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La démocratie albanaise suspendue à un fil : l'opposition quitte le parlement et lance des manifestations de masse

vendredi 1 mars 2019 à 09:23

Manifestation de l'opposition albanaise à Tirana, le 21 février 2019. Photo aimablement communiquée par Ivana Dervishi/BIRN Albania, utilisée avec autorisation.

Des milliers d'Albanais ont participé à un rassemblement organisé par l'opposition le 21 février dans la capitale Tirana. Ils exigeaient de nouvelles élections après qu'une enquête de la Voix de l'Amérique et du Réseau de journalisme d'investigation des Balkans (BIRN) a affirmé que des responsables gouvernementaux auraient trempé avec des gangs criminels dans une combine d'achats de votes aux élections de 2017.

Le rassemblement a culminé avec la démission de 57 députés d'opposition du Parti démocrate et du Parti du mouvement socialiste pour l'intégration. Le parlement étant en congé pour la journée, les députés ont rejoint les manifestations, devant lesquelles ils ont prononcé des discours dénonçant la supposée combine d'achats de voix. Ils ont déclaré abandonner leurs mandats “pour les rendre au peuple et redevenir simples citoyens”.

L'UE et les autres puissances occidentales ont critiqué la décision des législateurs. Membre de l'OTAN, l'Albanie vise à démarrer en 2019 les négociations pour une pleine adhésion à l'UE.

Le récit de la Voix de l'Amérique et du BIRN a soufflé sur les braises d'une relation déjà carbonisée entre gouvernement et opposition. Le Parti socialiste est arrivé au pouvoir en 2013 et a introduit depuis lors de vastes réformes, dont une de la justice – soutenue par l'opposition — indispensable à l'accès de l'Albanie dans le giron de l'UE. Pourtant, l'opposition prétend que le Premier Ministre Edi Rama a subverti le système en captant les institutions de l'Etat de manière à pouvoir régner sans contre-pouvoirs.

A ce jour, le Procureur général d'Albanie n'a pas encore ouvert d'enquête officielle sur les allégations de la VoA et du BIRN.

Le rassemblement du 21 février a été l'un des plus grands à s'être tenus en  Albanie depuis les années 1990. Il succédait à une autre manifestation de masse du 16 février, marquée par des violences mineures contrées par la police avec des gaz lacrymogènes. La manifestation du 21 février a été pacifique, pourtant les autorités ont coupé l'internet et le signal téléphonique pendant plusieurs heures, empêchant les journalistes de transmettre en direct l'événement.

Si l'opposition décide de persister dans son boycott, ce sera la première fois depuis la chute du communisme en 1992 que l'Albanie aura un parlement dominé par un parti unique.

L'UE et les USA condamnent les dénonciations

Les représentants de la Commission européenne Federica Mogherini et Johannes Hahn ont publié une déclaration le 21 février exhortant l'opposition à ne pas boycotter le processus politique et condamnant les violences verbales dont ont fait étalage certains députés de l'opposition lors des manifestations.

Lisez ma déclaration commune avec Federica Mogherini dans les derniers développements en Albanie. Nous dénonçons fermement toute rhétorique de responsables politiques appelant à la violence. L'abandon de mandats fait obstacle à la démocratie et sape les progrès sur le chemin vers l'UE.

L'ambassade américaine s'est montrée directe en appelant “tous les députés à s'élever au-dessus de la mêlée politique, à rejeter les incitations à abandonner leurs mandats, et à défendre les idéaux et principes au centre de toute démocratie vivante. Si on manque à ses obligations, on manque aux personnes que l'on a le privilège de servir”. La déclaration officielle ajoutait :

Furthermore, the decision by the opposition to relinquish their mandates seriously hinders the functioning of democracy in Albania. The Parliament is the place where reforms and relevant developments should be discussed and taken forward, not boycotted. These decisions and acts are counterproductive, go against the democratic choice of Albanian citizens and undermine the progress the country has made on the European Union path.

De plus, la décision de l'opposition d'abandonner ses mandats entrave sérieusement le fonctionnement de la démocratie en Albanie. Le Parlement est le lieu où les réformes et les développements pertinents doivent être discutés et avancés, et non pas boycottés. Ce sont des décisions et actes contre-productifs, qui vont à l'encontre du choix démocratique des citoyens albanais et sapent les progrès que le pays a faits sur le chemin de l'Union européenne.

