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Serbie : une mobilisation sociale au lycée

dimanche 2 juin 2013 à 16:28

Comme preuve de la prise de conscience et d'une meilleure compréhension des difficultés économiques que les jeunes rencontrent aujourd'hui, les élèves d'une classe de terminale d'un lycée de la ville de Pirot [fr] dans le sud de la Serbie ont pris une décision très responsable et humaine.

En Octobre 2012, les élèves de la 4e année de l'école secondaire Pirot (Pirotska Gimnazija) ont calculé qu'ils auraient à dépenser environ 500 euros en moyenne pour acheter des robes, costumes et tout ce qui va avec pour leur bal de fin d'étude. Ils ont décidé que c'était beaucoup trop à dépenser pour une nuit qui ne signifierait pas beaucoup pour eux dans l'avenir. Ensemble, et avec le soutien de leurs enseignants, de leurs parents et d'autres personnes, ils ont décidé de porter des T-shirts noirs simplement (pour les garçons) et blancs (pour les filles) à leur bal et de donner l'argent qu'ils auraient dépensé à trois enfants handicapés de leur communauté.

Les élèves de la terminale du lycée de Pirot lycée devant leur école le jour de la remise des diplômes. Photo courtoisie de "Tvojih pet minuta sjaja - Nečiji ceo život" (Tes cinq minutes de de générosité - pour toute une vie"

Les élèves de la terminale du lycée de Pirot lycée devant leur école le jour de la remise des diplômes. Photo courtoisie de “Tvojih pet minuta sjaja – Nečiji ceo život” (Tes cinq minutes de gloire – toute la vie pour quelqu'un d'autre)

Ils ont baptisé leur initiative Tes cinq minutes de gloire – Toute la vie de quelqu'un et décidé de faire une collecte de fonds pour Predrag Potić, de 12 ans, atteint de paralysie cérébrale, Mateja Lazarević d'un an, qui a subi sept opération chirurgicales jusqu'ici, et à Čeda Tošić, de cinq ans qui souffre également d'une infirmité motrice cérébrale qui, après une intervention récente, a commencé à marcher.

Ces diplômés exemplaires expliquent [sr] sur leur page Facebook [sr]:

Није нам било лако, нарочито када су одмицали дани и схватали озбиљност овакве организације. Настала је, истовремено, као жеља да се помогне некоме и бунт против кича који је захватио наше друштво. Новац је сакупљан уплатама ученика и запослених у Гимназији, захваљујући донаторима[...] као и неких добрих људи, и сакупили смо 310 000 динара.

Ce n'était pas facile, d'autant plus que les jours passaient et nous réalisions la gravité de ce type d'organisation. Dans le même temps, il y avait un désir d'aider quelqu'un, et une rébellion contre le kitch qui a marqué notre société. L'argent a été collecté grâce à des dons des étudiants et des employés du lycée de [Pirot], grâce aux donateurs [...] ainsi que quelques autres personnes généreuses, nous avons recueilli 310.000 dinars [environ. 2.800 Euros].

Les médias et réseaux sociaux en ligne, bien sûr, débordent [sr] d'admiration, de respect et de louanges pour les élèves extraordinaire de la classe terminale du Lycée de Pirot. Comme Mondo le rapporte sur le portail web [sr], les diplômés ont organisé une petite cérémonie à leur école secondaire, vendredi, pour remettre les fonds recueillis aux trois garçons, Pedja, Matej, et Čeda, après quoi ils ont fièrement marché main dans la main deux à deux, dans la rue principale de la ville dans leurs T-shirts noirs et blancs, qu'ils avaient promis de porter à leur bal. Un donateur les a aidés à avoir des T-shirt produits spécialement pour cette occasion, avec “Tes cinq minutes de gloire – la vie entière de quelqu'un” imprimé dessus.

