et la liberté d'expression » et contribue à amener la langue crie aux locuteurs et apprenants, où qu'ils soient. Le podcast est accessible sur iTunes et Soundcloud.

Une organisation linguistique malienne adresse une pétition à la Voix de l'Amérique pour utiliser l'orthographe bambara officielle.

En 2013, le diffuseur international la Voix de l'Amérique (Voice of America, VOA) a lancé sa transmission en bambara, une des langues officielles du Mali, parlée par 15 millions de personnes. VOA a aussi un site Web en langue bambara qui a récemment attiré l'attention en utilisant une version « francisée » de cette langue mandingue et non pas l'orthographe officielle développée et favorisée par l’État malien ainsi que les institutions partenaires comme l'Académie africaine des langues.

Le Dr. Coleman Donaldson, un linguiste, chercheur et professeur de langues mandingues, a constaté l'utilisation de l’orthographe française par VOA. Don Osborn, auteur du livre sur les langues africaines dans l'âge du numérique, s'est demandé si la rareté des claviers permettant d'écrire avec l'orthographe bambara officielle n'expliquait pas cette situation. Cela pourrait finalement se résumer au fait que VOA a établit, que seule une petite partie de son auditoire peut lire l'orthographe bambara. Toutefois comme Osborn le souligne, il s'agit probablement d'une affirmation non prouvée. Le Cercle linguistique bamakois a alors lancé une pétition demandant à VOA d'adopter l'orthographe officielle. Cette pétition met en exergue les efforts et les ressources qui ont contribué au développement de l'orthographe. Ainsi les diffuseurs internationaux, tels que Radio France International, ont fait un effort pour utiliser l'orthographe officielle sur leurs sites Web.

Une application linguistique pour enseigner aux enfants les langues autochtones du Canada

KOBE Learn est une application conçue pour aider les jeunes utilisateurs à apprendre les phrases et mots courants en ojibway, en cri et en oji-cri, les langues traditionnelles des communautés des Premières Nations dans le nord-ouest de l'Ontario, au Canada. L'application provient d'une collaboration entre le conseil local éducatif, les enseignants en langue, les anciens et les membres de la communauté. Le conseil cherchait un outil d'enseignement moderne qui pourrait aider à soutenir les langues autochtones dans le futur.

« Beaucoup de nos aînés décèdent, chaque jour, et il est réellement important de conserver ce que nous avons aujourd'hui, » a déclaré Sarah Johnson, la responsable du comité des langues maternelles. « Un grand nombre de nos enfants entrant à l'école ne parlent pas leur langue maternelle. Voici donc un moyen modeste de conserver, de maintenir la langue. »

Existe-t-il une application pour ça (en gallois) ?

Pour beaucoup d'entre nous, le téléphone mobile est devenu une extension de nous-même – toujours présent, et arbitrant nombre de nos interactions avec le reste du monde. Les locuteurs des principales langues mondiales sont habitués à obtenir des applications et des jeux disponibles dans leurs langues, mais les locuteurs de langues minoritaires comme le cymraeg (gallois) profitent rarement de ce luxe. Dans une nouvelle étude, Daniel Cunliffe, un professeur à l'université du pays de Galles du sud, analyse les plus de 400 applications galloises existantes dans l'App Store d'Apple. Cette recherche a tenté d'identifier chaque application linguistique, et de mieux comprendre les motivations et les perspectives de leurs développeurs. Cunliffe a constaté que les développeurs des applications galloises font face à de multiples défis pour atteindre les utilisateurs, surtout en ce qui concerne l'accessibilité de leur applications. L'étude conclut par des recommandations pour les développeurs, les organisations non gouvernementales (ONG) de promotion des langues, et d'autres. Elle intéressera n'importe quelle communauté linguistique qui cherche à mobiliser les utilisateurs via leurs appareils mobiles.

Événements & opportunités à venir

 

S'abonner à la lettre d'information DigiGlot par courriel

 

 

Ce compte-rendu a vu le jour grâce aux contributions d’Anna Belew, de Derek Lackaff, de Kevin Scannell, de Claudia Soria, et d’Eddie Avila ainsi qu'au travail d’édition de Georgia Popplewell.

