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Polémique sur le derrière de Robbie Williams en Ouzbékistan

samedi 27 janvier 2018 à 10:58

Robbie Williams. Téléchargé sur Flickr par Maria Andronic (CC BY-SA 2.0)

Cet article est une publication de notre partenaire EurasiaNet.org. Il est republié avec son autorisation.

La star de musique pop britannique Robbie Williams a enflammé la toile en Ouzbékistan en montrant son derrière lors d'un concert à Tachkent, la capitale du pays.

Ceux qui n'ont pas été perturbés par le geste assez osé du chanteur sont par contre irrités vis-à-vis du prix des tickets du concert du 15 décembre 2017.

La performance de Robbie Williams, organisée par Alisher Usmanov, un milliardaire russo-ouzbèke et co-propriétaire d'un club de football londonien, était considérée comme un événement rare pour l'Ouzbékistan. En effet, les artistes célèbres en Occident réussissent très rarement à se produire en Ouzbékistan, et ceux qui y sont parvenus l'ont fait aux dépens de leur réputation. Ce concert avait visiblement l'intention de démontrer l'ouverture du pays depuis le décès du président Islam Karimov l'année dernière, un dirigeant de nature sévère et autoritaire.

Robbie Williams a démarré son concert en apparaissant sur scène habillé d'une khalat, ou robe de style ouzbèke, et s'est brièvement présenté à la foule de sa manière typiquement décalée.

“Ceci est mon groupe”, a-t-il dit, en pointant vers l'arrière de la scène.

“[Et] ceci est mon derrière,” il a ajouté, en se retournant et en remontant sa robe pour exposer son caleçon. “Ce soir vos derrières sont les miens,” a-t-il résumé, provoquant un concert de hurlements confus et de fous rires.

Dans les provinces anglaises, notamment là d’où Robbie Williams tient ses origines, montrer son derrière en public est accepté — pour ne pas dire encouragé — dans l'esprit d'une exubérance hogarthienne [fr]. Mais le numéro n'a pas marché dans le chaste Ouzbékistan.

À la fin du concert, des utilisateurs de réseaux sociaux en fureur ont immédiatement appelé à militer pour l'éradication des influences étrangères à la morale douteuse.

“Nous devons éliminer la culture occidentale, si on peut appeler ça une culture !” s'est emportée Saiyora Hodjayeva.

Mukimjon Halmatov est allé plus loin et a suggéré que le concert avait exposé l'Ouzbékistan à une vague de destruction potentielle qu'il compare à un déferlement de maladies et de terrorisme.

“Certaines personnes ramènent les maladies du porc [sic], d'autres le SIDA ou même la maladie qu'est [l'État Islamique]. Ils veulent maintenant infecter l'Ouzbékistan avec la maladie de la démocratie. Évidemment, c'était la raison pour laquelle Robbie Williams avait été invité ici,” écrit Mukimjon Halmatov sans aucune ironie.

Même si ces réactions peuvent être considérées comme extrêmes et très émotionnelles, il est tout de fois clair que Robbie Williams a mal calculé ses pitreries et ne s'était pas préparé.

L'Ouzbékistan est une société plutôt conservatrice et dont les autorités ont à l'occasion cherché à bien faire passer le message en attaquant les méfaits perçus des modes importées, comme le hip-hop. Et certains artistes ouzbèkes renommés se sont heurtés aux professeurs de moralité qui ont jugé leur contenu excessivement sexuel.

Kamariddin Shaikhov, rédacteur du site populaire d'informations ouzbèke Qalampir.uz, raconte comment sa publication a été inondée de messages de personnes indignées après le concert de Robbie Williams.

“C'est bizarre que le chanteur apparaisse sur scène en robe et sans pantalon,” écrit Kamariddin Shaikhov. “Il a démontré un manque de respect pour notre culture en soulevant sa robe et en révélant ses parties arrières aux spectateurs. Qu'est ce que c'est que ça, un signe de son éducation ? Est-ce cela que vous appelez le respect pour le peuple ouzbèke?

De toute façon, ce n’est pas comme si l’Ouzbek moyen aurait pu s'offrir ce concert. Les billets se sont vendus entre 150 et 180 euros, un prix exorbitant (pour ne pas dire coûtant la peau des fesses) pour l'Ouzbékistan. Le salaire moyen ouzbèke ne s'élève qu'à environ 100 euros par mois.

Malgré cela, la salle de concert était complètement remplie.

Malgré les grognements provoqués par l’exhibition de son derrière, les fans de Robbie Williams l'ont quand même défendu. Ils ont été plus agacés par le prix des billets.

Zarina Ubaidullayeva, une habitante de Tachkent et admiratrice de l'artiste britannique, raconte que la fureur avait pris une proportion exagérée.

