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Non, le président serbe n'a pas donné à une rue le nom du criminel de guerre Ratko Mladić 

samedi 9 décembre 2017 à 11:22
Capture d'écran d'un reportage sur un événement de 2007 en soutien à Ratko Mladić, impliquant le président serbe actuel Aleksandar Vučić, 10 ans avant son entrée en fonction. Sur la photo, il colle une affiche sur le boulevard Ratko Mladić.

Capture d'écran d'un reportage sur une manifestation de 2007 en soutien à Ratko Mladić, avec la participation de l'actuel président serbe Aleksandar Vučić, 10 ans avant son entrée en fonction. Sur la photo, il colle une affiche proclamant le boulevard Ratko Mladić.

Des photos datant de dix ans ont été utilisées pour induire en erreur les utilisateurs des médias sociaux en leur faisant croire que le président serbe Aleksandar Vučić avait renommé une rue en l'honneur de Ratko Mladić, récemment condanmé pour crimes de guerre.

Après que le tribunal des Nations Unies a condamné Ratko Mladić à la prison à vie pour génocide [fr] lors de la guerre de Bosnie des années 1990, certains utilisateurs des médias sociaux des Balkans ont commencé à rappeler au monde ses liens avec l'establishment politique serbe actuel et à diffuser des informations trompeuses.

Ils prétendent faussement que le président actuel a récemment nommé une rue “Ratko Mladić Boulevard” en utilisant des photos montrant Vučić affichant un panneau de rue avec ce nom. Le tweet suivant est un exemple typique:

Ratko Mladic vient d'être condamné à la réclusion à perpétuité pour génocide et crimes contre l'humanité. Le président de la Serbie “européenne” a donné son nom à une rue.

Les photos ne sont pas un montage, mais elles sont présentées hors contexte, rendant l'affirmation dans l'ensemble fausse. La “plaque” n'est pas métallique, mais il s'agit d'une affiche collée avec du ruban adhésif. En réalité, aucune rue ne porte le nom du tristement célèbre Mladić.

Le 26 mai 2007, M. Vučić, Secrétaire général du Parti radical serbe (SRS) [fr], ultra-nationaliste d'extrême droite, a participé à une manifestation contre le changement de nom d'une rue de Belgrade faisant suite à l'assassinat du Premier ministre libéral serbe Zoran Đinđić [fr] en 2003 qui avait entamé une coopération avec le Tribunal pénal international des Nations Unies pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) [fr]. Cette coopération avait conduit à l'extradition de l'ex-Président Slobodan Milošević [fr], principal soutien de Ratko Mladić.

Lors de la manifestation, les nationalistes serbes se sont affrontés aux libéraux qui soutenaient le nouveau nom. Les nationalistes portaient des banderoles et des affiches soutenant Mladić, en cavale à l'époque.

En tant que membre du SRS, Vučić a été ministre de l'Information du régime Milošević de 1998 à 2000. En 2008, quand l'aile pro-Union européenne s'est séparée du Parti radical pour former le Parti progressiste serbe [fr], Vučić les a rejoints.

En 2014, Vučić devenu Premier ministre, le site de vérification des faits serbe Truth-o-meter a présenté les images archivées suivantes de 2007 dans le cadre de leur action de rappel des faits.

Pendant qu'il était au pouvoir, Vučić a modéré sa rhétorique nationaliste, essayant de se construire une image de politicien pro-européen, et s'est montré désireux de réconciliation avec les pays voisins. En 2015, il a effectué deux visites dans la ville bosniaque de Srebrenica, site du massacre génocidaire [fr] perpétré en 1995 par les forces serbes de Bosnie commandées par Mladić. Tout en rendant hommage aux victimes et en condamnant l'acte comme “un crime terrible”, Vučić a néanmoins maintenu la ligne officielle qui refuse l'utilisation du mot génocide concernant Srebrenica, malgré les verdicts du TPIY.

