PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

La récolte du coton en Ouzbékistan : l'or blanc enrichit le régime et non la population

jeudi 13 novembre 2014 à 20:05
Buses take children and adults alike to pick cotton in Uzbekistan's fields. Screenshot taken from video uploaded by Kudrat Babadjanov.

Les bus transportent aussi bien des enfants que des adultes pour faire la récolte de coton dans les champs en Ouzbékistan. Capture d'écran tirée d'une vidéo téléchargée par Kudrat Babadjanov.

La saison de la récolte du coton est officiellement terminée en Ouzbékistan. Cependant, selon certains articles, des enseignants et des enfants en âge d'être scolarisés continuent de travailler dans les champs. Les dirigeants de provinces sont connus pour user de la force contre les paysans qui n'atteignent pas les objectifs de récolte. Un récent rapport indique que le revenu de la production de coton va ailleurs que dans le budget de l'Etat. Peu de personnes connaissant cette république de type autoritaire sont surprises de ces informations.

L'Ouzbékistan est connu pour le travail forcé et le travail des enfants en particulier. En 2009, une publication de l'Ecole des Etudes Orientales et Africaines (School of Oriental and African Studies (SOAS)) à Londres rapportait qu'au moins 86% des écoles dans les régions parcourues par les chercheurs de cette étude pendant la saison de récolte de l'année 2008, étaient sujettes à des réquisitions obligatoires émanant du gouvernement. Les réquisitionnés étaient des enfants âgés de 11 à 14 ans, dont on exigeait de fournir une récolte de 15-70 kilogrammes de coton par jour, en fonction de leur âge et du moment de la récolte. Six ans plus tard, malgré le relatif succès d'une campagne en cours visant à forcer les fabricants à boycotter le coton ouzbek, peu de choses ont changé dans le pays. L'Ouzbékistan était le sixième plus grand producteur mondial lors de la dernière récolte, et le travail des enfants contribue à cette situation. 

Un rapport réalisé le mois dernier révèle que le revenu des récoltes va dans un fonds d'investissement extra-budgétaire opaque appelé Selkhozfond, dont on ignore tout. Les auteurs du document de travail de la fondation Soros sur le Secteur du coton en Ouzbékistan : flux financiers et distribution des ressources, qui ont coopéré avec un ancien fonctionnaire du gouvernement pour réaliser le rapport, ont dû utiliser toutes leurs sources juste pour connaître le nom du directeur du Selkhozfond, Shukrullo Umurov.  

Dans une interview avec Uznews.net, un service d'actualité géré par des expatriés ouzbek, un des auteurs du rapport, Alisher Ilkhamov, a indiqué qu'il était sûr que le Président ouzkbek Islam Karimov était le principal bénéficiaire du fonds. 
 
Chip, un commentateur d'Uznews.net, est également d'accord :
 
Каримов бессовестно нарушает уголовный кодекс по статьям “мошенничество” “присвоение государственнного имущества” и т.д. Вся экономика построена как криминальная. Всё наворованное отправляется в банки Запада, и поэтому “белых и пушистых” банкиров можно рассматривать как главных виновников всех бед страны

[Le Président ouzkbek Islam] Karimov viole sans vergogne le code pénal dans ses articles sur la “fraude,” “l'appropriation de biens publics”, etc. Toute l'économie est construite comme une économie de mafia. L'argent volé part dans les banques européennes. Ces banquiers “blancs et duveteux” sont responsables des maux du pays.

 
Un autre lecteur, Nablyudatel, demande que l'Ouzbékistan réforme le secteur du coton, qui est toxique, tant d'un point de vue écologique que social. 
 
Нужно ли реформировать отрасль, которая постоянно испытывает такие напряжения и всё больше разрушает экологическую среду? В климатических условиях Узбекистана гораздо более прибыльным и экологически безопасным было бы выращивать и перерабатывать овощи и фрукты, а хлопок – это культура рискованная для земледелия страны. 

Ne devrions-nous pas réformer un secteur qui est sans cesse sous tension et détruit de plus en plus l'environnement ? Sous les conditions climatiques en Ouzbékistan, il est préférable et plus écologique de cultiver des fruits et des légumes. Le coton est hasardeux pour la culture agricole du pays.