“C'était juste une blague. Ce n'est pas comme s'il avait couru tout nu sur scène. Il n'y a pas de raison de le juger aussi sévèrement,” raconte Zarina Ubaidullayeva à EurasiaNet.org. “Mais il y a aussi l'autre problème du prix élevé des billets, du coup je n'ai pas pu assister au concert. Vu que le concert était sponsorisé par Usmanov, il aurait pu garantir une entrée gratuite ou au moins demander un prix symbolique.”

Bloquer Viber ? Taxer Telegram ? Les entreprises de télécommunication sous pression au Tadjikistan

vendredi 26 janvier 2018 à 13:53

Illustration de Hussam Al-Zahrani.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en tadjik ou en russe.

Pour tenter d'endiguer une crise de liquidités, le Tadjikistan adopte une posture de plus en plus menaçante envers les entreprises de communication numérique. Depuis quelques mois, le gouvernement a pris des mesures visant à monopoliser l'accès aux services internet et à révoquer les licences des services d'appel en VoIP [fr] bon marché. Certaines applications populaires de messagerie mobile font également apparemment l'objet de restrictions.

Tous ces changements seraient susceptibles d'être coûteux pour les utilisateurs du Tadjikistan, le plus pauvre des pays de l'ancien bloc soviétique.

Début janvier 2018, le service de communication de l'État a ordonné aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) privés d'acquérir leur infrastructure numérique exclusivement auprès de l'entreprise publique Tojnet (gérée par Tojiktelecom, l'entreprise de télécommunication détenant le monopole d'État) plutôt que de passer directement, comme à leur habitude, par le Kirghizistan limitrophe.

Le 18 décembre 2017, les autorités avaient déjà révoqué les licences des FAI leur permettant de fournir des services VoIP bon marché via un protocole connu sous le nom de NGN (New Generation Network, Réseau Nouvelle Génération).

Dès le début de l'année 2018, des utilisateurs ont fait état de difficultés à passer des appels via l'application d'appel et de messagerie Viber, et ont suspecté le gouvernement de la bloquer.

Bien que des fonctionnaires aient affirmé que ces mesures ont été prises dans un objectif de « sécurité nationale » suite à des « menaces extrémistes », les motivations derrière la révocation du protocole NGN et le blocage des fonctions d'appel audio et vidéo de Viber semblent être d'ordre économique plus que politique. Ces services permettaient à des millions de citoyens de garder contact avec leur famille et leurs amis à l'étranger sans passer de coûteux appels internationaux et étaient devenus une épine dans le pied de l'entreprise publique Tojiktelecom.

Plus d'un million de Tadjiks sont expatriés, principalement en Russie. Sans l'aide d'applications comme Viber, ils utiliseraient très certainements les lignes internationales pour appeler leurs proches, générant des revenus supplémentaires pour Tojiktelecom, qui sert de commutateur téléphonique international, ou bien contacteraient leurs proches moins souvent.

Les applications de messagerie face à un avenir incertain

Alors que de nombreux utilisateurs se sont plaints que Viber était devenu inaccessible au début de l'année, certains problèmes relatifs à son utilisation se sont par la suite évaporés dans de mystérieuses circonstances.

Viber a recommencé à fonctionner vers le 20 janvier, mais de façon inconsistante. Certains utilisateurs ont signalé qu'ils ne peuvent pas passer d'appel, alors que d'autres [en] déclarent que l'application fonctionne parfaitement. IMO, une autre application populaire de messagerie, demeure quant à elle entièrement fonctionnelle.

Curieusement, le site d'information Akhbor a affirmé que la reprise (potentiellement partielle) de Viber est le fruit de l'intervention de Rustam Emomali, le maire de 30 ans de la capitale Douchanbé, qui est aussi le fils de l'autocrate de longue date, Emomali Rahmon.

Alors que ce rapport ne se fonde que sur le témoignage d'une seule source gouvernementale anonyme, la déclaration semble plausible.

Considéré comme le successeur le plus probable de son père de 65 ans, Emomali utilise régulièrement les applications et les médias sociaux pour améliorer son image publique à son nouveau poste, après un passage [en] à la direction des services douaniers et à l'agence publique de lutte contre la corruption.

Selon le site web d'information régional EurasiaNet.org :

Only three months ago [Emomali] ordered the creation of a channel on Viber through which the general public could get in touch with the city government, so he is hardly likely to want to see the app being squeezed out.

Il seulement trois mois [Emomali] a ordonné la création d'une chaîne sur Viber au travers de laquelle le grand public pourrait entrer en contact avec les autorités municipales. Il est donc peu probable qu'il veuille que l'application fasse l'objet de restrictions.

