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Ecos Indígenas: Le réseau des stations de radio qui font la voix de la diversité au Mexique

vendredi 15 avril 2016 à 00:06
XETAR "La voz de la Sierra Tarahumara" (emisora del Sistema de Radiodifusoras Culturales Indigenistas). Imagen de CDI utilizada con autorización.

XETAR “La voz de la Sierra Tarahumara” (station du Sistema de Radiodifusoras Culturales). Image du CDI utilisée avec autorisation.

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en espagnol]

Le projet nommé Ecos Indígenas (Échos Indigènes) regroupe une série de radios locales au Mexique dans le but de diffuser leurs contenus sur Internet avec des retransmissions en ligne, brisant ainsi les frontières et encourageant la préservation de langues proches de tomber en désuétude ou de disparaître.

Dans le pays, environ 6,7% de la population âgée de plus de 5 ans parle une langue indigène, selon les statistiques officielles. La même source montre que le pourcentage va en diminuant chaque décennie depuis qu'existe le recensement.

Par conséquent, le Sistema de Radiodifusoras Culturales Indigenistas (Système de Radiodiffuseurs Culturels Indigènes) a été créé pour renforcer les stations qui le composent, les mêmes qui désormais amplifient leur portée de diffusion grâce à Ecos Indígenas. Le projet est confié à l'organisme public fédéral appelé Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas (en abrégé CDI), qui décrit ainsi le fonctionnement de cette initiative:

Grâce aux liens en direct avec les retransmissions locales de chacune des radios du Système s'élargissent les horizons de diffusion des peuples indigènes du Mexique pour porter des messages dans des endroits reculés. Grâce à Ecos Indígenas il est possible d'écouter une gamme infinie de voix et d’événements musicaux de toutes les régions du pays, les mots et les langues de nombreux Mexicains, et de porter un message de la diversité et du multiculturalisme mexicains aux quatre coins de la planète.

À propos des langues qui interviennent dans cet espace :

La station diffuse chaque jour dans les langues suivantes : maya, nahuatl, purepecha, pames, tanek, mayo, yaqui, guarijio, mazatèque, cuicatèque, chinantèque, zapotèque, mixe, mixtèque, trique et beaucoup d'autres. Actuellement le nombre de langues et de variantes régionales intègre plus de 36 langues indigènes vivantes différentes.

Le contenu d'Ecos Indígenas est disponible à cette adresse.

La CDI utilise régulièrement les réseaux sociaux, parmi eux Twitter, pour promouvoir Ecos Indígenas, comme on peut le voir dans le message suivant à propos de XECARH, une radio située dans la Vallée du Mezquital dans l’Hidalgo [fr] (dans la région centrale du pays) :

Écoutez “La Voz Del Pueblo Hñahñu” (La Voix du Peuple Hñahñu) retransmise en hñähñu, nahuatl et espagnol

XECARH est une station inaugurée en 1999 et qui cherche par son travail à renforcer l'identité du peuple otomi [fr] qui habite la région.

La radio indigène au Mexique est un objet d'études depuis de nombreuses années. En 2010, la Dre Inés Cornjeo raconte (dans un article de la Revista Mexicana de Ciencias Polícitas y Sociales) le travail de ces stations :

Les radios culturelles indigènes se sont généralement consacrées à la production et à différentes tâches plutôt qu'à la recherche proprement dite, car il existait une tendance à « faire » de la radio plus qu'à l'étudier. Il faut souligner que pour chaque station a été réalisée l'enquête de terrain qui a le mieux fonctionné dans la production radiophonique, et chacune d'elle l'a faite avec différents niveaux de systématisation.

Nous avons déjà signalé sur Global Voices une résolution du pouvoir judiciaire qui a reconnu le droit des personnes indigènes du pays à transmettre leur « inestimable identité culturelle, sans que leur langue constitue un obstacle à cette fin », ainsi qu'un journal national qui a lancé une édition en maya [fr] (la deuxième langue indigène du pays, après le nahuatl), preuves des efforts mexicains pour conserver les langues amérindiennes [fr] et leur fournir une actualité.

La meilleure institutrice du monde est une Palestinienne, et c'est le pape François qui l'a annoncé

jeudi 14 avril 2016 à 20:17
Palestine's Hanan Al Hroub was voted World's Best Teacher. (Screen capture from video.)

La Palestinienne Hanan Al Hroub a été élue Meilleure Enseignante du monde. (Capture d'écran d'une vidéo.)

La Palestinienne Hanan Al Hroub vient d'obtenir le prestigieux titre de Meilleure institutrice du monde. Décerné par la Fondation Varkey, le prix est assorti de la coquette somme d'1 million de dollars que Hanan Al Hroub dit vouloir utiliser pour les droits d'inscription universitaires des futurs maîtres et maîtresses d'école.

