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Corruption : le maire de Belgrade soutient le chef de la police qui fait entrave au travail des journalistes

mardi 22 mars 2016 à 13:15
Belgrade Mayor Siniša Mali. Image: Istinomer / YouTube.

Le maire de Belgrade, Siniša (ou Sinicha) Mali. Illustration : Istinomer / YouTube.

Le maire de Belgrade, Sinicha Mali, a refusé [en serbe] d'accéder à la demande du médiateur de Serbie de licencier le chef de la police communale, qui fait obstacle au travail de journalistes enquêtant sur la corruption.

La police communale de Belgrade a entravé le travail des journalistes du site de factchecking Istinomer en septembre 2015 [en anglais] et de reporters du Réseau d'enquête sur les crimes et la corruption (KRIK) en octobre 2015. Quatre-vingt-dix jours après, le médiateur est intervenu pour exiger le départ du chef de cette unité controversée des forces de l'ordre. Deux mois plus tard, les autorités municipales ont adopté cette recommandation, mais elle a été sans suite concernant le chef de la police.

Le 24 février, le médiateur a annoncé [en serbe] qu'il avait reçu un décret précisant que 32 recommandations sur l'affaire Istinomer avaient été appliquées par la police communale. Pourtant, le médiateur a souligné qu'il attendait toujours qu'entrent en vigueur ses recommandations dans le dossier KRIK (et en particulier la démission du chef de la police communale).

Les autorités de la ville ont publié une déclaration [en serbe] disant ceci : «A l'avenir, nous agirons exclusivement en accord avec la loi.» Le maire de Belgrade a publiquement déclaré [en serbe] le 26 février que lui-même et la police municipale s'excusent pour les incidents de l'année passée avec des journalistes, mais estiment que la réforme de certaines procédures policières constituera une réponse suffisante.

En réponse, l'équipe d'Istinomer a manifesté [en serbe] son désaccord avec la position du maire, qui, selon ses termes, minimise ses abus de pouvoir:

Ovom izjavom Gradonačelnik Mali praktično ukida ODGOVORNOST državnih rukovodilaca, za loše obavljanje posla, u konkretnom slučaju – kako za činjenje, tako i za nečinjenje.

Rukovodilac Komunalne policije, koji toliko uporno brani postupke svojih ljudi, koji su se evo sada redom pokazali pogrešnim – naprosto MORA da zna pravila te službe i mora da ih primeni. Ponašanje Nikole Ristića tokom i posle incidenata koji su se dogodili, pokazuje da on, ili ne zna pravila službe kojoj je rukovodilac, ili ih zna, što je još gore, a u dužem vremenskom periodu ih namerno prikriva. A onda, šta će građanima, službi i gradskoj upravi takav rukovodilac?

I to je pravi razlog za ostavku Nikole Ristića – nije on radio pa pogrešio, pa da mu se progleda kroz prste. Nije tako, baš kao što nam pokazuje događaj sa novinarima KRIK-a, kojima je protivzakonito oduzeta oprema tokom vršenja radnog zadatka i brisani podaci sa memorijskih kartica, čemu je Nikola Ristić i lično prisustvovao, bez reči protivljenja, bez opomene, bez pokušaja da spreči svoje ljude u nepravnom postupanju.

To ukazuje da se radi o jednom te istom – načelnika Komunalne policije ne zanima da li njegovi ljudi postupaju u skladu sa propisima, da li se ponašaju nasilno ili ne, da li narušavaju dostojanstvo novinara, kao građana i kao profesije. On brine o tome da ih zaštiti.

I to je pravi razlog zbog koga on mora da bude smenjen.

On se drži principa koji je nespojiv sa bilo kojom državnom funkcijom – on brani svoje ljude, po svaku cenu, a ne pravdu, pravo ili građane.

Cette déclaration du maire, M. Mali, revient à dégager de leur responsabilité les fonctionnaires qui ont mal fait leur travail — en l'occurrence, à les déresponsabiliser de leur action ou inaction.

