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Le Guatemala pleure des dizaines de filles mortes dans un foyer d'accueil

dimanche 19 mars 2017 à 12:56
Familiares lloran afuera del Hogar Seguro el 8 de marzo de 2017. Foto de Carlos Sebastián para Nómada. Usada bajo licencia Creative Commons.

Les familles en pleurs devant le foyer le 8 mars 2017. Photo de Carlos Sebastián pour Nómada. Utilisée sous licence Creative Commons.

Au moins 41 fillettes et adolescentes sont mortes dans l'incendie du foyer pour mineurs Maison d'Accueil Vierge de l'Assomption, situé dans la banlieue de la ville de Guatemala, incendie provoqué par des jeunes filles qui y vivaient. Selon le média en ligne Sin Embargo, « cela faisait des années que plusieurs jeunes filles dénonçaient les mauvais traitements physiques, psychologiques et sexuels dont elles étaient victimes durant leur séjour. »

Ironie macabre, les faits se sont produits précisément le mercredi 8 mars, journée internationale de la femme, alors que les voix féminines s'unissaient contre la violence machiste en réclamant “Pas Une De Moins” (Ni Una Menos).

A plusieurs reprises, selon les témoignages des jeunes filles elles-mêmes, elles ont essayé de fuir le centre devenu un enfer dans leurs vies. La dernière tentative s'était produite la veille de la tragédie. Comme le raconte la Presse communautaire KM169 sur le site Medium :

Une cinquantaine au moins de filles et garçons ont tenté de fuir le 7 mars l'enfer mal nommé Maison d'Accueil Vierge de l'Assomption. Elles étaient désespérées des coups, de l'enfermement, des viols, des avortements forcés, de l'administration de médicaments et des tortures permanentes de tout type. Beaucoup d'entre elles étaient enceintes. Ces faits n'étaient pas nouveaux puisqu'il y avait des plaintes depuis 2016.

Ils ont fui mais la majorité a été rapidement rattrapée et le président lui-même, Jimmy Morales, a ordonné que soient envoyés plus de 250 policiers incluant même des forces anti-émeute, restés toute la nuit afin d'avoir la situation « sous contrôle ».

Le 8 mars, “les filles se sont rebellées et ont mis le feu à leurs matelas afin qu'on les laisse sortir de leurs chambres. On ne les a pas laissé sortir et elles sont mortes calcinées”, a indiqué le site local de nouvelles Nómada. De son côté, la presse communautaire KM169 a donné plus de détails sur les faits :

Le feu a commencé à prendre à l'aube, les moniteurs ou les responsables et les centaines de policiers n'ont rien fait de plus qu'effrayer et menacer les jeunes hébergés dans d'autres modules qui souhaitaient les aider. L'accès a été refusé aux forces de secours comme l'a dénoncé un officier des pompiers, et les familles aux alentours demandaient désespérément à entrer et les forces anti-émeute ont empêché le passage. Personne n'a rien pu faire.

Une des survivantes a raconté :

Nous avons demandé de l'aide et une des agentes nous a dit : que ces misérables souffrent, puisque nous avions été capables de nous évader, nous serions capables de supporter la douleur.

Pendant ce temps, les autorités ont donné leur version des faits dans une conférence de presse à laquelle n'a pas assisté le président « occupé aux affaires urgentes de la nation » :

Les adolescentes étaient sanctionnées pour chantage. Les filles avaient des objets tranchants cachés dans les cheveux. Nous avons épuisé toute forme de dialogue avec les filles. Nous ne pouvions pas accepter un rapport qui dit que ce lieu est un poulailler où l'on torture les enfants. Je considère que la cause des émeutes, parce qu'elles n'aimaient pas la nourriture, n'était pas valable. Il n'y a pas eu négligence.

Cependant, le président Jimmy Morales a admis par la suite :

Cela peut se produire à nouveau dans tous les lieux où nous en tant qu’État nous ne mettons pas l'attention voulue.