 
Cependant, il ajoute :
 
Но реформировать хлопковую отрасль (а тем более отказываться или резко уменьшать площади под хлопок) режим Каримова не в состоянии, потому что, как справедливо указано в статье, хлопок кормит этот режим. Именно режим, а не граждан страны.

Le régime de Karimov est incapable de réformer le secteur du coton (encore moins de l'arrêter ou d'en réduire la production) parce que, comme indiqué à juste titre dans l'article, le coton enrichit le régime, et non les citoyens du pays.

 
Le gouvernement ouzbek reste sourd aux appels à ne pas recourir à des enfants pour la récolte. Par ailleurs, le service ouzbek RFE/RL, Ozodlik, a rapporté le 29 octobre que certains hokims [chefs des administrations régionales] battaient les paysans qui ne respectaient pas leur quota de production.  
 
Ilkhamov et le co-auteur Bakhodyr Muradov disent qu'une telle attitude est motivée par la peur des hokims de perdre leur travail : 
 
Pour manquement aux objectifs, les hokims locaux risquent de perdre leur poste. Les paysans sont sujets à une série de sanctions économiques et administratives, y compris les poursuites pénales et la redistribution de la terre qu'ils cultivent en faveur d'autres paysans. 
 
Dans un post de blog sur Uznews.net, “Pourquoi dois-je récolter du coton ?”, le journaliste Kudrad Babadjjanov explique pourquoi les Ouzbeks continuent chaque année à s'engager dans un travail épuisant et non payé, pour le gouvernement :
 
согласно 37 статье конституции страны, принудительный труд запрещается. И этот запрет подкреплен седьмой статьей Трудового Кодекса Республики Узбекистан. Но что если такой приказ отдает премьер-министр, а то и президент, а привлекается многомиллионное население? А если те самые, кто написал эти законы, те же прокуроры, милиция, спецслужбы и армия направлены на тебя, чтобы ты собирал хлопок – куда денешься?

L'article 37 de la Constitution de la République de l'Ouzbékistan de même que l'article 7 du Code du travail interdissent le travail forcé. Cependant, imaginez que l'ordre [de récolter le coton] soit donné par le Premier ministre ou même par le Président, et que des millions de personnes obéissent ? Imaginez que les mêmes personnes qui ont écrit ses lois, les procureurs, la police, les services de sécurité et l'armée soient tournés vers vous pour vous forcer à récolter le coton – que feriez-vous alors ? 

 
Un commentateur sur Uznews.net, A.Sh., donne sa propre réponse à la question initiale de Babadjanov :
 
“Почему я должен собирать хлопок?” Потому что его насадили. Нужно отказаться от выращивания хлопка вообще в Узбекистане. Хлопчатник плантационная техническая культура, требующая непрерывного ухода и много воды.
А любые плантации требуют рабов и колониальной системы управления. В Узбекистане с его многочисленным населением нужно выращивать продукты питания. Но тогда рухнет этот колониальный режим. Можете представить Узбекистан без хлочатника? 

Pourquoi devrais-je récolter le coton ? Parce qu'il a été planté. Nous devons complètement abandonner la culture du coton en Ouzbékistan. Un plant de coton nécessite constamment des soins et de l'eau. Toutes les plantations nécessitent des esclaves et un système de gestion colonial. L'Ouzbékistan devrait cultiver de la nourriture pour nourrir son importante population. Mais alors, le régime colonial s'effondrerait. Pouvez-vous imaginer l'Ouzbékistan sans coton ?

 
En partie grâce au travail de la Campagne du coton, près de 130 grandes marques de vêtements ont boycotté le coton ouzbek, y compris H&M, Levis, Lacoste et Adidas. La culture intensive du coton en Asie centrale a débuté sous l'Empire russe et s'est accélérée sous l'Union soviétique. Dans une moindre mesure, les pays voisins de l'Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan ont également dû faire face à des critiques pour avoir forcé et forcer leurs citoyens — les enfants y compris – à participer à la récolte annuelle de coton.
 

Les Guerriers climatiques du Pacifique bloquent des navires transportant du charbon dans un port australien

jeudi 13 novembre 2014 à 19:07
Photograph shows scenes from Newcastle Harbourthis morning where representatives from 12 Pacific Island nations came to raise awarness of climate change by blockading the movements of coal ships.Photograph by Dean Sewell/Oculi for 350.org.Photograph taken Friday 17th October 2014.

