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Un couple indien transgenre annonce son mariage et reçoit des menaces de mort

lundi 18 septembre 2017 à 23:49

Sukanyeah Krishna et Aarav Appukuttan. Crédit : Sukanyeah Krishna. Utilisée avec autorisation.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Aarav Appukuttan et Sukanyeah Krishna sont amoureux. Le couple transgenre — Appukuttan a été désigné comme étant de sexe féminin à la naissance, et Krishna de sexe masculin — s'est rencontré il y a trois ans dans une clinique de Bombay, la capitale financière de l'Inde, alors qu'ils attendaient leur opération de réassignation sexuelle. Une idylle naquit rapidement entre eux, fondée sur leur passion commune pour la défense de et leurs luttes avec l'identité de genre, et ils ont décidé de se marier.

La nouvelle de leur mariage et d'une éventuelle adoption a fait la une des journaux dans le monde entier, mais la joie que leur a procuré la solidarité internationale a été teintée d’inquiétude après avoir reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux. Ils ont déposé des plaintes officielles auprès de la police puis ont essayé de passer à autre chose et de continuer leur combat. Ils ont également demandé de l'aide sous forme de financement participatif pour leurs opérations, mais ont été victimes d'encore plus de réactions négatives et d'abus en ligne. Ces menaces leur sont parvenues par divers canaux dont Facebook, où les menaces de violence et les discours haineux sont proscrits mais ne sont pas toujours retirés par la société.

Le couple a donc décidé d'arrêter sa campagne de financement. Sukanyeah a commenté les menaces de mort sur Facebook :

Je partage ici une capture d'écran d'une vidéo publiée sur ScoopWhoop News. En-dessous, il y a un commentaire écrit par un individu nommé “Mayank”, qui lance un appel à “nous tuer”. Bien sûr! Ça vient d'un faux compte.

Maintenant, voici ma réponse à Mayank :
Mec, on est peut être tout les deux “gays” à tes yeux! Mais on a eu les tripes de se montrer en public et de révéler qui on était et ce que nous souhaitons faire… Est-ce que toi, tu aurais le courage d'utiliser ton propre nom et ta photo dans un profil Facebook et de faire un tel commentaire ? Si tu as assez de “mardangi” [‘virilité’ en ourdou, NdT], fais-le ! On attend…

Je sais qu'il y a plein de malades mentaux et de phobiques un peu partout, mais pourquoi nous vises-tu, nous ? Parce que nous vivons une VRAIE vie ? Sans se cacher ? Nous aussi, nous avons les mêmes droits de vivre dans ce monde, les mêmes droits que vous tous… On ne dérange personne. En fait on doit continuellement se battre pour survivre. On ne profite d'aucun privilège pour rendre les choses plus simples, donc s'il te plait… Vis ta vie et laisse-nous vivre la nôtre !

En 2014, la Cour suprême indienne a annoncé que les personnes transgenres forment un “troisième sexe”, une décision qui les protège dans leur l’accès à l'éducation et à l'emploi. Cependant, la stigmatisation continue et les personnes transgenres sont souvent la cible de harcèlement et d'attaques, ou sont même forcées à mendier ou à se prostituer pour pouvoir survivre. Selon un sondage réalisé auprès de 2.169 personnes transgenres par le Swasti Health Resource Centre, 4 personnes transgenres sur 10 en Inde ont été victimes d'abus sexuels avant leur puberté.

Cette réalité a poussé des gens comme Aarav et Sukanyeah à réagir. Global Voices a parlé au couple lors d'un entretien téléphonique. La transcription de l'entretien est relayée ci-dessous.

Global Voices (GV) : Vous avez reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux : en quoi cela vous a-t-il affecté ? 

Sukanyeah : Nous avons reçu des réponses diverses et variées de la part des gens. Alors que certaines sont super élogieuses, d'autres sont menaçantes comme sur Facebook où ils ont écrit “Tuez ces chiens LGBT”. Je ne sais pas pourquoi nous sommes visés mais c'est très similaire aux attaques d'homophobie et de transphobie qui ont provoquées le massacre d'Orlando [fr] aux États-Unis en 2016. Les gens pensent que nous sommes des marginaux ou des extraterrestres, mais ce n'est pas nous qui créons les problèmes. Nous ne dérangeons personne et pourtant nous sommes toujours confrontés aux attaques. Ils ne savent rien de nous et des troubles de l'identité sexuelle et pourtant ils lisent les gros titres et nous maltraitent. Cela nous fait du mal, et cela dévalorise encore plus notre combat.