Applaudis par beaucoup de personnes en Serbie et dans d'autres pays, les élèves restent humbles et entendent poursuivre leurs efforts humanitaires. Dans le même courrier du 2 Juin sur leur page Facebook, ils disent:

Нажалост нисмо успели да сакупимо планирану суму од 500 000 динара, али смо успели да измамимо сузе Матеиним родитељима, свима присутнима у свечаној сали Гимназије, па и нама самима… А касније смо се ипак сви смејали. :)

Пробајте и ви, измамите неком осмех, не боли. Не сматрамо себе неким великим људима, хуманитарцима, пуно је таквих који то заиста и заслужују. Ово је далеко одјекнуло(то нам није био циљ, нити смо се надали томе), али ће се заборавити генерација 1994 пиротских матураната. Верујемо да ће нас се некад сећати, уз осмех, само Матеа, Чеда и Пеђа, остало нам није ни битно.

Malheureusement, nous n'avons pas pu réunir la somme prévue de 500 000 dinars, mais nous avons réussi à mettre les larmes aux yeux des parents de Matteja, à toutes les personnes présentes à l'Event Hall de l'école secondaire, et à nos propres yeux … Et plus tard, nous avons tous fini par en rire. :)

Vous devriez essayer cela aussi, apporter un sourire à quelqu'un, ça ne fait pas mal. Nous ne nous considérons pas des gens formidables, des travailleurs humanitaires; il y a de nombreuses autres personnes qui méritent vraiment [d'être qualifiées] comme telles. L'écho est arrivé loin (ce n'était pas notre objectif, nous ne pouvions l'espérer), mais la promotion de 1994 du lycée de Pirot sera oubliée. Nous croyons que seuls Matteja, Čeda et Pedja, se rappèleront de nous parfois, avec un sourire, on ne se soucie pas des autres.

Matija avec sa mère lors de la cérémonie à l'école secondaire Pirot. Photo gracieuseté de "Vos cinq minutes de brillance - toute une vie"

Matija avec sa mère lors de la cérémonie à l'école secondaire de Pirot. Photo courtoisie de “Tes cinq minutes de gloire – toute une vie pour quelqu'un d'autre”

Les étudiants qui croient qu'ils “seront oubliés” invitent également les lycéens  d'autres villes serbes à se joindre à leur cause et à suivre leurs traces. Ils sont déjà devenus un exemple sur Internet en Serbie et le mot se répand rapidement dans les pays voisins aussi. L'utilisateur Leteći Medvjedić a créé une affiche sur le site serbe Vukajlija [sr] qui est massivement partagée sur Facebook et Twitter. L'affiche montre une photo des élèves de la classe de terminale du lycée de Pirot marchant dans la rue principale – avec cette légende:

 

Oni su položili – ispit zrelosti

Ils ont réussi – le test de maturité

D'autres photos et billets sont disponibles sur leur page Facebook et compte Twitter.

Mali: Un centre de formation à Ségou s'appuie sur internet

dimanche 2 juin 2013 à 16:18

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Dans un billet traitant de la formation d'une quinzaine d’élèves de Doni Blon, un centre de préparation aux métiers du tourisme et de l’hôtellerie à Ségou, fasokan.com a écrit:

Cette formation a suscité chez les apprenants, le gout de devenir blogueurs, parler des traditions et de la culture de Ségou et environnant, faire connaitre à tous ceux qui veulent davantage découvrir Ségou, les lieux touristiques cette Région et d’informer leurs futurs lecteurs sur la vie quotidienne des populations de Ségou.

Turquie : “Un arbre meurt, une nation se lève”

dimanche 2 juin 2013 à 15:27

La situation à Istanbul a dégénéré en violences lorsque la police a réprimé quelques dizaines d'opposants pacifistes, vendredi 31 mai, en sit-in depuis quelques jours contre l'arrachage des arbres et un projet urbain menaçant l'un des rares espaces verts d'Istanbul : le parc Gezi. La brutalité de la police - gaz lacrymogènes, canons à eau, coups de poing et de bâtons – pour les  expulser du parc a provoqué une véritable révolte populaire quand les images de manifestants tentant de se protéger des gaz lacrymogènes – dont des enfants et des personnes âgées - se sont répandues sur les réseaux sociaux.