Le pape François a annoncé l'heureuse élue par une vidéo projetée à la cérémonie de remise à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis :

Une partie de l'éducation consiste à enseigner aux enfants à jouer car c'est par les jeux qu'on se socialise et qu'on apprend la joie de vivre. Je veux féliciter l'enseignante Hanan Al Hroub d'avoir obtenu ce prix prestigieux grâce à l'importance qu'elle a donnée au rôle du jeu dans l'éducation de l'enfant.

“Je trouve extraordinaire, et je n'arrive pas encore à croire que le pape ait prononcé mon nom. Qu'une institutrice arabe palestinienne s'adresse au monde aujourd'hui et atteigne au sommet de l'enseignement peut servir d'exemple aux enseignants du monde entier”, a déclaré Mme Al Hroub à Associated Press.

La vie est dure en Palestine. Hanan Al Hroub a grandi dans le camp de réfugiés d'Al Dheishe, près de Bethléhem, et elle vit et enseigne aujourd'hui à Al-Bireh, une ville de 39.000 habitants proche de la capitale palestinienne Ramallah. Ses études universitaires ont été interrompues par la première Intifada (1987-1993). Avec son maigre salaire mensuel de 2.500 shekels (environ 587 euros), elle contribue à l'entretien de sa famille et achète fournitures et équipements pour sa salle de classe.

Elle a déclaré au Guardian :

L'environnement hors de la salle de classe est violent. Dedans, j'apporte paix, harmonie et sécurité.

Al Hroub explique que sa méthode pédagogique de soigner les traumatismes par l'apprentissage centré sur le jeu et le renforcement positif sont nés de sa propre experience familiale. Elle se souvient du traumatisme vécu par ses enfants qui ont vu un jour au retour de l'école un membre de la famille tué par balle et leur père blessé.

[Ce fait] a choqué mes enfants et moi aussi. Cela a transformé le comportement, la personnalité et la scolarité de mes enfants. Je me suis sentie seule pour faire traverser cela à mes enfants. aucun enseignant ne nous avait aidés à remettre mes enfants en marche. Nous nous sommes mis à inventer des jeux à la maison et à [inviter] les enfants des voisins.

Hanan Al Hroub's students learn to say "no" to violence, in the classroom and beyond. (Screen capture from video.)

Les élèves de Hanan Al Hroub apprennent à dire Non à la violence, dans et hors les murs de l'école. (Capture d'écran d'une vidéo.)

Al Hroub était en première année d'université quand l'événement s'est produit. A présent auteure d'une méthode et d'un livre intitulés “Nous jouons, nous apprenons”, Al Hroub raconte qu'au vu de l'action curative de ses jeux sur son entourage, elle a réorienté ses études vers l'enseignement élémentaire.

Je décidai d'aider chaque enfant qui passerait par la même chose. S'il y a des enfants qui ne vivent pas directement les arrestations, ou les agressions, les checkpoints, et toute la violence dans notre pays, ils les voient sur les écrans et dans les médias sociaux, et cela ne les en touche pas moins. Leurs vies sont affectées, leurs comportements et leur éducation sont modifiés. J'ai étudié ces comportements et ai adopté la non-violence pour idéal.

En conclusion, elle affirme :

“Nous Palestiniens sommes un peuple qui souffre sous les obstacles et violences de toutes formes qui nous sont imposés [par l'occupation israélienne]. Nous voulons seulemment vivre en paix. Nous voulons que nos enfants jouissent de leur enfance en paix. Je dis à tous les enseignants, palestiniens ou du monde entier : notre métier est humain, ses fins sont nobles. Nous devons enseigner à nos enfants que notre seule arme est la connaissance et l'éducation. C'est notre seul moyen de reprendre ce qu'on nous a ôté”.

Supporters cheered Al Hroub from Ramallah Square, Ramallah, Palestine. (Source)

Ses fans encouragent Hanan al Hroub à Ramallah, Palestine. (Source: Global Teacher Prize)

Pendant que Hanan Al Hroub se rendait à Dubaï pour la remise du prix, ses fans l'encourageaient sur la place Al-Manara de Ramallah. Dans un article intitulé “Jubilation en Palestine,” le Global Teacher Prize a publié des photos de la foule qui patientait pour savoir si elle serait choisie parmi les 10 finalistes (sur un total de 8.000 sélectionné(e)s).

Sur Twitter, elle a posté des photos de banderoles célébrant en Palestine ses accomplissements.

Photos du soutien de mon pays

Après l'annonce du prix décerné à Mme Al Hroub, Associated Press a dévoilé que son mari, Omar Al Hroub, avait purgé une peine de 10 ans dans une prison israélienne pour son rôle dans un attentat qui avait tué six Israéliens en 1980. Réaction de la Fondation Varkey : “Nous avons pour principe de ne regarder que les qualités, réalisations et conduite des candidats eux-mêmes”.