Le port de Newcastle, où les représentants de 12 pays insulaires du Pacifique sont venus pour faire prendre conscience des changements climatiques en bloquant les mouvements des navires transportant du charbon. Crédit photo: Dean Sewell/Oculi pour 350.org. Vendredi 17 octobre 2014

Cet article a été écrit par Aaron Packard pour 350.org, une organisation œuvrant pour la création d'un mouvement climatique mondial. Il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Les guerriers climatiques du Pacifique de 350.org ont pagayé dans le port de Newcastle, suivis par des centaines d'Australiens et se sont retrouvés en tête à tête avec des gigantesques navires transportant du charbon le 17 octobre dernier. C’était vraiment David contre Goliath.

Le courage des guerriers a été manifeste lorsqu’ils ont fait face à l'industrie des combustibles fossiles, qui menace leurs maisons. Utilisant leurs pirogues sculptées à la main, ils ont réussi, aidés par des dizaines d'Australiens en kayak, à empêcher 10 navires réguliers de passer à travers le port charbonnier de Newcastle. Mais le plus important est que les guerriers se tenaient la tête haute et que leur message a été clairement entendu : ils ne sont pas en train de se noyer, ils se battent.

Pendant que les guerriers continuent leur voyage, nous souhaiterions que leur courageuse action soit mieux connue :  partagez leur histoire avec vos amis. Ils continueront à se battre, mais ils ne peuvent pas le faire seuls.

Voici des photos résumant les événements de cette journée :

Photograph shows scenes from Newcastle Harbour where representatives from 12 Pacific Island nations came to raise awareness of climate change by blockading the movements of coal ships.Photograph by Jeff Tan for 350.org.Photograph taken Friday 17th October 2014.

Le port de Newcastle, où les représentants de 12 pays insulaires du Pacifique sont venus pour faire prendre conscience des changements climatiques en bloquant les mouvements des navires transportant du charbon. Crédit photo: Jeff Tan pour 350.org. Vendredi 17 octobre 2014

 

Photograph shows scenes from Newcastle Harbour where representatives from 12 Pacific Island nations came to raise awareness on climate change by blockading the movements of coal ships.Photographs by Dean Sewell/Oculi for 350.org.Photograph taken Friday 17th October 2014.

Le port de Newcastle, où les représentants de 12 pays insulaires du Pacifique sont venus pour faire prendre conscience des changements climatiques en bloquant les mouvements des navires transportant du charbon. Crédit photo: Dean Sewell/Oculi pour 350.org. Vendredi 17 octobre 2014

Photograph shows scenes from Newcastle Harbour where representatives from 12 Pacific Island nations came to raise awareness on climate change by blockading the movements of coal ships.Photograph by Jeff Tan for 350.org.Photograph taken Friday 17th October 2014.

Le port de Newcastle, où les représentants de 12 pays insulaires du Pacifique sont venus pour faire prendre conscience des changements climatiques en bloquant les mouvements des navires transportant du charbon. Crédit photo: Jeff Tan pour 350.org. Vendredi 17 octobre 2014

Photograph shows scenes from Newcastle Harbour where representatives from 12 Pacific Island nations came to raise awareness on climate change by blockading the movements of coal ships.Photographs by Dean Sewell/Oculi for 350.org.Photograph taken Friday 17th October 2014.

Le port de Newcastle, où les représentants de 12 pays insulaires du Pacifique sont venus pour faire prendre conscience des changements climatiques en bloquant les mouvements des navires transportant du charbon. Crédit photo: Dean Sewell/Oculi pour 350.org. Vendredi 17 octobre 2014

Vingt-cinq ans après, les Hongrois savent-ils enfin qu'ils vivent en démocratie ?

jeudi 13 novembre 2014 à 15:17
Demonstrators in Budapest, October 2014. Photo by Marietta Le.

Manifestation à  Budapest, octobre 2014. Photo Marietta Le.

Marietta Le est la rédactrice Hongrie de Global Voices, et travaille pour Atlatszo, une ONG de premier plan dans le domaine de la transparence à Budapest.

Avec un article en une du New York Times et deux minutes d'hilarité avec l'humoriste John Oliver, la Hongrie a accédé fugacement à la gloire médiatique, grâce au projet de taxe spéciale sur le trafic Internet concocté par son gouvernement.