Samedi matin 1er juin, des milliers de personnes ont alors convergé vers la place Taksim toute proche du parc pour manifester leur soutien. On signalait aussi de grands rassemblements semblables dans d'autres villes turques, comme la capitale Ankara, et Izmir s'est jointe au mouvement. Ce qui avait commencé comme un sit-in pacifique, pour que le parc ne devienne pas un centre commercial, est devenu une manifestation de grande ampleur, qui demande la démission du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, comme Zeynep Dagli l'écrivait :

Ce qui a commencé avec des citoyens s'opposant à la construction d'un centre commercial dans l'un des rares parcs qui nous restent, est devenu une puissante expression contre un gouvernement qui est incapable d'écouter ses citoyens. Erdogan a dit :  ”J'ai décidé, et c'est comme ça” et cela a fait monter la pression qui couvait en chacun. La police a arrosé pendant des heures, non stop, ses propres citoyens de gaz lacrymogènes, alors qu'en retour ils offraient de la nourriture aux policiers qui n'avaient pas dormi. Ce qui est encore plus frappant est que cette nouvelle génération, que l'on dit apolitique, ont uni leur voix, leurs forces : sunnites, chiites, arméniens, gauchistes, nationalistes, juifs, sont tous unis contre un gouvernement qui est devenu sourd. La jeunesse parle d'une seule voix, car ils ne se sont jamais vraiment considérés comme différents les uns des autres.

Alors que le nombre de manifestants grossissait autour du parc Gezi et sur la place Taksim à côté, des appels à la presse internationale ont été lancés, par les réseaux sociaux, car les médias turcs étaient réduits au silence. Zeynep Dagli continue :

Nous n'avons AUCUNE couverture, localement. Facebook et Twitter sont nos seules sources d'informations. Et même eux sont bloqués par des brouilleurs autour du parc. Les médias locaux sont réduits au silence par le gouvernement.
Ils ont coupé la diffusion de CNN, AlJazeera, BBC sur le câble numérique.

Une coupure de grande ampleur, soutenue par l'Etat, avait été évoquée quelques jours seulement auparavant par Emma Sinclair-Webb de Human Rights Watch (HRW) :

 L'un des problèmes fondamentaux de droits humains en Turquie est en fait l'intolérance à la liberté d'expression. Les politiciens font régulièrement des procès en diffamation à des journalistes. Les rédacteurs en chef et les éditeurs répugnent pour la plupart à autoriser des critiques envers le gouvernement, par crainte de nuire aux intérêts privés de leurs patrons.

Juan Cole partage une opinion semblable :

La tradition politique turque n'a jamais été particulièrement tolérante envers la dissidence et malheureusement, l'AKP (le parti au pouvoir en Turquie) poursuit une tradition de répression des opinions politiques qu'il n'aime pas. Reporters sans frontières classe le pays à la 154ème place dans son rapport sur la liberté de la presse, 76 journalistes sont en prison, et “au moins 61 de ceux qui sont détenus le sont directement en raison de leur travail.” Les observateurs sont stupéfaits de découvrir que les journaux du samedi matin en Turquie [étaient] à peu près muets sur les manifestations. Les rédacteurs en chef ont visiblement été priés de garder le silence sur ces événements.

“Seulement” pour des arbres ? 