Le chef de l'opposition Lulzim Basha a répliqué à ces déclarations dans un discours :

Ask me whatever you want and I will do so. But do not ask me to accept for my people someone you would not accept for your people! We want for our country what is demanded from our European and American allies. We are not the people of violence, we will never accept a PM gangster caught in the act of buying votes.

Demandez-moi tout ce que vous voulez et je le ferai. Mais ne me demandez pas d'accepter pour mon peuple ce que vous n'accepteriez pas pour le vôtre ! Nous voulons pour notre pays ce qui est exigé de nos alliés européens et américains. Nous ne sommes pas le peuple de la violence, nous n'accepterons jamais un premier ministre gangster pris sur le fait d'acheter des votes.

De nombreux militants et analystes sont d'accord sur le fait que la démocratie albanaise a régressé depuis la réforme du code électoral de 2008, qui a troqué le système électoral mixte contre une proportionnelle régionale, tout en contractant simultanément les 40 zones de l'électorat en seulement 12. Les plus grands partis ont bénéficié du système, et les critiques affirment que le processus législatif qui a accouché de la réorganisation a été mené de manière opaque.

L'apathie politique est par ailleurs endémique en Albanie : les sondages indiquent que 62 % des citoyens ne font pas confiance aux actuels partis politiques. Une étude a montré que le chômage des jeunes en Albanie est le plus élevé d'Europe, et une autre, qu’un Albanais sur deux aimerait émigrer dans un pays plus riche.

Alors que l'opposition pénètre en territoire inconnu, reste à savoir si la majorité réagira de façon constructive pour trouver une issue à l'impasse.

Note rectificative : Une version précédente de cet article décrivait de façon erronée la coalition entre le Parti démocrate et le Parti du mouvement socialiste pour l'intégration comme une “coalition de droite” ; le Mouvement socialiste pour l'intégration est un parti penchant à gauche. De même, une précédente version affirmait  de façon erronée que l'opposition prétend que la réforme judiciaire “profite aux magistrats pro-gouvernement”. Les deux phrases ont été supprimées.

Le film que vous avez envie de voir fait-il la promotion de la masculinité toxique ? Demandez à Mango Meter

mercredi 27 février 2019 à 14:56

Le 16 février 2019, Magdalene, un magazine féministe indonésien également partenaire de Global Voices, a lancé Mango Meter, une application mobile de revue cinématographique pour traiter de la représentation des genres dans l'industrie du cinéma.

Comme le remarque l'équipe de Mango Meter, le septième art est l'un des “médias les plus efficaces pour diffuser les normes et les valeurs dans la société”. Les films “renforcent largement les stéréotypes sexistes et raciaux, font des femmes des objets sexuels et normalisent la violence sexiste car l'industrie cinématographique affirme ne satisfaire que les exigences du marché”.

mango meter mobile app

Captures d'écran de l'application mobile Mango Meter.

Ces effets sont devenus particulièrement visibles en 2018, lorsque la série d'allégations d'abus sexuels contre le producteur Harvey Weinstein a déclenché les mouvements #MeToo (#BalanceTonPorc en français) et Time's Up, lancé par des scénaristes, des producteurs et des actrices en réponse à la culture toxique d'Hollywood sur les abus sexuels, les stéréotypes et la discrimination.

Inspirée par Rotten Tomatoes, célèbre site d'évaluation de films, l'équipe a nommé l'application Mango Meter en hommage à l'un des fruits préférés de l'Asie. Selon les créateurs de l'application, un film féministe incarne l'inclusion et la diversité, a des personnages féminins forts qui ne sont pas simplement liés par des normes sociétales comme le mariage et la maternité, et dépeint des relations saines. Le système de classification de l'application note chaque film sur une échelle de 1 à 5, une mangue indiquant que le film se situe à l'extrémité sexiste du spectre et cinq mangues signifiant qu'il respecte pleinement les normes féministes.

L'application mobile est le fruit du travail d'un groupe de journalistes féministes, de militantes et d'universitaires de six pays asiatiques, dont la rédactrice en chef de Magdalene, Devi Asmarani.

S'adressant à Global Voices, Devi Asmarani déclare :

We spent a lot of times debating the best statements to apply to the rating system, before we all agreed on the set of 11 statements that represent a host of concerns, from representation of women, agency, the concept of beauty, sexuality, relationship and proportional representation of marginalized communities.