Le secteur de la communication : une vache à lait

Peu de grandes entreprises opèrent au Tadjikistan. Ce pays de 8,5 millions d'habitants est majoritairement agricole et dépend largement des sommes envoyées par ses travailleurs expatriés, lesquelles ont chuté suite à la récession économique en Russie.

Cette situation place les entreprises de télécommunication et les FAI parmi les plus importants contributeurs au budget du Tadjikistan. En plus des impôts, ces entreprises remplissent les caisses de l'État par le biais d'autres cotisations.

Au début de l'année 2017, au moins trois grandes entreprises de télécommunication, deux russes (Megafon et Beeline) et une européenne (Tcell), ont reçu des amendes pour fraude fiscale de 14 à 30 millions d'euros. Les entreprises ont porté l'affaire devant un tribunal local mais ont perdu. La seule entreprise majeure de télécommunication locale, Babilon-M, avait été condamnée à payer une amende de 47 millions d'euros en 2014.

Le Tadjikistan s'attend à ce que les entreprises technologiques mondiales rentrent dans le rang et paient. À la fin de l'année 2017, les médias ont signalé que les autorités cherchaient à imposer Google, Alibaba Group et Telegram.

Ces articles se sont fondés sur une lettre de septembre 2017 divulguée en décembre 2017, qui avait été envoyée au gouvernement du Tadjikistan par le comité fiscal local. Dans cette lettre, le responsable du service des impôts Nusratullo Davlatzoda se plaignait que la Russie ait perçu en 2017 des milliards de roubles de Google, Apple, Alibaba, Amazon et d'autres.

Davlatzoda a suggéré qu'en répliquant l'approche russe, le Tadjikistan pourrait parvenir à régler son problème de déficit budgétaire.

Cette même lettre amène également à croire que la tentative de blocage de Viber se fondait sur des préoccupations économiques.

Davlatzoda a accusé les applications de messagerie mobile, dont Viber, WhatsApp et IMO, de permettre aux citoyens tadjiks de communiquer sans frais avec leurs proches résidant en Russie :

Зарурат ба миён омадааст, ки барои ба танзим даровардани амалиёт дар интернет чораҳои дахлдор андешида шавад. Ҳамчунин, ба қонуни андоз ворид кардани талабот оид ба нигоҳ доштан ва ба буҷет гузарондани андозҳо аз хидматрасонии электронӣ, аз ҷумла ҷорӣ кардани андоз аз Интернет, ба мақсад мувофиқ мебошад

Il faut prendre des mesures appropriées pour réglementer toutes actions conduites sur Internet. Il est nécessaire d'introduire une disposition fiscale prévoyant l'obligation de payer des impôts relatifs à la procuration de services sous format électronique, y compris un impôt sur Internet.

Le site d'information Akhbor a par ailleurs repris les mots prononcés par ce même fonctionnaire il y a quelques années, alors qu'on lui demandait pourquoi le gouvernement augmentait les impôts des opérateurs de téléphonie mobile :

Ҳозир ҳар як пойлуч соҳиби телефони мобил шудааст…

Maintenant, même les va-nu-pieds ont un téléphone portable…

Les blocages peuvent aussi être politiques

Alors que les plus récentes restrictions sur les activités en ligne semblent trouver leur origine dans la mauvaise situation économique du pays, d'importantes plateformes ont auparavant été bloquées pour des motifs politiques et sécuritaires.

Ainsi, on se souvient que Youtube est devenu inaccessible [en] en 2013 après qu'une vidéo du président Rahmon en train de danser et de chanter au mariage de son fils est devenue virale. En 2014, le réseau social russe Odnoklassniki a planté [en], soi-disant à cause de sa popularité parmi les Tadjiks ayant rejoint les rangs de groupes extrémistes combattant en Syrie. Facebook, une plateforme utilisée par la cyber-opposition [en] à la famille Rakhmon, a également été bloqué à de maintes reprises. Ces blocages s'ajoutent à de nombreux autres sur de sites et de blogs mineurs.

La plupart sont attribués au directeur de la communication du pays, Beg Sabur, qui fait lui aussi partie de la famille étendue du président Rahmon par son mariage.

Sabur (auparavant connu sous le nom de Beg Zokhurov) avait acquis une notoriété internationale en 2012 après avoir convoqué [en] le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg à Douchanbé « pendant [ses] heures de bureau ». Nul besoin de dire que Zuckerberg n'avait pas pris la peine de lui répondre.

Rejetés par l'Australie et réduits à la détention en Indonésie, des réfugiés manifestent contre leur vie dans l'incertitude

vendredi 26 janvier 2018 à 13:02

Manifestation de réfugiés. Photo Asif Rahimi

Asif, 28 ans, est un jeune homme doué. Malgré toutes les difficultés de la vie dans un pays déchiré par la guerre comme l'Afghanistan, il a réussi à étudier les relations internationales à l'Université de Kaboul et à parler couramment quatre langues, dont il a appris certaines en autodidacte.