Le maire d'Odessa pourrait faire l'objet de poursuites judiciaires à la suite de violences envers un journaliste local

dimanche 3 février 2019 à 11:41

Le maire d'Odessa, Gennadi Troukhanov, quelques secondes avant que son service de sécurité n'expulse du palais de justice le journaliste de Radio Svoboda, Mikhaïl Shtekel, lors du point presse. Capture d'écran issue de la vidéo de Mikhaïl Shtekel publiée sur Twitter.

[Article d'origine publié le 18 janvier] La police d'Odessa va ouvrir une enquête sur le maire de la ville, Gennadi Troukhanov, pour “entrave à l'activité professionnelle légale de journalistes”. Cette infraction, punie par le code pénal ukrainien, fait suite à un incident au cours duquel son service d'ordre a agressé physiquement un journaliste local.

Le 27 décembre 2018, Mikhaïl Shtekel, journaliste pour Radio Svoboda, a posé une question à Gennadi Troukhanov lors d'un point presse, à laquelle le maire aura répondu en repoussant le reporter pendant que son service de sécurité finissait de l'expulser hors du bâtiment.

Mikhaïl Shtekel, dont l'employeur Radio Svoboda est la version ukrainienne de Radio Free Europe, a filmé l'intégralité de l'incident avant de publier la vidéo sur Twitter peu après :

Замість відповіді на запитання @radiosvoboda міський голова Одеси Генадій Труханов разом зі своєю охороною відпихнув мене і залишив приміщення Малиновського суду. Допомогала їм в цьому поліція. @NPU_GOV_UA @MVS_UA це 171-ша чи ні? pic.twitter.com/NRO7U7OohA

— Michael Shtekel (@mishajedi) December 27, 2018

Au lieu de répondre à la question posée par @radiosvoboda [Radio Liberté en ukrainien] le maire d'Odessa Gennadi Troukhanov et ses gardes du corps m'ont repoussé et ont quitté le tribunal de Malinovski. La police les y a aidés. @NPU_GOV_UA [Police nationale] @MVS_UA [Ministère des affaires intérieures ukrainien] cela relève-t-il de l'article 171 ou non ?

L'article 171 du code pénal ukrainien caractérise le délit “d'entrave à l'activité professionnelle légale de journalistes” et vise la saisie illégale du matériel de reportage et le refus de donner accès à l'information, entre autres actes. Il impose des amendes et une peine maximale d'emprisonnement de trois ans.

Le 29 décembre, Mikhaïl Shtekel a déclaré sur sa page de profil Facebook qu'avec l'aide de ses avocats, il avait déposé une plainte pénale au titre de l'article 171 contre Mr. Troukhanov, ses agents de sécurité et les policiers ayant participé à son agression. Le 2 janvier, la police d'Odessa a confirmé à Detector Media avoir ouvert une enquête judiciaire sur cet incident.

Le mépris du maire envers les journalistes

C'est seulement le dernier épisode en date au cours duquel Gennadi Troukhanov ou ses subordonnés ont attaqué des membres de la presse. En juillet 2018, lorsque le journaliste Bogdan Osinski lui a demandé pourquoi il avait qualifié un groupe d'écologistes de “vers verts”, le maire a saisi le téléphone du journaliste et tenté de le frapper avec.

En avril 2018, le journaliste britannique Andy Verity, venu à Odessa avec la BBC pour enquêter sur une affaire de corruption impliquant le maire, a été bousculé, jeté à terre et frappé à l'aine par les agents de sécurité de M. Troukhanov quand il l'a approché pour une question. La BBC a filmé l'intégralité de l'incident.

Enfin, juste avant la fin de l'année 2018, M. Trukhanov a déclaré que le député et ancien journaliste Mustafa Nayem, posait des “questions stupides.

Par ailleurs, M. Troukhanov comparaît comme accusé dans une affaire de détournement de fonds liée à la vente de l'hôtel de ville d'Odessa, une bâtisse connue sous le nom d'usine de Krayan. Le procès a commencé en octobre et la conférence de presse durant laquelle Mikhaïl Shtekel a été attaqué le 27 décembre, se déroulait à la suite d'une des audiences.

