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Les Palestiniens ne sont pas surpris par la décision américaine sur Jérusalem, le monde ‘ignorait déjà leur existence’

mercredi 13 décembre 2017 à 12:32

Un groupe de Palestiniens regarde le discours de Donald Trump aux informations, le 6 décembre 2017. Photo prise par Mariam Barghouti sur Instagram et utilisée avec sa permission. La légende initiale décrit : Regarder le discours de Trump. L'expression du visage est explicite : médire intérieurement pour commencer, se rendre compte ensuite que rien n'a changé, puis mélanger tout cela à un soupçon de dépit et d'indifférence.

La déclaration du Président Donald Trump signifiant le transfert de l'ambassade des États-Unis en Israël vers la ville de Jérusalem a été accueillie avec stupeur à travers le monde. Cependant, parmi les Palestiniens c'était un sentiment partagé entre indignation et une absence de surprise caractérisée qui prévalait.

Jérusalem est un lieu de discorde controversé au cœur du processus de paix israélo-palestinien pour la simple raison que ses deux protagonistes, l’État d'Israël et l’État de Palestine, ont défini la ville comme leur capitale. Au regard du droit international, Jérusalem-Est est considéré comme étant un territoire palestinien occupé depuis qu'Israël a repris la ville à la Jordanie pendant la Guerre des Six Jours en 1967. Jusqu'à ces récentes évolutions, l'ensemble des ambassades présentes en Israël étaient implantées à Tel Aviv.

Cela fait bien longtemps que les habitants palestiniens de la ville subissent les discriminations du pouvoir israélien. D'après la série de visuels “A City for All?*” produite par le collectif Visualizing Palestine, 10 000 Palestiniens nés à Jérusalem “n'auraient pas de statut légal [en octobre 2017], car leurs parents détiendraient des papiers d'identité différents“. Malgré le fait qu'ils représentent 37% de la population actuelle de Jérusalem, les Palestiniens n'ont reçu que 10% du budget de la ville pour le développement de leurs quartiers.

Entre 2004 et 2016, ce sont également “685 maisons palestiniennes de Jérusalem-Est qui ont été démolies, laissant 2513 personnes sans-abris. Les démolitions de maisons font partie d'une stratégie israélienne plus globale visant à transformer le visage démographique et spatial de Jérusalem et qui privilégie les colons israéliens au détriment de la population palestinienne autochtone” :

“685 maisons palestiniennes ont été démolies entre 2004 et 2016, laissant 2513 personnes sans-abris. Les démolitions de maisons font partie d'une stratégie israélienne plus globale visant à transformer le visage démographique et spatial de Jérusalem et qui privilégie les colons israéliens au détriment de la population palestinienne autochtone.” Infographie par Visualizing Palestine. Utilisée sous une licence Creative Commons.

La situation à Jérusalem est un microcosme de ce qui est vécu par les Palestiniens sur l'ensemble des territoires. A travers les cinquante années d'occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, groupes de défense des droits de l'Homme, organisations internationales et gouvernements se sont succédé pour critiquer Israël sur ses nombreux abus des droits de l'Homme, entre homicides extrajudiciaires, déplacements forcés de population et politiques discriminatoires à l'encontre des Palestiniens.

Des personnalités politiques du monde entier ont fait part de leurs reproches à la suite de la décision américaine sur son ambassade. Le Président turc Recep Tayyip Erdoğan a ainsi déclaré que “Jérusalem était une ligne rouge pour les musulmans”. Seulement au fil des années, les condamnations ne se sont pas traduites en actes concrets et tout particulièrement lorsque de larges sommes liées au commerce avec Israël étaient présentes sur la table.

En ce qui concerne les États-Unis, les Palestiniens ont longtemps jugé les politiques du pays comme étant un reflet sans équivoque d'une position pro-Israël. Malgré la volonté des Américains de proclamer leur neutralité, le bilan des USA aux Nations Unies, où ils auront utilisé leur veto de nombreuses fois pour soutenir les israéliens (ici, la liste entière par la Jewish Virtual Library), ainsi que la très généreuse aide financière et militaire envoyée chaque année vers Israël (en 2016, le montant de la dernière enveloppe s'élevait à 38 milliards de dollars sur 10 ans), parlent d'eux-mêmes.

En fait, il est tellement habituel de voir les États-Unis utiliser leur veto pour soutenir Israël que, lorsqu'en 2016 l'administration Obama décidait de ne pas le faire sur une résolution condamnant la construction de colonies en territoire palestinien, ces dernières étant déclarées illégales en vertu du droit international, la décision fit les gros titres.