Nous avons beaucoup discuté des meilleurs énoncés à appliquer au système d'évaluation avant de nous entendre à l'unanimité sur l'intégralité des 11 énoncés qui représentent une foule de préoccupations, notamment la représentation des femmes, le pouvoir, le concept de beauté, la sexualité, les relations et la représentation proportionnelle des communautés marginalisées.

Les créatrices de l'application Mango Meter, avec l'aimable autorisation de Magdalene.

En réponse à la question de savoir pourquoi les gens devraient utiliser l'application, les créatrices déclarent :

Let the film industry know that we do not buy tickets to their movies for misogynist, gender and diversity-insensitive content. One opinion at a time would validate someone else who is thinking just like you. We have every right to enjoy entertainment that does not demean us, and we certainly have a right to voice our views and opinions.

Faites savoir à l'industrie cinématographique que nous n'achèterons plus de billets pour des films au contenu misogyne, insensibles au genre et à la diversité. Une opinion à la fois validerait quelqu'un d'autre qui pense comme vous. Nous avons tout à fait le droit de profiter d'un divertissement qui ne nous rabaisse pas, et nous avons évidemment le droit d'exprimer nos points de vue et nos opinions.

Le développement de l'application Mango Meter a été soutenu par le bureau de la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) pour la coopération régionale en Asie. L'application est disponible sous iOS et Android.

@ActLenguas: Onésimo Cruz Mejía rêve d'une immersion en mixtèque, du 25 février au 3 mars 2019

mercredi 27 février 2019 à 14:27

Foto proprocionada por Onésimo Cruz

En 2019, nous avons décidé d'inviter différents hôtes à piloter le compte Twitter @ActLenguas (activisme linguistique) et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion de leur langue natale. Cette semaine, nous nous sommes entretenus avec Onésimo Cruz Mejía (@unanzii65).

Rising Voices (RV): Pouvez-vous nous parler de vous ?

Soy Onésimo Cruz Mejía, soy originario de San Jerónimo  Xayacatlan, Puebla y hablante del tu’un savi (mixteco) variante frontera Puebla-Oaxaca, tecnólogo de profesión, miembro de activistas digitales en lenguas indígenas  y hemos posicionado lo relativo a nuestras lenguas en espacios virtuales como el Facebook, Twitter, Blog, Youtube, WhatsApp.

Je m'appelle Onésimo Cruz Mejía, et je viens de San Jerónimo Xayacatlán, dans l'État de Puebla, au Mexique. Je parle la variante de tu'un savi (mixtèque) de la frontière entre les États de Puebla et d'Oaxaca. Je suis technicien de métier et membre de groupes de militantisme linguistique numérique. Nous avons introduit notre langue dans des espaces virtuels tels que Facebook, Twitter, des blogs, YouTube et WhatsApp.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

En internet la situación de la variante de mi lengua se está fortaleciendo con escritos y comunicación auditiva WhatsApp y Messenger, sin embargo  en la vida diaria en la comunidad o en la ciudad sigue a la baja, solo las personas de edad adulta lo hablan y el espacio en que se utiliza es mínimo.

La variante de ma langue est renforcée sur Internet grâce aux communications écrites et orales sur WhatsApp et Messenger. Cependant elle continue de s'affaiblir dans la vie courante, dans les communautés ou en ville. Seuls les adultes la parlent et les espaces dans lesquels elle est utilisée sont minimes.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur @ActLenguas ?

No soy muy experto en twittear pero mi intención es compartir twitts sobre la situación de riesgo de mi lengua y de las que me he dado cuenta que están recuperando, quiero exponer de cómo había en el sexenio pasado programas en lengua  y sobre lenguas indígenas conducidos por amigos en la radio gubernamentales y ahora han desaparecido.

Je ne suis pas vraiment un expert de Twitter, mais j'ai l'intention de partager la situation risquée dans laquelle le tu'un savi se trouve et dont je me rends compte qu'il se rétablit. Je veux expliquer qu'il existait des programmes sur la radio nationale ces six dernières années, menés par des amis, conduits en tu'un savi et sur les langues autochtones. Mais maintenant, ces programmes ont disparu.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour le tu'un savi ?

Me motiva mucho ver que muchos jóvenes de pueblos originarios están dando mucho de qué hablar en diferentes ámbitos y en las redes sociales con proyectos muy importantes como el caso de Luis Flores (Lenguas indígenas en la web). Respecto a mi lengua mi sueño es poder ofrecer cursos de aprendizaje de inmersión total y contar con los recursos económicos para hacerlos.