En fait, maintenant nous avons même peur de publier la date de notre mariage et notre sécurité sera en danger. Nous sommes pauvres et nous ne savons pas comment gérer des gorilles s'ils nous menacent, donc le mieux pour nous est d'organiser une cérémonie privée.

Cette réaction négative nous oblige à nous cacher. Cela demande beaucoup de courage de révéler son homosexualité et d'accepter son identité.

Aarav : Nous avons porté plainte contre quelques comptes sur les réseaux sociaux pour publications de menaces de mort contre nous. La plupart des comptes sont faux et basés dans le Kerala. Nous essayons de rester le plus poli possible dans nos réponses mais parfois c'est juste difficile d’être gentil quand ces gens veulent nous tuer, et c'est assez perturbant.

GV :  Et concernant les réactions positives ? 

Aarav : Nous sommes heureux, nous avons reçu des réactions positives de partout dans le monde sauf de certains mécréants dans le coin. Nous sommes des gens heureux et nous essayons de comprendre notre situation. Cela envoie un message encore plus important et significatif pour la reconnaissance des troubles de l'identité sexuelle.

GV : Comment le mariage s'organise-t-il ? Vous attendez-vous à des problèmes juridiques ?

Aarav : Nous ne nous attendons à aucun problème juridique avec notre mariage dans le cadre de l'article 377 du code pénal indien, car nous sommes tous les deux légalement homme et femme aujourd'hui. Nous avons aussi reçu de nos documents officiels et nous en attendons encore avant de pouvoir célébrer notre mariage.

GV : Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Aarav : Nous nous sommes rencontrés il y a trois ans devant une clinique où Sukanyeah était venue pour son traitement. Je l'ai entendue parler en malayalam [fr] et nous avons commencé à discuter. Ma famille soutient notre union.

GV : Quel sont vos projets ?

Aarav : Nous voudrions créer une organisation non gouvernementale pour les membres de la communauté transgenre et sensibiliser les parents sur ce sujet. Ils ne devraient pas ignorer leurs enfants qui font face à la dysphorie de genre ou qui souffrent de troubles de l'identité sexuelle. A la place, ils devraient les soutenir et nous espèrons pouvoir montrer l'exemple. Nous espèrons que les parents viendront vers nous et nous demanderont conseil.

Sukanyeah : Ma famille m'a rejetée quand j'étais jeune et m'a reniée parce que j'étais transgenre. J'ai été confrontée à beaucoup de problèmes et j'ai quitté la maison à dix-huit ans pour travailler à Bangalore et faire des économies pour payer mes opérations. J'ai travaillé dans des centres d'appel, et à mon compte dans le secteur de l'informatique, puis j'ai commencé mon traitement hormonal pour devenir une femme. C'est à ce moment-là que mon idylle avec Aarav a commencé et je ne pense pas que chercher du soutien de la part de ma famille apportera quoi que soit de bon. Leur rejet m'a brisé le cœur mais je souhaite maintenant concentrer toute mon énergie dans la création de cette organisation non gouvernementale en décembre afin d'aider d'autres personnes transsexuelles.

GV :  Comment résumeriez-vous votre parcours ?

Aarav: Après m'être caché derrière le visage d'une femme pendant 45 ans, je suis enfin libre de vivre ma vie en tant qu'homme et je ne prend pas ceux qui veulent m'insulter ou se moquer de moi au sérieux. Je conseillerais aussi à ceux qui veulent se faire opérer d'aller voir un médecin réputé au lieu de subir des opérations bâclées qui sont plus dangereuses.

GV : Aimeriez-vous fonder une famille ? 

Aarav et Sukanyeah : Nous voulons avoir un enfant pour compléter notre famille et pour nous encourager à faire de bonnes choses dans ce monde. Nous sommes sûrs que nous ferons de merveilleux parents.

Global Voices utilise le guide de référence des médias GLAAD pour s'assurer que notre reportage sur les personnes transgenres est respectueux et effectif. Nous encourageons tout ceux qui souhaitent partager ou commenter cette histoire de faire de même.

Portrait : Journaliste et Géorgien d'adoption, il concourt aux élections municipales de Tbilissi

lundi 18 septembre 2017 à 23:20

Ancien contributeur de Global Voices, Joseph Alexander Smith n'a cessé depuis un mois d'accorder des entretiens dans la mélodieuse langue géorgienne pour expliquer aux médias locaux sa décision de candidater à un siège du conseil municipal de Tbilissi.

