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Dix mots quechua d'usage quotidien en espagnol et dans d'autres langues

lundi 23 novembre 2015 à 15:45
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Image de elisa la sur Flickr. Utilisée sous licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-NC-SA 2.0)

Le quechua, langue de l’empire Inca, a été pendant presque 500 ans au contact du castillan (langue de l'empire de Charles Quint), il est donc logique que les deux langues se soient influencées. Le plus remarquable, en dehors des tournures de phrases quechua qui transparaissent dans le castillan des autochtones bilingues, ce sont les mots d'emprunt. Ainsi dans le quechua parlé au quotidien, on retrouve beaucoup de mots d'origine castillane, et le contraire se produit également, mais bien souvent on l'ignore.

En dehors des mots qui désignent des animaux ou produits agricoles originaires du Pérou et qui se sont incorporés au castillan avec de légères modifications comme  llama, guanaco ou vicuña (lama, guanaco ou vigogne) pour ne parler que des camélidés sud-américains, ou bien papa, quinua, palta ou lúcuma, si l'on veut parler des produits agricoles d'origine péruvienne, il y a bien d'autres mots dont on imagine même pas l'origine quechua.

En voici une liste informelle et non exhaustive.

1 – Cancha.

Arruabarrena en @SoloBocaRadio “El hincha de Boca tiene que verse reflejado en la cancha por el equipo”. pic.twitter.com/w7xf9c3mjE

— SECTOR BOSTERO (@SectorBostero) March 12, 2015

Le fan de Boca doit s'imaginer être sur le terrain avec l'équipe

Ce mot qui vient du quechua  kancha, est utilisé dans pratiquement toute l'Amérique du Sud hispanophone et désigne l'endroit où se déroule un match de football. Mais il a également d'autres significations plus locales, par exemple le maïs grillé est aussi appelé cancha o canchita.

2 – Poncho.

Plus, it's impossible to be unhappy in a poncho… http://t.co/bk2c4aWUgNpic.twitter.com/PWVoUHkuBa

En plus, il est impossible d'être triste sous un poncho
— Salt Lake Comic Con (@slcomiccon) March 12, 2015

Ce mot est d'utilisation quasi mondiale, mais la RAE (Académie royale espagnole) ne reconnait pas son origine quechua. Pourtant le vocable quechua “punchu” a la même signification, c'est pour cela que, sauf élément nouveau, nous l'admettons sur cette liste. Il a, de plus, un sens bien précis dans une expression courante dans beaucoup de pays sud-américains : “No dejarse pisar el poncho” (Ne pas se laisser piétiner le poncho…), “ne pas se laisser humilier ou intimider”.

3 – Cura

El cura del fin del mundo: da misa en la Antártida http://t.co/RIlXfkw583pic.twitter.com/Rizt93JhEi

Le curé du bout du monde fait une messe en Antarctique
— Clarín.com (@clarincom) March 6, 2015

Le mot “cura” (curé) est utilisé couramment pour désigner un prêtre. Son usage est commun dans toute l'amérique latine de langue castillane, mais son origine serait le mot quechua kuraka ou kuraq, terme utilisé pour désigner le chef d'une comunauté dans l'empire inca. L'expression  “fils de curé” considérée souvent comme une insulte dans le sens où elle fait référence à une condition de batard, est aussi utilisée dans certains endroits de façon sarcastique pour désigner des personnes qui s'en sont sorties “par le haut”.

4 – Gaucho

Meat Feast Gaucho Style @gauchogroup#steak#Richmondpic.twitter.com/QNGNRNBLJ1

Festin de viande à la mode gaucho
— Gaucho Richmond (@GauchoRichmond) March 11, 2015

Dans  pratiquement le monde entier on désigne par le mot “gaucho”, le “cowboy” des pampas argentines, et on le considère comme un mot argentin. Et pourtant son origine la plus probable est le mot quechua “wakcha” qui a le sens d'orphelin, même origine pour le terme péruvien “huacho” qui signifie solitaire. (Note du traducteur : au Chili on parle de “Huasso” prononcé gouasso…avec le sens de “cowboy”)

5 – Morocho

#ComoCuesta entender que nadie pregunte por este morocho. ¿Querés conocerlo? Visitanos: http://t.co/2IGnAa30xKpic.twitter.com/JhqxfVmHVL

Personne ne s'intéresse à ce “morocho”.Tu veux le connaître?Viens sur le site!
— El paraíso felino (@elparaisofelino) March 10, 2015

Du quechua muruch'u, qui désigne une variété de maïs aux grains très durs, son sens le plus commun est “personne à la peau sombre”, mais dans certains pays, on l'utilise pour parler de gens qui ont la peau blanche et les cheveux noirs. Par extension, on l'applique aussi à des animaux à peau noire. En Equateur le “morocho” est une délicieuse boisson fort épaisse.