Sa déclaration après le verdict du TPIY dans le cas de Mladić n'a pas été un soutien ouvert au criminel de guerre. Tout en affirmant que personne d'autre que les Serbes ne se souciait des victimes serbes des guerres des années 1990, il a déclaré qu'au lieu de rester plongés dans le passé, “nous devons aller de l'avant pour construire l'avenir où vivront nos enfants … Nous ne devons pas nous étouffer avec les larmes du passé, mais nous tremper dans la sueur des efforts pour créer un avenir commun. “

Les images et les photos des manifestations de 2007 sont maintenant utilisées par diverses voix critiques pour dénoncer l'hypocrisie supposée de Vučić, au moins de deux côtés. Les opposants au nationalisme serbe les utilisent pour le présenter comme un radical camouflé, tandis que certains nationalistes serbes parmi les plus extrémistes critiquent son attitude, la jugeant trop passive.

Dans l’Inde rurale, les femmes meurent à cause de l'absence de médecins

vendredi 8 décembre 2017 à 19:45

Un établissement médical reste clos, faute de médecins. Arrêt sur image du documentaire de Video Volunteers.

Cet article écrit par Madhura Chakraborty a d’abord été publié sur Video Volunteers, une organisation internationale primée, centrée sur les médias communautaires et basée en Inde. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Dans de nombreuses zones rurales indiennes, le manque de personnel et de services médicaux cause la souffrance et parfois même le décès de nombreuses femmes au moment de leur accouchement.

Ces dernières années, le gouvernement a réussi à réduire le taux de mortalité maternelle. Pourtant, environ cinq femmes décèdent encore chaque heure en Inde de complications pendant l’accouchement.

Cette mortalité maternelle élevée est due à des accouchements non-assistés (en l'absence de personnel médical), des structures médicales insuffisantes, un manque de spécialistes et de services d’urgences gynéco-obstétricales et surtout une pénurie de médecins dans les zones rurales. Selon une étude publiée par le journal médical britannique The Lancet :

As of March 2015, 8 percent of India’s 25,300 primary health centers had no doctor. More than 80 percent of community health centers, where specialists practice, had no surgeons; 76 percent had no obstetricians and gynecologists, and 82 percent had no pediatricians.

Au mois de mars 2015, 8 % des 25.300 centres de soins primaires en Inde n’avaient pas de médecin traitant. Plus de 80 % des centres médicaux locaux (où les spécialistes exercent) étaient sans chirurgien, 76 % n’avaient ni gynécologue ni obstétricien et 82 % n’avaient pas de pédiatre.

Ce phénomène est en partie dû au choix des médecins de vivre et travailler en ville plutôt qu’à la campagne. Voici le reportage de Jahanara Bibi, correspondante de Video Volunteers au Bengale-Occidental :

Basanti Roy est agent de santé communautaire (ou ASHA) dans le village de Badalpur, situé au sud du district de Dinajpur dans le Bengale-Occidental. Les ASHA sont rattachés au Ministère de la santé et de la famille, dont la mission est entre autres d’assurer la santé maternelle. Pourtant, Basanti n’a pas pu sauver la vie d’une de ses parentes :

She was my nephew’s wife. I called the ambulance before her labor pain started but it arrived late. First I took her to the hospital at Rashidpur. There was a delay. Then we took her to the hospital in Kaldigi where they were able to perform a cesarean section on her. After the operations, she started having convulsions. We shifted her to a bigger hospital in the neighboring district of Malda where she passed away.

C’était la femme de mon neveu. J’ai appelé l’ambulance avant le début des contractions mais elle est arrivée en retard. Nous sommes d’abord allés à l’hôpital de Rashidpur, mais il y a eu un contre-temps. Nous l'avons donc emmenée à l'hôpital de Kaldigi où elle a pu accoucher par césarienne. Elle a commencé à avoir des convulsions après l'intervention. Elle a alors été transférée vers un hôpital plus grand du district voisin de Malda, où elle est décédée.

Les services médicaux publics du Bengale-Occidental ont souvent attiré l’attention. En 2014, une étude a établi que les hôpitaux souffraient non seulement d’une pénurie de médecins, mais que les installations étaient en outre inefficaces et peu performantes.

La situation de Badalpur est un cas typique. Selon les règles en vigueur, il devrait y avoir au moins un Centre de soins primaires (CSP) pour 20.000 habitants, mais à Badalpur le CSP dessert 50.000 personnes. De plus, il n’est ouvert qu’entre 9h et 14h : en dehors de ces heures, les malades n’ont d’autre choix que de se rendre à un autre centre de soins, 20 kilomètres plus loin.