Le chef de la police communale, qui persiste à innocenter ses subordonnés des actes qui leur étaient reprochés, est tout simplement en devoir de connaître les règles du service et les appliquer. La conduite de Nikola Ristić pendant et après les incidents montre que soit il ne connaît pas les règles qui concernent le département qu'il dirige, soit qu'il les connaît et couvre ceux qui les violent, ce qui est pire. En quoi un tel employé peut-il bien être utile aux citoyens et à la ville ?

C'est là une vraie raison pour demander le départ de Ristić. Il ne s'agit pas d'une infraction non préméditée que l'on pourrait considérer avec clémence. Son implication personnelle dans cet incident [en serbe] avec les journalistes du KRIK, avec confiscation illégale du matériel et suppression de la séquence filmée, indique l'intention. Tout au long de cet incident, Ristić s'est bien gardé de prévenir ou d'empêcher que ses équipes enfreignent la loi.

Ce qui prouve que le chef de la police communale se moque que ses officiers respectent la loi, usent de violence, contreviennent à la dignité des journalistes, à la fois comme citoyens et comme professionnels. Tout ce qui lui importe, c'est de défendre ses hommes.

Et c'est là la raison principale pour laquelle il doit être remplacé — en vertu d'un principe qui entre en conflit direct avec toute fonction étatique: la défense de ses subordonnés à tout prix, en dépit de la justice, de la loi ou des intérêts des citoyens.

Mali: le chef de la police communale ne sera pas licencié. Les vidéos montrent son implication directe dans les événements
[dont une agression physique contre les journalistes].

Comme le montre [en serbe] le KRIK, le chef de la police Nikola Ristić et son adjoint Darko Vujsić ont entravé le travail des journalistes du KRIK, qui tentaient de poser au maire [en serbe] quelques questions sur le scandale des «24 appartements». Les autorités de Belgrade ont jusqu'à début avril [en serbe] pour appliquer la recommandation du médiateur et lui présenter un rapport.

La police communale est une division particulière de la police municipale serbe qui est directement responsable devant les autorités locales, c'est-à-dire qu'elle ne dépend pas du ministère de l'Intérieur. D'après la loi, ses pouvoirs sont plus limités que ceux de la police régulière. En 2015, la police communale de Belgrade a recouru à la force [en serbe] contre les habitants de la ville 48 fois, presque une fois par semaine.

Les usagers de Twitter ont exprimé leurs craintes d'un élargissement de ses pouvoirs qui transformerait la police communale en une sorte de «parapolice» [en anglais]. Comme dans le cas du maire M. Mali, quand la police outrepasse ses pouvoirs, font remarquer plusieurs internautes, elle bénéficie du soutien de fonctionnaires proches du Premier ministre serbe Aleksandar Vučić.

Est-ce que la police communale prête serment à Vučić personnellement ?

L'histoire d'amour de Mark Zuckerberg avec la Chine irrite les internautes

lundi 21 mars 2016 à 11:58
Meme of Zuckerberg jogging in Beijing spread on Facebook. Via OpenStudioHK.

Un meme de Marc Zuckerberg faisant son jogging à Beijing qui s'est répandu sur Facebook. Via OpenStudioHK.

Que l'enthousiasme et l'attitude positive du fondateur de Facebook Mark Zuckerberg envers la Chine soient sincères ou seulement une genefluxion devant le plus grand marché internet du monde, les internautes ont peu d'indulgence face à son attitude, oublieuse des atteintes aux droits humains en Chine.

Ces internautes critiques se font de plus en plus nombreux sur la page FB de Marc Zuckerberg.

Le 18 mars, Zuckerberg a posté une photo devant la Cité interdite de Beijing et écrit:

It's great to be back in Beijing! I kicked off my visit with a run through Tiananmen Square, past the Forbidden City and over to the Temple of Heaven.

C'est génial d'être de retour à Beijing! J'ai attaqué ma visite par un jogging sur la place Tiananmen, ensuite autour de la Cité interdite et jusqu'au Temple du ciel.

Immediatement, les commentaires sarcastiques ont fusé.

L'un des plus aimés a été le commentaire de Joshua Wong, un leader étudiant connu de Hong Kong, qui a posé cette question:

How to update your Facebook in China?