L'enfer n'est pas une métaphore

Les garçons et les filles qui vivent dans la Maison d'Accueil Vierge de l'Assomption arrivent là sur injonction d'un tribunal. Ainsi, le site Nómada commente :

Pour quel délit ces garçons et filles et adolescents sont-ils là-bas ? Certains ont été recrutés par des bandes pour le vol, l'extorsion ou l'assassinat. D'autres ont commis l'insolence d'appartenir à une famille qui les a abandonnés dans la rue, à un père qui les battait jusqu'à ce qu'un voisin appelle la police. A un réseau qui les prostituait alors qu'elles étaient petites filles. A des parents qui n'ont pas su ce qu'il fallait faire lorsqu'ils ont vu que leur enfant avait des capacités particulières. D'autres sont nés là-bas, enfants d'adolescentes violées par leurs camarades ou leurs maîtres ou les agents du Secrétariat au Bien-être Social. Tout cela représente plus de 800 bébés, enfants et adolescents qui vivent dans ce lieu ayant une capacité pour 500.

Cristina Burneo Salazar a écrit pour le site La Barre d'Espace :

[…] le récit fabriqué pour cette affaire est une histoire de détenus, pas d'enfants sans défense. « EIles se sont évadés, on les a reprises ». Si elles sont dans un centre d'incarcération elles ne peuvent pas s'évader, mais on en parle comme s'il s'agissait de prisons. Sara Oviedo, rapporteur de l'enfance de l'ONU, a visité ce centre et l'a comparé aux prisons de l'holocauste.

Nous voulons vivre

Douze heures après les faits, sur la place de la Constitution, 770 bougies ont été allumées pour chaque femme qui meurt chaque année dans le pays. Au même moment, trois filles de plus mouraient à l'hôpital de leurs brûlures dans le centre d'accueil.

La tragédie a endeuillé le pays. Par les veillées, l'art, les manifestations et les commentaires sur les réseaux sociaux cherchent à mettre au jour l'indignation et la tristesse pour une tragédie qui cherche encore ses coupables.

Mujeres prenden velas el 8 de marzo de 2017 en la Ciudad de Guatemala. Foto de Carlos Sebastián para Nómada. Usada bajo licencia Creative Commons.

Des femmes allument des bougies le 8 mars 2017 dans la ville de Guatemala. Photo de Carlos Sebastián pour Nómada. Utilisée sous licence Creative Commons.

Ci-dessous, nous publions quelques réactions de citoyens.

Justice Guatemala en deuil [La faute à] l’État

Guatemala en deuil

[Sur l'image : « Ce pays nous tue, nous viole, nous fait taire, nous accuse. 34 colères qui continueront à battre »] Filles du Guatemala Le Guatemala est en deuil Justice

La chercheuse Coral Herrera Gómez a publié sur Facebook :

Monstrueuse indifférence : Ce qui s'est passé pour les filles de Guatemala ne sort pas de ma tête, continue à faire souffrir mon cœur. Ils les violent, les maltraitent et quand elles protestent, ils les brûlent vivantes. Le machisme, le classisme et le racisme les ont assassinées et chaque jour qui passe, l'indifférence les tue. […]

Un paquebot de croisière britannique détruit des récifs de coraux préservés en Papouasie occidentale

samedi 18 mars 2017 à 16:40

Raja Ampat fait partie du Triangle de Corail. Source photo : Flickr / Lakshmi Sawitri (CC BY 2.0)

Un bateau de croisière britannique s'est échoué dans les eaux peu profondes de la Papouasie occidentale, détruisant 13.500 mètres carrés de récifs coralliens à Raja Ampat, un sanctuaire marin dans le Triangle de Corail, considéré comme un des habitats les plus riches en biodiversité du monde. La Papouasie occidentale est une province de l'Indonésie.

Selon les premières informations, le Caledonian Sky, un paquebot de croisière de 4.200 tonnes appartenant à la Cie Noble Caledonia, a raclé 1.600 mètres de barrière corallienne à Raja Ampat. Mais une enquête ultérieure de Conservation International Indonesia (CI), de l'administration de district de Raja Ampat et de l'Université d'Etat de Papouasie a révélé que les dégâts pourraient être huit fois plus étendus que l'évaluation initiale.

La majeure partie des récifs endommagés se trouvaient dans la réserve marine du détroit de Dampier, une zone habitée par des coraux durs. Raja Ampat, en langue locale “quatre rois”, posséderait des coraux durs en plus grand nombre que dans la totalité de la Caraïbe.

La maladresse d'un croisiériste tue du corail – un navire de croisière britannique endommage 1.600 m² de corail à Raja Ampat, Indonésie

Hep #noblecaledonia, vous faites quoi maintenant que votre gros bateau s'est crashé sur les récifs préservés de Raja Ampat ?