“Qui sont les États-Unis pour reconnaître la capitale d'Israël sur le territoire palestinien ?

Ceci explique peut-être pourquoi les Palestiniens, bien que totalement scandalisés, n'étaient pas spécialement surpris sur les réseaux sociaux par la décision américaine.

Au moment de l'écriture de cet article, au moins deux Palestiniens ont été tués et plus de 200 blessés lors de manifestations contre la décision américaine à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza. Israël a également lancé une attaque aérienne sur Gaza, blessant au moins 25 civils.

Linah Al Saafin, une réalisatrice palestinienne pour Al Jazeera, a partagé l'image de ce garçon palestinien de 14 ans arrêté par des soldats de Tsahal à Hébron en Cisjordanie :

Combien de soldats israéliens cela prend-il pour arrêter un garçon palestinien de 14 ans ? Photo prise hier à Hébron

Mariam Barghouti, une activiste et journaliste palestinienne qui fut elle-même arrêtée par les forces de Tsahal à l'âge de 20 ans, explique dans un éditorial pour Al Jazeera que l'annonce de l'administration américaine n'est en rien une surprise :

C'est le point culminant d'un échec global visant à résoudre les violations des droits de l'Homme commises par Israël, du support perpétuel des USA à l’État d'Israël, de l'incompétence des autorités palestiniennes pour arriver à des solutions concrètes à travers les canaux diplomatiques mis en place et plus récemment, des nouvelles amitiés que l'administration américaine est en train de nouer avec certains pays arabes.

Elle dénonce également la réaction des principaux médias qui se sont focalisés sur “la réaction des États palestiniens et arabes” plutôt que sur les droits constamment bafoués de ces mêmes Palestiniens :

La question avec la déclaration par Drumpf [NdE: du nom d'un compte Twitter parodique] de Jérusalem capitale d'Israël ne devrait pas être la crainte de la réaction des Palestiniens et des pays arabes, mais plutôt le fait qu'une administration internationale ignore une fois de plus l'existence palestinienne et son droit à l'autodétermination.

Barghouti rappelle enfin que l'année 2017 marque le centenaire de la Déclaration Balfour, énoncée par le gouvernement anglais en plein cœur de la Première Guerre Mondiale, et qui annonçait le soutien à l'établissement d'un “foyer national pour le peuple juif” en Palestine :

Un Palestinien me dit pendant notre interview : “Qui sont les États-Unis pour reconnaître la capitale d'Israël sur un territoire palestinien ?”

Nous célébrons les 100 ans de Balfour avec un nouvel exemple offert par @realDonaldDrumpf.

Photo prise par Mariam Barghouti le 8 décembre 2017. “Silhouettes de manifestation. Des jeunes affrontent les forces israéliennes près des colonies de Beit El à Ramallah, ils protestent contre la déclaration de Trump faisant de Jérusalem la capitale d'Israël.” Utilisée avec permission. Source : Instagram

Dans une longue prise de position, le journaliste Palestino-Syrien Eyad Hamid juge le déplacement de l'ambassade américaine comme un quasi non-événement puisque ce serait comme la déplacer d'une ville occupée, Jaffa, qui fait désormais partie de Tel Aviv-Yafo et où elle se situe actuellement, à une autre, Jérusalem. En voici un bref extrait :

 خلينا نكون صريحين مع حالنا: القدس محتلة متلها متل يافا ونقل السفارة الأمريكية من مدينة فلسطينية محتلة لمدينة فلسطينية تانية محتلة ما لي شايف أنه رح يغير كتير

Soyons honnêtes avec nous-mêmes : la partie occupée de Jérusalem est similaire à Jaffa, alors déplacer l'ambassade américaine d'une ville palestinienne occupée à une autre ne semble pas changer grand-chose.

Originaire de Jérusalem et anciennement chercheuse à Georgetown University, Leen Barghouti est actuellement consultante de la mission palestinienne à Berlin. D'après elle, cette décision politique est une preuve de plus démontrant le désintérêt du gouvernement israélien du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour le processus de paix :

S'il n'existe pas assez de mots pour décrire ce qui est arrivé hier soir à ma ville natale Jérusalem, il est cependant clair que le gouvernement israélien ne se soucie pas de lâcher prise sur sa domination, sa répression et sa supériorité. La paix ne l'intéresse pas. Dans l'esprit de Netanyahu, la paix équivaut à l'asservissement et la soumission palestinienne. L'administration américaine est tout simplement en train de récompenser le vol, l'oppression, la répression, la violence et l'humiliation.