Le maire a également reçu de vives critiques, provenant notamment de la scène internationale, au sujet du comportement de ses “gardes municipaux”. Il s'agit d'agents de sécurité privés, engagés dans des circonstances suspectes par la ville d'Odessa et qui ont été accusés de nombreuses violations des droits de l'homme, notamment à l'encontre de journalistes.

Gennadi Troukhanov devrait être candidat à sa réélection en 2020. Toutefois, si l'une des affaires pénales à laquelle il est confronté se soldait par une condamnation, il risquerait fort de devoir se battre pour sa propre liberté plutôt que pour son siège de maire d'Odessa.

Lors d'une cérémonie annuelle tenue le 30 novembre dernier à l'hôtel de ville d'Odessa, M. Troukhanov a présenté son bilan personnel sous une lumière favorable. Un tel enthousiasme n'est probablement pas partagé par les journalistes locaux, pour qui la liberté de la presse apparaît de plus en plus incertaine.

Le prix du thé : luttes sri-lankaises pour un salaire équitable

samedi 2 février 2019 à 15:59

Manifestation de solidarité avec les ouvriers des plantations de thé, qui réclament un salaire journalier minimum de 1.000 roupies. Photographie fournie par le partenaire de Global Voices, Groundviews.

Le 23 janvier 2019, le Thousand Movement [le Mouvement 1.000, NdT], un collectif de syndicats et de militants locaux, a organisé des manifestations dans trente endroits différents à travers le Sri Lanka. Le mouvement appelle les plantations de thé à augmenter le salaire minimum de leurs employés à 1.000 roupies (environ 4,80 euros), soit le double du salaire journalier minimum actuel. Les manifestants affirment que la pauvreté augmente parmi les travailleurs du thé, car les salaires stagnent alors que le coût de la vie augmente. D’après Chinthaka Rajapakshe, le modérateur du Mouvement pour la réforme foncière et agricole (MONLAR) :

Recently researchers from the University of Peradeniya found that Rs 27,707 (US$ 152) is needed per month for one person in the estate sector to meet his or her basic needs. But on average these workers get paid less than Rs. 8000 (US$ 44) a month.

Des chercheurs de l'Université de Peradeniya ont montré récemment qu'une personne travaillant dans ce secteur a besoin de 27.707 roupies (environ 135 euros) chaque mois pour subvenir à ses besoins de base. Mais en moyenne, ces ouvriers sont payés moins de 8.000 roupies par mois (environ 39 euros).

Des générations d'ouvriers du thé ont soutenu notre économie en peinant dans des conditions déplorables de 6h du matin à 6h du soir, qu'il pleuve ou qu'il vente. Les producteurs du “Thé de Ceylan” dont nous sommes si fiers ne méritent-ils pas au moins un salaire décent ?

“Les entreprises disent qu'elles ne font pas de bénéfices, le gouvernement, qu'il n'a pas d'argent, les ministres font des tas de promesses, les ouvriers ne veulent que 1.000 roupies par jour pour le travail qu'ils effectuent” – vidéo de la manifestation sur Gasworks Junc vers Main Street, Malwatte Rd et Olcott Mw.

Les ouvriers manifestent depuis octobre 2018, après qu'un accord collectif sur l'augmentation de salaire des travailleurs des plantations n'a pas été signé. Les ouvriers ont en effet rejeté une augmentation de vingt pour cent (soit 100 roupies) proposée par la Fédération des employeurs de Ceylan (EFC), une organisation qui représente les plantations.

Manifestation pour un salaire minimum de 1.000 roupies par jour pour les ouvriers des plantations, en ce moment au carrefour Gas Paha à Colombo.

Le 6 décembre 2018, des centaines de milliers d'ouvriers des plantations de tous les districts concernés au Sri Lanka ont commencé une grève à durée indéterminée pour réclamer le doublement de leur salaire journalier. Les protestataires y ont mis fin après une semaine, quand le principal syndicat des plantations, le Congrès des ouvriers de Ceylan (Ceylon Workers Congress, CWC), le leur a ordonné. De nombreux membres de la société civile, dont des instituteurs, s'étaient eux aussi ralliés aux ouvriers du thé.