Comment mettre à jour sa page Facebook depuis la Chine ?

Facebook est bloqué en Chine depuis 2009 et durant les deux semaines de conclave du parlement à Beijing, du 5 au 16 mars, les grands réseaux sociaux qui permettent d'obtenir des informations non censurées d'au-delà de “la grande muraille de Chine” ont été interrompus.

Par ailleurs, dans des provinces ‘sensibles’, comme le Xinjiang, ceux qui utilisent  l'application WhatsApp ou des VPN (Réseaux privés virtuels) courent le risque de voir leur abonnement téléphonique suspendu. De fait, la liberté dont jouit Mark Zuckerberg en Chine est exceptionnelle.

Le leader du mouvement politique de Hong Kong Civic Passion, Wong Yeung-tat, a posé une autre question pour rappeler à Marc Zuckerberg le massacre des étudiants et manifestants de la place Tiananmen en 1989:

Did u see the tank?

Vous avez vu le tank?

Cao Yuzhou lui a donné plus d'informations sur cette date et ce lieu :

Le sol que vous foulez a été couvert du sang des étudiants qui se sont battus pour la démocratie. Mais bon, profitez bien de votre jogging en Chine, Mark.

La place Tiananmen est devenue un lieu politiquement très sensible. Les mouvements brusques ou les activités de groupe sans autorisation préalable du gouvernement y sont interdits.

Qingye Jiang le rappelle à Mark Zuckerberg :

Mark, you have a total number of 6 people in the running team. Did you apply for the authorization to run on the street? If not, this is illegal in China. Please respect the local law when you are in a foreign country.

Mark, vous étiez six en tout à faire du jogging. Est-ce que vous avez demandé une autorisation de courir dans la rue? Non ? C'est illégal en Chine. Merci de respecter les règlementations locales quand vous êtes à l'étranger.

Moins orientés vers la politique, d'autres internautes s'inquiètent de la santé de Mark Zuckerberg, l'indice de qualité de l'air ce vendredi précis ayant atteint des niveaux dangereux.

Michael Wester, du blog d'art de vivre The Beijinger, se moque de l'amour de Mark Zuckerberg pour la Chine :

How far would you go to curry favor with China?
How about running through Tiananmen Square without a mask in this morning's thick-as-pea-soup AQI 337 air? […]
If this doesn't get Facebook unbanned in China, nothing will.

Jusqu'où iriez-vous pour obtenir les faveurs de la Chine ? Pourquoi ne pas courir sans masque dans la purée de pois qu'est l'air, avec un indice de AQI 337? […] Si cela ne parvient pas à lever le blocage de Facebook en Chine, rien n'y arrivera.

Des mèmes du jogging de Mark Zuckerberg se sont rapidement répandus sur les comptes Facebook de Hong Kong, où le réseau social n'est pas bloqué.

En voici un sur le ‘smog’.

Image from Open Studio Hong Kong's Facebook.

Image de la page FB de Open Studio à Hong Kong

Ce n'est pas la première fois que Mark Zuckenberg est victime de ce type de plaisanteries sur Internet.

Quand le roi de l'internet chinois Lu Wei s'est rendu au siège de Facebook dans la Silicon Valley en décembre 2014, Mark Zuckerberg a été photographié avec le livre du président chinois Xi Jinping, ‘La gouvernance de la Chine’, sur sa table.

Les sites d'information chinois ont assuré qu'il avait acheté plusieurs exemplaires du livre pour ses collègues, pour qu'ils puissent comprendre le socialisme à visage chinois. Mark Zuckerberg a été alors représenté dans les mèmes sur internet comme un Garde rouge (les soldats de la tristement célèbre Révolution culturelle chinoise), le livre de  Xi Jinping à la main.

En octobre dernier, il a été ridiculisé une fois de plus sans merci pour avoir demandé à Xi Jinping de choisir un prénom pour sa fille, qui n'était pas encore née. Une proposition que Xi Jinping a promptement déclinée.

@Tibetans Tibétains, quel amour ! Xi Jinping a refusé d'aider Mark Zuckerberg à trouver un prénom pour son futur bébé.