Elle appelle ensuite les Palestiniens à s'unir :

C'est désormais l'heure de s'unir et de se battre pour que nos droits civiques, culturels, religieux et politiques soient reconnus égaux. C'est l'heure de briser nos chaînes et récupérer l'héritage qui nous a été volé, il est temps de se battre pour ce qui est juste plutôt que ce qui nous convient.

Pour l'analyste palestinien Yousef Munayyer, la cause palestinienne est doublement perdante :

Si les Palestiniens répondent à l'annonce de Trump par la violence dans les rues alors on dira : vous voyez, qui pourrait faire la paix avec ces Arabes violents.

S'ils ne le font pas alors on dira : vous voyez, le choix de Jérusalem était le bon.

Les deux options sont mauvaises.

Pour l'écrivaine palestinienne Budour Hassan, c'est tout simplement naturel pour “une nation comme les Etats-Unis qui fut bâtie sur la colonisation de soutenir un autre pays colonisateur comme Israël” :

Drumpf est l'incarnation parfaite des valeurs partagées par les USA et Israël. Une nation bâtie sur le nettoyage ethnique, le colonialisme et la suprématie blanche soutient depuis toujours le colonialisme et le nettoyage ethnique en Palestine.

Elle ajoute également que la réaction de “colère” qui a suivi l'annonce américaine est inutile si elle n'est pas appuyée par une véritable action sur le terrain de la part des Palestiniens :

Toute “colère” qui n'est pas accompagnée par la dissolution du régime d'Oslo (en référence à l'Autorité palestinienne établie par les Accords d'Oslo en 1933 et fruit des négociations entre Israël et l'Organisation de Libération de la Palestine), l'abolition de la reconnaissance de l'occupation et la sortie complète des négociations est juste [un] acte vide de sens et l'Autorité palestinienne ne fera rien de tout cela puisque la préservation de ses privilèges demeure sa priorité.

Le gouvernement israélien n'a pas perdu de temps à la suite de l'annonce américaine. Parmi les 14000 logements planifiés à Jérusalem, 6000 d'entre eux le sont au-delà de la “Ligne Verte”, au sein même des territoires de l’État de Palestine :

14000 logements prévus à Jérusalem, 6000 d'entre eux au-delà de la ligne verte.

*Une ville pour tous ?

Peindre l'Histoire à neuf : l'art Sohrai de Jharkhand

mardi 12 décembre 2017 à 12:38

Exemples de peintures Sohrai Painting. Capture d'écran de l'art tribal de la page Hazaribagh, via Bulu Imam

Le présent article écrit par Alankrita Anand, est paru originellement sur Video Volunteers, une organisation communautaire internationale de média primée basée en Inde. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Sohrai et Khovar, les formes artistiques traditionnelles de l’État indien de Jharkhand, sont des formes ritualisées pratiquées par les femmes. Ces dernières années, cette forme artistique a reçu beaucoup d'attention, car les services de l'art et de la culture de l’État ont passé commande à des artistes et des spécialistes issus des tribus de fresques hautes en couleurs sur des murs d'édifices publics, de gares de chemin de fer et d'aéroports. Ce qui infuse un sens de leur identité chez les artistes des tribus et leur redonne de l'assurance.

L'art Sohrai est l'art de la fête de Sohrai (des moissons). Créé avec de la terre sur les murs de terre des maisons de Jharkand

L'art Sohrai doit son nom à la fête des moissons qui commence autour de Divali. Pendant la moisson, les femmes de la maison procèdent à un grand nettoyage de l'habitation et des murs, et peignent des fresques artistiques. La particularité de cette forme d'art traditionnel est qu'elle est créée uniquement par les femmes. Le Sohari décrit le cycle des récoltes, et le Khovar, ou peinture au doigt, décrit le mariage et la fertilité, et est réalisé traditionnellement pour les noces.

Avec ses petits pots de pigments naturels, extraits de différentes sortes de terres et de roches, la célèbre artiste de Sohrai Putli Devi trace des touches expertes sur le mur pendant que la correspondante communautaire Basanti Soren converse avec elle sur cette forme d'art.

Dans la vidéo, Putli Devi mentionne :

Ce que cette forme artistique a de plus spécial est qu'elle n'est réalisée que par les femmes et transmise par les femmes, et on les compte sur les doigts de la main. La plupart appartiennent à la communauté Kurmi et vivent à Hazaribagh.