6 – Chacra.

Intendencia y Fac Veterinaria avanzando en proyecto de Hospital Veterinario en chacra d Brío Uruguay pic.twitter.com/KE0AXu9quy

Intendance et faculté vétérinaire associée au projet d'hôpital vétérinaire de la “chacra” (ferme) de Brio en Uruguay
— enzo squillace (@SquillaceEnzo) March 11, 2015

Dans beaucoup de pays sud-américains, on utilise le mot chacra pour parler d'une grange, une maison entourée de champs cultivés, une ferme tout simplement. Il provient du quechua chakra ou chajra désignant une petite parcelle de terre cultivée. Dans le parler péruvien, qualifier quelque chose de “chacra” veut dire qu'elle est mal faite.

7 – Chullo

#beGood#beyondBeanie When you buy a bB, you make this a better world for children in need. http://t.co/Q3uA7Ls38Opic.twitter.com/FAKqvP3qGb
— beyondBeanieUSRep (@beyondBeanieUS) March 11, 2015

Quand vous achetez un bB, vous rendez le monde meilleur pour des enfants dans le besoin.

Cet élément vestimentaire, que certains artistes utilisent pour se donner une touche exotique, est d'origine péruvienne, et le mot est évidemment d'origine quechua. Il dérive du terme  ch'ullu qui désigne un bonnet traditionnel à oreillettes en laine d'alpaga.

8 – Carpa

Carpa informativa ahir a Vallmoll. Bon ambien i bona companyia. #Podempic.twitter.com/ud19PWFSZL

Chapiteau d'information hier à Vallmoll. Bonne ambiance et bonne compagnie
— Cercle Podem Valls (@podemvalls) March 2, 2015

En Amérique latine et en Espagne (y compris en Catalogne), une tente de campagne porte aussi le nom de carpa, le grand chapiteau d'un cirque est aussi une “carpa” . Karpa est le mot quechua à l'origine de ce nom. Il existe aussi un usage très familier dans quelques pays sud américains. L'expression: estar carpa (être comme un chapiteau de cirque).

9 – Pucho

C'est comme ça qu'on étudie… #Pucho y #CocaCola#Actitudpic.twitter.com/k7ZC568Cj0

— Mariano Bruzzone (@marianobruzzone) March 1, 2015

Ce petit mot qui vient du quechua: “puchu“, il est utilisé habituellement pour les mégots de cigarettes ou les cigares à moitié fumés, néanmoins on l'utilise aussi par extension dans quelques pays pour la cigarette complète. Dans d'autres il fait partie de l'expression : “sobre el pucho” qui signifie “immédiatement, à l'instant! “

10 – Guano

Bat guano carries the fungus Histoplasma capsulatum which can infect the brain making you psychotic. pic.twitter.com/6kgL2yHQG5

Le guano renferme un champignon appelé Histoplasma capsulatum susceptible d'infecter le cerveau humain
— Howard Farran DDS (@HowardFarran) March 13, 2015

Un terme utilisé à l'origine pour désigner les excréments des oiseaux marins utilisés comme engrais, vient du quechua wánu, par extension on l'utilise également pour désigner les excréments d'autres animaux. Son usage est plus répandu qu'on pourrait le croire.

Allez le quechua !

PS – Aucun linguiste n'a été maltraité pendant la rédaction de ce post…

Autres posts sur le quechua:

Chercher du quechua sur internet
Cinq applications, podcasts et blogs gratuits pour apprendre le quechua
T’ikray, poésie de Jorge Vargas Prado
Lenguas: Tweeter et parler en quechua
Perú y el #RetoDeLasLenguas

Post publié à l'origine sur le blog Globalizado.