Carburant aux médias sociaux, Smith, né en Grande-Bretagne et devenu citoyen de Géorgie cette année, espère que la campagne électorale attirera l'attention sur un certain nombre de questions urgentes dans l'élégante capitale de ce pays du Sud-Caucase.

Dans cet entretien avec Global Voices, il explique pourquoi il a décidé de s'impliquer dans les joutes de la politique municipale avant les élections de Tbilissi du 21 octobre.

GV: Pourquoi avez-vous voulu vous présenter ?

J.A.S: Je m'implique depuis quelques années dans le militantisme urbain sur une série de thèmes  – depuis le patrimoine culturel de la ville jusqu'aux droits des piétons et la sécurité de la circulation. J'ai commencé à l'époque où la contestation montait contre le projet “Panorama Tbilissi”, une grossière invasion d'intérêts commerciaux dans le cœur de Tbilissi. La procédure de validation du projet rompait avec toutes les normes acceptables de planification urbaine et de décision publique, mais l'emprise totale du parti au gouvernement avait pour effet que les hommes politiques ne se sentaient aucune obligation d'entendre nos inquiétudes.

Je me suis aperçu qu'au final les militants allaient devoir entrer en politique afin de modifier la manière dont nos responsables municipaux prennent des décisions en notre nom, et j'ai résolu de me présenter aux prochaines élections. Cette année, toutefois, lorsqu'il s'est avéré que l'unique représentant indépendant au Conseil municipal (Sakrebulo), Aleko Elisashvili, serait candidat à la mairie et donc ne serait plus éligible à un siège du Sakrebulo, j'ai compris que je pourrais être amené à hâter mes plans, et en l'absence d'un autre candidat indépendant, j'ai décidé de mettre ma tête sur le billot, en quelque sorte.

Smith prend des notes pendant sa campagne électorale.

GV: Quels sont les enjeux ?

J.A.S: La désintégration de la coalition régnante du Rêve Géorgien après les dernières élections locales en 2014 nous a laissé en héritage un Sakrebulo d'une grande diversité, avec un grand nombre de partis représentés, bien qu'avec une large majorité du parti au pouvoir. Cette diversité est aujourd'hui menacée par la position privilégiée du parti au pouvoir, et nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que le Rêve Géorgien remporte les deux scrutins, tant majoritaire que par liste (le Sakrebulo est composé de 25 représentants élus par circonscription, et 25 élus à la proportionnelle sur les listes des partis).

Même si je suis certain que des partis d'opposition passeront, il n'en est pas moins important d'accroître la diversité de l'opposition dans le gouvernement local, et d'y avoir aussi des représentants indépendants – des gens qui ne répondent qu'aux électeurs et non à leur patron de parti.

L'autre raison qui me fait trouver important d'être candidat indépendant, est que la domination des partis nationaux dans les exécutifs locaux crée un effet de dévalorisation des institutions de gouvernement local. Le Sakrebulo de Tbilissi est devenu un lieu attractif pour les personnages mineurs mais ambitieux des partis, qui s'intéressent peu ou pas du tout aux procédures d'urbanisme. Parfois ils ou elles ont des intérêts financiers, ou des espérances d'avancement de carrière dans le parti ou le gouvernement de l’État. Avec pour conséquence que, non seulement leur tâche essentielle de l'urbanisme sera négligée, mais qu'elle sera au service d'autres intérêts.

D'où la nécessité vitale d'une présence de candidats indépendants, hors des partis, de sorte que les électeurs aient le choix d'élire un représentant qui a leurs seuls intérêts à cœur.

Smith rencontre et salue des habitants de sa circonscription de Saburtalo à Tbilissi. Photo de sa page Facebook officielle.

GV: De quelles catégories attendez-vous le soutien ?

J.A.S: J'ai choisi de me présenter à Saburtalo pour sa démographie très large bien représentative de la ville dans son ensemble. Les problèmes que connaît Saburtalo : construction désordonnée, transport urbain et manque d'espaces verts, sont les mêmes que ceux de toute la ville. A part cela, le district où je suis candidat a déjà précédemment élu un indépendant, Aleko Elisashvili, en 2014.

Smith interviewé par la télévision géorgienne Iberia.