Les Hongrois s'enorgueillissent toujours lorsque leur minuscule pays figure dans l'actualité internationale, quelle que soit l'image qu'ils y donnent. Tenants des recoins obscurs du marketing, ils semblent séduits par la calamiteuse idée qu'une couverture médiatique défavorable vaut mieux que pas de couverture du tout. Telles sont exactement leurs attentes sur ce que les habitants de la planète peuvent ou veulent savoir de leur pays.

L'idée que la Hongrie devient un ‘Etat illibéral’ n'a rien de neuf

Pour certains, l'idée que la Hongrie, un pays d'Europe centrale qui a rejoint l'hémisphère occidental démocratique en 1989 (le mur de Berlin est tombé il y a tout juste 25 ans), tend à se transformer en ‘Etat illibéral’, et que son Premier Ministre désigne les pays plus ou moins autoritaires en exemple à suivre pour ses concitoyens, n'est pas nouvelle. Mais à moins que vous soyez un maniaque du libéralisme qui se bat pour les libertés publiques dans tout pays menaçant la liberté telle que vous la voyez, vous ignorez probablement que la descente aux enfers de cette démocratie balbutiante a commencé longtemps avant ces dernières semaines.

Lorsque l'actuel gouvernement est arrivé aux manettes en 2010, il s'est empressé en premier lieu de modifier la constitution et la loi sur les médias. En Hongrie, le parti qui obtient la majorité des deux tiers aux élections nationales n'a pas à se soucier de convaincre les députés du parti d'opposition de voter pour ses propositions de loi au Parlement : il pourra adopter tous les textes qu'il voudra.

Les citoyens ont donné au gouvernement mandat de changer les lois, voilà l'argument aujourd'hui du parti Fidesz au pouvoir, et pour sûr, les gens n'ont pas pipé mot pour la nouvelle constitution, la nouvelle Loi sur les Médias, ou les transferts financiers des fonds de pension privés vers les fonds de pension publics. Ils n'ont pas été davantage gênés lorsque des dizaines de milliers de gens se sont rassemblés dans les rues pour s'incliner sur le tombeau de la démocratie au nom de “Un million pour la liberté de la presse en Hongrie”.

Personne ne se doutait en 2010 ou en 2012 que le pouvoir allait réformer la loi électorale pour faciliter son propre retour avec une majorité des deux tiers en 2014. Ni qu'il allait s'en prendre aux ONG gérant des projets financés par le Norway Grant, un programme [norvégien] destiné à aider les pays moins développés de l'Union Européenne.  

Est-ce que vous vivez dans un pays où les militants paniquent quand ils voient une voiture de police devant leurs bureaux ? Les Hongrois, oui.

Dès que le Fidesz a été réélu, l'Office de contrôle d'Etat (un organe public d'audit) a commencé à enquêter sur les dépenses des ONG ayant reçu des fonds des Norway Grants. La police a perquisitionné le siège d'Ökotárs, une organisation de donateurs, à la recherche de détournements allégués et de distribution non autorisée de prêts aux ONG. Des listesd'organisations problématiques ont été dressées. Treize ONG, pour la plupart centrées sur la lutte contre la corruption et la promotion de la démocratie, ont été placées sous surveillance spéciale du fait de leurs activités. 

La perquisition d'Ökotárs a eu lieu un lundi matin. Quelques jours après, l'ex-président de la Commission Européenne José Manuel Barroso se rendait en Hongrie pour y être fait docteur honoris causa de l'Université Corvinus. Une des ONG “listées”, qui avait des bureaux juste derrière l'université, a été encerclée par des forces de l'ordres envoyées pour protéger l'hôte de marque. Les courriels se sont mis à voler en tous sens au sujet d'une nouvelle opération coup de poing, cette fois contre une organisation récipiendaire. Quelques heures plus tard, nous avons reçu le courriel d'une employée d'ONG apeurée. Elle est rentrée chez elle en larmes après des heures à craindre une perquisition policière au bureau. Sa fille lui a dessiné un coeur dans lequel elle a écrit “Bonheur pour toujours”. 