Un article publié sur le site birdsheadseascape.com explique que la largeur du détroit de Dampier complique la surveillance appropriée de la zone contre les activités destructrices telles que les pratiques de pêche non durables.

L'administration locale a créé une commission mixte composée de différents ministères pour rendre le propriétaire du navire responsable des dommages qu'il a causés dans les eaux de Raja Ampat.

Environnementalistes, océanographes et habitants locaux ont aussi exprimé leur colère après la destruction des récifs coralliens sauvages.

Sur Facebook, Kate Patricia Sparksman écrit qu'il faudra probablement plusieurs décennies pour reconstituer les récifs endommagés :

Nous y sommes allés et y avons plongé il y a deux ans, et ça reste l'endroit le plus extraordinaire que j'aie jamais vu. Les récifs de Raja Ampat sont connus comme parmi les meilleurs et les plus vierges du monde, et font partie du triangle de corail responsable de la repopulation des récifs de coraux dans le monde entier. Cette zone endommagée pourrait prendre des siècles à repousser. Noble Caledonia doit assumer ses responsabilités et aider à reconstruire ce récif !

Une pétition en ligne a été lancée pour exiger de l'opérateur de croisières qu'il ne se contente pas d'un versement financier à la communauté locale  :

Plutôt que de négocier un accord financier, nous demandons à Noble Caledonia de fournir un appui physique et financier pour la réparation du récif. Noble Caledonia — longtemps un champion de l'environnement — est prié d'apporter un total soutien à un spécialiste mondial des récifs et à son équipe pour entreprendre un projet de restauration en collaboration avec les communautés locales et les gestionnaires du Parc Marine, y compris le suivi de la croissance dans le temps.

Raja Ampat, Papouasie Occidentale. Source : Flickr / Max Mossler / (CC BY 2.0)

‘Les filles à l'avant’ : La Journée Internationale des Droits de la Femme 2017 en Australie

vendredi 17 mars 2017 à 14:40
Girls To The Front on triple j - triplej screenshot of YouTube video

Les Filles à l'Avant, sur triple j – capture d'écran de triplej sur une vidéo YouTube

Lors de la Journée Internationale des Droits de la Femme 2017, de nombreux événements ont été organisés à travers toute l’Australie afin de célébrer les victoires et ne pas oublier les luttes toujours d’actualité.

Bien avant le 8 mars, un empire médiatique avait été critiqué par un confrère pour sa programmation. La société de diffusion nationale Australian Broadcasting Corporation (ABC) avait programmé des présentatrices pour cette journée.

De plus, Triple J, une des stations de radio numérique d’ABC, avait pour objectif d’attirer un public de 18-25 ans, mettant en vedette la musique ‘faite par les femmes et programmée par les femmes’ pour la Journée Internationale des Droits de la Femme 2017.

Le Daily Telegraph a attaqué ABC, dénonçant sa condescendance. Pedestrian.tv explique :

Sharri Markson, rédacteur politique national au [Daily Telegraph] a critiqué ABC qui selon lui a fait un effort “pour la forme” et “paternaliste”, pour promouvoir l’égalité des sexes au travail en annonçant que les présentateurs masculins laisseraient leur place aux talents féminins le lendemain pour la Journée Internationale des Droits de la Femme 2017

Un utilisateur de Twitter, Chris Mac, accuse le patron du journal :

Au moins une station de radio commerciale fait de même. Le radotage d’hier du @dailytelegraph faisait partie du plan anti ABC de @rupertmurdoch.

Les hashtags #IWD2017 #internationalwomensday et #girlstothefront ont ont été en tête de tendance sur Twitter en Australie, ainsi que le thème 2017 #beboldforchange (‘Oser le changement’).

Les préoccupations traditionnelles telles que le sexisme, l’écart salarial et le nombre restreint de femmes dans les fonctions de direction ne concernaient qu’une petite partie des problèmes abordés à travers les hashtags.

Pour moi, #BeBoldForChange est un appel au sexisme ordinaire et une interrogation sur les pratiques bien ancrées favorisant les hommes lors des prises de décision #IWD.

[“Un plafond ? Je croyais que c'était un plancher”] Le point de vue de hier sur le Plafond de verre par @GlenLeLievre

Aujourd'hui nous honorons la Journée internationale des droits des femmes, de l'égalité des salaires à la sécurité au travail. La confédération des syndicats d'Australie soutient les femmes.