A sa manière, Hanan Al Hroubi plaide passionnément depuis 35 ans pour la non-violence en guidant des générations de jeunes enfants sur le chemin de la paix.

Mère Térésa disait que “si nous n'avons pas de paix, c'est parce que nous avons oublié que nous nous appartenons les uns aux autres”. Une phrase que Hanan Al Hroub a faite sienne:

“Si on ne donne pas aux enfants qui souffrent de la violence l'aide et le soutien dont ils ont besoin, alors ils seront perdus. Depuis le tout début, je fais en sorte que les élèves comprennent qu'en classe nous sommes une famille : nous nous appartenons mutuellement”.

Vous voulez remercier un(e) enseignant(e) ? Al Hroub et la Fondation Varkey attendent votre tweet sous #TeachersMatter (Les profs sont importants).

Plus d'informations sur les finalistes 2016 du Prix mondial de l'enseignement.

Un secret de la ville de Mexico : le marché San Juan

mardi 12 avril 2016 à 19:31
Locales en el mercado de San Juan. Imagen del autor.

Etals au marché San Juan. Photo de l'auteur.

L'un des lieux peu explorés par les touristes qui visitent la ville de Mexico est le marché Ernesto Pugibet, plus connu sous le nom de “San Juan”, situé à quelques pas du centre historique. Ce marché se distingue par son offre de produits pour la grande cuisine et ses viandes exotiques comme celle de crocodile ou de lion.

Le portail Visit Mexico le décrit ainsi :

En quelques mots : ce qui rend le lieu unique, c'est qu ici il est possible de trouver des mets qui ne se vendent nulle part ailleurs.

L'histoire du marché remonte à plus d'un siècle, quand il avait un autre nom et qu'il fut consolidé grâce au don d'un homme d'affaires éminent du quartier, comme l'explique le portail web San Juan :

Ses origines remontent à quasi 120 ans, quand il était connu comme le marché Iturbide. Là s’expédiait toutes sortes de vivres et d'effets pour le peu d'habitants de la capitale. Quelques temps après, monsieur Ernesto Pugibet – qui a donné son nom à la rue où se situe le marché aujourd'hui – donna le terrain pour la création de cet espace commercial.

De nos jours, le marché San Juan donne la possibilité d’acquérir des aliments frais mais aussi des plats préparés à déguster sur place, tout particulièrement des pains ou baguettes au fromage et aux charcuteries ou viandes maturées (salami, diverses variétés de chorizo, roast beef, entre autres) tous d'importation. Habituellement, les personnes qui tiennent les étals offrent aux clients la dégustation de leurs produits et, pourquoi pas, un verre de vin de courtoisie pour accompagner le sandwich.

Bocadillo servido en un local de productos madurados en el mercado de San Juan. Imagen del autor.

Sandwich servi sur un stand de charcuteries au marché San Juan. Photo de l'auteur.

La possibilité de manger sur les stands en fait un endroit adapté pour les visiteurs qui cherchent une alternative à l’offre traditionnelle de la ville.

Les habitants de la capitale ou les touristes qui souhaitent emporter leurs courses pour cuisiner peuvent trouver des viandes fraîches et exotiques, comme l’explique le site México Desconocido :

Du tatou, de l'iguane, de la mouffette, du cerf ; du bon lapin à profusion, du cochon de lait, du chevreau et du mouton, on vend de tout. La viande de paca (un rongeur endémique) vient du Honduras et celle de sanglier arrive du Texas ; on trouve aussi de l’autruche, du buffle, du crocodile de Floride… et même du lion. Il s’agit de lion d’élevage, à la viande un peu dure et acide, différente des autres, de couleur grisâtre.

Mercado de San Juan en la Ciudad de México

Le marché San Juan à Mexico

Mais l’offre ne se limite pas aux animaux terrestres, comme le détaille ce même même site :

Les stands de poissonnerie sont parmi les enseignes les plus connues de San Juan. Des anguilles, des raies , des pinces de crabe s’alignent sur l’étalage impeccable entre le thon et le saumon frais ; le pousse-pied est moins commun – ce mollusque qui vit dans les zones rocheuses – la cobia – ce poisson pour les plats cantonais – de la cigale de mer, de la langouste danoise, du crabe d’Alaska…

La majorité des viandes vendues au marché de San Juan sont absentes de la gastronomie traditionnelle mexicaine, et leur vente dans ce lieu suscite donc la curiosité des locaux et des touristes. Elle titille sûrement la créativité des chefs ou des gourmets qui viennent se fournir sur place.