Le reportage de Jahanara Bibi illustre la vulnérabilité des femmes enceintes dans ces situations. Le manque d’infrastructures et le mauvais état des routes retardent encore plus l’arrivée des ambulances et les patientes finissent souvent par accoucher chez elles ou sur le chemin de l’hôpital. La belle-fille de Lakshmi Barman a accouché à la maison. Lakshmi Barman témoigne :

Ambulances are always late. We kept calling but it arrived an hour later. My daughter-in-law had already given birth. We took the mother and child to the hospital and they stayed there for three days. We had to spend quite a lot of money, about 5,000 Indian Rupees (US$76). If we didn’t have to spend so much we could have cared for her nutrition better.

Les ambulances sont toujours en retard. Nous appelions sans arrêt mais elle est arrivée une heure plus tard. Ma belle-fille avait déjà accouché. Nous avons emmené la mère et l’enfant à l’hôpital et ils y sont restés trois jours. Nous avons beaucoup dépensé, environ 5.000 roupies (65 euros). Si nous n’avions pas eu à dépenser autant, nous aurions pu mieux prendre soin de son alimentation.

Le programme gouvernemental Janani Suraksha Yojana (JSY) déclare fournir des soins obstétricaux gratuits ainsi qu’une prime de 1.400 roupies (18 euros) à toute femme vivant dans une région rurale choisissant d’accoucher dans un centre médical public. Mais dans les villages comme Badalpur, où ces services ne sont pas disponibles, les familles les plus pauvres sont obligées de sacrifier une grande partie de leurs revenus en frais.

Un autre reportage du correspondant Shambhulal Khatik souligne que les centres publics ne sont pas équipés pour faire face à des cas médicaux complexes et souffrent d'une pénurie de personnel qualifié. Face à la demande générée par l'absence de centres de soins gratuits, des cliniques privées peu scrupuleuses se sont mises à facturer des montants exorbitants aux patients les plus pauvres.

Shambhulal Khatik raconte l’histoire d’une victime de la défaillance du système de soins en milieu rural. Résidante d’une zone rurale du Rajasthan et mère de cinq enfants, Pushpa Bai est décédée en accouchant d’un enfant mort-né suite à une série de défaillances systémiques et de négligences médicales.

Lorsqu'elle a commencé à avoir des contractions, son époux Shantilal Lohar l’emmena à l’hôpital le plus proche en ambulance. Mais il n’y avait pas de médecins à l’hôpital. Des infirmières l’ont examinée, mais ont conclu que l'accouchement ne surviendrait pas avant encore deux jours et l'ont renvoyée chez elle.

Le lendemain, Pushpa Bai s'est mise à souffrir atrocement. Son époux, ne faisant plus confiance aux services publics, loua une voiture pour la conduire à la clinique privée la plus proche, à cinq kilomètres. Un médecin l’examina et commença un traitement, tout en lui assurant que tout allait bien et que le bébé se portait bien. Trois heures plus tard, elle accouchait d’un enfant mort-né. Ayant perdu beaucoup de sang au cours de l’accouchement, elle fut alors transférée vers un autre hôpital du district avec plus d’équipement et de personnel soignant. Elle y mourut pourtant des suites de son hémorragie, car les réserves de sang de la clinique privée dans laquelle elle avait été admise étaient insuffisantes.

L'Enquête nationale sur la santé familiale révèle que les dépenses de santé sont souvent la cause de l'endettement et de l’appauvrissement des ménages à faible revenu. Une hospitalisation coûte en effet jusqu’à vingt fois le revenu mensuel des ménages les plus pauvres.

Les mauvaises conditions de travail et le manque d’incitation financière sont des causes souvent citées par des études pour expliquer la pénurie de médecins dans les zones rurales et dans les établissements publics.

L’ironie dans le cas de Badalpur, c'est qu'un hôpital tout neuf y a été bâti en 2014, avec un service d'admission, des logements pour les médecins et d'autres installations modernes. Mais rares sont les médecins qui souhaitent exercer dans des villages reculés, et ses salles climatisées et ses équipement de pointe sont restés inutilisés. Le gouvernement du Bengale-Occidental a promulgué des lois strictes pour lutter contre les négligences médicales dans les cliniques et centres de soins privés, mais il reste beaucoup à faire pour améliorer les services fournis par les établissements publics.

Video Volunteers est le seul réseau de reportage en Inde dédié exclusivement à la couverture médiatique des régions indiennes les plus pauvres et les moins représentées dans les médias.