Dans d'autres temps et lieux, Asif aurait aisément pu devenir tout ce qu'il souhaitait : professeur, diplomate. Mais pas aujourd'hui, ni là où il est actuellement forcé de rester.

Il y a quatre ans, Asif a décidé de quitter l'Afghanistan, après avoir vu l'instabilité y empirer année après année. Il partit en espérant atteindre l'Australie, un endroit pour commencer une nouvelle vie loin de la guerre. En route, il apprit que sa femme était enceinte. Il finit par atteindre l'Indonésie, et, un mois plus tard, enfermé dans un centre de détention, il devint le père d'une belle petite fille qu'il n'a jamais eu la possibilité de connaître. Pourtant Asif n'est pas un criminel. Il est un réfugié détenu depuis quatre ans dans un centre de détention d'immigrants à Balikpapan, en Indonésie, en compagnie de 183 autres personnes.

Le centre de détention de Balikpapan – Photo Asif Rahimi

L'âge des détenus va de 14 à 62 ans, et ils viennent de Somalie et d'Iran, entre autres pays. 181 d'entre eux sont des Hazaras afghans, un groupe ethnique ciblé depuis des décennies par les talibans, et maintenant par Daech.

Le centre de détention de Balikpapan est un bâtiment entouré d'une clôture électrifiée, conçu à l'origine pour loger les individus accusés de crimes comme le trafic d'êtres humains, le trafic de drogues et le piratage informatique. Les détenus de Balikpapan ne sont pas autorisés à étudier ou travailler, et ne reçoivent pas de soins médicaux appropriés. Il y a parmi eux au moins un adolescent, et de nombreux adultes nécessitant une prise en charge médicale urgente.

L'Indonésie compte 13 centres de détentions d'immigrés, avec une capacité totale de 1.300 places. Ces centres de détention sont généralement insalubres, surpeuplés et inondables pendant la saison des pluies. Depuis le 17 janvier, les réfugiés du centre de détention de Balikpapan protestent contre ces conditions.

La rénovation et l'agrandissement des lieux de détention ont été financés par l'Organisation internationale des migrations (OIM), avec des fonds reçus de plusieurs administrations publiques australiennes. Les ONG australiennes dénoncent cette “solution indonésienne”, arguant que leur gouvernement verse à Jakarta “des centaines de millions de dollars pour détenir et parquer les demandeurs d'asile. La loi indonésienne permet de détenir les immigrants jusqu'à dix ans sans contrôle judiciaire.

Même si l'OIM n'est pas une organisation humanitaire et n'a pas de mandat pour venir en aide aux demandeurs d'asile et réfugiés, les services d'immigration indonésiens ou le HCR confient ceux-ci à ses soins. Dans le cas de l'Indonésie, l'OIM aide effectivement l'Australie à gérer ses contrôles frontaliers, mais ceci est loin d'être le seul exemple où l'organisation semble aller à l'encontre de maints aspects de sa mission. L'OIM a été critiquée par des chercheurs pour son implication dans le travail humanitaire et dans des projets controversés en différentes parties du monde. En Libye, pays qui n'a toujours pas retrouvé la stabilité après l’intervention militaire d'une coalition menée par l'OTAN en 2011, l'OIM a reçu des dizaines de millions de dollars pour renforcer un système destiné à empêcher les gens de partir pour l'Europe.

L'Indonésie n'a pas ratifié la Convention de 1951 sur les Réfugiés, ou son Protocole, et l'Asie du Sud-Est n'a pas de traité sur les droits de l'homme. Par conséquent, le traitement des demandes d'asile incombe au HCR, qui émet des attestations reconnaissant aux individus et familles la qualité de réfugiés.

Pratiquement tous ceux détenus à Balikpapan se sont vu accorder l'asile par le HCR, mais la loi indonésienne ne leur permet pas d'être reconnus comme réfugiés.

Selon le rapport de Human Rights Watch,

Even with recognition from UNHCR, refugees have no viable future in Indonesia. They have no legal status under Indonesian law, cannot work, and have limited access to education (…) The impact of prolonged, indefinite immigration detention is particularly severe for children, many of whom experience post-traumatic stress disorder or depression. Most unaccompanied children are detained with unrelated adults at risk of violence and exploitation. The situation is particularly harsh for children, who are arbitrarily detained in terrible conditions for months or years, without knowing how long they will be held.