Aussi, il s’agit d’un de ces lieux où l’on trouve sous le même toit tous les ingrédients pour cuisiner les plats typiques de Noël et du réveillon que nous avons cités précédemment.

Sur Twitter, des utilisateurs comme FatiRomFlowers ont partagé images et commentaires sur leur expériencie gastronomique à San Juan :

Les meilleurs coquillages du monde

Pour sa part, VYV a adressé à ses abonnés cette photo de sa visite au marché :

J'ai été enchantée par le marché San Juan, tout est super frais et les gens super aimables.

San Juan occupe la première classe au classement réalisé par le portail HelloDF des “10 marchés de la ville de Mexico qu'il faut connaître”, à ne pas confondre avec le marché municipal San Juan dans la commune de Juárez Pantitlán, dans l’Etat voisin de Mexico [dont la capitale est Toluca]. Si vous souhaitez suivre sur Twitter les commerçants de San Juan, voici leur compte ; @mercadosanjuan.

Les logements pour les plus modestes aux Etats-Unis peuvent-ils être à la fois efficaces sur le plan énergétique et accessibles?

mardi 12 avril 2016 à 19:08
Virginia Supportive Housing's South Bay Apartments provide sixty supportive studio apartments for formerly homeless single adults in Portsmouth, Virginia. VSH installed the 28.29kW solar array to reduce their long term operating costs and display their commitment to responsible building practices. Photo by Flickr user Urban Grid. CC-BY-NC-SA 2.0

En Virginie, les appartements de South Bay à Portsmouth, issus d'un programme de logements supervisés (VSH) , proposent soixante studios supervisés à des adultes seuls qui étaient jusque-là sans domicile fixe. VSH a installé 28,29 kW de panneaux solaires afin de réduire ses coûts opérationnels sur le long terme et afficher son engagement en matière de pratiques de construction responsable. Photo du compte Flickr de Urban Grid. CC-BY-NC-SA 2.0

Cet article de Sophia V. Schweitzer a été initialement publié sur Ensia.com, un magazine qui présente des solutions environnementales concrètes au niveau international. Il est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dans la ville d'Ann Arbor dans l'Etat du Michigan, situé au nord des Etats-Unis, la commission locale sur le logement entreprend des rénovations à tous les étages dans l'immeuble Baker Commons, soit quatre étages de logements sociaux, afin de réduire les dépenses énergétiques d'au moins 20 pour cent. A Pittsburgh, à presque 280 miles de là (environ 450 kilomètres), voici Uptown Lofts, des logements abordables à l'initiative de l'organisation à but non lucratif ACTION-Housing Inc. qui ont ouvert en février 2015 dans l'objectif de fournir un toit à de jeunes adultes qui quittent progressivement leur famille d'accueil et à des travailleurs à bas revenus. Uptown Lofts est conçu de façon à produire assez d'énergie renouvelable pour satisfaire et même dépasser sa demande énergétique annuelle.

Ces deux projets permettent l'accès des résidents à un habitat sain, grâce à une bonne ventilation et à des températures intérieures stables, tout en réduisant la facture d'électricité.

« Les rénovations ont amélioré les choses », affirme Carolyn Miller, habitante de Baker Commons et ancienne libraire qui gère maintenant une banque alimentaire et la distribution de repas dans l'immeuble. « L'appartement conserve la chaleur grâce aux fenêtres isolantes. J'ai également remarqué que, lorsque le système est en marche, il n'est pas aussi bruyant qu'avant. »

Améliorer l'efficacité énergétique est depuis longtemps un objectif, et une source d'économies, pour ceux qui peuvent faire face aux frais de départ. Mais, aux Etats-Unis, les près de 5 millions de foyers qui vivent dans des logements destinés aux revenus modestes, souvent locataires dans des logements collectifs, sont moins susceptibles que les autres de pouvoir se permettre financièrement ou d'être autorisés à effectuer des changements qui, sur le long terme, permettraient d'économiser à la fois de l'énergie et de l'argent. Ainsi, ironie de l'histoire, ces personnes payent souvent les factures d'électricité les plus élevées. Une étude réalisée en 2015 par le partenariat à but non lucratif Energy Efficiency For All suggère que mettre en place des programmes d'économies d'énergie dans un ensemble de logements à loyer modéré pourrait entraîner une réduction des dépenses énergétiques de l'ordre de 15 à 30 pour cent, ce qui même en ce qui concerne la plus basse estimation, représenterait une importante baisse de la consommation énergétique et des coûts.

Mais qui pour ouvrir la marche ? Les personnes aux revenus modestes n'ont pas les moyens d'entreprendre des rénovations. Autre élément majeur, elles sont liées à un contrat de location et, selon le système de comptage et de chauffage de leur immeuble, elles peuvent ne pas avoir un contrôle direct sur leur facture énergétique. En outre, les rénovations nécessaires à la réduction des dépenses énergétiques varient énormément en fonction de l'ancienneté et de l'état des immeubles, donc construire ou moderniser pour améliorer l'efficacité énergétique implique de procéder au cas par cas lors des consultations avec les spécialistes en performance énergétique des bâtiments.