“Pour la première fois, ce ne sont pas seulement des activistes cinglés qui ont manifesté”

Collaboratrice d'une ONG, je m'inquiète souvent que les simples citoyens se fatiguent de nous entendre constamment sonner l'alarme sur la mort de la démocratie hongroise. Mais la taxe sur le trafic Internet, “netadó” en hongrois, a changé la perception de ce que le gouvernement fait déjà depuis de nombreuses années. Pour la première fois, ce ne sont pas seulement ces cinglés d'activistes qui ont manifesté. Jeunes et vieux ont battu le pavé de Budapest, avec des mèmes dessinés eux-mêmes. Les gens ont beuglé des slogans à propos de serveurs, de Twitter et Facebook. Ils ont arboré des masques de Guy Fawkes, bravant la loi qui l'interdit. Au final on peut dire qu'il a fallu toute une nouvelle génération pour comprendre qu'il fallait défendre ses droits. Le doute ne semblait plus permis : on a fini par voir le but précis vers lequel tendent toutes les mesures du gouvernement : la captation de l'Etat

Pourtant, beaucoup  pensent que le projet de taxe Internet n'était que de la “désinformation” — une fausse information propagée pour détourner l'attention des événements importants. Un concept qui nous rappelle les temps d'avant 1989. Il est effrayant de penser que le Mur de Berlin est tombé il y a juste 25 ans. Nous sommes entrés dans une période de l'histoire hongroise où le gouvernement vise à restreindre les droits des citoyens au même degré qu'alors, désormais presque explicitement et à son bénéfice exclusif. 

Pays libre, Internet libre

Le Premier Ministre a décidé de geler le projet de taxe Internet après la deuxième manifestation, quand des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Budapest aux cris non seulement de “Pays Libre, Internet Libre” et “Démission”, mais aussi qu'ils n'allaient pas payer des impôts à un fisc corrompu. Le Premier Ministre a expliqué que la taxe Internet n'était pas nouvelle, ce n'était qu'une extension des taxes spéciales déjà existantes sur les activités de télécommunications. Si les discussions sur la taxe Internet sont retombées récemment, une “consultation nationale” reste attendue à son sujet en janvier.

Les gens peuvent être las de vivre dans une jeune démocratie mal gérée, mais on ne peut les tromper indéfiniment. Je veux croire que les Hongrois ont toujours su ce qui se passait, mais ils avaient tant à penser et joindre les deux bouts monopolisait leur attention. La taxe Internet aura peut-être réussi à convertir en action la désillusion quasi générale des citoyens sur le pays, en les forçant à finalement se dresser contre la corruption.

Dimanche les Hongrois ont tenu un rassemblement pour demander la démission du président de l'Autorité fiscale. Parmi les orateurs se trouvait András Horváth, le “Snowden hongrois”, qui il y a un an à peine avait divulgué des documents prouvant que le fisc ne cesse de disculper les réseaux de sociétés pratiquant la fraude fiscale, et que la corruption est “ancrée dans le système.” Les fuites n'ont engendré que des manifestations éparses de quelques centaines de participants.

Maintenant que les autorités états-uniennes interdisent à certains hauts responsables hongrois de se rendre aux USA, nous avons appris qu'elles ont elles-mêmes connaissance de la corruption qui règne au plus haut niveau dans notre pays. Zsolt Várady, le créateur du premier réseau social de Hongrie, à l'époque plus vaste que Facebook, a annoncé qu'il allait lancer un nouveau réseau social pour les gens qui veulent faire la différence en Hongrie. Il a dit que la mentalité des Hongrois devait changer pour que change la mentalité de l'élite polique. 

Et ce n'est pas seulement la corruption au plus haut niveau qui est sur la table. Les orateurs du rassemblement de dimanche ont lancé l'idée d'un changement total de la fiscalité en Hongrie. L'évasion fiscale a été qualifiée de “sport national”, mais désormais même les simples citoyens paraissent réclamer un changement de cap. Les orateurs ont appelé l'assistance à s'ouvrir à leurs voisins des faits de corruption mineure, et ont incité à se rendre dans les bureaux locaux de l'administration des impôts pour demander aux employés si le président de l'Autorité a déjà démissionné. 

En guise de conclusion, je ne peux que répéter les mots de Zoltan Békési, un artiste et entrepreneur hongrois : il y a 25 ans que nous jouons à la démocratie ; il est grand temps de la prendre au sérieux.

Marietta Le est la rédactrice Hongrie de Global Voices, et travaille pour Atlatszo, une ONG de premier plan dans le domaine de la transparence à Budapest.