“Pendant 200 ans ils ont construit notre économie et le nom du “thé de Ceylan” – payez aux travailleurs des plantations un juste salaire”. Manifestation en solidarité avec les ouvriers des plantations qui réclament un salaire journalier de base de 1.000 roupies, en ce moment à Gasworks Junction dans [le quartier de] Fort.

L'industrie du thé au Sri Lanka

Le Sri Lanka est le quatrième producteur et second exportateur de thé au monde. Les régions montagneuses et de moyenne altitude du centre du pays bénéficient d'un climat propice à la production d'un thé de qualité et possèdent de nombreuses plantations. Au fil des ans, le thé de Ceylan a vu sa popularité croître : presque un cinquième de tous les thés vendus dans le monde vient du Sri Lanka.

Cette industrie emploie (directement ou indirectement) plus d'un million de personnes. La plupart des cinq cent mille ouvriers sont des Tamouls, descendants des ouvriers amenés au Sri Lanka par les colons britanniques au XIXe siècle, et plus de la moitié sont des femmes.

Les cueilleurs et cueilleuses sri-lankais pèsent les feuilles de thé et déterminent ainsi leur salaire de la journée. Photographie de NH53 sur Flickr. CC BY 2.0.

De très bas salaires

En comparaison avec le salaire national moyen, les ouvriers du thé sont traditionnellement très mal payés. Dans de nombreux cas, ils doivent cueillir de seize à dix-huit kilos de thé chaque jour pour ne pas voir leur salaire divisé par deux. Ils sont soumis à de dures conditions de vie et de travail et certains d'entre eux sont victimes de blessures douloureuses pour lesquelles ils ne reçoivent que très peu de soins médicaux de la part des leurs employeurs.

Ils ont déjà manifesté il y a environ dix ans pour obtenir une augmentation de leur salaire de 290 à 500 roupies (environ 2,10 et 3,40 euros respectivement). Leurs revendications n'ont pas été entendue, car l'industrie a alors été frappée par la crise mondiale, et certaines plantations ont même dû licencier.

En 2016, ils ont été augmenté de seulement 50 roupies, portant leur salaire à 500 roupies. Au fil des ans, la roupie sri-lankaise s'est dépréciée alors que le coût de la vie a augmenté. Leur salaire journalier actuel correspond à 2,40 euros : finalement, leur salaire réel n'a donc pas augmenté en dix ans.

En conséquence, le niveau de pauvreté au sein des ouvriers des plantations a augmenté, bien que celle du pays ait diminué ces dernières décennies :

(3/3) “Dirigeants politiques, si vous pouvez survivre avec 625 roupies par jour, nous n'avons pas besoin de 1.000 roupies.”

Les manifestants ont mis les politiciens au défi de vivre avec 625 roupies par jour, le même salaire journalier offert aux ouvriers des plantations de thé dans l'accord collectif.

La lutte des ouvriers tamouls des plantations de thé pour une augmentation de leur salaire journalier à 1.000 roupies continue. Une manifestation citoyenne de solidarité aura lieu aujourd'hui (15 janvier) de 16h30 à 17h30 au rond-point de la Liberté. Illustration de Namal Amarasinghe.

Le gouvernement a proposé une hausse des salaires globales et dont l'augmentation serait faite progressivement sur trois ans. Selon ce projet, l'augmentation de base serait un salaire de 625 roupies la première année auquel s'ajouterait d'autres indemnités, pour un total de 1.000 roupies quotidiennes. Cependant, certaines de ces indemnités sont basées sur un quota de cueillette quotidienne : de nombreux ouvriers ne les recevront donc sans doute pas. Les salaires de base proposés dans les deuxième et troisième années seraient respectivement de 650 et 675 roupies. Mais les ouvriers exigent un salaire de base de 1.000 roupies quotidiennes.

Les travailleurs du thé au Sri Lanka n'ont d'autre choix que de continuer leur lutte pour recevoir un salaire équitable s'ils ne veulent pas succomber à une forme d'esclavage ou de pauvreté absolue.