Des tendances émergentes portant sur la rénovation énergétique des logements à loyer modéré existants, de nouveaux projets d'habitats performants sur le plan énergétique et destinés aux bas revenus, et des innovations concernant le financement, la coopération et les politiques, commencent à faire bouger les lignes.

Des rénovations qui rapportent

D'après une étude de 2012 de CNT Energy et du Conseil américain pour une économie à haut rendement énergétique, les propriétaires immobiliers et les résidents pourraient économiser 3,4 milliards de dollars US par an en réalisant des travaux pour améliorer la performance énergétique des logements collectifs actuels aux Etats-Unis. Mais bien que la rénovation énergétique semble être à cet égard un choix logique, les choses ne sont pas aussi simples. Comme l'observent Coreina Chan et Jacob Corvidae du Rocky Mountain Institute, think tank spécialisé dans les questions d'énergie, améliorer la performance énergétique des logements destinés aux revenus modestes est un « problème pervers dans un champ complexe ». De nombreux acteurs – locataires, propriétaires, entreprises prestataires de services publics, créanciers et autres – sont impliqués, chacun avec ses propres objectifs. La taille des propriétés varie grandement également, et par conséquent les rénovations qui se justifient dans un immeuble peuvent ne pas l'être dans un autre. Et lorsque l'on en vient à la question des politiques de régulation et des choix technologiques, « le monde change à toute vitesse » déclare Chan.

Dans le même temps, cependant, ce changement rapide présente des avantages. De nouveaux modèles et stratégies économiques visant à encourager la mise en œuvre de travaux destinés à améliorer l'efficacité énergétique des habitations commencent à voir le jour, grâce en partie à l'action de nouveaux forums tels que le Réseau pour l'énergie, l'eau et la santé dans les logements à loyer modéré.

Au-delà des idées novatrices, la science et les faits sont aussi nécessaires pour que les initiatives originales visant à améliorer les performances énergétiques des bâtiments gagnent en notoriété.

Dans les forums, des parties qui ne se seraient autrement sans doute jamais parlées échangent des informations et bâtissent ensemble des solutions concrètes propres à leur contexte local. Des agents de recouvrement des prêts immobiliers et des emprunteurs apprennent par exemple à voir les bénéfices des rénovations en s'adressant directement aux propriétaires. Les sociétés prestataires de services publics apprennent à mieux prévoir les profits à long terme qui peuvent augmenter en investissant dans les nouvelles technologies ou en changeant de système de comptage. A travers ces discussions, le secteur locatif pour les revenus modestes devient un marché viable au fort potentiel économique plus qu'une œuvre de bienfaisance.

Comme le dit Corvidae, « le forum crée un terreau fertile pour des réponses plus fermes et unifiées à la question énergétique et des logements abordables ».

Au-delà des idées novatrices, la science et les faits sont aussi nécessaires pour que les initiatives originales visant à améliorer les performances énergétiques des bâtiments gagnent en notoriété. Northeast Energy Efficiency Partnerships (NEEP), un organisme à but non lucratif de Lexington, dans le Massachusetts, fournit des données locales qui aident les actionnaires comme les propriétaires immobiliers, les entreprises prestataires de services publics et les législateurs à adopter une vision à long terme. Certaines agences immobilières investissent dans des propriétés pour 20 ans et plus tout de suite, et peuvent donc envisager des améliorations des immobilisations sur une période d'amortissement relativement longue. C'est ce qui s'est produit dans le Michigan, où la commission sur le logement d'Ann Arbor s'est engagée à rénover 400 appartements dans l'habitat collectif à loyer modéré, y compris Baker Commons, pour les rendre plus performants sur le plan énergétique. Darren Port, chargé du développement de normes énergétiques dans le bâtiment chez NEEP, affirme que des données claires contribuent également à convaincre les entreprises prestataires de services publics d'accepter des remboursements sur le long terme.

«Ils ont tout intérêt à investir dans la rénovation des installations, fait remarquer Port. Etant donné que la demande énergétique augmente, ils doivent produire plus, mais c'est beaucoup plus cher de construire de nouvelles centrales que de réduire la consommation énergétique des installations existantes.» Et puisque les logements collectifs tendent à être concentrés, les entreprises de services optimisent leurs profits en s'en occupant avant d'investir dans des logements individuels unifamiliaux.