Les enfants réfugiés du Myanmar racontent leur histoire en images

jeudi 13 novembre 2014 à 13:23

forced to fleeGrâce à des ateliers de narration en images, un groupe d'enfants réfugiés du Myanmar (Birmanie) est désormais en mesure de raconter l'expérience d'avoir fui leur foyer déchiré par la guerre. Les illustrations produites dans ces ateliers constituent des outils pédagogiques puissants pour comprendre comment la guerre civile et le conflit ethnique ont ravagé le pays depuis plusieurs décennies.

Avec l'aide de la famille et des amis, l'auteure américaine Erika Berg organise ces ateliers pour deux raisons : promouvoir la paix au Myanmar et offrir une thérapie aux réfugiés traumatisés. Ses séminaires ont produit plus de 200 toiles, qui vont être bientôt réunies dans un livre intitulé “Contraints de fuir : histoires en images par les jeunes réfugiés de Birmanie.” Mme Berg espère publier le livre à l'aide de la plate-forme de financement participatif Kickstarter.

Plus de 120 000 réfugiés vivent aujourd'hui dans des camps situés le long de la frontière Thaïlande-Myanmar. Entre-temps, plus de 100 000 réfugiés d'ethnies Kachin et Shan vivent encore dans des camps de personnes déplacées. Une dictature militaire gouverne le Myanmar depuis 1962. Au cours des dernières années toutefois, la pays a connu des réformes politiques qui ont amené des élections, la libération de certains prisonniers politiques, et la mise en place d'un gouvernement civil soutenu par l'armée.

Les sources du conflit ethnique demeurent non résolues, cependant, alimentant ce qui est encore la plus longue guerre civile du monde entier. Plusieurs efforts de paix sont actuellement en cours pour favoriser la réconciliation nationale, mais des guerres locales se poursuivent dans l'ensemble du pays. L'année prochaine, les élections seront cruciales pour le fragile processus de paix.

En attendant, des centaines de milliers de villageois sont toujours coincés dans des camps de réfugiés, et les affrontements sporadiques entre l'armée et les rebelles déplacent plus de personnes encore.

burma map

Une représentation visuelle du Myanmar. Le pays compte plus de 100 groupes ethniques.

Dans son travail de bénévole, Berg a appris que “chaque réfugié a une hantise, une leçon d'humilité et une histoire inspirante à partager.” Dans une interview avec Burma Study Center, elle explique :

Refugee youth who participate in the visual storytelling workshops quickly realize that they aren’t simply victims. They are survivors and witnesses whose life stories deserve—and need—to be heard.

Les jeunes réfugiés qui participent aux ateliers de narration en images se rendent vite compte qu'ils ne sont pas seulement des victimes. Ils sont des survivants et des témoins dont l'histoire mérite—et a besoin—d'être entendue.

Mme Berg dit que le livre qu'elle compose peut contribuer à la prise de conscience des efforts de paix au Myanmar :

‘Forced to Flee’ illustrates that the emotions conveyed and evoked by a single narrative image can tell a story of a thousand words, open hearts and build bridges of understanding. In this book, refugee youth harness the power of narrative art to personalize human rights issues and promote a just and inclusive peace in Burma.

Drawn into their inner worlds, we gain a child’s eye-view of what it’s like to be forced to flee one’s homeland and live in exile, haunted – and empowered – by traumas of the past.

‘Contraints de fuir’ montre que les émotions transmises et évoquées par une seule image narrative peut raconter une histoire de mille mots, ouvrir les cœurs et construire des ponts de compréhension. Dans ce livre, les jeunes réfugiés exploitent la puissance de l'art narratif pour personnaliser les questions des droits de l'homme et promouvoir une paix juste et inclusive en Birmanie. Entraînés dans son monde intérieur, nous acquérons le regard de l'enfant sur ce que c'est d'être contraint de fuir son pays natal et de vivre en exil, hanté – et responsabilisé – par les traumatismes du passé.

A young refugee during a visual storytelling workshop.

Un jeune réfugié lors d'un atelier de narration en images.

Voici quelques illustrations réalisées par les jeunes réfugiés :

forced to flee visual art

refugee painting

refugee escape

A child refugee who painted this felt "as if he was being watched by Burma’s then military junta."

L'enfant qui a peint ceci a dit qu'il avait l'impression “d'être observé par la junte militaire birmane,” même après avoir quitté le pays.