GV: Parlez-nous de la suite…

J.A.S: Donner un coup de collier dans ma campagne et la rendre aussi efficace que possible – je mets en ce moment la dernière main au programme (le manifeste), aux visuels de campagne, à l'événement de lancement officiel et au calendrier des événements de campagne. C'est un énorme défi, parce que c'est ma toute première fois, je n'ai pas beaucoup d'argent (et même pas du tout pour le moment) et je suis très dépendant des bénévoles, qui font un excellent boulot.

Mais je ne vois pas ça comme un problème, car je bénéficie d'être un visage neuf et mon histoire – un étranger arrivé en Géorgie depuis seulement quelques années, naturalisé et sans aucun lien avec un parti politique – plaît à beaucoup. Certes, rien de cela ne remplace le dur travail du porte-à-porte et de la rencontre avec les électeurs, [de répondre aux] questions difficiles qu'on me pose sur mon programme, et d'élaborer des solutions aux expressions spécifiquement locales de problèmes généraux de la ville. Ça me démange de m'y plonger, et j'ai déjà fait ressemeler mes chaussures pour de longues marches !

Smith à un récent rassemblement à Tbilissi. Photo Open Caucasus Media, partenaire de GV.

GV: Quelles sont les règles en Géorgie pour l'obtention de la nationalité par les étrangers ?

J.A.S: Bien qu'il n'y ait pas de règles juridiques sur la notion de double nationalité en Géorgie, la constitution contient une disposition prévoyant d'accorder la nationalité géorgienne à des citoyens de pays étrangers, par décret présidentiel, si c'est dans l'intérêt de l’État. Je l'avais sollicitée en 2013, il est vrai peu de temps après mon arrivée, et elle m'a été refusée. J'ai fait une nouvelle demande à la fin de l'année dernière quand j'avais déjà commencé à faire des apparitions à la télévision et dans les médias, parlant des problèmes urbains dans notre ville, et j'ai heureusement reçu une réponse positive, et suis devenu citoyen géorgien en février de cette année.

Je pense que c'était probablement le plus beau jour de ma vie jusqu'à présent, celui où je suis devenu officiellement et légalement partie du pays que j'aime tant et que je n'ai pas l'intention de quitter. La citoyenneté compte tellement pour moi que j'ai promis d'utiliser chaque droit et possibilité que confère la nationalité pour faire quelle que chose de bon et de positif pour la société. J'espère que, même si je n’entre pas au Sakrebulo, ma candidature aura au moins montré que ce n'est pas une institution de second ordre – c'est un lieu où des gens rêvent réellement de travailler, et si cela contribue à ce que des politiciens dilettantes redoublent d'efforts, alors tant mieux !

La reconnaissance automatique de la parole pour maintenir en vie le quechua et d'autre langues autochtones

lundi 18 septembre 2017 à 09:53

Capture d'ecran d'une video de YouTube, publiée par l'informaticien Luis Camacho Caballero.

Kuélap n'est pas uniquement un célèbre site archéologique pré-inca des Chachapoyas (peuple des Andes) situé dans le département d’Amazonas au Pérou.C'est aussi le nom donné à l'outil de collecte de données du projet QuechuaASR, dont l'objectif est de créer un système de reconnaissance automatique de la parole (RAP) pour le quechua.

Le Quechua est toute une famille de langues parlées par des populations autochtones vivant essentiellement dans les régions andines d'Amérique du Sud, langues considérées comme en danger par des organisations comme l'UNESCO. Le nombre véritable de leurs locuteurs est difficile à évaluer, et la large domination de l'espagnol dans la région, notamment dans l'enseignement institutionnel, rend difficile pour les locuteurs de quechua de développer leur langue. Les discriminations de toute sorte subies par les populations autochtones figurent parmi les principales causes de vulnérabilité. Il y a des parents qui s'abstiennent d'apprendre le quechua à leurs enfants de peur qu'ils ne puissent s'intégrer dans la société, et d'autres qui le parlent le perdent en migrant dans les grandes métropoles. Comme le raconte Lorenzo Colque Arias, président de l'Académie de la langue quechua à Arequipa :

El habitante arequipeño es muy agresivo cuando escucha a una persona hablar en quechua, lo margina, lo discrimina, y lo peor de todo es que esa misma persona sabe hablar y entiende perfectamente el idioma, es un migrante ya radicado en la ciudad y ahora ya discrimina.

L'habitant d'Arequipa devient très agressif quand il entend quelqu'un parler quechua, il le marginalise, le discrimine, et le pire, c'est que lui-même parle et comprend parfaitement la langue, c'est un migrant déjà enraciné dans la ville et à présent il discrimine.