Le gouvernement Erdogan est relativement populaire, mais son projet de rénovation urbaine est devenu un sujet majeur de discorde. Un très récent exemple est le lancement du chantier, le 29 mai 2013, par le Premier ministre Erdogan lui-même, d'un troisième pont sur le détroit du Bosphore. Ce pont entraînera la disparition d'entre 350 000 et 2 millions d'arbres (différentes sources avancent différents chiffres). Durant la cérémonie, Erdogan a mentionné l'occupation du parc Gezi par ces mots : “Cela n'a pas d'importance, ce que vous (les manifestants) faites. Nous avons pris une décision…Nous nous y tiendrons.” Ce qui a été perçu par beaucoup comme un aveu de népotisme, comme la privatisation – au nom de la ‘rénovation’ – du parc Gezi est orchestrée par le gendre de Erdogan.

Cette image qui a été beaucoup partagée sur les réseaux sociaux résume donc le sentiment partagé par la plupart des manifestants :

Taksim

Image largement partagée sur les réseaux sociaux, qui commence par : “Il ne s'agit pas d'un parc', et finit par ‘Il s'agit de démocratie'.

“Taksim est partout, la Résistance est partout.”

La situation est très confuse depuis le matin du samedi 1er juin. Les brutalités de la police n'ont pas empêché les personnes de tous horizons sociaux et politiques de continuer à se rassembler sur la place Taksim et ailleurs, à Istanbul et en Turquie :

@myriamonde: les manifestants sont d'une diversité hallucinante maintenant. ça va des ultra nationalistes turcs aux Kurdes, des gens totalement apolitiques, des fans de foot…Fun !

@stevenacook: Ce n'est pas seulement IST [Istanbul]. On appelle à manifester à Adana, Izmir, Ankara, Eskisehir, Anatalya, Izmit, Bursa, Fethiye, Samsun, Yozgat, etc #Turkey

@TCilterkaan28: La solidarité de la nation turque, des informations turques, des docteurs de Taksim, existe aussi pour les jardins publics  ?  #occupyturkey pic.twitter.com/8AEAeb078o

@sciencewitch: Les gens notent leur groupe sanguin sur leur bras en cas d'urgence #occupygezi #direngeziparkı pic.twitter.com/5CEocyrhUI (via @beyinbilir )

A widely circulated image shows the actor playing Suleyman the Magnificent taking to the streets on June 1, 2013.

Une image très diffusée représente l'acteur interprétant Soliman le Magnifique descendant dans la rue, le 1er juin  2013.

Peu avant midi, le premier ministre Erdogan s'est adressé à la nationen déclarant que “la Turquie est une démocratie parlementaire qui fonctionne bien”,  traitant les troubles de “provocations graves” et condamnant fermement les manifestations comme “anti-democratiques”:

@MahirZeynalov: Erdogan: toutes les tentatives, à l'exception des élections, sont anti-démocratiques, illégitimes. #occupyturkey

@MahirZeynalov:  Erdogan: ceux qui ont des problèmes avec le gouvernement, ils peuvent le faire savoir par les urnes. #occupyturkey

Ce discours a provoqué colère et ironie en ligne :

@YesimKitchen: @MahirZeynalov aucun LOL pour ça ???

@ianbrealey: @MahirZeynalov Oh là la. Il n'a rien compris, pas vrai ? Pour une transition pacifique dans une démocratie, il devrait ajouter l'opposition dans la politique.

@fhenriques: @MahirZeynalov Donc, il croit dans une dictature de la majorité et non dans une démocratie qui représente chacun.

@MaliciaRogue: La conception de la démocratie du premier ministre turc est un peu comme les Jeux Olympiques : une élection sur un jour, organisée tous les quatre ans.  #occupygezi #Taksim

Des rumeurs selon lesquelles l'agent orange - une arme chimique utilisée durant la guerre du Vietnam – aurait été utilisé, ont circulé durant cette journée, et ont été démenties par la suite. De plus, des informations non vérifiées faisaient état de la coupure, ou de la  coupure imminente, d'Internet et des réseaux GSM dans le pays. Différentes sources ont confirmé que la connexion 3G sur la place Taksim était défaillante, mais en raison de l'engorgement et non d'un black-out ciblé demandé par l'Etat. Des activistes du mouvement Telecomix ont également démenti qu'Internet ait été bloqué. La solidarité s'organise, en dépit des ruptures de communication :