"The visual story was painted by an undocumented Chin migrant boy in a textile factory...(it is a) picture of the boy's dream (which came true)".

“Ce récit visuel a été peint par un garçon sans-papier Chin dans une usine textile [...]. [c'est l'] image du rêve du garçon (qui s'est réalisé).”

Cathy Malchiodi, une art-thérapeute, affirme l'importance du projet de livre :

It honors the visual narratives of youth, tells their stories of injustice and atrocity, and offers us a window into possibilities for reparation and redemption for these young survivors. Most of all, it reminds us how children’s art provides a compelling, personal and often profound worldview their life experiences as well as another way of knowing their truths.

Il rend hommage aux récits visuels des jeunes, raconte leur histoire, l'injustice et les atrocités qu'ils ont subies, et nous offre une fenêtre sur les possibilités de réparation et de rachat pour ces jeunes survivants. Surtout, il nous rappelle comment l'art des enfants offre une vision du monde fascinante, personnelle et souvent profonde, leur expérience ainsi qu'un autre moyen de connaître leurs vérités.

Naw K'nyaw Paw de l'organisme ethnique Karen Women's Organization a écrit que le livre “saisit les épreuves décrites par les jeunes réfugiés qui les vivent tous les jours.” La poétesse May Ng en a aussi fait l'éloge :

Never before have I seen such an intense and credible portrait of the journey of refugees from Burma. This is a magnificent work, larger than Burma’s democracy movement and the inter-ethnic conflict. Its message is universal.

Je n'ai jamais vu auparavant un tel portrait intense et vraisemblable du parcours des réfugiés de Birmanie. C'est une œuvre magnifique, plus grande que le mouvement démocratique de Birmanie et le conflit interethnique. Son message est universel.

Les adultes aiment lire des histoires aux enfants, mais il y a  des moments où nous devons écouter ce que les enfants ont à dire, notamment lorsqu'il s'agit de leurs sentiments et de leur expérience sur la guerre. L'art visuel créé par les plus jeunes réfugiés du Myanmar est l'une de ces opportunités de laisser parler les enfants.

Photos et illustrations fournies par Erika Berg, utilisées avec permission

Accès aux TIC et émancipation des femmes en zones rurales

jeudi 13 novembre 2014 à 13:08

Marita Seara Fernández, blogueuse sur Mujeres construyendo (Des femmes qui construisent), attire l'attention sur l'émancipation des femmes vivant en zones rurales et explique que selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en Amérique Laine et dans les Caraïbes, 58 millions de femmes vivent en zones rurales et que 4 millions et demi d'entre elles travaillent dans le secteur agricole.

Foto extraída del blog Mujeres Construyendo. Utilizada con autorización

Photo tirée du blog Mujeres Construyendo, utilisée avec permission.

Par ailleurs, Seara Fernández affirme que bien que le risque de famine ait été globalement réduit, ce n'est pas encore le cas parmi les femmes, pour qui il a même augmenté. Le représentant de la FAO dans la région Raúl Benítez souligne la nécessité de fournir des moyens d'action aux femmes dans les champs économique et politique, ce qui requiert de réduire les écarts en matière d'éducation et de pouvoir accéder aux ressources agricoles. La solution réside dans la promotion du rôle des femmes en zones rurales :

Esta premisa debe estar considerada a la hora de diseñar leyes y programas determinados. Deben capacitarlas, enseñarlas a sacar provecho de sus recursos y de lo que aprenden. No solo esto, se debe reducir las brechas educacionales y tecnológicas.

Ce principe doit être pris en compte lors de la préparation des textes de loi et des programmes ciblés. Ils doivent permettre de former les femmes, pour leur apprendre à tirer profit des ressources auxquelles elles ont accès et de ce qu'elles apprennent. Par ailleurs, il faut réduire les disparités en matière d'éducation et de technologie. 

A cet égard, les travaux de Soledad Venegas à Oxaca, au Mexique, visant l'émancipation des femmes en zones rurales à travers un accès aux Technologies de l'Information et de la Communication, constituent un exemple pertinent, permettant entre autres un accès au savoir sur les mécanismes de production, l'entrepreunariat et les échanges commerciaux.

Vous pouvez suivre Marita Seara Fernández sur Twitter.

Cet article fait partie du 25e #LunesDeBlogsGV (Lundi des blogs sur GV) du 20 octobre 2014.