MUSIQUE : À Madrid, concert exceptionnel d'un orchestre symphonique composé d'adolescents péruviens

jeudi 7 décembre 2017 à 21:53

Membres de Symphonie pour le Pérou à Madrid. Photographie utilisée avec autorisation.

Symphonie pour le Pérou est une organisation créée par le célèbre ténor péruvien Juan Diego Flórez pour changer la vie de jeunes Péruviens issus de milieux défavorisés à travers la musique.

D’après son site internet, les données obtenues par une étude d'enfants ayant participé au programme montrent une amélioration significative dans plusieurs domaines de leur vie :

20% MÁS CREATIVOS
30% MÁS SEGUROS DE SÍ MISMOS
29% MENOS AGRESIVOS

20% PLUS CREATIFS
30% PLUS SURS D'EUX-MEMES
29% MOINS AGRESSIFS

Jusqu'ici, environ 7.000 enfants dans plus de 20 centres de formation dans tout le pays ont bénéficié de Symphonie pour le Pérou. En 2014, la Revue pour l'efficacité du développement déclarait :

The project established four musical centers in four very different areas in Peru: the marginalized, urban ghettos of Trujillo (coastal), Huancayo (mountain), Huánuco (rainforest), and Manchay-Lima (desert). Each center brings music to […] children and adolescents living at or below the poverty level. […] The setting of the program helps children build their self-esteem, encourages them to have goals in life and to achieve those goals, promotes improved school performance, strengthens family ties, and facilitates positive involvement in their community.

Le projet a établi quatre centres musicaux dans quatre régions très différentes du Pérou : les ghettos urbains et marginalisés de Trujillo (sur la côte), de Huancayo (dans les montagnes), de Huánuco (dans la forêt tropicale) et de Manchay-Lima (dans le désert). Chaque centre apporte la musique à […] des enfants et des adolescents vivant sur, ou en-dessous du seuil de pauvreté. […] Le programme aide les enfants à construire leur estime de soi, les encourage à avoir des buts dans la vie et à les atteindre, promeuvent de meilleurs résultats à l'école, renforcent les liens familiaux et facilitent une implication positive dans leur communauté.

Sur le site internet du groupe, certains enfants de l'orchestre expliquent ce que le programme signifie pour eux :

La música para mí es algo que se debe tocar con sentimiento, con emoción [pero que necesita también] de disciplina. Cuando toco el violín me siento más feliz, más emocionada. Contenta de poder tener en mis manos un instrumento que me llena de felicidad.

Pour moi, la musique est quelque chose qui doit être ressentie quand on la joue, avec excitation [mais aussi avec] discipline. Quand je joue du violon, je me sens plus heureuse, plus enthousiaste. Heureuse d'avoir dans les mains un instrument qui me rende si heureuse.

Élargir les horizons

Le 29 octobre 2017, un groupe de Symphonie pour le Pérou et son fondateur Juan Diego Flórez se sont rendus en Espagne pour participer au quinzième anniversaire de Volunteers Telefónica au Théatre royal de Madrid.

Une partie du groupe à l'aéroport de Lima, avant de s'envoler pour l'Espagne. Photographie utilisée avec autorisation.

Sur leur page Facebook, le groupe a téléchargé une courte interview de Flórez, des vidéos de leurs répétitions et une interprétation de la célebre chanson Mambo No. 5.

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Sinfonía por el Perú en el Teatro Real

#SomosSpp🎶Gran concierto ayer Domingo 29 en el Teatro Real con Sinfonía por el Perú y la Escuela de Música Reina Sofía por el 15 Aniversario de Voluntarios Telefónica ✨🇵🇪👏¡Gracias Telefónica y Fundación Telefónica por la inolvidable experiencia!#CantoTocoCrezco

Geplaatst door Sinfonía por el Perú op maandag 30 oktober 2017

Symphony for Peru at Royal Theater
We are all Symphony for Peru 🎶Great concert yesterday, Sunday 29 at Royal Theater with Symphony for Peru and Queen Sofia Music School to celebrate 15 years of Volunteers Telefónica ✨🇵🇪👏 Thanks, Telefónica and Telefónica Foundation for such an unforgettable experience! #ISingIPlayIGrowUp
Publicado por Symphony for Peru on October 30, 2017.