Mark Zuckerberg assistera au Forum pour le développement de la Chine cette année. On peut parier que ses marques de déférence très publiques à l'égard du président Xi continueront à attirer l'attention.

Une série de contes animés fait revivre les langues indigènes au Mexique

dimanche 20 mars 2016 à 12:40
mydeathtotonaco

Capture d'écran du conte animé inspiré du poème “Muere mi rostro” de Manuel Espinosa Sainos, interprété en Totonaco de Puebla. Extrait de la série “Sesenta y ocho voces, sesenta ocho corazones”.

“On ne peut pas aimer ce que l'on ne connait pas”. C'est le point de départ du projet d'une série animée intitulée ‘Sesenta y ocho voces, sesenta y ocho corazones’ (Soixante-huit voix et soixante-huit coeurs) dont le but est de préserver et diffuser les langues indigènes mexicaines.

Cette série de contes animés, interprétés dans les langues indigènes et sous-titrés en espagnol, cherche à encourager la fierté, le respect et l'usage des langues indigènes au Mexique.

On peut voir ci-dessous un exemple de ce projet, un conte qui s'inspire d'un récit traditionnel du peuple Yaqui “El Chapulín Brujo” (Le criquet sorcier). L'histoire raconte comment la tribu yaqui a survécu à l'attaque d'un monstre féroce grâce à un arbre prophète et au Chapulín Brujo.

La narration se fait en yaqui, une langue de l'état de Sonora.

Le nom du projet fait référence aux 68 langues indigènes mexicaines qui, d'après l’Instituto Nacional de Lenguas Indígenas (INALI), sont actuellement parlées dans le pays. Pour le site Vimeo du projet:

Les langues indigènes recèlent une vision unique de la vie et du monde. Lorsqu'elles disparaissent, la vision du monde et la cosmogonie unique de chaque peuple disparaissent avec elles, entraînant une perte importante pour l'humanité.

Le projet considère donc les langues indigènes comme des visions du monde et cherche à éviter leur extinction.

Comme en témoigne le conte animé ci-dessous, qui s'inspire du poème “Cuando muere una lengua” de l'historien et anthropologue Miguel León Portilla, spécialiste reconnu de la pensée et de la littérature náhuatl. Le conte est récité dans cette langue, et, plus précisément, dans sa variante la Huasteca de Hidalgo.

Quand meurt une langue […]

Alors se referme pour tous les peuples du monde, une porte, une fenêtre.

Un regard depuis un balcon unique sur les choses divines et humaines, sur tout ce qui fait l'être et la vie sur la terre.

Cette première série a contribué à donner vie à quelques contes de tradition populaire, à quelques oeuvres choisies de poètes et d'artistes indigènes, et à donner la paroles à des historiens et des philosophes spécialistes de la pensée et des langues indigènes. Sur le site du projet, on peut lire :

Dans cette [première] série, sept des 68 visions du monde sont représentées : huaxtèque, maya, mixtèque, náhuatl, totonaco, yaqui et zapotèque, à travers la vision de sept écrivains et de sept illustrateurs graphiques.

La vidéo suivante s'inspire du conte “La última danza” de l'écrivain maya Isaac Esau Carrillo Can. C'est l'histoire d'une femme qui raconte une conversation qu'elle a eue avec son père. Celui-ci a quitté le monde terrestre pour retrouver sa femme. Il lui fait ses adieux en lui confiant qu'il a semé en elle “la grande graine des danses” et qu'elle devra la faire fructifier de par le monde.

La narration se fait en maya, une langue du Yucatán.

Lors d'une entrevue avec Global Voices, Gabriela Badillo, la créatrice et directrice du projet, a déclaré travailler actuellement en étroite collaboration avec l'INALI mais aussi avec les gens qui parlent les langues indigènes. Le but étant de recenser peu à peu chacune des 68 langues indigènes du pays, surtout celles qui courent le plus grand risque d'extinction.