Emirats Arabes Unis : célibataire salariée recherche enfant à adopter

lundi 23 novembre 2015 à 14:25
Ayesha Albusmait, and her daughter, Reem Abdullah Rashid. Albusmait is one of the small, but growing number of single Emirati woman choosing to adopt. Credit: Amanda Fisher. Used with PRI's permission.

Ayesha Albusmait et sa fille Reem Abdullah Rashid. Albusmait fait partie du petit nombre sans cesse croissant de femmes célibataires émiraties qui choisissent d'adopter. Photographie : Amanda Fisher. Reproduit avec l'autorisation de PRI.

Cet article, ainsi que le reportage d’Amanda Fisher pour The World, ont à l'origine été publiés sur PRI.org le 6 novembre 2015, et sont reproduits ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dans une grande villa d'un quartier de Dubai, Reem Abdullah Rashid joue gaiement dans une petite tente. Elle a cinq ans.

Listen to this story on PRI.org »

“C'est ma tente à secrets. Vous pouvez chuchoter n'importe quoi dans l'oreille de maman, c'est une tente à secrets”, explique-t-elle alors que j'essaie de glisser mon gabarit d'adulte à travers la petite ouverture.

C'est dans cette tente que la mère de Reem, Ayesha Albusmait, a expliqué à sa fille leur famille pas comme les autres.

“J'ai remarqué que chez les Européens et dans les histoires [pour enfants], la tente est toujours utilisée pour raconter des secrets, alors j'ai saisi ma chance”, dit Albusmait.

Elle a dit à sa fille qu'elle avait deux secrets : le premier, qu'elle l'aimait, et le second “Je t'ai eue par mon coeur, pas par mon ventre.”

Albusmait a quarante-neuf ans et est à l'avant-garde d'un petit nombre croissant de femmes émiraties, célibataires et qui travaillent, ayant choisi d'adopter. Un cinquième de la liste d'attente d'environ cinquante parents en attente d'adopter recensés par l'Autorité de développement communautaire de Dubai est constitué de femmes célibataires.

“J'encourage plus les mères célibataires à choisir l'adoption que les familles. Il y a des enfants qui ont besoin d'une famille, et il y a des mères: elles aussi ont besoin d'une famille”, dit Albusmait.

Albusmait explique qu'elle n'a jamais consciemment rejeté le mariage, celui-ci n'est tout simplement jamais arrivé. Mais elle voulait avoir un enfant. Quand elle a expliqué son adoption à Reem dans la tente, elle dit que celle-ci l'a bien pris.

Malgré tout, la situation est compliquée. La culture émiratie est profondément traditionnelle, et les parents adoptifs sont incroyablement rares : les adoptions restent un sujet controversé dans le monde musulman.

Beaucoup pensent que l'adoption est “haram”, interdite par l'islam. D'après Natana Delong-Bas, professeure assistant au Boston College et éditrice en chef de l'Encyclopedie Oxford de l'islam et des femmes, l'adoption (dans le sens où l'enfant prend le nom de sa nouvelle famille et est considéré comme un héritier à part entière) n'est pas autorisée par la loi islamique classique.

“On croit qu'il est très important pour enfant de savoir qui sont ses parents biologiques et d'être en mesure de retracer son patrimoine familial”, dit Delong-Bas. “Mais la structure de la famille d'accueil, dans laquelle un famille accueille un enfant, le nourrit et l'élève dans leur propre maison […] est pratiquée depuis longtemps.”

Bien qu'Albusmait parle de Reem comme de sa fille, celle-ci a gardé le nom de famille de ses parents biologiques.

Quand elle a décidé d'adopter, Albusmait appréhendait de le dire à sa famille. Celle-ci a fait preuve d'un grand soutien, bien qu'au début certains de ses parents n'aient pas compris.

Depuis, Albusmait a expliqué publiquement le chemin qu'elle a pris, espérant en cela soutenir d'autres femmes désireuses de suivre ses traces.

“Même parmi les couples mariés, on ne parle pas d'adoption. J'en parle parce que j'ai un message pour ma société… [l'adoption] est la chose la plus importante qu'une société puisse accepter.”