Même avec la reconnaissance du HCR, les réfugiés n'ont pas d'avenir viable en Indonésie. Ils n'ont pas de statut légal en droit indonésien, ne peuvent pas travailler, et ont un accès limité à l'enseignement (…) L'impact d'une détention migratoire prolongée, indéfinie, est particulièrement sévère pour les enfants, arbitrairement détenus dans de terribles conditions pendant des mois et des années sans savoir combien de temps ils seront ainsi enfermés.

Comme les personnes dans les centres de détention australiens sur les îles de Nauru et Manus, les résidents de Balikpapan restent otages—autant du déferlement de sentiments anti-migrants que des politiciens appliqués à capitaliser dessus pour gagner des voix.

Le Premier ministre australien accusé de brandir la peur après sa mise en garde contre les “gangs africains”

vendredi 26 janvier 2018 à 10:17
Screen Shot - Constance on the Edge trailer

Capture d'écran de la bande-annonce de ‘Constance on the Edge – What it takes to belong’, un documentaire sur une famille de réfugiés du Sud-Soudan se construisant une vie en Australie. Cliquez sur l'image pour la visionner.

(Article d'origine publié le 10 janvier 2017) La première semaine de la nouvelle année en Australie a été dominée par la question des soi-disant gangs africains.

Le Premier ministre Malcolm Turnbull, originaire de Sydney, capitale de l'État de Nouvelle-Galles du Sud, a déchaîné un tollé lorsqu'il a accusé le gouvernement de l’État de Victoria de ne pas affronter la question des violences commises par des gangs de jeunes Africains à Melbourne.

Il a été soutenu par le ministre de l'Immigration et des Affaires intérieures, Peter Dutton, de l'État du Queensland, qui a affirmé que les Melbournais avaient peur d'aller au restaurant à cause de l'augmentation de la délinquance urbaine.

Aussi bien Turnbull que Dutton sont membres du Parti libéral, tandis que le gouvernement de l'État de Victoria est dirigé par le Parti travailliste. Les déclarations arrivent dix mois avant les élections dans le Victoria et à un moment de montée du nationalisme [fr] à travers le pays.

Les allégations d'agitation de la peur et de racisme ont vite provoqué des réactions ; cependant, certains pensaient que le premier ministre parlait simplement d'un véritable problème de criminalité.

Les gangs de jeunes Africains sont-ils un réel problème dans le Victoria ?

La question avait d'abord été soulevée en 2016 au sujet du controversé gang Apex, que la police avait déclaré “insignifiant” en avril 2017. Plus tard dans l'année, une série de crimes récents, de vandalismes et d'agressions, a attiré l'attention nationale. Les incidents ont été imputés à des groupes de jeunes Africains.

Cette vague de violence de “gang” correspond à la perception de certaines personnes :

Incroyable combien de personnes ici essaient de dire que les gangs de jeunes Africains ne sont pas un problème à Melbourne. Ma belle-mère vit dans la banlieue ouest et croyez-moi, c'est un énorme problème.

Cependant, beaucoup ont contesté le fait qu'il y ait des gangs en tant que tels. Pieces of the Puzzled @chris8875 affirme être de l'une des banlieues sensibles :

Tarneit ? Je vis, nous vivons, à Tarneit. “Gangs” d'africains? Foutaises absolues. Un petit nombre de mauvais éléments … Oui, mais quel groupe n'en a pas ?

Le Police Accountability Project (Projet de la police sur la responsabilité) basé à Victoria, est de ceux qui se demandent si une vague de délinquance urbaine parmi les jeunes Africains existe réellement, arguant que “les considérations basées sur l'ethnicité étaient sélectives” :

[…] for crimes involving caucasian people, the suspect’s ethnic background is not relevant to mention, but for the same crimes involving people of African background, we hear conjecture and discussion about the backgrounds, culture, community, and the ethnicity of those involved.

[…] pour les crimes impliquant des personnes blanches, la mention de l'origine ethnique du suspect n'est pas utile, mais pour les mêmes crimes impliquant des personnes d'origine africaine, nous entendons des conjectures et des discussions sur les origines, la culture, la communauté et l'ethnicité des personnes impliquées.

Le projet cite également des données qui remettent en question la notion de montée de la criminalité des jeunes Africains :

[…] Victoria does not have a youth crime wave – ethnic or not. […] Youth crime rates in Victoria have been slowly declining for more than a decade. Crime Statistics Agency research has shown that most youth crimes are by a small proportion of repeat offenders. Despite this, there’s been a jump in aggravated burglaries and some violent crime types that has got everyone’s attention.

[…] Evidence showed that migrant youth and newly arrived migrants are not involved in criminal activity with less than 10 per cent being overseas born offenders. The second-highest country, after Australia, of alleged offenders in Victoria is New Zealand (2.8 per cent of the total offenders), followed by Indian (1.5 per cent), Vietnamese and Sudanese (both 1.4 per cent).