@Bcdmir: #occupygezi J'ai vu des médecins, des étudiants en médecine, les pharmaciens qui partageaient leur mobile pour aider les blessés

@sciencewitch: Les taxis transportent les clients jusqu'à la place Taksim sans les faire payer. Les pharmarcies donnent gratuitement des masques. Ce qui se passe, c'est le gouvernement contre son propre peuple.  #occupygezi

Suivre les hashtags  #occupygezi, #Taksim, #OccupyTaksim, #OccupyTurkey, #Turkey sur Twitter. Le blog Tumblr #OccupyGezi  est régulièrement mis à jour avec des photos, et Indymedia Turquie a mis en place une plateforme collaborative et multilingue de suivi des événements. Une pétition a été lancée sur Avaaz appelant Erdogan à donner l'ordre de faire cesser les brutalités de la police.

La tradition démocratique du Sénégal mise à mal

dimanche 2 juin 2013 à 14:31

L’Etat sénégalais est réputé pour sa défense de la liberté d’expression et des droits humains. Mais en 3 semaines cette réputation a été sérieusement mise à mal avec les expulsions de Makaila Nguebla, journaliste tchadien et Kukoi Samba Sanyang, célèbre opposant gambien.

Les Sénégalais pensaient qu’après l’intermède Abdoulaye Wade ils pourraient enfin renouer avec la démocratie que leur léguée leur poète président Léopold Sédar Senghor.

Mamadou Oumar NDIAYE revient sur cette tradition démocratique dans un billet intitulé Sénégal, tes excellentes traditions foutent le camp !

Le Sénégal n’a ni or (ou alors très peu, dans la région de Kédougou), ni diamants, encore moins du pétrole, du gaz ou de l’uranium … De plus, la pluviométrie n’y est pas abondante et la plupart de nos paysans ne travaillent que trois mois dans l’année … Malgré tout, notre pays tient une place honorable dans le concert des nations africaines. Et, à franchement parler, il a un niveau de développement que beaucoup de pays incroyablement gâtés par la nature nous envient. Cela est dû, bien sûr, à la qualité des ressources humaines du Sénégal produites par un système éducatif de qualité mis en place par le premier président de la République, le poète, agrégé de grammaire et académicien Léopold Sédar Senghor. Un système public d’éducation dont l’actuel Président est un pur produit, soit dit en passant. … Ce niveau de développement enviable, notre pays le doit aussi à sa stabilité politique légendaire qui a fait que, depuis l’indépendance en 1960, il n’a jamais connu de coup d’Etat militaire. En Afrique, notre pays est l’un des rares à avoir toujours été gouverné par un pouvoir civil. Et au moment où partout ailleurs, les pouvoirs militaires étaient la règle, le Sénégal a constitué une joyeuse exception, un îlot de démocratie dans un océan de dictatures … Bref, de quelque côté qu’on le prenne, le Sénégal a toujours fait figure d’exception en Afrique.

Mais tout ceci commence à se fissurer.

D’abord le 17 avril dernier, Kukoi Samba Sanyang, dissident politique, gambien  — chef de la rébellion de 1981 contre le régime de Dawda Kaïraba Diawara — était expulsé vers le Mali un pays en guerre.

Puis le 8 mai, c’était au tour du journaliste tchadien Makaila Nguebla — qui tient un blog très critique envers le régime de son pays — de l’être vers la Guinée (pays qui a toujours été en proie à des tensions).

Alors même que le président Wade auquel — beaucoup était reproché — avait toujours respecté cette tradition de pays d’accueil.

Comme me le dit le Makaila « Je retiens une chose, sous Abdoulaye Wade, jamais, je n'ai été interpellé une seule fois par la police », le gouvernement de Wade se « contentait » de ne pas régulariser la situation des réfugiés.