Putli Devi a grandi à Chotanagpur, Hazaribagh et c'est en regardant sa mère peindre des fresques avec ses doigts qu'elle a appris cette forme artistique.

Je voyais les loups et les chats sauvages s'enfuir avec des poules dans la forêt, et j'ai commencé à les représenter dans mes peintures.

Les peintures sont réalisées avec pour couleurs du rouge, du noir, du jaune et du blanc, et les représentations d'animaux abondent. Devi explique :

Je peins de mémoire, les choses que j'ai vues en grandissant, et celles que je vois autour de moi.

Mais Putli et ses consœurs artistes n'étaient pas toujours reconnues pour leur travail, qu'elles ne destinent pas à la vente. Ce qui n'empêche pas Putli Devi d'être ravie aujourd'hui que son travail soit exposé dans des pays comme l'Australie et l'Allemagne.

Un jour, Bulu Imam est venu par ici et a vraiment aimé mes peintures. J'étais réticente à le rencontrer, mais mes belles-sœurs insistaient. Il m'a encouragée à peindre sur du papier, et a apporté mes peintures à un public mondial.

A 75 ans, Bulu Imam est un écologiste qui travaille à la préservation de l'art et de la culture autochtones à Jharkhand. Il explique :

Les peuples autochtones, dans le monde entier, ont des droits sur les terres qu'ils habitent historiquement, mais en Inde, il y a des limitations à ces droits.

L'Inde a voté en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones (UNDRIP) mais ne reconnaît pas le terme ‘peuple autochtone’ lui-même, ce qui rend la déclaration inapplicable à l'Inde.

Sur le terrain, ceci se traduit par une violation des droits des peuples autochtones. C'est ainsi qu'Imam relève que si les autochtones indiens ou Adivasis sont dépendants de leur terre pour vivre, ils n'ont aucun droit aux “récoltes sous-terre”. “Je parle des mines”, dit-il, évoquant les riches ressources minérales qu'abrite le plateau de Chotanagpur.

La question de l'art et de la culture autochtones est étroitement liée à l'identité et aux droits. dit Imam :

J'ai trouvé la preuve de I'indigénéité des Adivasis de Jharkhand dans leur art : les grottes de la région sont ornées de peintures similaires remontant à des millénaires. Pour que les communautés autochtones recouvrent leurs droits, il faut établir qu'elles sont historiquement présentes sur le territoire.

Pour Basanti, qui appartient aussi à une communauté autochtone, préserver son art et sa culture est important pour une communauté tribale.

La nouvelle génération ne sait pas grand chose de son histoire, c'est pourquoi il est important de promouvoir les cultures locales. Nous devons être conscients de nos traditions, c'est une question d'identité.

Devidas Gaonkar, un correspondant qui documente les cultures autochtones à Goa, partage ce sentiment sur l'art, la culture et l'identité.

L'art Sohrai est désormais connu comme l'art national de Jharkhand. Il a fini par recevoir le parrainage tant du gouvernement régional que de compagnies comme Tata Steel qui ont leur siège hors de cet État. Les gares de villes comme Hazaribagh et Jamshedpur accueillent aujourd'hui les voyageurs avec des fresques Khovar et Sohrai qui jusqu'à récemment n'ornaient que les murs de maisons villageoises.

Peintures sohrai d'artistes tribaux à la gare de Hazaribagh

@TantAFaire Ne manquez pas les fresques ‘Art Sohrai’ sur les murs à votre gauche en sortant de l'aéroport Birsa Munda vers la ville

De nouvelles superbes fresques d'art Sohrai de Hazaribagh bientôt à l'aéroport de Ranchi. Nos talentueux artistes viennent de Barkagaon et Katkamsandi.

Le passage de cet art du village à l'espace international et commercial a-t-il apporté la prospérité à ses pratiquantes ? Basanti indique que la situation matérielle de Devi s'est certes améliorée, mais pas tant que ça. Personne ne s'intéresse plus à apprendre le métier. Imam souligne cependant que le changement apporté dans la vie de Devi est un sens de l'identité et d'assurance. “Ça n'a pas de prix”, dit Imam.

Video Volunteers fait fonctionner le seul réseau d'information exclusivement consacré en Inde à fournir une large couverture des territoires indiens les plus démunis et les plus absents des médias.

Port du foulard : Un restaurant à robots au Bangladesh alimente la controverse

mardi 12 décembre 2017 à 12:30

Un robot portant une écharpe sert dans un restaurant. Image via Sharif Saladin Sarkar Utilisation autorisée.