Victorian Crime Statistics Agency clearly show that the vast majority of offenders in Victoria are Australian born and older than 25.

[…] Le Victoria n'a pas de vague de délinquance juvénile – à caractère ethnique ou non. […] Les taux de criminalité chez les jeunes dans le Victoria déclinent lentement depuis plus d'une décennie. Les recherches de l'Agence de statistiques sur la criminalité montrent que la plupart des crimes commis par des jeunes le sont par une faible proportion de récidivistes. Malgré cela, il y a eu une multiplication des cambriolages aggravés et certains types de crimes violents qui ont attiré l'attention de tout le monde.

[…] Les faits montrent que les jeunes migrants et les migrants nouvellement arrivés ne sont pas impliqués dans des activités criminelles : moins de 10% sont des délinquants sont nés à l'étranger. Le deuxième pays d'origine des présumés coupables, après l'Australie, est la Nouvelle-Zélande (2,8 % du total des délinquants), suivi des Indiens (1,5 %), des Vietnamiens et des Soudanais (1,4 % chacun).

L'Agence des statistiques sur la criminalité de l’État de Victoria montre clairement que la grande majorité des délinquants dans le Victoria sont nés en Australie et ont plus de 25 ans.

Le discours sur les “gangs”

Le gouvernement de l’État de Victoria et la police ont semblé hésiter dans leur gestion de la question, niant d'abord l'existence de gangs, puis en expliquant comment ils affrontaient le problème.

Lors d'une conférence de presse, le commissaire en chef par intérim Shane Patton a contredit ce que son adjoint avait affirmé quelques jours plus tôt et a déclaré que les “jeunes voyous” en question n'étaient pas organisés, mais “se comportent comme des gangs de rue” :

We have for a significant period of time said that there is an issue with overrepresentation by African youth in serious and violent offending as well as public disorder issues.

Nous disons depuis longtemps qu'il y a un problème de surreprésentation des jeunes Africains dans les affaires de crimes graves et violents ainsi que de troubles à l'ordre public.

Le footballeur et militant communautaire Nelly Yoa s'est employé à répéter publiquement que “ça suffit”. Dans l'interview ci-dessous, il a déclaré à SkyNews :

Nous avons un problème de gangs, résolvons-le … Les Melbournais sont «fatigués de devoir vivre dans la peur».

Nelly est arrivé en Australie en tant que réfugié du Sud Soudan en 2003. Une grande partie du débat a porté sur les jeunes d'origine sud-soudanaise.

Richard Deng, un dirigeant de la communauté sud-soudanaise, conteste toutefois l'appellation donnée aux “gangs”. Parlant avec la chaine TV ABC news, il a fait remarquer que les jeunes en question sont australiens d'origine africaine, et pas des Africains.

Il a également soutenu que le “tout petit nombre” d'Africains impliqués ne sont pas des membres de gangs, mais simplement des jeunes désœuvrés. La solution, a t-il dit, est de les réinsérer avec un emploi ou l'école, mais pas de les isoler davantage en les étiquetant.

Accusations de politique partisane et à “double sens”

Certains commentateurs ont accusé le Premier ministre d'opportunisme, suggérant qu'il joue la politique partisane dans une année électorale victorienne en prétendant l'existence d'une crise des gangs africains. L'élection est prévue pour la fin novembre.

L'écrivain basé à Sydney Osaman Faruqi a soutenu dans un article sur le site d'informations locales Junkee que :

[…] if there’s one thing conservatives love doing in an election year it’s breaking the emergency glass and pushing the giant red button labelled “race”.

[…] The insidious thing about this kind of craven political campaigning is that the details and facts don’t matter. The conservatives think that as soon as the topic shifts to law and order, as opposed to things like health and education policy, they win.

[…] S'il y a une chose que les conservateurs adorent faire en année électorale, c'est briser la vitre de secours et appuyer sur le bouton géant rouge “race”.

[…] Ce qu'il y a d'insidieux dans cette façon lâche de faire campagne, c'est que les détails et les faits n'ont pas d'importance. Les conservateurs pensent que dès que le sujet glisse vers le maintien de l'ordre, par opposition à des choses comme la santé et la politique de l'éducation, ils gagnent.

En outre, Turnbull et les politiciens qui le soutiennent ont été accusés de “dog-whistling”, faisant appel à des sentiments anti-immigration et de racisme. Wikipédia définit le dog-whistling (une expression utilisée dans le monde politique anglo-saxon) comme «un langage codé qui semble signifier une chose pour la population en général mais qui a un message supplémentaire, différent ou plus spécifique pour un sous-groupe ciblé”.