Face à ces dérives la société civile inquiète, s’organise. Une coalition « Droit d’Asile et Liberté d’Expression » (DALE) — qui exige le retour de Makaila Nguebla — a été créée.

Boly BAH écrit dans Voie déviante d’une démocratie :

Une dérive à stopper. Qui est le prochain sur la liste ? En moins de deux mois, le Sénégal a chassé deux opposants africains de Dakar. … « C’est une concession grave à des régimes anti-démocratiques » … Cette expulsion d’un défenseur des droits humains et leader d’opinion vers la Guinée, un pays « non sûr » et en proie à des tensions politiques, laisse apparaître un deal entre les autorités politiques sénégalaises et tchadiennes, en vue d’extrader Makaila Nguebla au Tchad où sa vie est menacée ».
« Le combat sera mené jusqu’au retour de Makaila et de Kukoi Samba Sanyang. …

Les pays n’ont pas d’ami mais des intérêts. En procédant aux expulsions de Kukoi Samba Sanyang, le Sénégal défend peut-être les relations de bon voisinage avec la Gambie. Et fait un clin d’œil à Yaya Jammeh, président gambien au cœur du règlement du conflit de la Casamance. La Gambie avait même facilité la libération des otages sénégalais, il y a quelques mois. C’est peut-être compréhensible de lui renvoyer la monnaie en expulsant son opposant-rebelle, Kukoi Samba Sanyang. Avec le Tchad, certes, il n’y a pas cette grande amitié, mais la nouvelle posture africaine de Idrisss Deby Itno vaut peut-être cette largesse.

Deby a le vent en poupe et avec sa forte colonie militaire dans le désert malien, le président tchadien est en pleine puissance sous-régionale. Le Tchad contribue aussi au financement du procès d’Habré. Maintenant, si le jugement d’Habré participe au renforcement de l’indépendance judiciaire africaine, l’expulsion de Makaïla reste plutôt suspecte. Le blogueur était un combattant de la démocratie. Un relais entre son peuple et l’extérieur. Il était la voix des sans voix tchadiennes, il informait des dérives de Deby parce que bénéficiant de cette liberté d’expression qui fait défaut à ses confrères restés au pays.

Profitant de ce tumulte, alors que le Sénégal — a aboli la peine de mort en 2004 et que la dernière exécution capitale date de 1967 — un député de la majorité présidentielle veut déposer une proposition de loi en faveur de son rétablissement.

Le mouvement de Youssou N’Dour, actuel ministre de la culture et du tourisme, Fekke Maci Bolle rappelle sur sa page Facebook :

Celui ou celle qui affirme que l'on vit confortablement dans le couloir de la mort n'y a de toute évidence jamais mis les pieds … On voit rarement une personne riche ou aisée monter à la potence … La peine de mort est la négation absolue des droits humains. Il s’agit d'un meurtre commis par l'État, avec préméditation et de sang-froid. Ce châtiment cruel, inhumain et dégradant est infligé au nom de la justice.
Cette peine viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Amnesty International s'oppose à la peine de mort en toutes circonstances, quels que soient la nature du crime commis, les caractéristiques de son auteur ou la méthode utilisée par l'État pour l'exécuter.

 

Lire aussi :

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Madagascar a-t-elle encore un président ?

dimanche 2 juin 2013 à 09:55

Patrick Rajoelina avance que [fr], selon la loi malgache, si le Président de la transition Andry Rajoelina souhaite toujours être candidat à la prochaine élection présidentielle à Madagascar, il ne peut plus être le président, d'après la feuille de route signée par tous les partis politiques malgaches en 2011. Le Premier ministre actuel Beriziky affirmait le 30/05 [fr] qu'Andry Rajoelina n'était plus autorisé à participer aux réunions du gouvernement, étant donné qu'il devrait déjà avoir démissionné.