Elle souligne que le projet est le fruit d'un travail de collaboration entre des auteurs contemporains, des traducteurs et des interprètes indigènes, des illustrateurs, des animateurs, des compositeurs de sons et de musiques, mais aussi toute une équipe de recherche et d'adaptation des histoires, sans oublier l'indispensable participation des tribus et communautés indigènes qui ont apporté leurs contes traditionnels.

Quand nous lui demandons comment est perçu le projet, Gabriela nous explique :

En général, les communautés que nous avons approchées ont été émues en voyant une partie de leur histoire, de leur tradition, de leur culture présentée en vidéo. Pas comme une “culture statique” et ancienne de musée mais comme quelque chose de vivant qui change et se développe avec le temps et les nouvelles générations. En évitant les “clichés” sur les indigènes et en incitant les jeunes des communautés et des artistes mexicains à apporter leur grain de sable. On nous a rapporté que les enfants surtout, dans les salles de classe, ont été très touchés.

Le site Vimeo de “68 voces” contient toutes les informations sur le projet, le budget de chaque video et leur description en anglais. Certains contes peuvent aussi être visionnés avec des sous-titres en anglais sur YouTube.

De plus amples informations et des mises à jours sont disponibles sur la page Facebook du projet et sur la page de l'équipe de création Hola Combo.

Contourner la censure sur internet sera bientôt sanctionné en Russie

dimanche 20 mars 2016 à 11:48
Le Kremlin est tellement préoccupé par les outils de contournement de la censure qu'il cherche à présent à rendre illégal le simple fait d'en mentionner l'existence. Image éditée par Tetyana Lokot.

Le Kremlin est tellement préoccupé par les outils de contournement de la censure qu'il cherche à présent à rendre illégal le simple fait d'en mentionner l'existence. Image éditée par Tetyana Lokot.

Tor. VPN. Sites miroirs. La mention même de ces outils informatiques utilisés pour contourner la censure pourrait bientôt devenir de la “propagande” selon de nouveaux amendements à la loi russe.

L'organisme régulateur des médias en Russie, Roscomnadzor, envisage de mettre en place des amendes pour “propagande” d'outils de contournement de la censure en ligne qui permettent aux internautes d'avoir accès à des pages internet bloquées. Les modifications à la loi assimilent aussi les versions “miroir” des sites bloqués aux sites originaux.

D'après le média RBC, qui affirme posséder une copie d'une première version du document, le Roscomnadzor punirait la “propagande” de logiciels ou sites de contournement de la censure en ligne avec des amendes de 3000 à 5000 roubles (40 à 65 euros) pour les personnes privées ou les fonctionnaires, et de 50 000 à 100 000 roubles (655 à 1310 euros) pour les entreprises. Le montant de ces amendes n'est certes pas exorbitant, mais elles constituent un précédent dangereux pour l'avenir.

Le nouveau projet de loi ne se contente pas de limiter la possibilité de fournir de l'aide pour accéder aux sites bloqués. Il fournit également une définition des “sites miroirs” et autorise les détenteurs de droits d'auteur à demander à un tribunal de bloquer le site d'origine contenant du contenu “piraté” et tous ses miroirs – des “sites dérivés” qui ont un nom et un contenu similaire, y compris lorsque celui-ci est traduit dans d'autres langues.

En février 2016, les détenteurs de droits d'auteur russes ont proposé un amendement similaire prévoyant une amende de 50 000 roubles (655 euros) pour les fournisseurs d'accès à internet (FAI) qui publieraient de l'information sur le contournement de la censure. A l'époque, les auteurs du projet de loi avaient affirmé que Roscomnadzor soutenait le texte, ce que le régulateur avait pourtant nié.

La répression du contournement de la censure va à l'encontre de la liberté d'expression

En apparence, le nouveau projet de loi de Roscomnadzor a pour objet la protection des droits d'auteur et la limitation de l'accès aux contenus internet piratés. Mais les implications d'une interdiction des outils de contournement sont beaucoup plus grandes. Les responsables russes débatent sur le sujet des restrictions sur les VPN (réseau privé virtuel) et sur les proxys anonymiseurs depuis déjà un certain temps, mais jusqu'à présent ils n'avaient pas osé rendre illégaux les outils ou les informations les concernant. Comme pour les autres législations sur internet en Russie, les experts considèrent que les nouveaux amendements sont d'une portée très large, ce qui permet de les interpréter de façon abusive et de restreindre un peu plus la liberté d'expression.