A la tête de ce projet se trouve l'ingénieur informaticien Luis Camacho. C'est en voyant avec inquiétude l'étendue du travail à accomplir pour éviter que disparaissent certaines langues autochtones d'ici la fin de ce siècle, qu'il a décidé de lancer ce projet. Il l'explique sur sa page Facebook, appelée Atuq Kamachikuq (“atuq” signifiant le renard en quechua) :

Je poursuis mon plus grand rêve : la transcription informatique de toutes les langues andines et amazoniennes.

Dans une publication faite sur Facebook en 2015, Luis Camacho a fait appel à des locuteurs quechua pour enregistrer un minimum de cent mille mots, utilisés au moins par cent personnes. Les cent personnes en question devaient être des locuteurs quechua natifs,et non des personnes qui avaient appris le quechua en seconde langue.

Pour parvenir à ses fins, il a fait appel à des volontaires, quelque soit leur lieu de résidence, pourvu qu'ils soient des locuteurs natifs de langues autochtones. La première étape consistait à leur faire lire à haute voix les textes compilés.

Pour la seconde étape, les volontaires sont chargés de transcrire l'enregistrement audio. Enfin, pour les groupes conversationnels, il a réuni un groupe de personnes pour débattre de différents thèmes de la vie quotidienne, et c'est ainsi que les fichiers audio à transcrire seront enregistrés.

Ce n'est pas le contenu des enregistrements qui constitue l'intérêt principal de l'étude. La clé centrale est la compilation du lexique de façon à former un dictionnaire de voix. Le but de l'étude est d'enregistrer le lexique des langues autochtones pour créer un recueil de mots qui servira à construire une base de données compatible avec le développement des outils informatiques.

Global Voices s'est entretenu brièvement avec Luis Camacho à propos de l'avancée de son projet

Luis Camacho (LC): Nous avons déjà réuni cent heures de corpus de voix et de textes ordonnés en phrases. Nous avons pu obtenir cela grâce à des dons audio par des entreprises de radiodiffusion du sud du Pérou, et aussi grâce à la participation d'un millier de volontaires. J'insiste sur le fait que la construction du Corpus est un processus permanent, et c'est la raison pour laquelle nous avons toujours besoin de dizaines de milliers de volontaires. Tout le monde est bienvenu !

GV:  Quel est l'objectif final de ce projet ?

LC: Le but final est le traducteur automatique. Actuellement, nous travaillons sur la première étape qui est le convertisseur de la voix en texte. Nous nous sommes engagés à lancer cela début 2018.

GV: Quels sont vos plans pour la suite ?

LC: Continuer pour achever le traducteur. J'espère aussi commencer cette année la compilation de corpus d'autres langues, comme l'aymara et l'ashaninka pour démarrer. Parmi mes projets à long terme, je souhaite réaliser la transcription informatique complète de la plupart de nos langues ainsi que de quelques autres langues de pays sud-américains. Mais pour cela j'ai besoin de financements, et je suis en permanence à la recherche de fonds.

Mais ce n'est pas tout : Camacho a aussi proposé de créer un traducteur automatique de quechua/aymara vers le castillan [l'espagnol], l'anglais et le chinois et vice versa. Dans cette vidéo [en espagnol], il nous explique le fonctionnement de l'outil de transcription d'enregistrements audios en quechua :

Si vous souhaitez participer au projet, merci de contacter Luis Camacho à l'adresse mail qichwa@pucp.pe.

Solidarité des internautes africains avec la tragédie des Rohingyas en Birmanie

dimanche 17 septembre 2017 à 21:19

 

Les espoirs étaient grands dans le monde entier que les persécutions contre les Rohingyas allaient cesser avec l'arrivée au pouvoir de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), un parti qui a forcé l'admiration pour son opposition non-violente à la dictature militaire qui gouvernait la Birmanie depuis plusieurs décennies. Cet espoir était d'autant plus justifié que ce parti avait à sa tête Mme Daw Aung San Suu Kyi, lauréate du Prix Nobel pour la paix en 1991, en plus de nombreuses autres distinctions de plusieurs pays et organisations internationales. Malheureusement, une profonde déception a remplacé cet espoir car les souffrances de cette partie de la population birmane n'a fait qu'empirer.

Au-delà de l'engagement pour le respect des droits humains, cette situation n'a pas laissé indifférents les africains, où particulièrement en Afrique de l'ouest, le pourcentage de musulmans dépasse souvent les 90 pour cent. Il s'agit d'un islam tolérant, malgré les tentatives des groupes jihadistes d'imposer leur vision de la foi. Par exemple les Sénégalais, à 95 pour cent de confession musulmane, avaient élu Léopold Sédar Senghor, un chrétien, comme premier président de leur pays.