Le département états-unien du Logement et du Développement urbain, qui prend en charge à la fois l'habitat public et privé collectif à travers différents programmes, verse des fonds aux agences immobilières et aux propriétaires pour rénover les logements destinés aux bas revenus. Cependant, les sommes sont limitées et répondent à des priorités strictes: « Beaucoup de bâtiments anciens comportent des risques environnementaux pour la santé comme la présence d'amiante, de moisissures ou de plomb qui doivent être traités en priorité » rapporte Jason Bing du Centre écologique, une organisation à but non lucratif qui travaille avec AAHC à Ann Arbor, dans le Michigan, sur deux nouveaux projets de logements abordables qui ont pour vocation d'être des exemples en terme de construction résidentielle écologique dans un environnement sain.

En écho, les gouvernements de nombreux Etats sont en train de créer leur propre fonds pour financer la rénovation énergétique des logements abordables. Après que le Sacramento Municipal Utility District [N.d.T autorité locale en charge des services publics dans un quartier de la ville qui fonctionne en grande partie indépendamment de l'administration municipale et peut être élue par les résidents du quartier] a lancé en 2010 un programme d'amélioration de la performance énergétique des lieux d'habitation, les agences immobilières de la ville ont reçu des financements publics de plus de 1 million de dollars US contre l'engagement de mettre en oeuvre la rénovation de logements collectifs débouchant sur une réduction de la consommation énergétique de l'ordre de 25 à 30 pour cent.

Les sociétés multiservices à but non lucratif comme Elevate Energy contribuent aussi à encourager la rénovation énergétique de logements destinés aux bas salaires en informant les propriétaires, les entreprises prestataires de services publics, les institutions financières et autres investisseurs potentiels des bénéfices non liés à l'énergie, qui comprennent tout impact positif qui accompagne la rénovation énergétique en-dehors des économies d'énergie. Par exemple, le gain de confort accru des ménages aux revenus modestes dû aux aménagements a pour conséquence une réduction du stress et une productivité plus grande au travail. Lorsque la facture énergétique est faible, les habitants peuvent davantage s'acheter à manger. Une étude de Children's Health Watch datant de l'année 2000 [archive non disponible] montre que réduire le poids du budget en matière d'énergie a des effets positifs sur les jeunes enfants. Les habitants sont également plus susceptibles de rester dans leur logement plutôt que de chercher des alternatives plus abordables, ce qui profite aux propriétaires. La stabilité peut à son tour servir l'économie locale — ce qui crée un cercle vertueux.

Selon Bing, « une facture énergétique réduite n'allège pas juste considérablement le fardeau des personnes aux revenus modestes. » « L'efficacité énergétique s'accompagne d'une vague de bénéfices cumulés. »

Mesures incitatives et effets d'échelle

La construction de logements abordables est par ailleurs entrée dans une nouvelle phase grâce à des politiques, programmes et technologies novateurs.

Ces derniers temps, les promoteurs, à but lucratif ou non, de ce type de logements sont à l'origine d'environ 90 pour cent des nouveaux projets d'habitations destinées aux bas salaires aux Etats-Unis, et ils tirent profit du crédit d'impôt logement pour les revenus modestes (LIHTC pour son acronyme en anglais). Certains organismes publics de crédit immobilier, qui distribuent les crédits par le biais d'un système de points, utilisent le côté compétitif des crédits d'impôt — seulement un quart à un tiers des projets sont financés en moyenne — pour encourager les promoteurs à élever la performance énergétique de leurs bâtiments. L'une des manières de procéder consiste à privilégier les constructeurs qui s'engagent à respecter les normes d'écoconstruction validées par un organisme tiers. Uptown Lofts a par exemple reçu des crédits d'impôt de Pennsylvanie en ayant notamment fait le choix de se conformer aux critères de basse consommation du Passive House Institute US.

Différents programmes de certification dans le domaine de la construction durable émergent dans les projets d'autres Etats et allouent les crédits d'impôt logement à des promoteurs comme Leadership in Energy and Environmental Design for Neighborhood Developement, EarthCraft et Entreprise Green Communities. Tous les projets mettent en avant la performance énergétique; certains comprennent aussi l'utilisation de matériaux sans toxines et durables, la conservation de l'eau ou encore des infrastructures publiques destinées aux cyclistes et aux piétons. A Minneapolis, dans le Minnesota, une résidence pour des personnes de tous types de revenus, La Rose, a ouvert l'année dernière avec un objectif d'économies d'énergie de l'ordre de 75 pour cent par rapport aux normes existantes. Cet édifice a été construit en conformité avec les critères de certification du Living Building Challenge. Quant aux fortes mesures incitatives en faveur de l'efficacité énergétique des bâtiments de l’Autorité de développement de l'habitat de Virginie [N.d.T organisation à but non lucratif qui tient de l'agence gouvernementale mais se finance principalement sur les marchés] pour octroyer les crédits d'impôt logement, elles ont entraîné la certification de plus de 13,500 appartements en Virginie respectant les critères d'habitat durable d'EarthCraft. Les ménages y réalisent des économies d'énergie de 54 dollars US par mois en moyenne par rapport à des logements similaires construits sans critères écologiques.