Les violences domestiques étaient la question prioritaire en Australie. ‘We say no more’ [“Nous disons stop”] est une campagne centrée plus particulièrement sur les besoins des Aborigènes et habitants des îles du détroit de Torres en la matière :

Journée internationale des droits des femmes : élever la voix contre la violence silencieuse

Le monde des affaires a tenu à claironner la moindre bonne nouvelle sur les médias sociaux :

Le lobby du bâtiment nomme sa première femme PDG

Pour mener l'égalité de genre, il nous faut des idées audacieuses. C'est pourquoi nous présentons notre nouvelle initiative de recrutement

Les accomplissements en Science, Technologies, Ingénierie et Mathématiques (ou STIM) ont eu du succès sur Twitter :

C'est la Journée Internationale des Femmes. Chapeau à toutes les femmes dans les STIM qui changent le monde ! Vous êtes formidables !

Je voudrais que ce soit tous les jours la Journée Internationale des Femmes ! j'adore les tweets #LesFillesAuPremierPlan de triplej et #femmesdanslesSTIM qui rendent le travail au microscope amusant !

En 1887, ces sept jeunes femmes se sont battues pour être admises à la faculté de médecine de Melbourne, 25 ans après sa création

La célèbre féministe Anne Summers a publié le Manifeste des Femmes pour la Journée internationale pour le droit des femmes. Ses quatre objectifs d'égalité pour 2022 sont :

Il y a eu des défilés dans tout le pays. A celui de Melbourne, l’ ‘affiche est parlante’ :

Le défilé de la Journée internationale des femmes avec l'équipe de PlanAustralia à Melbourne – l'affiche est parlante [littéralement, ‘le patriarcat c'est pour les bites’ – en anglais, le mot signifie aussi ‘connard’ NdT]

Enfin, des avocats bénévoles ont continué la lutte au Centre de Ressources pour les Demandeurs d'Asile (ASRC) jusqu'à tard dans la soirée :

Journée internationale des femmes19h53 et nos brillantes avocates de l'ASRC travaillent sans relâche à faire fonctionner mercredi soir la Clinique des droits humains pour les garder en sécurité. 🌟🌟

L’Amérique Latine sort dans la rue pour la journée internationale des droits des femmes

jeudi 16 mars 2017 à 17:56

Photo : Emergente. Publiée avec autorisation et sous licence CC 2.0.

(Article d'origine publié le 8 mars 2017) L’Amérique Latine attend une vague d’actions dans la rue et d’activisme en ligne ce mercredi 8 mars, comme cela a été proposé par un grand nombre de groupes civiques qui cherchent à se joindre à la grève internationale pour la Journée internationale des femmes. Les organisateurs espèrent voir une amplification de la grève et des manifestations comme celle qui s’est déroulée l’année dernière sous la direction de mouvements comme #VivasNosQueremos (#NousNousAimonsVivantes) et #NiUnaMenos (#PasUneDeMoins).

Ce 8 mars nous revenons dans les rues.

Les manifestations de l’année dernière ont commencé en Argentine comme réponse à une série de brutaux féminicides qui ont eu lieu quelques semaines avant dans différentes parties du pays. Ces manifestations se sont étendues rapidement à d’autres parties de la région et en quelques jours, le Chili, l’Uruguay, le Pérou, la Bolivie et le Mexique ont vu des marches qui avaient les mêmes objectifs et ont fait campagne pour rendre visibles ces problèmes.

Cette année, beaucoup d’organisations de la région, tant en ligne que dans la rue, se sont engagées dans des initiatives d’éducation publique. Elles ont également invité les gens à participer aux manifestations organisées et, pour les femmes, à se joindre à la grève internationale.

Les manifestations auront comme point central le fait que la région présente des chiffres alarmants de violence et de féminicide, ce qui la situe parmi les plus dangereuses pour les femmes dans le monde. En Uruguay, par exemple, celles qui se joignent à la manifestation dénoncent l’incapacité de l’État à assurer de manière solide la protection des femmes. Le groupe que nous citons ci-après fait mention de la hausse de la présence de groupes religieux et l’invisibilité de la population afro-descendante :

Malgré certaines politiques publiques qui pourraient être considérées progressistes, nous dénonçons […] les barrières existantes pour l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. [Nous exigeons aussi] la reconnaissance de droits spécifiques pour la population afro-descendante : intégrer dans la lutte féministe la lutte contre le [racisme]. [Il est nécessaire d’avoir] des politiques décentralisées pour la population afro-descendante reconnaissant les femmes en monde rural avec leurs manques spécifiques compte tenu de l’environnement où elles sont, où s'exerce fortement l’hégémonie du pouvoir des classes, de race et de sexe.