 

 

Le Mali rend hommage aux victimes et aux héros anonymes lors de l'attaque du Radisson Hôtel à Bamako

dimanche 22 novembre 2015 à 16:53
Un soldat malien porte un otage lors des attaques à Bamako via Mohamed Mamouny on Facebook with permission

Un soldat malien porte un otage lors des attaques à Bamako via Mohamed Mamouny sur Facebook avec son autorisation

Des hommes armés ont attaqué ce vendredi 20 Novembre à Bamako un hôtel et ont pris en otage 170 personnes. Un dernier bilan fait état d’au moins 21 morts parmi les clients et employés, ainsi qu'au moins trois terroristes. Une fusillade suivie d’une prise d’otages a eu lieu à 7 h du matin dans l’hôtel Radisson Blu. Les assaillants ont ouvert le feu à l’intérieur de l’établissement après avoir déjoués le système de sécurité de l'hôtel. Les militaires maliens aidés aussi par les forces de la Minusma (ONU) et des forces françaises du GIGN, ont alors pris d'assault l’établissement pour libérer les otages. Les assaillants ont été neutralisés et tués lors de l'attaque mais l'enquête continue sur l'identification de l'ensemble de la cellule. L'état d'urgence a été declaré au Mali. L'attentat a été revendiqué par le groupe Al Mourabitoune qui a lui-même fait allégiance au groupe Al Quaeda. Cet attentat survient une semaine après les attaques meurtrières qui ont fait à Paris 130 morts et plus de 350 blessés et revendiquées pour leur part par le groupe Daesh.

Des otages sous le choc

Touriste protégé par les forces maliennes par Pablo Esquer CC BY 40

Touriste protégé par les forces maliennes par Pablo Esquer CC BY 40

La prise d'otage s'est terminé en fin de journée après plusieurs heures de siège. Les témoignages des rescapés rendent compte de la violence des attaques.

Ali Yazbeck, un pâtissier de l’hôtel, blessé de deux balles, l’une au cou, l’autre dans le dos, raconte sur son lit d’hôpital cette scène hallucinante. Après que l’assaillant à la casquette entourée d’un turban lui eut tiré dessus, Yazbeck est parti se réfugier dans un bureau avec deux serveuses. Il raconte son calvaire:

Il nous a retrouvés et a tiré sur Awa, qui a été tuée, et sur Sarah, qui a été blessée. Il n’a rien dit, mais après il est reparti dans la cuisine, où il a pris un morceau de viande, qu’il s’est fait griller avant d’ouvrir le gaz dans toute la cuisine

Baïda et Penda Cissé tiennent une échoppe de cigarettes au coin de la rue perpendiculaire à l’entrée du Radisson. Baida donne son témoignage:

Un homme, teint noir, en tenue militaire, tire sur les gardes de l’hôtel. Quand j’ai vu un premier garde, puis un second à terre, je suis parti me mettre à l’abri.

D'autres témoignages dans la vidéo suivante font état de cadavres parsemant les locaux de l'hôtel:


Actes de bravoure

Dans une situation extrêmement tendue, plusieurs actes de bravoure et de sang froid ont permis d'éviter plus de pertes humaines. C'est le cas du leadership empreint de maitrise du maitre d'hôtel Tamba Diarra.

Tamba Diarra Maitre d'hotel du Radisson Hotel à Bamako.

Tamba Diarra Maitre d'hotel du Radisson Hotel à Bamako. Capture d'écran de la vidéo de son témoignage.

Tamba Diarra raconte comment il a vécu ces attaques et ce qu'il a essayé de faire pour protéger la vie des otages:

J'ai rencontré un des jihadistes, raconte le maître d'hôtel d'une voix posée, mais hésitante. Il avait un képi, une chemise à manches longues bleue, un pantalon bleu. Il a posé son képi sur le bar, puis il m'a poussé en tirant partout. Pour intervenir efficacement dans le bâtiment, les forces d'intervention ont besoin de connaître la configuration des lieux. Je les guide  porte par porte, couloir par couloir, étage par étage, afin qu'on puisse libérer tout le monde. Quand un client appelait de sa chambre, on lui donnait le mot de passe “Tamba”. Quand on avait un appel, je disais aux militaires : “Allez à tel étage, dites au client “Tamba”, et là le client sort.