Symphonie pour le Pérou au Théatre royal.
Nous sommes tous la Symphonie pour le Pérou 🎶 Superbe concert hier, dimanche 29 au Théatre royal avec Symphonie pour le Pérou et l'Ecole de musique de la Reine Sofia, pour fêter les 15 ans de Volunteers Telefónica ✨🇵🇪👏 Merci, Telefónica et la Fondation Telefónica pour une expérience inoubliable ! #JeChanteJeJoueJeGrandis
Publié pour Symphonie pour le Pérou le 30 octobre 2017.

Profitant de leur passage dans la capitale espagnole, Symphonie pour le Pérou a répété avec des membres de l’École de musique de la Reine Sofia. Ce fut une occasion pour les deux orchestres d'échanger et de partager leurs expériences à travers la musique.

Répétitions avant le concert au Théâtre royal. Photographie utilisée avec autorisation.

Le groupe a partagé des vidéos et des photos de leur tournée espagnole sur Twitter, ainsi que de certains événements auxquels ils ont participé :

Superbe concert au Théâtre royal avec Juan Diego Flórez et l’École de musique de la Reine Sofia pour les quinze ans de Volunteers Telefonica.

Tellement fiers de nos enfants ! 👏❤

Concert de Symphonie pour le Pérou au Théâtre royal, Madrid.

Avec toutes ces activités, ces jeunes musiciens ont pris un chemin qui leur permettra sûrement de “Chanter, jouer, grandir !”.

Après 10 ans de batailles juridiques, la seule association LGBT du Mozambique se rapproche de sa reconnaissance juridique

lundi 4 décembre 2017 à 18:09
Des membres de l'ONG de défense des droits des LGBT Lambda lors d'un événement en 2013. Photo: Lambda / Flickr, publié avec permission

Des membres de l'ONG de défense des droits des LGBT Lambda lors d'un événement en 2013. Photo: Lambda / Flickr, publiée avec permission

Lambda, la seule association mozambicaine pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), a fait un pas important vers sa reconnaissance légale, pour laquelle elle a lutté pendant plus d'une décennie.

Le Conseil constitutionnel du Mozambique – équivalent à la Cour suprême – a statué que le statut de Lambda ne violait pas la constitution de la république, comme l'avaient soutenu des représentants du gouvernement.

Depuis 2008, Lambda a présenté plusieurs demandes d'enregistrement formel en tant qu'association qui ont été ignorées par le ministère de la Justice, l'organisme chargé de l'enregistrement des organisations de la société civile.

Selon les militants, les représentants du gouvernement leur avaient déclaré de manière informelle que la demande ne pouvait pas être traitée parce qu'elle allait à l'encontre d'une disposition de la loi de 1991 sur les associations. Cette clause particulière a bloqué l'enregistrement des organisations qui poursuivent des objectifs contraires à l'ordre moral, social et économique du pays et portant atteinte aux droits d'autrui ou au bien public.

Le 31 octobre, le Conseil a déclaré la clause inconstitutionnelle parce qu'elle contredit l'article 52 de la Constitution, qui stipule que “les organisations armées militaires ou paramilitaires et celles qui encouragent la violence, le racisme, la xénophobie ou qui poursuivent des buts contraires à la loi sont interdites “. Le Conseil a décidé que ce sont les seules associations interdites d'enregistrement.

La décision du Conseil ne mentionnait pas d'associations spécifiques, mais selon le directeur exécutif de Lambda, Danilo da Silva, la décision ouvre finalement la porte à la reconnaissance juridique de son association. Il a déclaré à la chaine allemande Deutsche Welle:

“Este posicionamento do Conselho Constitucional vem de alguma forma desarmar esta justificação que informalmente era-nos passada”.

Cette déclaration du Conseil constitutionnel annule dans une certaine mesure cette justification qui nous a été donnée de manière informelle.

Droits LGBT en Afrique

La légalisation de Lambda s'ajoute à un environnement progressivement plus favorable pour la population LGBT du Mozambique, l'un des rares pays d'Afrique où l'homosexualité n'est pas un crime. Par exemple, au Soudan et dans certaines parties du Nigéria et de la Somalie, l'homosexualité est passible de la peine de mort et de l'emprisonnement à perpétuité en Ouganda, en Tanzanie et en Sierra Leone.