Un restaurant de Dacca, la capitale du Bangladesh, a récemment fait la une des journaux du fait qu'il emploie des robots comme serveurs. Maintenant, il fait l'actualité pour une autre raison : un des robots arbore une écharpe.

Nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur les motivations des propriétaires du restaurant à vouloir faire porter une écharpe au robot “femme”, suscitant un débat sur les limites du conservatisme dans les pays d'Asie du Sud.

Robots sexistes

Dans une video, le journaliste citoyen Nazmul Shahadat a expliqué les fonctions du robot serveur. Remarquez que le robot avec des seins ne porte pas d'écharpe dans le clip produit sitôt après l'ouverture du café.

Selon l'article, il y a deux robots apportant la nourriture aux clients. L'un est un robot masculin et l'autre un robot féminin. Chaque robot pèse environ 30 kg et mesure 1,6 mètres de haut. Chaque robot coûte l'équivalent de 9.750 dollars (8.300 euros) et peut fonctionner sur piles durant environ 18 heures.

Mais les médias sociaux bangladais n'étaient pas d'humeur à saluer les progrès technologiques, mettant plutôt l'accent sur le fait que le robot féminin a été vu portant une”orna” ou écharpe, portée au Bangladesh par les filles musulmanes pieuses après la puberté.

L'”orna” est un élément du purdah, une pratique religieuse et sociale d'exclusion des femmes qui prévaut dans certaines communautés musulmanes et hindoues d'Asie du Sud. Elle a des fins de ségrégation, identification du sexe féminin, et respect de l'exigence imposée aux femmes de couvrir leurs corps pour en dissimuler les formes.

Ishrat Karin Eve écrit sur Facebook :

অবিশ্বাস্য! আমরা এ কেমন সমাজে বসবাস করি। নারীর প্রতি কোনো ধরনের সম্মান নেই। তারা একটি রোবটের গলায়ও ওড়না তুলে দেয়।

পিতৃতান্ত্রিক সমাজের জন্য এটা লজ্জাকর।

Incroyable! Où est-ce que nous vivons? Il n'y a aucun respect pour les femmes. Ils ont même mis une écharpe sur un robot.

C'est l'acte honteux d'une société patriarcale.

Cette année, une révision des manuels scolaires du primaire au Bangladesh  a suscité la controverse car l”orna” a servi d'exemple pour illustrer la lettre Bengali “o” (“ol,” ou légume,était l'exemple précédent).

Une chronique du New York Times décrit cette évolution comme une illustration de l'islamisme rampant dans ce pays d'Asie du Sud.

Les représentants du restaurant ont confirmé aux médias locaux que le foulard a été mis en place pour distinguer le robot féminin.

Mayesha Arefin s'insurge sur Facebook :

আমাদের সমাজে রোবট বেচারাদেরও ওড়না পরিধান করতে হয়!ওড়না এর আগে রোবট নিশ্চয় একটা সাধারন উন্নতমানের যন্ত্র ছিল তবে ওড়না পেচানোর পর এটা মেয়ে রোবট হয়ে গেছে,তারমানে রোবটের লিঙ্গ নির্ধারণ করা হয়ে গেল শুধু মাত্র ওড়নার কারনে…

তবে কি সমাজের চোখ রোবটের বক্ষেও যায়?? /

Dans notre société, même les robots féminins doivent porter l”orna”! Ce qu'ils disent est que le robot est une machine intelligente, mais il a changé de sexe après avoir porté une écharpe. Cela signfie t-il que le foulard est le principal moyen d'identification des femmes ?

Est-ce parce que les gens ont regardé le sein du robot?

Shahana Hanif a commenté sous le post de Mayesha Arefin :

Nous savons tous pourquoi ce robot a une écharpe/orna autour de la poitrine. En société patriarcale c'est ce qui se passe

Certains ont aussi défendu le geste. Sheikh Tanjim Ahmad a écrit sur Facebook :

এ কেমন কথা? একটা মেয়ে রোবট (রোবট তো রোবটই) ওড়না পড়েছে তা এতে ‘রোষানল'এর কী আছে? ওড়না না পড়ে বিকিনি পড়লে কি প্রগতিশীল রোবট হয়ে যেতো?

Pourquoi tant d'histoires ? Un robot féminin (un robot est un robot) a mis une écharpe pourquoi donc sommes nous “offensés”par cela ? Si les robots étaient en bikinis cela serait-il considéré comme un progrès ?