Les actions des forces de l'ordre sont à aussi à noter pour leur efficacité et toujours dans un souci de préserver le plus de vie possible. La photo du militaire malien portant un otage sur le dos pour l'emmener en sécurité a fait le tour du web malien. Boukary Konaté à Bamako écrit son admiration pour l'action  du soldat:

Soldat Malien portant otage sur son dos - via Mohamed Mamouny avec son autorisation

Soldat Malien portant otage sur son dos – via Mohamed Mamouny avec son autorisation

Que le monsieur au dos m'excuse, mais je veux juste exprimer ici, mon admiration pour ce militaire malien qui fait non seulement la tache pour laquelle il s'est engagé dans l'armée, mais aussi un acte d'humanisme, de solidarité…. Les mots me manquent

Les citoyens maliens ont déjà repris leurs activités économiques faisant fis des risques et de la déclaration d'état d'urgence encore en cours. Dans la vidéo suivante, Mme Djero, vendeuse de poissons explique pourquoi les attentats ne vont pas influencer son quotidien:

Le Mali est un pays pauvre. Si on s’arrête de travailler, même un seul jour, on ne peut pas vivre. L'attaque nous a choqué au plus haut point mais il faut continuer à vivre.

 

 

 

Le saké redevient une affaire de femmes au Japon

samedi 21 novembre 2015 à 20:00
Maître brasseur - ou toji - Emi Machida à Gunma au Japon, dans la brasserie Machida, vieille de 130 ans. Sous sa direction, son saké familiale de qualité supérieure a gagné sept fois la médaille d'or à la cérémonie annuelle des Japan Sake Awards.  Credit: Naomi Gingold. Utilisé avec l'autorisation de PRI

Maître brasseur – ou toji – Emi Machida à Gunma au Japon, dans la brasserie Machida, vieille de 130 ans. Sous sa direction, son saké familial de qualité supérieure a obtenu sept fois la médaille d'or au concours annuel des Japan Sake Awards. Crédit: Naomi Gingold. Utilisé avec l'autorisation de PRI

Cet article et le reportage radio de Naomi Gingold pour The World ont été initialement publiés sur PRI.org le 11 septembre 2015, et republiés ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Pendant longtemps, le brassage du saké était une industrie reposant sur des propriétaires de brasserie qui ne brassaient pas eux mêmes leur saké et des maîtres brasseurs saisonniers, appelés Toji, lesquels vivaient dans les distilleries à la saison du brassage et retournaient ensuite chez eux.

Listen to this story on PRI.org »

Cette industrie a cependant connu un déclin. Le nombre de consommateurs de saké a baissé et le nombre de brasseries de saké au Japon a chuté de moitié par rapport aux années 70. De plus, les maîtres brasseurs prennent de l'âge et sont souvent peu désireux de changer leurs habitudes et d'atteindre de nouveaux ou de jeunes clients.

Emi Machida, la Toji, ou maître brasseur, de la brasserie Machida basée à Gunma au Japon indique : “pour survivre, nous avons décidé de devenir nous mêmes propriétaires et fabricants de saké, de produire le type de saké que nous voulions faire et boire. Il y a 10 ans, nous avons donc arrêté d'avoir recours à des ‘immigrés’ pour brasser le saké.”

Sa famille est propriétaire de la brasserie depuis plus de 130 ans mais elle est la première Toji de la famille.

Machida est aux avants postes du mouvement grandissant de brasseries détenues par des propriétaires-artisans au Japon. Machida est cependant un cas particulier car elle est l'une des rares femmes Toji dans un secteur qui a longtemps été un univers exclusivement masculin.

Dans le temps, on disait que le brassage du saké était une activité artisanale pratiquée par les femmes. Le mot Toji, dans son ancienne orthographe, peut en effet vouloir dire “femme”.

A display of Machida Brewery's award-winning sake.  Credit: Naomi Gingold. Used with PRI's permission

Une photo de la brasserie Machida, gagnante d'un concours du meilleur saké. Crédit: Naomi Gingold. Utilisé avec l'autorisation de PRI

Machida se souvient que lorsque son grand-père dirigeait la brasserie, il disait que “les femmes sont perçues comme sales, impures et qu'elles ne pouvaient donc pas entrer dans une brasserie sacrée.”

Le saké est souvent utilisé à l'occasion de rituels religieux au Japon. La brasserie Machida a la bénédiction d'un prêtre shinto et elle est décorée avec des cordes shinto.