Les anciennes colonies portugaises sont parmi les pays les plus tolérants pour les personnes LGBT. Le Cap-Vert, par exemple, a été le deuxième pays à dépénaliser l'homosexualité en 2004 [fr] et l'un des six Etats africains à signer en 2008 un document de l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant les violations des droits des minorités sexuelles.

Certains juristes capverdiens font également valoir que certaines parties du Code civil qui limitent le mariage aux seules personnes de sexe opposé sont inconstitutionnelles parce qu'elles sont antérieures à la promulgation de la constitution. Le documentaire “Tchindas“, qui raconte l'histoire de Tchinda Andrade, une militante transgenre de premier plan dans le pays, a remporté plusieurs prix internationaux en 2016.

Cependant, même dans des pays moins restrictifs, la population LGBT n'est pas exempte de préjugés et de violence. En Angola, où la loi est vague en ce qui concerne l'homosexualité, la communauté LGBT vit anonymement et fait face à la discrimination dans l'accès aux soins et à l'éducation, selon Carlos Fernandes, directeur de l'Associação Iris Angola.

En général, la décision du Conseil constitutionnel mozambicain a été critiquée par certains secteurs de la société. Sur un article en ligne très commenté par le journaliste Ericino de Salema, par exemple, beaucoup d'intervenants ont dénoncé la reconnaissance de l'association Lambda et l'homosexualité elle-même.

Danilo da Silva, directeur exécutif de l'association Lambda, a répondu dans un post à ces commentaires :

Vejo muito ressentimento naqueles que querem usar do poder coesivo do Estado para fazer valer os seus preconceitos. É uma pena pois viver em sociedade é saber respeitar os outros, mesmo que não simpatizemos com as suas escolhas de vida, desde que estas não nos afectem.
Direitos fundamentais são direitos de todos os moçambicanos, não são privilégios para alguns.
Vamos tod@s aproveitar a oportunidade para aprender com aquele acórdão que não é só uma vitória para as pessoas LGBT, mas para todos que são e tem ideias diferentes. Aquele acórdão é um ode à igualdade, a paz e a harmonia social.

Hoje estou muito orgulhoso de ser moçambicano.

Je vois beaucoup de ressentiment chez ceux qui veulent utiliser le pouvoir coercitif de l'État pour faire respecter leurs préjugés. C'est une honte, car vivre dans une société, c'est savoir respecter les autres, même si nous ne sympathisons pas avec leurs choix de vie, tant qu'ils ne nous affectent pas.

Les droits fondamentaux sont des droits pour tous les Mozambicains, ils ne sont pas des privilèges pour certains.

Profitons de l'occasion pour apprendre de cette décision que ce n'est pas seulement une victoire pour les personnes LGBT, mais pour tous ceux qui sont différents et qui ont des idées différentes. Cette décision est une ode à l'égalité, la paix et l'harmonie sociale

Aujourd'hui, je suis très fier d'être mozambicain.

L’université publique de Porto Rico risque de fermer après le passage des ouragans Irma et María

dimanche 3 décembre 2017 à 13:01
L'université de Porto Rico. Photo: Alan Levine. Attribution 2.0 Générique (CC BY 2.0)

L’Université de Porto Rico. Photo : Alan Levine. Attribution 2.0 Générique (CC BY 2.0)

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en espagnol.

Bien avant que les ouragans Irma et María ne dévastent Porto Rico en septembre 2017, le seul établissement d’enseignement supérieur public de l’archipel était confronté à un problème différent : l’austérité. Aujourd’hui, certains citoyens craignent que les récentes catastrophes naturelles offrent aux autorités une excuse pour prendre des mesures encore plus draconiennes contre l’Université de Porto Rico (UPR).

Le territoire américain de Porto Rico se débat actuellement sous le poids d’une dette de 74 milliards de dollars et de 49 milliards de dollars d’obligations de retraite, causée par plusieurs décennies de récession, d’émissions d’obligations et d'opérations commerciales illégales, et par son statut de paradis fiscal. Le cadre juridique qui a rendu ces pratiques possibles et fait de Porto Rico une exception au code fiscal américain a été établi par le Congrès. Des éléments qui ont conduit de nombreuses personnes à affirmer que la dette de Porto Rico est intrinsèquement coloniale.