Le site panafricain pressafrik.com publie une analyse de l'entrepreneur du secteur des médias de Dakar, Bougane Gueye Dany, Président du Groupe BOYGUES, sur les crimes dont sont victimes les Rohingas et dénonce la recherche de la pureté de la race que les religieux et les dirigeants politiques birman recherchent ainsi qu'une apathie de la communauté internationale:

“Rohingya tu n'existes pas”. Ce roman d’Yves Bourni est d'une actualité grave et brûlante. Au moment où l'un des drames les plus ignobles touche ces musulmans birmans, le monde affiche une indifférence coupable qui montre à suffisance une cruauté, illustration d'une indignation à géométrie variable…

Le leader birman, leur principal bourreau, Ashin Wirathu estime que “l'Islam est une religion de voleurs par qu'il permet d'épouser une femme de confession différente, il va même jusqu'à dire publiquement dans des videos qui circulent que les chiens, les alcooliques et les drogués valent mieux que les musulmans…

La communauté internationale a les yeux rivés ailleurs. Ce n’est pas non plus la tasse de thé de la presse africaine particulièrement sénégalaise…

Qui ne dit mot consent. Notre silence est troublant. Où est notre diplomatie ?…

Il faut en parler, il faut s'indigner, il faut les aider.

Le site fr.africanews.com rapporte les propos du prix Nobel pour la paix, le sud-africain Desmond Tutu, grand compagnon de Nelson Mandela, qui a rompu le silence pour exprimer sa profonde tristesse:

“Je suis maintenant vieux, faible et officiellement à la retraite, mais je romps mon voeu de garder le silence en raison de ma profonde tristesse au sujet de la situation désespérée” des Rohingyas, a écrit Mgr Tutu dans une lettre adressée à la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi.

“Si le prix politique à payer pour votre ascension politique en Birmanie est votre silence, le prix est assurément trop élevé (…). Il est incongru pour un symbole de justice de diriger ainsi un pays”, a-t-il estimé…

Mercredi, cette dernière est sortie de son silence pour dénoncer un “iceberg de désinformation” dans la crise dans son pays.

Ahmadou Makhtar Kanté, imam, écrivain et conférencier également de Dakar, au Sénégal, offre un point de vue tirant son inspiration du Coran et rappelant un discours prononcé il y a deux ans:

En 2015, sur invitation de l’ambassadeur du Rwanda au Sénégal, nous avons prononcé un discours lors de la 21ème Commémoration du Génocide (Kwibuka 21) célébrée à Dakar. Qui nous aurait dit qu’en 2017, face au drame qui est en cours en Birmanie, nous aurions recours au même discours assorti de quelques remaniements aux fins d’en faire une contribution adaptée au sujet ?…

C’est après avoir fait le récit de l’épisode fratricide entre les deux fils d’Adam, que le Coran a énoncé deux enseignements éthiques fondamentaux : le crime contre l’humanité et le devoir de la protéger : « (…) C’est pourquoi Nous avons prescrit aux enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque sauve un seul homme, c’est comme s’il avait sauvé tous les hommes (…) » (Coran 5 : 32) Ces versets nous indiquent combien il est grave de refuser à l’autre la dignité d’humain et le droit à la vie.

Le site justiceinfo.net reprend une déclaration du sénégalais Adama Dieng, Conseiller Spécial des Nations Unies sur la prévention du génocide:

Les Rohingyas vivant au Myanmar n’ont pas droit à une identité nationale. Ils ont été dépouillés de  leur citoyenneté. Ils sont apatrides. Pendant plusieurs années, ils ont souffert de pratiques et de politiques sévères de discriminations ainsi que de restrictions touchant à l’exercice de droits fondamentaux, y compris la liberté de mouvement, le droit de se marier et de fonder une famille. Des milliers de Rohingyas déplacés par les violences de 2012 vivent reclus dans des camps de déplacés, tandis que d’autres milliers n’ont eu d’autre choix que de fuir par terre ou mer. Beaucoup d’entre eux se sont retrouvés victimes des réseaux de trafic humain ou ont péri en voulant se rendre dans d’autres pays de la région. Au Myanmar, une campagne dangereuse conduite par des extrémistes proférant des discours de haine antimusulmans et anti-Rohingya pourrait conduire à davantage de violence.