Je suis très motivé de voir que de nombreux jeunes gens de communautés autochtones ont beaucoup à dire dans différents domaines et sur les réseaux sociaux, avec beaucoup de projets importants comme dans le cas de Luis Flores (Langues autochtones sur Internet). En ce qui concerne ma langue, mon rêve est de pouvoir offrir des cours en immersion totale, et aussi d'avoir les moyens économiques de le faire.

Le dilemme des féministes de la “Nouvelle Arménie” : changer le système de l'intérieur ou de l'extérieur ?

mercredi 27 février 2019 à 09:23

Des femmes manifestent à Erevan pendant la révolution de velours. (Mari Nikuradze/OC Media)

Le texte qui suit est un article d’OC Media écrit par Knar Khudoyan et est republié par Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat. 

Alors que des femmes toujours plus nombreuses choisissent d'entrer en politique dans la ‘Nouvelle Arménie’ révolutionnaire, le débat fati rage dans les cercles féministes du pays : comment le mieux transformer les systèmes patriarcaux de l'Arménie : en interne ou externe ?

“Ce sont les méthodes de la Révolution de velours, c'est-à-dire la centralisation, l'horizontalité, qui ont permis aux femmes de participer. Nul besoin de pousser les femmes à entrer dans l'arène politique : cela s'est passé naturellement.” C'est ainsi que la féministe Maria Karapetyan, qui a contribué à l'organisation du mouvement ‘Rejetez Serge’ qui a mis fin à des décennies de règne du Parti républicain, résume le rôle des femmes dans la révolution.

Alors que beaucoup de femmes ont encore la chair de poule au souvenir du célèbre discours “Longue vie mes sœurs” de Karapetyan sur la place de la République d'Erevan le 18 Avril 2018, elle a pris la décision, qu'elle dit avoir été difficile, de rejoindre la Parti du contrat civil et de candidater au Parlement.

Karapetyan n'est pas la seule femme à penser que la Révolution de velours doit continuer à l'intérieur des institutions étatiques et des exécutifs locaux. Les premières élections post-révolutionnaires dans le pays, celles à la mairie et au conseil municipal d'Erevan du 23 septembre à Erevan, ont vu une multitude de militantes rejoindre l'Alliance Mon Pas appuyée par le Premier ministre Nikol Pachinyan.

Maria Karapetyan (Anahit of Erebuni)

Mais un sous-groupe de féministes radicales en Arménie estiment que la collaboration avec l’État va à l'encontre de l'objectif du féminisme qu'est la libération des femmes. Pour elles, l’État est le protecteur de la propriété privée et de la famille (la propriété appartient aux hommes, et la famille est le lieu principal de l'exploitation des femmes).

Elles défendent au contraire que le combat pour les femmes en tant que “classe sexuée” doit se faire en autonomisant les communautés de femmes et en créant des modèles coopératifs de relations sociales, et non par des succès individuels de femmes qui ont réussi à briser le plafond de verre.

Patriarcat à visage humain

Le nouveau Premier ministre Nikol Pachinyan a été clair sur l'égalité de genre. Soulignant le rôle des femmes dans son discours du 8 mai, le jour de sa nomination, Pachinyan a dit que “la participation massive des femmes est un facteur qui nous a permis d'appeler ce qui a eu lieu une révolution de ‘solidarité et d'amour”' .

Mais il y a ajouté quelque chose qui a fait sursauter les féministes de tout le pays. “La révolution a prouvé que la participation active des femmes [en politique] est compatible avec notre identité nationale, notre sentiment national de la famille”.

La plupart des féministes concèdent que le nouveau pouvoir n'est pas encore tout à fait instruit sur ce en quoi  consistent les mouvements de femmes. Mais beaucoup se veulent indulgentes, du moins pour le moment, convaincues que combattre le risque d'une contre-révolution est une priorité.

“Certes, les membres du nouveau gouvernement sont les produits de la même société patriarcale. Ce sont des individus patriarcaux eux aussi. La différence est qu'eux sont prêts à écouter, à s'éduquer, à collaborer avec la société civile, au contraire de leurs prédécesseurs”, dit Lara Aharonyan, co-fondatrice du Centre de ressources des Femmes à Erevan.

De l'avis d'Aharonyan, pour que les femmes participent, l’État doit d'abord faire quelques avancées. Une d'elles serait, dit-elle, d'augmenter les quotas électoraux de genre pour atténuer le déséquilibre au parlement.