… si les changements législatifs étaient appliqués de façon “littérale”, de nombreuses pages tout à fait anodines faisant simplement mention d'outils de contournement de la censure pourraient être qualifiées de “propagande”.

Irina Levova, directrice des projets stratégiques à l'Institut pour la Recherche sur Internet, a affirmé à la RBC que si les changements législatifs étaient appliqués de façon “littérale”, de nombreuses pages tout à fait anodines faisant simplement mention d'outils de contournement de la censure pourraient être qualifiées de “propagande”.

Irina Levova considère que Roscomnadzor et les détenteurs de droits d'auteur russes font délibérément pression sur les FAI pour réguler de façon excessive l'accès à l'information sur internet. Selon elle, en Russie, les FAI ont les moyens techniques de bloquer jusqu'à 85% des sites internet sur le RuNet ; tout moyen additionnel permettant restreindre l'information impliquerait un blocage de masse des adresses IP, ce qui signifie que davantage de sites internet en conformité avec la loi pourraient être touchés.

La guerre larvée du Kremlin contre l'anonymat

A ce jour, la première grande attaque contre les outils de contournement de la censure sur le web en russe a éclaté après le blocage du site de RosKomSvoboda, une organisation russe pour les libertés sur internet et les droits de l'homme.

En février 2016, le site de RosKomSvoboda a été ajouté à une liste noire à cause d'une page du site, qui explique aux utilisateurs comment contourner la censure en ligne et accéder à des contenus bloqués. RosKomSvoboda a répliqué que le blocage et le jugement étaient absurdes, puisque la loi russe n'interdit ni l'information sur les outils d'anonymisation, ni les services en eux-mêmes.

Vadim Ampelonsky, le porte-parole de la Roskomnadzor, a souligné que le jugement contre RosKomSvoboda créait un précédent, dans la mesure où le procureur chargé de cette affaire était “responsable de l'application de la législation anti-extrémiste et a pu prouver que cette information crée des conditions dans lesquelles les utilisateurs peuvent accéder à des contenus extrémistes.” Ampelonsky a affirmé que le jugement pourrait influencer le travail des juges et des tribunaux pour toute affaire concernant le contrôle d’ informations qui permettent aux Russes de contourner la censure.

Détail important, un mois plus tôt, en janvier 2016, Ampelonsky avait déclaré à RBC TV que contourner la censure en ligne ne constituait pas une violation de la loi.

Le site de RosKovSvoboda a finalement été débloqué après que les administrateurs ont modifié les contenus de la page incriminée. Elle contient maintenant leur compte-rendu sur le procès ainsi qu'une lettre officielle du ministère des Communications, qui fournit des explications sur certains des outils de contournements mentionnés auparavant par le site. Les activistes ont également déplacé vers une page différente les informations et les liens vers d'autres outils d'anonymisation et d'encryptage pour leur campagne Open RuNet. Le porte-parole de Roscomnadzor Vadim Ampelonsky a confirmé à la RBC que l'organisme travaillait avec un groupe de détenteurs de droits d'auteur en Russie sur les amendements à la loi russe, dite “Sur l'information, les technologies de l'information et sur la protection de l'information”, et sur le Code des infractions administratives. Le 17 mars, les amendements ont fait l'objet d'une discussion entre des représentants d'entreprises internet comme Apple, Google, Microsoft, Yandex et MailRu, lors d'une table ronde de Roscomnadzor sur la régulation du web russe. Le projet de loi sera soumis le 21 mars au ministère des communications avant d'être envoyé à la Douma pour vote.

Effervescence opposée chez les Marocains et les Sahraouis après les propos de Ban Ki-Moon sur “l'occupation”

samedi 19 mars 2016 à 19:06
Screenshot of an Al Arabyia video report on the protests in Morocco.

Capture d'écran d'un reportage vidéo de Al Arabiya sur les manifestations au Maroc.