Au Burkina Faso, parmi les médias qui ont commenté la situation en Birmanie, il y a eu netafrique.net:

Le gouvernement birman, au premier rang duquel l’ex-opposante Aung San Suu Kyi, rejette les accusations de l’ONU de possibles « crimes contre l’humanité » commis par l’armée depuis fin 2016 contre les Rohingyas. Traités comme des étrangers en Birmanie, ils y restent apatrides, privés de tout droit, même si certains vivent dans le pays depuis des générations.

Le chercher Nigerian Labaran Yusuf, de Jos, la capitale de l'état du Plateau, au centre du Nigeria, rappelle quelques faits historiques pour souligner l'injustice et l'absence de toute justification pour les persécutions de cette minorité ethnique :

Attacked with impunity, stripped of the vote and driven from their homes, the Rohingya, a Muslim ethnic minority of about 1.3 million in the predominantly Buddhist Myanmar (formerly Burma), are considered as the most persecuted minority in the world.

The Rohingya, according to many historians and Rohingya groups, probably arrived in what was then the independent kingdom of Arakan (now Rakhine) as long ago as the 8th century. They were seafarers and traders from the middle-east and were joined in the 17th century by tens of thousands of Bengali Muslims captured by the raiding Arakanese. “Rohingya” simply means “inhabitant of Rohang”, the early Muslim name for Arakan. The kingdom of Arakan was later conquered by the Burmese army in 1785.

With the British conquest of Arakan in 1825, Arakan and Burma were administered as part of British India. Thousands of labourers from Bangladesh and India migrated to what is now known as Myanmar, and such migration was considered as internal, according to the Human Rights Watch (HRW). However, this migration of labourers was viewed negatively by the majority of the native population.

After gaining independence from Britain in 1948, the Burmese government refused to recognise the Rohingya as Burmese citizens. The government viewed the migration that took place during the British rule as “illegal”, and this led many Buddhists to consider the Rohingya offensively as “Bengali”, a recent invention created for political reasons. After the military coup in 1962, things only worsened for the Rohingya, coupled with the fact that they were only given foreign identity cards, which limited the jobs and educational opportunities they could pursue and obtain.

Les Rohingya, une minorité ethnique musulmane d'environ 1,3 million dans le Myanmar à prédominance bouddhique (anciennement la Birmanie), sont considérées comme la minorité la plus persécutée au monde.

Les Rohingyas, selon de nombreux historiens et associations Rohingya, sont probablement arrivés dans ce qui était alors le royaume indépendant d'Arakan (maintenant Rakhine) dès le 8ème siècle. Ils étaient des gens de mer et des commerçants du Moyen-Orient et ils ont été rejoints au XVIIe siècle par des dizaines de milliers de musulmans bengalis capturés par les raiders Arakanais…

Avec la conquête britannique d'Arakan en 1825, l'Arakan et la Birmanie ont été administrés dans l'ensemble indien britannique. Des milliers de travailleurs du Bengale et de l'Inde ont migré vers ce que l'on appelle maintenant Myanmar, et cette migration était considérée comme interne, selon Human Rights Watch (HRW). Cependant, cette migration des travailleurs a été considérée négativement par la majorité de la population autochtone.

Après l'indépendance d'avec la Grande-Bretagne en 1948, le gouvernement birman a refusé de reconnaître les Rohingya comme citoyens birmans.

Suite à un commentaire que j'ai publié sur ma page Facebook rappellant que lors de ses déboires avec la dictature, des militants pour les droits humains s'étaient battus pour sa libération dans le monde entier, il y a eu plusieurs interventions dont celle de M. Diallo Boubacar:

On s'est battu a l'epoque pour Cette dame de Rangun, pour sa liberation de soi disant captivity de la junte birmane .
A present on est estomaque

Hocine Berkane trouve que ce qui se passe en ce moment en Birmanie est une honte pour toute l'humanité : 

C'est une honte pour toute l'humanité l'être humain a perdu toutes les valeurs qui font de nous des humains privilégiés par Dieu sur toutes ses créatures vivantes nous sommes devenus pire que les bêtes sauvages. On est entrain de revenir à l'âge de la pierre.

Perpétuer l'héritage créatif de Bassel Khartabil

dimanche 17 septembre 2017 à 16:15

Bassel Khartabil (Safadi). Photograph by Joi Ito (CC BY 2.0)

Plus d'un mois après la confirmation de son exécution, les sympathisants continuent d'honorer et de rendre hommage à la mémoire du développeur syrien Bassel Khartabil Safadi.