“Les femmes doivent être présentes pour parler de leurs besoins. Et si les femmes sont plus de la moitié de la population, pour la justice et pour l'égalité de représentation, les femmes doivent constituer 50 pour cent du parlement”, plaide Aharonyan.

Troquer le militantisme contre la politique de parti

La députée Lena Nazaryan salue les manifestants rassemblés devant le bâtiment du parlement, le 2 octobre 2018. (/Ruben Arevshatyan)

Longtemps avant la révolution de velours, une importante alliée de Pachinyan, Lena Nazaryan, a été parmi les premières femmes à troquer le militantisme pour l'activité dans un parti. Fervente militante écologiste et journaliste critique depuis de nombreuses années, Nazaryan a participé à la fondation du parti du Contrat civil de Pachinyan en 2015.

Nazaryan a ensuite grimpé les échelons du parti jusqu'à conduire la faction Way Out (‘Sortie’) au Parlement. Exemple à suivre pour de nombreuses jeunes femmes, elle est souvent harcelée par des adolescentes en quête de selfies.

“Je n'aime pas que les femmes soient présentées comme faibles, comme s'il fallait les pousser à être actives. Non, elles doivent être présentes parce qu'on a besoin des femmes. Et quand elles le sont [présentes], elles doivent le prouver par leur travail”, dit Nazaryan.

Transformer les relations sociales, pas les femmes en tant qu'individus

La plupart des féministes radicales d'Arménie qui refusent de se compromettre avec le pouvoir ne condamnent pas pour autant les femmes faisant le choix inverse.

“Je ne dis pas que les femmes ne doivent pas s'engager en politique, je dis que leur participation ne doit pas être une fin en soi”, précise la féministe Anna Shahnazaryan.

“Si une femme entre au parlement, elle doit questionner la façon dont les décisions y sont prises. si une femme entre dans une institution pour la démanteler de l'intérieur, pour la rendre plus démocratique et centrée sur l'humain, j'encourage cela.”

“Personnellement ça ne m'intéresse pas que le maire d'Ejmiatsin soit une femme si elle ne représente pas son genre […] Le ministre du Travail et des affaires sociales est une femme, Mane Tandilyan, mais c'est pour moi un problème qu'elle ne s'élève pas contre le travail non payé des femmes au foyer.”

Galfayan met en garde contre le “piège” d'être utilisée comme une femme politique alibi.

“Les femmes sont utilisées pour remplir des quotas, pour donner de faux espoirs que ça aille mieux”, dit-elle.

A une manifestation pendant la révolution de velours (Mari Nikuradze/OC Media)

Elle dit que dans l'ensemble, le système est “essentiellement hiérarchisé ; les hommes (surtout ceux hétérosexuels riches), ont des positions privilégiées dans ces hiérarchies depuis une éternité, et de ce fait les femmes ont beaucoup de mal à faire partie du “club”. Au final, même les rares femmes qui parviennent au sommet doivent toujours servir les intérêts de ce système hiérarchisé et injuste.”

“Je préfère travailler au démantèlement de ce système plutôt qu'à lui donner une figure souriante. Je préfère soutenir et renforcer des systèmes que je pense être réellement justes et libérateurs”, dit Galfayan.

Démanteler le patriarcat de tous côtés

Néanmoins, la plupart des féministes en Arménie conviennent qu'il n'y a pas de dichotomie à “être une féministe réformiste ou radicale”, et que le changement est toujours venu de l'action des deux forces ensemble. Elles rappellent le mouvement des suffragettes dans la Grande-Bretagne du 19ème siècle, dans lequel les mouvements militants de femmes travaillaient de concert avec les groupes féministes conservateurs.

Peu de femmes politiquement actives en Arménie contesteront que la révolution doit se poursuivre, et que le célèbre slogan féministe “Ce qui est personnel est politique” sonne toujours vrai. Certaines se centrent sur le ‘ce qui est personnel’ de la phrase; et travaillent dur sur elles-mêmes dans une bataille inégale avec les hommes, pendant que d'autres luttent pour transformer les relations sociales existantes.

Netizen Report : Le Bangladesh et la Corée du Sud lancent une « guerre contre la pornographie »  et ouvrent la voie à la censure

mardi 26 février 2019 à 11:07

Photo par Cory Doctorow. (CC BY-SA 2.0)

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de technologie et de droits de l’homme dans le monde. Cette édition couvre des informations et événements qui concernent la période du 15 au 21 février 2019.