Au Chili, les activistes au travers de Facebook partagent les modes de participation à la grève (la huelga) :

Le groupe international suggère une forme ouverte de grève et notre travail est de décider comment nous le ferons dans les différentes villes du Chili :
– Grève totale – arrêt du travail ou des tâches domestiques et dans les rôles sociaux comme les personnes soignantes et accompagnantes pendant toute la journée
– Grève partielle en arrêtant la production/travail pendant 1 ou 2 heures
– Au cas où tu ne pourrais pas arrêter ton travail : utiliser des éléments noirs comme les vêtements noirs, ceintures noires ou tout autre élément que tu décideras
– Boycotter les entreprises qui utilisent le sexisme dans ses publicités ou son approche vis-à-vis des travailleuses

En Argentine, le groupe Emergente suivra de près les nouveautés des manifestations et les partagera sur ses profils Facebook et Twitter. La veille, Emergente a rapporté quelques manifestations qui ont commencé avant le 8 mars et qui défendaient la visibilité et le respect des communautés LGBTI.

#ParoNacionalYa (#GrèveNationaleMaintenant) « Unité des travailleurs et que ceux à qui ça ne plait pas aillent se faire voir »

Au Paraguay, l’organisation civique de technologies TEDIC s’est jointe à la grève également. Dans un communiqué partagé en ligne, le groupe a estimé que la violence contre les femmes fait aussi partie de l’expérience sur internet et que l’égalité et l’autonomisation des femmes en technologie est encore une « dette à régler » :

En Amérique Latine, les hommes et les femmes, même s’ils accèdent de la même façon aux ordinateurs et à internet dans le foyer, se différencient dans l’usage […]. Dans l’industrie technologique, la situation des femmes est caractérisée par l’inégalité, la sous-représentation, la discrimination et le harcèlement sexuel. […] Le web est un espace de violence contre [les femmes]. Au Paraguay, le cas le plus récent et le plus connu de violence machiste à travers les réseaux sociaux […] a surgi à la suite d’une grave plainte faite par une journaliste. Selon elle, dans la conversation un nombre non identifié d’hommes parlent de la violer pour « lui corriger » son orientation sexuelle. Ce sont des marques de violence qui font partie d’une « culture du viol ». Cette culture, qui se vit quotidiennement sur internet, encourage et normalise les concepts et les actes qui attentent à l’intégrité des femmes et des minorités LGBTQIE.

Les camerounais anglophones n'ont pas accès à Internet depuis deux mois

mercredi 15 mars 2017 à 14:58

Internet censuré pour le Cameroun anglophone – Domaine public

Dès qu'un gouvernement fait face à un mécontentement généralisé de sa population,  son premier réflexe de nos jours est de bloquer les réseaux sociaux. En Afrique, de nombreux pays y ont eu recours soit par crainte de violences électorales, soit pour des manifestations syndicales, estudiantines soit par crainte d'une instabilité politique suite à des instances de mauvaise gouvernance.

Au Cameroun, les régions anglophones sont actuellement en ébullition pour diverses raisons. Bounya Lottin explique dans un billet publié sur le site courrierdesafriques.net les sentiments de frustration qui ont poussé les avocats à descendre dans la rue pour manifester leur ras-le-bol, le 11 octobre 2016:

Au nombre des problèmes qui fâchent les compatriotes anglophones, on retrouve en première place la question du «Common Law» par opposition au «Droit civil». Le premier est en usage chez les Anglophones alors que le second est l’outil des avocats d’expression francophone. L’incompatibilité entre les deux systèmes juridiques débouche sur d’insurmontables complications. En zone anglophone, au nom du Common Law hérité du colon britannique, l’avocat peut au gré des circonstances officier comme «juge», notaire ou huissier de justice. Ce fait a profondément modelé la manière dont les hommes de loi dans la partie anglophone du pays ont été formés. Cela fait forcément problème lorsque le régime dominant francophone veut imposer la norme des Notaires distincts des huissiers et des avocats dans la partie anglophone.

Mais, c'est une longue histoire qui tire ses origines dans les sentiments de marginalisation progressive des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest toutes deux anglophones, qui représentent environ 20 % des 22,5 millions des résidents au Cameroun.