Pour tenter de faire face à la crise financière de Porto Rico, les législateurs américains ont adopté une loi appelée PROMESA [en], qui a notamment créé un comité de contrôle non élu et un processus de restructuration de la dette. L’ancien président Barack Obama a entériné le projet de loi en juin 2016 et le Fiscal Control Board (Conseil de contrôle fiscal) a été imposé à Porto Rico, sans réellement tenir compte de l’opinion des Portoricains qui, malgré leur statut de citoyens américains, ne sont pas représentés au Congrès des États-Unis et ne peuvent pas participer aux élections présidentielles américaines.

L’activité du Fiscal Control Board a été caractérisée par les mesures d’austérité et l’UPR figure parmi les institutions publiques visées par des compressions budgétaires drastiques, la réduction et le regroupement des campus et des programmes académiques, l’augmentation des frais universitaires et la diminution des salaires. Des recommandations que l’administration de l’UPR et le gouvernement local semblent largement prêts à suivre [en]. Avec les rumeurs concernant la privatisation de l'Electric Power Authority (PREPA) de Porto Rico, on craint que l’UPR ne subisse finalement le même sort.

Cependant, une partie considérable des étudiants et du personnel de l’UPR contestent ces mesures, comme l’atteste la grève étudiante de deux mois [en] menée plus tôt cette année.

L’ouragan, un prétexte pour mettre leurs plans en œuvre

Mais les ouragans Irma et María ont frappé l’archipel [fr] avec une force énorme et les 11 campus de l’UPR ont subi des dégâts considérables. Après l'ouragan María, l’UPR évaluait ses pertes à plus de 118 millions de dollars [fr]. L’UPR-Humacao, considéré comme le campus qui a subi le plus de dégâts, est le plus proche de la zone à travers laquelle l’œil de l'ouragan est entré à Porto Rico. Entre les ouragans Irma et María, les campus ont été fermés quatre à cinq semaines, voire davantage.

Avant que l’UPR ne décide de rouvrir ses campus, plusieurs universités américaines, telles que la Tulane University [en] et la Brown University [en], ainsi que des universités privées à Porto Rico, ont mis en place des programmes pour offrir aux étudiants touchés la possibilité de terminer leur semestre et de poursuivre leurs études au sein de leur établissement. Lors de la réouverture de l’UPR, les campus étaient encore pleins de détritus et de champignons, les coupures de courant fréquentes, l’eau non potable, les bibliothèques fermées et les centres de recherche ainsi que les salles de cours, les bureaux et les espaces publics endommagés.

Cette combinaison de facteurs pourrait représenter un problème pour l’UPR qui risque de perdre une partie importante de ses étudiants et de s’exposer ainsi au grave danger que la journaliste canadienne Naomi Klein [fr] appelle la stratégie du choc [en] : une «tactique brutale d’instrumentalisation de la désorientation du public à la suite d’un choc collectif […] pour faire adopter des mesures radicales en faveur des entreprises». Des membres du corps professoral, comme le professeur Maritza Stanchich de l’UPR-Río Piedras, ont commenté [en] sur Facebook :

OJO, while perhaps for some this is well-intentioned, initiatives to offer students in hurricane-affected areas in-state tuition in states such as Florida might also embolden further shock-doctrine-style shake ups at UPR. Tulane, after all, was not in the same boat, so to speak, pre Katrina. Entiendo el impulso positivo de estas iniciativas estudiantiles, pero creo que sería ingenuo pensar que no se podía utilizar de manera nefasto para la UPR. [Editor's note: This was a public Facebook post uploaded on September 29, and there have been many exchanges about this since.]

ATTENTION: Bien qu’il soit possible que certaines soient bien intentionnées, les initiatives visant à offrir aux étudiants des zones touchées par les ouragans des cours dans des États comme la Floride pourraient également aboutir à de futurs bouleversements s’inscrivant dans la stratégie du choc [fr] à l’UPR. La Tulane University, après tout, ne se trouvait pas dans le même bateau, pour ainsi dire, avant l’ouragan Katrina [qui a dévasté la côte américaine du golfe en 2005]. Je comprends l'intention positive de ces initiatives pour nos étudiants, mais je pense qu’il serait naïf de penser qu’elles ne pourraient pas être utilisées de manière désastreuse pour l’UPR. [Note de l’éditeur : Il s’agissait d’un commentaire public sur Facebook mis en ligne le 29 septembre qui a ensuite donné lieu à de nombreux échanges.]