Au cours de la semaine dernière, les autorités du Bangladesh et de la Corée du Sud ont annoncé leur intention de renforcer la lutte contre la pornographie et d’autres contenus que ces pays considèrent comme répréhensibles.

Les autorités bangladaises de régulation des télécommunications ont interdit plus de 18 000 sites web au contenu supposément pornographique ou obscène. Sur une liste de sites ciblés, envoyée aux fournisseurs d’accès Internet, puis rendue publique, figuraient Somewherein.net, la plus grande plateforme de blogging en langue bengali, et Google Books. Le ministre des postes et des télécommunications, Mustafa Jabbar, a qualifié cette initiative de « guerre » contre la pornographie.

Alors que des utilisateurs indiquaient ne pas être en mesure d’accéder à leurs blogs, Somewherein.net a publié une information le 18 février qui indiquait que la plateforme fonctionnait correctement et qu’elle n’avait pas reçu de notification officielle au sujet d’une interruption de service. Bien qu’il figure sur une liste officielle de sites interdits, il était accessible dans le pays le 22 février.

Créé en 2005, Somewhere in Blog ou Badh Bhangar Awaaz (The Voice of Breaking Barriers) a été le premier site de blogging public conçu pour la langue bengalie. En moyenne, 60 000 blogueurs y publient des articles ou des commentaires chaque jour.

En plus de ces sites, et des sites qui contiennent du matériel pornographique explicite, un certain nombre d’utilisateurs de médias sociaux très en vue ont été invités par les autorités gouvernementales à supprimer leur compte ou des publications précises.

Entre-temps, en Corée du Sud, la Commission nationale en charge des normes de communication a publié le 12 février un communiqué de presse qui confirme les soupçons d’experts en technologie sur l’utilisation de nouvelles méthodes sophistiquées pour identifier et bloquer la pornographie et les contenus piratés. Au moyen d’une technique de surveillance du protocole SNI, les autorités sont désormais en mesure de bloquer le contenu HTTPS avec une facilité croissante.

La production et la diffusion de contenus pornographiques sont illégales en Corée du Sud, et ce pays réglemente fortement les droits de propriété intellectuelle, notamment grâce à l’accord commercial avec les États-Unis. Cependant, les experts et les défenseurs de la liberté d’expression avertissent que cette nouvelle approche pourrait conduire à la censure de sites qui ne contiennent pas de pornographie et ainsi commencer à restreindre l’accès à l’information et la liberté d’expression.

Une pétition a été lancée sur le site web du président sud-coréen Moon Jae-in. Les signataires condamnent cette stratégie de filtrage du contenu, qu’ils considèrent agressive et coûteuse. Ils l’associent à un gaspillage d’argent des contribuables, car les internautes se tourneront probablement vers les VPN et d’autres types d’outils de contournement pour accéder aux sites qui les intéressent. La pétition compte plus de 250 000 signatures.

YouTube bloqué une fois de plus au Venezuela

Le Venezuela se trouve dans une impasse politique depuis la mi-janvier, lorsque Juan Guaidó, membre de l’opposition, s’est autoproclamé président, dans un acte de contestation du président Nicolas Maduro. Plusieurs vagues de protestations et d’affrontements entre les manifestants de l’opposition et l’armée dirigée par Maduro ont coïncidé avec une série de coupures d’accès internet.

Les 19 et 20 février, le groupe de recherche technique local VE Sin Filtro a annoncé que YouTube était bloqué pour tous les abonnés du plus grand fournisseur d’accès Internet du pays, l’entreprise publique CANTV. Il indiquait que, dans le cas présent, contrairement aux coupures précédentes de la plateforme vidéo, d’autres services Google tels que Gmail et Google Drive ne semblaient pas affectés.

Facebook et VK rétablis en Ouzbékistan, à temps pour une conférence sur l’accès à Internet

Facebook, YouTube et le site russe de médias sociaux VKontakte fonctionnaient à nouveau en Ouzbékistan le 19 février, juste à temps pour une conférence de deux jours sur la connectivité Internet en Asie centrale. Les trois sites faisaient l’objet d’un blocage depuis septembre 2017 et les utilisateurs se demandent si le blocage a été levé pour de bon ou s’il s’agit d’une mesure temporaire au bénéfice d’importants délégués de pays voisins venus pour la conférence.