En grandissant, Machida n'a jamais imaginé devenir un jour brasseur de saké. Elle a étudié au collège à Tokyo mais comme beaucoup de femmes japonaises, elle s'est retrouvé coincée dans une voie professionnelle sans issue, à servir le thé et faire des photocopies.

L'idée de revenir à Gunma pour diriger l'entreprise familiale a toujours fait partie de ses projets, surtout en tant que fille ainée.

Lorsqu'elle débuta en tant que Toji, les choses ne furent pas si simples. Ses employés de sexe masculin ne l'écoutaient pas.

“Si je disais dépose ça ici, ils le déposaient à un autre endroit. Les choses n'allaient pas dans le sens que je voulais” dit-elle. “Au final, tout le monde partait à 5 heures et je restais debout jusqu'au milieu de la nuit pour refaire les choses.”

Elle entendait aussi dire que beaucoup de clients ne voulaient pas acheter un saké fabriqué par une néophyte et qui plus est une femme brasseur.

Aujourd'hui, elle n'entend plus du tout ce genre de propos. Depuis qu'elle a repris la brasserie, il y a 10 ans, le saké de qualité supérieure produit par la maison Machida a remporté sept fois la médaille d'or au concours annuel Japan Sake Awards. Cela ne s'était jamais produit avec l'ancien Toji.

Pour faire du saké, on commence par polir la première gangue du riz, la quantité retirée est un élément clef pour obtenir un saké de qualité supérieure. Ensuite le riz est lavé, étuvé et (pour faire court) fermenté.

Les petites choses ont en fait une grande importance : le type de riz utilisé, le type d'eau, la fréquence et les phases ou micro-phases au cours desquelles on ajuste la température.

Produire un fût de saké prend 45 jours.

Aujourd'hui, la maître brasseur Machida ne fait pas que superviser des employés et des équipements. Elle goûte le saké dès qu'elle arrive dans l'entrepôt, transporte des tonnes de riz, passe des jours et des nuits dans une chambre étouffante pour débuter la fermentation, porte 13 kilos de seaux d'eau de bas en haut de grandes échelles, et mélange 3000 à 6000 énormes litres de fûts de riz fermenté. C'est un travail éreintant.

Pour apprendre cet art, Machida a étudié avec les anciens brasseurs et des livres. “J'étudie perpétuellement mais la chose la plus importante consiste à faire quelque chose que vous aimez et que vous avez envie de boire ” indique-t-elle.

Elle respecte les anciennes traditions mais pense également qu'il est important d'expérimenter de nouveaux procédés de fabrication.

Elle va souvent assister à des évènements mensuels avec d'autres Toji. Elle est également membre de la “Kura Josei No Kai,” le réseau des sociétés de saké produites par des femmes [Women's Sake Industry Group].

Le soutien de ce réseau, précise-t-elle, et plus particulièrement celui des autres femmes Toji, a été un élément clef.

Women toji - master brewers - at the 2014 'Kura Josei Summit,' the Japanese Women's Sake Industry Group.  Credit: Courtesy Japanese Women’s Sake Industry Group. Used with PRI's permission

Des femmes toji – maîtres brasseurs – à l'occasion de l'édition 2014 du Sommet ‘Kura Josei’, du Women's Sake Industry Group. Crédit: avec l'aimable autorisation du Japanese Women’s Sake Industry Group. Utilisé avec l'autorisation de PRI

“Rejoindre le groupe m'a donné du courage et de l'énergie” poursuit-elle.  Elle a réalisé qu'elle n'était pas seule et que tout le monde faisait face aux mêmes problèmes.

Il y a à ce jour près de 20 femmes Toji dans tout le Japon et Machida organise souvent des évènements avec elles.

Elle souligne qu'être une femme dans ce secteur peut avoir des avantages.Dans la mesure où c'est quelque chose d'inhabituel, les médias et les clients y prêtent parfois plus attention. Il arrive que les brasseurs hommes plus âgés soient plus enthousiastes de leur transmettre leur savoir.

Le plus important à l'heure actuelle, c'est que Machida a obtenu le respect parce que son saké est délicieux.

Désolé que vous ne puissiez pas y goûter à travers cet article mais vous pouvez vous le procurer à Tokyo et dans la plupart des villes japonaises. Il est possible qu'elle le vende à l'étranger dans le futur.

”C'est un de mes rêves” déclare-t-elle.