Cela fait quarante ans que la relation tendue entre le royaume du Maroc et les habitants du Sahara Occidental alimente un conflit gelé sur la gouvernance de ce territoire. Début mars, les tensions ont été réenflammées par la visite du Secrétaire Général de l'ONU Ban Ki-Moon dans un camp de réfugiés sahraouis dans le sud algérien.

Dimanche 13 mars, des dizaines de milliers de Marocains sont descendus dans les rues en un rare étalage de colère populaire, pour protester contre les propos de Ban Ki-Moon à propos de ce territoire disputé. Le gouvernement marocain accuse M. Ban d'avoir enfreint la neutralité des Nations Unies en qualifiant le Sahara Occidental de territoire “occupé”. Un porte-parole du ministère marocain des Affaires étrangères a déclaré à la presse que le représentant de l'ONU avait  “agressé la sensibilité” nationale.

Le Maroc proclame que le Sahara Occidental, une ex-colonie espagnole, fait partie de son territoire, tandis que les Sahraouis sous la direction du Front Polisario veulent l'indépendance pour ce qu'ils appellent la République arabe sahraouie démocratique. Une guerre territoriale sanglante a opposé les deux camps de 1975 à 1991, jusqu'à ce qu'une médiation de l'ONU aboutisse à un accord de cessez-le-feu.

Conséquence du conflit, des milliers de Sahraouis ont été expulsés en Algérie, où ils vivent encore aujourd'hui dans des camps de réfugiés autour de Tindouf. L’UNHCR estime à 165.000 le nombre de réfugiés sahraouis hébergés dans ces camps. Les possibilités d'auto-suffisance sont rares, et la plupart dépendent de l'aide humanitaire.

Le peuple du Sahara Occidental, dont la population est estimée à 570.866 personnes, veut un référendum sur son indépendance, comme le promettait l'accord de cessez-le-feu, une idée rejetée par le Maroc.

Le Maroc est convaincu que l'intégrité du pays est en jeu ; le Sahara Occidental, qu'il a droit à l'indépendance. Sans surprise, les passions s'emportent fréquemment autour de ce thème.

‘Nous ne céderons pas le moindre grain de sable’

Furieux contre le secrétaire général de l'ONU, Idriss Lashkar, un député de premier plan du parlement marocain, a appelé ses concitoyens à participer aux manifestations dans tout le pays.

Plusieurs leaders politiques ont avalisé les marches dont la première a eu lieu à Bab Chala, dans le centre de Rabat, et encouragé les jeunes à y participer. Dans les rues passantes de la capitale, les manifestants ont appelé les marches “Milyoneya”—un mot arabe pour les rassemblements de millions de gens. Les Marocains ont scandé des slogans et brandi des banderoles pour stimuler la ferveur nationale. Les dirigeants ont aussi sévèrement critiqué Ban Ki-Moon, et affirmé l'unité du peuple ainsi que la souveraineté marocaine.

Sur les médias sociaux, des Marocains s'en sont pris directement à l'Algérie, soutien du Front Polisario, ainsi qu'au reste du monde perçu comme prenant parti pour le Sahara Occidental.

Dans un billet sur Facebook, Hajar Maky a posté une photo d'un groupe de Marocains drapés dans le drapeau national. Elle insiste sur l'importance de l’unité :

“نحن لسنا أفضل شعوب العالم من ناحية التسامح و احترام و تقبل الآخر. نحن أصلًا لا نملك مواقف نحو قضايا شعوب العالم و لا نعلم عنها الكثير إن لم نستثني القضية الفلسطينية.. كذلك أغلب شعوب العالم لا تعلم شئ عن قضيتنا. و تأخد مواقف نتيجة جهلها بالواقع. والشقيقة الجزائر حفظ الله شعبها من كل شر مهمتها الديبلوماسية الاولى توفير الامكانيات اللوجيستكية بشكل مستمر لقيادات البوليساريو لنشر اكذوبتهم التاريخية …
لا تنتظروا من شعوب العالم ان تبرمج في مقررات مادة التاريخ لتلامذتها تاريخ تحرير المغاربة لارضهم من يد المستعمر الاسباني
.