Après les juristes, ce sont les enseignants, les étudiants et les syndicats qui sont descendus dans la rue pour se plaindre du fait que l'anglais n'avait pas la même place que le français dans le système éducatif, l'administration des affaires et la représentation dans les institutions. Les affrontements meurtriers entre la police et les arrestations de manifestants n'ont pas tardé, atteignant un point culminant le 8 décembre 2016 dans les rues de la capitale du Nord-ouest, Bamenda, avec de nombreux morts et des blessés graves:

Depuis mi-janvier 2017, Internet est inaccessible dans les régions anglophones. Les coupures d'Internet ont de graves répercussions dans tous les domaines d'activités.

Poster de campagne sur les coupures d'internet au Cameroun – domaine public

Le site accessnow.org, qui regroupe de nombreuses de défense des droits numériques des utilisateurs du monde entier a publié une lettre ouverte aux Directeurs des entreprises de télécoms du marché camerounais, signée par plus de  20 organisations de la société civile camerounaises, du continent africain et d'ailleurs, dans laquelle, elles rappellent que:

En bloquant l’accès à l’information et aux services, la perturbation de la connectivité empêche l’exercice de droits humains, notamment les libertés d’expression et d’association, et ralenti le développement économique, en portant un coup sérieux aux entreprises innovantes qui dépendent de vos services. Nous estimons que la coupure Internet a déjà coûté 1,39 million de dollars, un chiffre qui ne fait que grimper quotidiennement. Cette estimation ne prend pas en compte les effets à long terme de ce défaut de connectivité, comme la perturbation de la chaine de production, ou encore les importants envois d’argent de la diaspora camerounaise.

Se fondant sur un rapport de l’ONG Internet sans frontières sur la situation au Cameroun,  ticmag.net , une plateforme d’actualités sur les TIC et Télécommunications en Afrique, révèle que:

Notons que pour faire face à cette situation, bon nombre de startups ont été obligés de déménager pour s’installer dans les villes voisines qui bénéficient de connexion Internet. C’est ainsi que bon nombre de jeunes startuppeurs de Buea se sont retrouvés à Douala et ceux de Bamenda à Bafoussam.

Depuis, la mobilisation sur les réseaux sociaux ne faiblit pas en vue d’un retour d’Internet. Un hashtag a même été lancé, #Bringbackourinternet. Pour l’instant, sans grand résultat.

Pourtant, c'est déjà en 2012, que Alexandre Salque signalait sur 01net.com, un des sites les plus visités en France, spécialisé en technologies de l'information, que l'ONU dont le Cameroun est membre, reconnaissait l'accès à Internet comme droit humain fondamental:

Fait historique. Pour la première fois, l’ONU reconnaît qu’accéder à Internet est un droit fondamental, au même titre que d’autres droits de l’homme. Les 47 membres du conseil des droits de l’homme de l’ONU ont signé à l’unanimité la résolution qui établit que chaque individu a le droit de se connecter et de s’exprimer librement sur Internet.

Plus tard en juillet 2016, le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies lors de sa 32eme session, considérant l'accès à Internet comme un des droits humains, a adopté par consensus une résolution sur la liberté d'expression et Internet condamnant:

de manière univoque les mesures ayant pour but de volontairement empêcher ou perturber l'accès à ou la diffusion d'information enligne, en violation des Droits humains protégés internationalement, et appelle tous les États à réfréner ou cesser l'usage de telles pratiques.”

Cette recommendation invitait également les états tous à garantir la liberté d'expression conformément à leurs obligations internationales:

aborder les préoccupations de sécurité sur Internet conformément à leurs obligations internationales relatives aux droits de l’homme afin de garantir la protection de la liberté d’expression, de la liberté d’association, du droit à la vie privée et d’autres droits de l’homme en ligne, au moyen notamment d’institutions nationales démocratiques et transparentes, fondées sur les principes du droit, d’une manière qui garantisse la liberté et la sécurité sur Internet afin que celui-ci puisse rester une force dynamique génératrice de développement économique, social et culturel ;

Malheureusement, le gouvernement camerounais, au lieu d'honorer les obligations dérivant de la signature des traités internationaux, il s'en prend aux autres moyens d'exercice de la liberté d'expression. Ainsi, le Conseil National de la Communication (CNC) du Cameroun a-t-il proféré des menaces de suspension à l’endroit de plusieurs organes de presse le 20 janvier 2017.