Précurseur actif de la technologie ouverte en Syrie dans des projets tels que Creative Commons et Wikipedia, Bassel joua un rôle central dans la généralisation de l'accès à internet et du savoir libre au public en Syrie. Arrêté par le régime Assad le 15 mars 2012, il disparut de sa cellule de prison en octobre 2015. Le 31 juillet, 2017 sa famille apprit qu'il avait été exécuté par le gouvernement syrien peu après sa disparition.

Depuis lors, les amis, les collègues et les admirateurs de Bassel et des valeurs qu'il défendait ont trouvé de multiples façons d'honorer sa mémoire et ils continuent de soutenir le type de travaux qui l'inspiraient le plus.

Bassel a été évoqué lors du Syrian New Waves, un programme syrien de films, d'art visuel, de musique et de discussions qui s'est déroulé au Eye Film Museum d'Amsterdam du 8 au 10 septembre.

Dans son discours d'ouverture, la responsable de la manifestation Donatella Della Ratta, une intellectuelle écrivaine qui était une amie proche de Bassel, décrivit comment Bassel commença à filmer ce qui se passait, lorsque la révolution éclata en Syrie :

Je l'ai rencontré il y a plusieurs années à Damas devant un ordinateur. Il était le plus brillant ingénieur en informatique que j”aie jamais rencontré. Il était aimé de tous et sollicité par de nombreuses entreprises de la Silicon Valley.

Lorsque la révolte débuta en Syrie en 2011, j'y étais, je l'ai vu passer de l’ adorable et futé fana d'informatique qu'il était au citoyen très engagé d'un pays qui essayait d'opérer une très grande mutation. Il prit ceci, la camera du téléphone et commença à filmer, devenant ainsi l'un de ceux qui filmaient, téléchargeaient et partageaient en permanence parce qu'ils voulaient que le monde voie ce qui se passait dans un pays qui avait juste oser demander plus de liberté et de dignité : des besoins très élémentaires.

Elle continue :

Comme Bassel, tant de jeunes Syriens avaient pris le téléphone mobile comme arme de combat dans leur lutte contre le régime qui les avait traités comme des gens armés ennemis du pays .

Bassel aimait son pays et [il] a été tué par un régime qui le qualifia de traître pour avoir révélé au monde qu'il se passait effectivement quelque chose qu'on appelait une révolution pacifique en Syrie. Bassel voulait que le monde n'ignore pas et n'oublie pas la Syrie. Il voulait des témoignages vivants des atrocités commises par le régime et alors il prit des images. Il mourut pour la production de preuves par l'image, tandis que le régime bien vivant et en grande forme essaie de se débarrasser de toutes ces images et de ce ceux qui les produisent…

Le programme vise à promouvoir le travail d'une nouvelle vague de cinéastes et artistes visuels syriens “mettant la production contemporaine d'images en Syrie dans une perspective plus large que la considération d'une simple preuve visuelle d'un pays déchiré par la guerre.”

Un certain nombre d'organisations à but non lucratif dont Wikimedia Foundation, Mozilla et Creative Commons ont annoncé la Bourse Free Culture Bassel Khartabil pour magnifier les contributions de Bassel au concept de l'internet libre et gratuit. La bourse “va soutenir des personnalités exceptionnelles qui développent la culture de leurs communautés dans des circonstances défavorables” et encourage fortement les candidatures de la région du Moyen Orient. Global Voices figure parmi les organismes partenaires de la bourse.

Creative Commons a aussi mis en place Le Fonds commémoratif Bassel Khartabil d'appui aux “projets, programmes, et subventions aux individus faisant progresser la collaboration, le développement, et le leadership dans les communautés ouvertes du monde arabe”.

Bassel Khartabil était vraiment un formidable allié. Merci. Soutenez ici le Fonds commémoratif Bassel Khartabil. 21 août 2017, Montréal, Québec

Des hommages à Bassel ont aussi été donnés sous forme de chansons. Le 5 septembre, the Disquiet Junto, une communauté ouverte de musiciens a lancé “A Future In Commons: A Tribute To Bassel Khartabil,” une compilation de chansons composées durant des années incorporant des mots de Bassel, ses lettres et même sa propre voix.

Le groupe décrit l'album comme un essai d'extrapolation “dsonore du langage poétique de ses lettres” et de perpétuation “de son histoire même après sa mort.” Voici deux chansons que nous avons choisies de l'album :