John Wren a proposé une liste de possibilités sur Twitter :

Aujourd'hui @PeterDutton_MP a déclaré que les Melbourniens ont trop peur des gangs africains pour aller au restaurant. Est-ce qu'il :

a) ment;
b) pratique un double langage;
c) est raciste;
d) projette ses propres peurs irrationnelles;
e) est un idiot;
f) est tout ce qui précède

“Les médias et la politique réactive en pire”

Les médias sociaux ont été dominés par des réactions humoristiques à la perception de “manipulation de la peur”. Le hashtag #MelbourneBitesBack (‘Melbourne mord en retour’) et “Peter Dutton” ont été en tête de tendance sur Twitter au cours de la semaine, concurrençant le match amical de cricket des Sydney Ashes contre l'Angleterre.

Le groupe activiste GetUp! a rejoint la discussion avec cette suggestion :

Melbournais – si vous vous allez au restaurant ce soir, pourquoi ne pas envoyer une photo de votre dîner à @PeterDutton_MP ? Montrons-lui que nous ne sommes pas affectés par sa campagne de peur.

Beaucoup d'utilisateurs de Twitter ont suivi la même veine :

Hé @PeterDutton_MP Je suis sorti la nuit dernière dans la belle Melbourne. Voici une photo rapide d'un restaurant plein à craquer. Nous n'avons pas de problème de violence des gangs et personne n'a peur de sortir dîner. Merci d'arrêter votre politique de la peur et emportez votre racisme ailleurs.

En tant que personne qui mange tout le temps dans les restaurants parce qu'elle ne peut pas vraiment cuisiner, j'ai plus peur de tomber sur PeterDutton dans un restaurant ce qui me ferait perdre tout le contenu de mon estomac.

Chris Graham, rédacteur en chef du blog New Matilda a présenté “18 des meilleurs restaurants de Melbourne où des gangs de jeunes Africains ne vous tueront probablement pas” avec son ironie habituelle :

African Youth Crime Gangs are out of control in Melbourne. People are being slaughtered. And then eaten alive, after they’ve been slaughtered. And then re-animated and slaughtered again. It’s that bad.

[…] New Matilda hit Melbourne town to find out the best places to eat where you won’t get stabbed or maimed or killed. Turns out the safest place to eat, amidst the chaos and panic, is at an African restaurant.

Les gangs criminels des jeunes Africains sont hors de contrôle à Melbourne. Des gens sont assassinés. Puis bouffés vivants, après avoir été masacrés. Et puis réanimés et massacrés à nouveau. C'en est à ce point.

[…] New Matilda a sillonné la ville de Melbourne pour trouver les meilleurs endroits où manger, sans risquer de se faire poignarder, mutiler ou tuer. Il s'avère que l'endroit le plus sûr pour manger, au milieu du chaos et de la panique, est dans un restaurant africain.

Mais tout le monde n'était pas d'accord avec cette approche :

Qu'ils sont prétentieux, ignorants et naïfs ceux de (banlieues orientales?!) l'intelligentsia #MelbourneBitesBack au point de dédaigner de manière flagrante le vécu des gens dans la banlieue ouest. “Mordez en retour” en aidant la communauté “africaine” à résoudre un vrai problème qui les affecte – et les autres aussi

Le journaliste Jonathan Green, qui chevauche les anciens comme les nouveaux médias, a été très critique envers certains de ses collègues :

L'histoire des gangs est celle des médias et de la politique réactive à son paroxysme : réduire la complexité des problèmes sociaux, économiques, d'identité, de justice, d'inégalité et d'insertion à un jeu cynique conçu uniquement pour susciter la peur et l'avantage politique. C'est un exercice grotesque. Cela nous trahit tous.

Cependant, la réponse de l'écrivain sur le football Michael Sapro confirme que c'est un problème qui ne va pas disparaître de sitôt.

Comment vous sentiriez-vous si vous aviez été battu et dévalisé par un de ces gangs, et que quelqu'un qui est comme vous prétende mensongèrement que cela n'a pas eu lieu ? Les flics sont à la recherche de ces voyous. Ne rendez pas leur travail plus difficile.

L'opposition du Victoria a demandé une session spéciale du parlement d'Etat pour débattre de la délinquance urbaine.

Inquiétude en Ouganda après des cas de fièvre hémorragique mortelle

jeudi 25 janvier 2018 à 12:49

Unité de traitement d'Ebola à Grand Cape Mount au Libéria. Photo Martine Perret/Mission de l'ONU pour l'action d'urgence contre Ebola, via Flickr. (CC BY-NC 2.0)

La mort de la petite Bridget Nalunkuuma, 9 ans, à Nakaseke, une ville du centre de l'Ouganda, a ébranlé les habitants, qui craignent que la fillette ait pu succomber à la fièvre hémorragique de Crimée-Congo.