Les femmes ciblées, dans un Sud-Soudan déchiré par la guerre

vendredi 20 novembre 2015 à 14:15
South Sudanese women dancing to celebrate their country's first independence anniversary on July 9, 2012. Copyright © Demotix.

Des femmes sud-soudanaises dansent pour célébrer le premier anniversaire de l'indépendance de leur pays le 9 juillet 2012. Photo de Reporter#34145. Copyright © Demotix.

De nombreux rapports publiés ces derniers mois confirment le niveau alarmant des viols collectifs dans le Soudan du Sud (ou Sud-Soudan), la plus jeune nation africaine [en fr].

Les Nations unies accusent par exemple l'armée sud-soudanaise de viol collectif et de torture, dont le fait d'avoir brûlé vives des femmes et des jeunes filles.

Le rapport de l'Union africaine sur le Soudan du Sud, qui a été publié le mois dernier, contient des détails sur des femmes jeunes et âgées violées collectivement puis abandonnées en sang et inconscientes. L'Union africaine a appelé à l'instauration d'un tribunal afin de poursuivre les responsables de ces violations flagrantes des droits humains.

La guerre civile sud-soudanaise voit s'affronter les soldats des forces gouvernementales qui supportent le président Salva Kiir, de l'ethnie Dinka, et les rebelles qui soutiennent l'ancien vice-président Riek Machar, de l'ethnie Nuer. La guerre a commencé le 15 décembre 2013 après le limogeage de Machar par le président Kiir.

Les brutales agressions sexuelles n'ont rien d'aléatoire. Le viol est utilisé comme arme de guerre dans le pays. Les dirigeants régionaux et la communauté internationale sont accusés d'inaction alors que las femmes continuent de souffrir.

Un crime contre l'humanité

D'après les Nations unies, le viol collectif est un crime contre l'humanité [en fr]. En 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1820, qui stipule que «le viol et autres formes de violences sexuelles peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un élément constitutif du crime de génocide.»

Malgré la résolution des Nations unies, aucun Etat n'a jamais été reconnu coupable d'avoir eu recours à des violences sexuelles comme arme de guerre. Et la situation dans le Sud-Soudan ne fait pas exception. Face à la demande croissante d'intervention humanitaire, la communauté internationale reste quasiment muette sur les atrocités provoquées par les violences sexuelles.

Selon un rapport d'Amnesty International, les corps des femmes font maintenant partie des terrains de conflit dans le monde. Le rapport affirme que le viol et les abus sexuels ne sont pas juste des effets secondaires de la guerre mais sont utilisés comme une stratégie militaire délibérée.

Evoquant le problème sur Twitter, Hannah McNeish, une journaliste indépendante d'Afrique centrale et orientale, s'interroge:

“Pourquoi si peu de bruit?”

L'avocat Hal Dockins souligne:

«Mr Happiness» [M. Bonheur] a accusé les Nations unies de ne rien faire:

En réponse à un tweet d'Ed Miliband, président et directeur général du Comité international de secours (IRC en anglais), Hannah McNeish se demande pourquoi la situation du Sud-Soudan ne suscite pas autant d'intérêt que celle de la République démocratique du Congo (RDC):

Le principe de deux poids, deux mesures en politique étrangère

Certaines personnes prétendent que des pays comme le Sud-Soudan connaissent un taux élevé d'impunité en termes de violences sexuelles à cause de l'asymétrie entre hommes et femmes dans le milieu de la politique étrangère:

La majorité des victimes de cette utilisation du viol comme arme de guerre sont des femmes et des jeunes filles, mais la communauté internationale considère que le viol ne constitue pas une menace pour la sécurité régionale. La distinction entre problématiques sécuritaires et frontières du genre a depuis longtemps été établie par les Etats et le droit international. Alors que la communauté internationale est particulièrement vigilante concernant les armes chimiques et biologiques ou les actes de violence extrême, ce sont les travaux de groupes de soutien aux femmes et d'ONG qui permettent de légiférer sur le viol.

Cela met en évidence le besoin d'une plus grande représentativité au plus haut niveau dans la communauté internationale. Si les Nations unies et le reste du monde ne reconnaissent pas les droits de ces victimes, celles du Sud-Soudan et d'ailleurs, cette culture de l'impunité perdurera.