Mais les nouveaux bâtiments basse consommation sont-ils plus chers à construire, même en bénéficiant de crédits d'impôt? Pas forcément. Les coûts initiaux diminuent dès lors qu'un nombre important de projets sont lancés.

« On ne peut jamais dire, un bâtiment devrait seulement coûter tel prix. Ça dépend toujours du lieu et des circonstances » souligne Tim McDonald, architecte agréé et professeur associé à l'université Temple de Philadelphie, qui a participé au processus de développement des programmes de certification du Passive House Institute. « Mais l'échelle est un bon indicateur. La demande dope les prix.»

McDonald donne comme exemple le coût des fenêtres à triple vitrage : elles étaient auparavant importées d'Europe, ce qui en faisait un produit coûteux, mais elles sont maintenant fabriquées aux Etats-Unis, ce qui réduit la facture finale de la construction. Selon l'architecte, l'échange d'idées et le partage d'outils parmi les promoteurs qui s'informent sur tout ce qui touche aux pratiques de réduction des dépenses énergétiques dans la construction sont également rentables d'un point de vue économique. C'est en ayant conscience de cela que des Etats comme la Pennsylvanie ont construit de plus grandes concentrations de logements autonomes abordables ou que la Californie a lancé un plan d'action en 2015 qui stipule que toute nouvelle habitation — abordable ou pas — devra produire autant d'énergie qu'elle en consomme d'ici 2020.

A Ann Arbor, où la commission sur le logement a une liste d'attente de plus de 500 personnes, un nouveau projet d'habitat abordable fait ce printemps figure de précurseur. Dans ce projet, 20 appartements individuels séparés laisseront place à 42 logements de type maisons mitoyennes. West Arbor, c'est le nom du projet, respectera les normes de Enterprise Green Communities comme indiqué dans le programme d'allocation des crédits d'impôt logement dans le Michigan.

Là aussi, les échanges comptent : la vision de West Arbor va au-delà de la simple existence d'un bâtiment basse consommation destiné à des habitants aux revenus modestes, elle implique activement l'ensemble de la communauté. Des lycéens sont en train de créer des vidéos qui serviront de manuels aux résidents de West Arbor pour leur apprendre à utiliser les technologies économes en énergie, comme le chauffage et la ventilation, dans leur logement pour bénéficier d'un confort maximal et réduire les frais. Les collégiens s'informent sur la conception écologique (green design) en travaillant avec un architecte sur des programmes pour le centre communautaire de résilience face aux changements climatiques de West Arbor. Les activités aident la jeunesse à comprendre ce que durabilité, bas salaires et énergie signifient.

« Nous pensons vraiment que, si nous voulons changer les choses au niveau local, nous devons mettre tout en oeuvre pour mobiliser le plus d'actionnaires possible » affirme Bing.

Peut-être n'avons-nous pas le choix. Dans tous les cas, l'immobilier résidentiel et commercial est responsable de 41 pour cent de la consommation énergétique totale du pays, et 45 pour cent des émissions de gaz à effet de serre sont liées au secteur du bâtiment. Aucune construction ne doit être exclue si l'on veut éviter des changements climatiques de grande ampleur.

Sophia V. Schweitzer est une rédactrice scientifique qui s'intéresse aux changements climatiques et à l'environnement. Ses articles sont parus dans de nombreuses publications dont Yale Environment 360, Pacific Standard, Wired.com, Hakai et Buddhadharma. Elle est l'auteure de ‘Big Island Journey’ et de plusieurs autres ouvrages.

Une vision méconnue de la vie des SDF, la leur: l'histoire de Stéphane, Francis et SDF75 via leurs blogs

dimanche 10 avril 2016 à 18:57
Tentes des Enfants de Don Quichotte au bord du canal Saint-Martin, Paris CC-BY-2.0

Tentes des Enfants de Don Quichotte au bord du canal Saint-Martin, Paris CC-BY-2.0

Les idées préconçues sur le quotidien des SDF abondent. Parmi celles-ci, les plus répandues sont les suivantes:

Pour essayer de rétablir la réalité sur la nature de leurs quotidiens, trois SDF racontent leurs histoires sur les réseaux sociaux, avec leurs propres mots. Ci-dessous, une fenêtre sur la vie Stéphane, Francis et SDF75 via leurs blogs respectifs.