L’UPR se trouve ainsi doublement perdante. Elle pouvait décider de ne pas continuer le semestre en raison du temps nécessaire à une remise en état appropriée et voir une partie de son effectif d’étudiants se tourner vers des universités des États-Unis, ainsi que des universités privées et des collèges situés sur l'île ou décider de rouvrir, ce qu'elle a fait, et voir tout de même partir une partie de ses étudiants, car l’université ne pouvait pas être complètement et correctement réhabilitée.

Mais, de l'avis de nombreux étudiants et membres du personnel, les ouragans n’ont fait qu’exacerber la situation. L’UPR se trouvait déjà en difficulté à cause de la corruption et de l’incompétence qui ont marqué durant des années l’administration et de la crise de la dette, comme l‘a souligné Verónica del Mar, étudiante à l’UPR-Río Piedras :

Este semestre no estoy matriculada en la universidad. Así que no me toca regresar el lunes. Pero las leo, los escucho y me siento angustiada, triste, nerviosa, pero sobretodo me siento encabroná, porque si estuviese matriculá me tocaría elegir entre trabajar o estudiar. Entre comer o coger guagua. Probablemente estaría planificando con alguna corilla cuál será el refugio con agua y el mejor espacio pa descansar y poder ir a “estudiar”. Pienso en las posibilidades y me encabrono más. El gobierno y la administración universitaria tienen excusas demás pa continuar privatizando la UPR y el acceso a la educación. El paso del huracán María les abrió el camino pa terminar de implementar sus planes. Cerrar recintos, aumentar costos de estudio, disminuir ayudas económicas, dejar perder edificios y residencias para estudiantes, en fin, que la UPR sea pa quienes puedan pagarla.

Je ne suis pas inscrite à l'université cette année, je n’y retourne donc pas lundi. Mais je vous lis, je vous entends et je me sens anxieuse, triste, nerveuse… Mais surtout, je suis énervée, parce que si je m'étais enregistrée, je devrais choisir entre travailler et étudier. Entre manger et prendre le bus. J'aurais été en train de choisir, probablement avec des amis, quel logement disposant d’eau courante nous offrirait le meilleur espace pour nous reposer et «étudier».

Je pense aux possibilités et suis encore plus énervée. Le gouvernement et l’administration de l’université ont tous les deux des excuses suffisantes pour continuer la privatisation de l’UPR et de l'accès à l'éducation. Le passage de l’ouragan María leur a permis de terminer leurs plans : la fermeture des campus, l'augmentation des frais d’étude, la réduction des subventions et des aides financières, l’abandon des immeubles et des résidences étudiantes, en d’autres mots que l’UPR ne soit accessible qu’à des personnes privilégiées.

« Ils profitent de la tragédie »

Récemment, le conseil d’administration de l’UPR a demandé à tous les doyens de réviser l’ensemble des programmes académiques dans le but de réduire considérablement le nombre de crédits requis et de proposer de nouvelles possibilités en matière de cursus afin d’offrir des programmes d’études de deux ans.

À l’UPR-Mayagüez, où le recteur a rapidement mis en œuvre la résolution du conseil, le professeur Jorge Schmidt et de nombreux autres membres du corps professoral s’inquiètent que la décision privilégie le profit par rapport à l’excellence académique et affaiblisse le rôle de centre universitaire et de recherche de l’établissement :

“Se aprovechan del momento trágico que vive el país para neutralizar la posible oposición a sus medidas anti-académicas que pretenden convertir a la UPR en un centro de adiestramiento para empleos técnicos.

Ils profitent de la tragédie que traverse le pays pour neutraliser toute opposition possible à leurs mesures anti-académiques visant à convertir l’UPR en centre de formation pour les emplois techniques.

L’UPR représente le seul établissement d’enseignement supérieur public à Porto Rico. Puisque 46,1 % des habitants [en] vivent en dessous du seuil de pauvreté (un pourcentage qui pourrait avoir augmenté avec le passage de l’ouragan María), et que l'accessibilité économique représente déjà un problème pour beaucoup d’étudiants de l’Université de Porto Rico ou de personnes qui souhaitent y étudier, sa privatisation priverait une partie importante de la population d’accès à une éducation abordable dans l’archipel.