Le régime autoritaire de l’Ouzbékistan s’est quelque peu relâché sous le président Shavkat Mirziyoyev et Facebook est devenu l’un des endroits où les citoyens peuvent discuter des changements qui se produisent dans la société, pour autant qu’ils sachent se servir d’un VPN.

Les autorités pakistanaises ciblent l’activisme anti-saudien et les discours haineux

Le 21 février, le ministre pakistanais de l’Information et de la Radiodiffusion, Fawad Chaudhry, a annoncé son intention de sévir contre les discours haineux en ligne, notamment sur les réseaux sociaux, et suggéré que la surveillance des médias sociaux contribuerait à enrayer ce problème. Ce type de discours constitue une infraction pénale en vertu de la loi pakistanaise sur les crimes électroniques, mais cette loi de 2016 n’offre pas de définition concrète du « discours haineux ». Aussi, des experts craignent que cette omission puisse conduire à une interprétation trop large.

Suite à la visite au Pakistan du prince héritier saoudien Mohammad Ben Salmane, le ministère de l’Intérieur a ordonné aux autorités compétentes de bloquer les pages des médias sociaux de cinq groupes associés aux musulmans chiites, dont deux groupes étudiants. L’ordonnance alléguait que les pages des groupes publiaient de la « propagande » contre une délégation « VVIP » en visite au Pakistan. Les personnes visées présument que la délégation en question était celle du prince héritier.

Opposition au système national d’identification numérique kenyan

La Commission non gouvernementale des droits de l’homme du Kenya a déposé un recours judiciaire contre le projet de construction d’un système national d’identification numérique, approuvé le 31 décembre 2018. En vertu de la nouvelle loi modifiée, pour bénéficier des services publics, les citoyens seraient tenus de s’enregistrer dans le « Système national intégré de gestion de l’identité » et de fournir plusieurs données personnelles à des fins d’authentification, notamment leur nom, photo, sexe, date de naissance, citoyenneté, numéro de téléphone, adresse électronique, résidence physique et permanente, ainsi qu’état civil.

Jackson Awele, conseiller auprès de la Commission kenyane des droits de l'homme a fait valoir devant la Cour que le système viole le droit constitutionnel des citoyens à la vie privée, car il « permet à l’État d’exiger des citoyens toutes sortes de renseignements privés, y compris des informations génétiques, sans leur consentement » et ne donne aucune assurance en matière de protection de ces données contre une utilisation abusive ou le vol.

Base de données de vidéosurveillance ouïghoure disponible sur Internet

Le chercheur néerlandais Victor Gevers, spécialiste de la sécurité sur Internet, a découvert une immense base de données de vidéos de surveillance de Chine occidentale, accessible à tous. M. Gevers a alerté les autorités chinoises, après en avoir examiné le contenu, qui comprenait les données personnelles de plus de 2,5 millions de personnes ainsi que leur localisation estimée au moyen des images de caméras de surveillance et des données de localisation de téléphones mobiles.

Toutes les coordonnées géographiques qui figurent dans le système correspondent à la région du Xinjiang en Chine occidentale, dont le gouvernement central est connu pour ses programmes agressifs de surveillance et de détention visant les musulmans ouïghours et d’autres groupes ethniques minoritaires.

Internet menacé par la directive européenne sur le droit d’auteur

Une réforme historique du droit d’auteur, qui bouleverserait radicalement la dynamique des grandes plateformes de contenu, progresse dans le processus législatif de l’UE et pourrait être soumis à un vote dès la mi-mars.

Bien que le texte final doive encore être débattu, les projets de la directive exigeraient que les plateformes telles que YouTube évaluent la propriété d’un contenu, qu’il s’agisse d’une vidéo, d’audio, de texte ou d’image – avant que l’utilisateur puisse mettre un fichier en ligne. Une autre disposition obligerait les éditeurs à but lucratif à payer les sources en ligne pour les citer. Bien que les éditeurs à but non lucratif seraient exemptés de cette exigence, une telle clause découragerait probablement de nombreux sites d’inclure des liens vers des ressources en ligne utiles.

Abonnez-vous au Netizen Report par courriel

 

Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, Mohamed ElGohary, Rohith Jyothish, Oiwan Lam, Talal Raza, Rezwan, Chris Rickleton, Taisa Sganzerla et Sam Woodhams ont contribué à l’élaboration de ce rapport.