 Un blog  contre les idées reçues par SDF75

SDF75 explique ainsi pourquoi il a voulu créer un blog différent:

Pourquoi un Site Internet en tant que SDF ? Je pourrais répondre simplement : Pourquoi pas ? Mais pour être logique, je dirai qu'avant même d'être SDF, je suis d'abord Informaticien et que je désirais déjà avoir mon propre site internet.

Quand on colle sans arrêt à certaines catégories de gens une étiquette complètement irréelle et calomnieuse, notamment à propos des SDF, alors ne vous étonnez pas que soit utilisée une apparence totalement inverse pour la démonter…

SDF75 n'hésite pas a aller a l'encontre des préjugés en publiant des photos de “frime” (pour reprendre ses mots) et donner des nouvelles régulières de  son travail d'informaticien et de ses activités sportives:

J'ai travaillé pendant plus de 13 ans. Des emplois stables, mais aussi de l'intérim, ce qui m'a permis d'exercer des postes très différents, et ainsi de progresser plus vite en compétences. En ajoutant ce que j'ai fait comme services aux particuliers (dépannages, upgrades, installations de Windows, montage de configurations personnalisées, sans oublier de la formation à internet.), j'ai environ 16 ans d'expérience. Actuellement, je perçois le RSA, et bien sûr, en plus je fais la manche. Oui, car si on veut rester clean et vivre décemment, on ne vis pas avec de la morale, mais avec des espèces…
Et c'est ce qui me permet de maintenir mes connaissances.

SDF75 dans la salle de musculation - capture d'ecran d'une video de son blog

SDF75 dans la salle de musculation – capture d'ecran d'une video de son blog

Comment je suis devenu SDF par  Stéphane 

Stéphane souhaite partager son témoignage sur ce qui l'a poussé dans la rue:

Après avoir travaillé comme chauffeur de direction puis un licenciement,  j'ai créé une petite affaire pressing a domicile sur Paris.  J'y ai mis toutes mes économies et toute mon énergie. Au moment ou les choses ont commencé a aller mieux,  il s'est produit un évènement qui a fait basculer ma vie.  Ma femme ( j'étais marie depuis 7 ans et avec deux enfants) décida de divorcer car elle souhaitait une situation stable.  Après en avoir parler avec elle pendant plusieurs jours et essayer de la convaincre de me soutenir, elle décida de partir.  Un après-midi,  je suis rentrer a la maison, et la,  plus personne plus de vêtements, juste un mots pour m'expliquer son départ. Je me suis retrouvé seul dans cette appartement vide,  ce fut horrible.  Pendant des heures je restais dans la chambre de mes enfants avec ma déprime.  Résultat:  je me suis laisser aller, pendant des semaines, je ne faisais plus rien.  Plus d'argent,  plus de loyer,  et un jour,  c'est la rue.

SDF certes, mais citoyen d'abord par Francis 

Francis a 60 ans, il est SDF depuis 15 ans. Il espère pouvoir toucher sa retraite bientôt pour changer de vie.  Francis aimerait rectifier quelques préjugés sur la vie des SDF. Un de ces préjugés est le fait que les SDF ne se sentent pas concernés par l'évolution de la société actuelle. Francis explique que les sans-abris discutent autant de la politique que dans les autres milieux:

Les gens pensent qu’on s’en fout mais dans la queue des soupes populaires, dans la rue, on parle partout des élections  ! En 1998, une loi relative à la lutte contre les exclusions ouvre l’inscription sur les listes électorales aux sans-abri. Le vote est réservé aux personnes de nationalité française, jouissant de leurs droits civiques et capables de fournir une attestation de domicile. Pour la plupart des SDF, il s’agit de se domicilier dans un centre agréé par les préfectures – Emmaüs, par exemple, gère 400 domiciliations. Mais la complexité des situations administratives et les conditions de vie extrêmes font que la rue vote peu.

Il ajoute :

En 2002, j’avais voté Jospin au premier tour. Chirac au second. Pas de gaité de cœur, mais Le Pen, je peux pas. J'aurais peut-être voté Sarkozy en 2007. Aujourd’hui, plus question: on sait maintenant que ça n’est pas lui qui aidera les pauvres. Il ne réduira pas les inégalités sociales. Comme Hollande d’ailleurs. Sur le social, il fera à peu près la même politique  : il privilégiera l’hébergement d’urgence en hiver et c’est tout. C’est pas assez pour la rue.

En France, 3,6 millions de personnes sont soit privées de domicile personnel (895 000 personnes), soit vivent dans des conditions très difficiles (privation de confort ou surpeuplement) (2 880 000 personnes), soit sont en situation d’occupation précaire (hôtel, caravanes…) selon la Fondation Abbé-Pierre.  Trois sans-abri sur dix ont un emploi, en général précaire (contrat à durée déterminée, intérim) ; ce sont le coût du logement et l'insuffisance des logements sociaux à prix très modérés qui les maintiennent dans la rue.