Nous ne sommes pas le meilleur pays du monde pour la tolérance, le respect et l'acceptation de l'autre, etc. Nous n'avons même pas de positions pour les questions existant dans de nombreux pays du monde, et n'en avons guère idée, à l'exception de la Palestine. De même, la plupart des pays du monde ignorent notre situation, et prennent position à son sujet sur la base de leur ignorance des faits et de la réalité. Notre pays voisin, l'Algérie — que Dieu garde son peuple de tout mal — essaie de maintenir ses efforts diplomatiques en fournissant la logistique pour les dirigeants du Front Polisario, le mouvement armé sahraoui, afin de promouvoir un mensonge historique.

Sur Twitter, Azhar a écrit :

Le célèbre chanteur marocain Saad lmjarrad, a publié sur sa page Facebook une photo sur laquelle est écrit “le Sahara est marocain” et il soutient par ces mots les manifestations :

المغرب في صحراءه و الصحراء في مغربها ، قسما بالله ايمانا و احتسابا، لن نتنازل عن ذرة رمل من ارض وطننا.
نسأل الله العظيم ان يحفظ بلادنا من الفتن ، وأن يعم الأمن والسكينة ربوع وطننا العزيز من طنجة الى الكويرة.

Le Maroc existe dans son désert et le désert existe dans son Maroc. Nous en faisons le serment devant Dieu, nous ne céderons pas le moindre grain de sable de notre patrie. Nous prions notre grand Dieu de préserver notre pays des querelles, et d'accorder sécurité et tranquillité à notre pays bien-aimé, de Tanger à Queira

Fatma Ezzahraa, une twitteuse marocaine active, a posté tweets et photos en solidarité avec les manifestants :

O mon pays. O gens de ma patrie. Marches d'aujourd'hui à Rabat. #MarocaineEtFière

Les Sahraouis contre-attaquent

Les manifestations auraient, dit-on, mis Ban Ki-Moon en colère. Le Maroc, de son côté, a annoncé suspendre sa contribution à la mission de maintien de la paix de l'ONU pour le Sahara Occidental.

Ce qui n'a pas empêché la visite du secrétaire génral de l'ONU aux camps de réfugiés d'insuffler un peu d'espoir dans la lutte des Sahraouis pour la souveraineté. Réagissant aux manifestations au Maroc, les Sahraouis se sont dits indignés de ce qu'ils appellent “l'occupation marocaine”. Malainin Lakhal a tweeté :

Le Maroc-est-une-puissance-coloniale Rappelons au gouvernement marocain et au monde que le Maroc est une puissance d'occupation militaire au Sahara Occidental

Lakhal est un militant des droits humains qui dit avoir subi une disparition forcée dans les prisons marocaines. Il se considère comme un combattant pour l'indépendance du Sahara Occidental.

Abdullah Saleh a posté sur Twitter la photo d'un rassemblement devant le Ministère espagnol des Affaires étrangères à Madrid. Les participants tenaient des drapeaux de la République arabe sahraouie démocratique, exigeant la libération du Sahara Occidental :

La campagne internationale de solidarité pour les détenus politiques sahraouis devant le ministère espagnol des Affaires étrangères.

L'ancien représentant diplomatique du Front Polisario, Emhammad ALghazi, a encouragé les habitants du Sahara Occidentaux à s'unir contre les Marocains, disant :

RASD Additionner les forces pour défaire l'envahisseur

Mille Neumann a publié une photo avec des militants d'Afrika Kontakt, un mouvement de solidarité basé au Danemark qui collabore avec des mouvements africains, pour exprimer du soutien aux Sahraouis et appeler à la tenue d'un référendum séparatiste :

Ghaly Ahmed a personnifié son pays en décrivant l'occupation comme une personne qui saigne. Il écrit :

Quand seras-tu soulagée de ta douleur prolongée ? O, ma patrie. La paix soit sur toi

Les Sahraouis pour leur part organisent le 19 mars une manifestation pacifique demandant la libération des prisonniers politiques dans les geôles marocaines.