Huit autres personnes seraient mortes ces derniers mois après avoir présenté des symptômes similaires.

Présente en Afrique sub-saharienne, et dans certaines parties du Moyen-Orient et d'Asie, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo se transmet par piqûres d'insectes ou contact direct avec les fluides corporels d'une personne ou d'un animal contaminé. Ses symptômes sont similaires à ceux d'Ebola, l'infection virale mortelle qui a tué 11.217 personnes dans trois pays d'Afrique de l'Ouest en 2014. Mais leurs virus n'appartiennent pas à la même famille.

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, les taux de létalité des poussées de fièvre hémorragique Crimée-Congo (FHCC) peuvent atteindre 40 % des personnes infectées. Il n'existe pas de vaccin pour cette maladie.

De multiples médias ont rapporté que le corps de la fillette de neuf ans a fait l'objet d'une recherche de fièvre hémorragique Crimée-Congo et que les résultats étaient positifs.

Les autorités ont pris les précautions en adéquation avec la maladie avant de recueillir et enterrer le corps, comme on le voit sur les photographies prises et mises en ligne par Uganda Radio Network.

Pendant que les rumeurs sur le virus circulent sur internet et dans les médias, les autorités ougandaises nient ces affirmations. Le rapport de décès de la fillette est arrivé juste après la réfutation par la Secrétaire du Ministère de la Défense, le Dr. Diana Atwine, des articles de presse parlant d'épidémie.

Déjà en décembre 2017, un autre enfant avait été hospitalisé dans la même localité avec des signes de fièvre hémorragique Crimée-Congo.

Dans un compte-rendu lu à voix haute par la ministre de la Santé, Hon. Sarah Opendi a confirmé que l'enfant, un garçon de neuf ans, avait été testé positif et était soigné dans le service. Des examens complémentaires établirent qu'il n'était plus infecté par la maladie mortelle.

Le ministère ougandais de la Santé a tweeté que l'Ouganda est exempt de cette maladie et a invité les personnes ayant de la fièvre et des maux de tête à se présenter dans un centre de soins :

Hon. Opendi : Je tiens à informer le public que nous n'avons AUCUN cas suspecté de fièvre hémorragique Crimée-Congo (FHCC) dans nos collectivités. Au cas où quelqu'un aurait de la fièvre, mal à la tête, des vomissements, la diarrhée, des douleurs musculaires, veuillez vous présenter au centre de soin le plus proche.

Lors d'une conférence de presse, le syndicat des Personnels médicaux d'Ouganda a demandé au gouvernement d'expliciter clairement le statut de la maladie dans le pays et de prendre toutes les mesures nécessaires pour traiter l'incident comme une urgence.

Plusieurs personnes ont aussi publié leurs commentaires sur la situation en passant par leurs comptes de médias sociaux.

Bantu Dragon a tweeté son inquiétude que la dénégation de l'épidémie par le gouvernement augmente les risques pour les gens, en laissant la fièvre se diffuser plus largement :

Quel est l'intérêt de ce déni par le gouvernement de l'épidémie de fièvre Crimée Congo ? Sérieusement, quelles étaient leurs motivations ? L'ignorer et peut-être qu'elle disparaîtra tout en se propageant ? J'ai du mal à comprendre un tel niveau de bêtise.

L'utilisateur de Twitter Omara-Ogwang James s'est dit perdu sur le sujet, et ne sachant qui croire :

L'Association des Médecins (et pratiquement tout le monde) : il y a la fièvre Crimée-Congo à Nakaseke

Le gouvernement ougandais (ministère de la Santé) : NON ! Il n'y a pas d'épidémie de Crimée[-Congo] !

Moi : Complètement perplexe

Le journaliste de télévision Walter Mwesigye a partagé une infographie montrant comment la fièvre se transmet. Même si le Ministère affirme qu'il n'y a aucun risque de cette maladie dans le pays, il trouve que les gens devraient prendre leurs précautions :

Le ministère de la Santé va s'adresser au pays à propos des signalements répétés d'épidémie de fièvre hémorragique Crimée-Congo. La Secrétaire permanente Diana Atwine a déclaré la semaine dernière qu'il y a des cas confirmés de la maladie dans le district de Nakaseke.

Quoi qu'il en soit, voilà ce que vous devez savoir.

Par le passé, l'Ouganda a connu d'autres épidémies, telles que Ebola, choléra et Marburg, ce qui donne aux gens d'autant plus de raisons de s'effrayer de toute menace d'épidémie. Lors de l'écriture du présent article, on ne peut pas encore discerner si les autorités s'efforcent de modérer la couverture médiatique ou s'il n'y a aucune menace réelle d'épidémie.