Au Bangladesh à majorité musulmane, les filles et les femmes sont fortement encouragées à rester dans les normes du purdah. Des pages Facebook populaires comme”Hey Girl, où est ton Orna?” s'engagent dans la police des moeurs, en disant aux femmes de porter leur orna pour cacher leurs formes.

Le journaliste Ishrat Jahan Urmi a écrit sur NTV Online:

তাই রোবটের গলায় ওড়না পেঁচানো নিয়ে কেন জানি খুব বিস্ময় কাজ করেনি আমার। এইটা কেন স্বাভাবিক নয়? যে দেশে পাঠ্যবইয়ে ‘ও’ তে ‘ওড়না’ পড়ানোর নিয়ম চালু হয়, যেদেশে গর্ব করা জিডিপি গ্রোথে অর্ধেক সমান অবদান রাখার পরও প্রতিনিয়ত কর্মক্ষেত্রে, গণপরিবহনে নারীকে হয়রানির শিকার হতে হয়, নিজেকে ‘কাভার্ড’ করতে করতে যে দেশের গ্রামের, শহরের মেয়েরা ক্রমাগত মমিতে পরিণত হয়, সে দেশে রোবটের গলায় ওড়লা নিয়ে কী বলার থাকতে পারে আমি জানি না।

Je n'étais pas surpris que le robot doive porter une écharpe. N'est-ce pas normal ici ? Dans un pays où les textes ont été modifiés pour enseigner [aux enfants] que “o” signifie “orna”, un pays où les femmes et les filles subissent menaces et abus dans les transports en commun et les lieux de travail, bien qu'elles contribuent à plus de la moitié de la croissance du PIB, où les femmes et les filles des villes ou des campagnes se transforment en momies en mettant des couches et des couches de vêtements pour couvrir leurs formes. Que dire si un robot est recouvert d'une écharpe?

Anna Nasrin a commenté sur le blog Chapitre des Femmes :

রোবটের গায়ে ওড়না জড়ানোতে দেখতে পাচ্ছি আমাদের অনেকেরই টনক নড়েছে; আমাদের নৈতিকতার মানদণ্ডে এটাকে খুব আপত্তিকর বলে মনে হয়েছে। তাই অনেককেই দেখছি, রেস্টুরেন্ট কর্তৃপক্ষকে বিকৃত মানসিকতার বলে দাবি করছে। অথচ রক্ত মানুষকে যখন এই বাড়তি কাপড়ের টুকরোয় মুড়িয়ে সংরক্ষণ করা হয়েছে যুগ যুগ ধরে, যা চলছে এখনও তখন কিন্তু আমাদের মনেই হয়নি বিকৃতি, মনে হয়নি এভাবে মানুষকে অসম্মান করা হয়।

Je vois que les gens se sont réveillés après l'incident de l'écharpe sur le robot. Nous trouvons cela moralement odieux. Certains ont même dit que les restaurateurs avaient des idées tordues. Mais lorsque les femmes et les filles sont recouvertes de couches de vêtements (au nom du purdah) depuis des siècles, et cela continue encore, les gens n'y voient pas de perversité. Ils ne pensent pas non plus avoir été méprisés durant toutes ces années.

PHOTOS : Carabaos et rizières, un aperçu de la vie rurale aux Philippines

lundi 11 décembre 2017 à 23:37

Ecoutez, n'entendez vous pas le chant d'une nouvelle vie venant des montagnes et des champs ? Photographie et légende de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation.

Le photographe professionnel et activiste Lito Ocampo se rend régulièrement à Pampanga, sa ville natale située au centre de l'île de Luçon aux Philippines, pour fuir le bruit et la pollution de la capitale Manille.

Sa visite lui a permis de se remémorer son enfance tout en appréciant la beauté pittoresque de son lieu de naissance.

Dans les photos qu'il a partagées avec Global Voices, Ocampo a non seulement capturé des scènes typiques d'un village agricole des plaines, mais aussi et peut être sans le vouloir l'état de l'agriculture aux Philippines.

Par exemple, l'utilisation continue et fréquente des carabaos [NB : Buffles des marais] reflète le retard du pays dans le secteur de l'agriculture en général. Le séchage des récoltes sur les routes démontre le manque d'infrastructures disponibles pour les agriculteurs.

En plus de mettre en lumière la vie idyllique du monde rural, Ocampo rappelle aux jeunes photographes de ne pas oublier la situation déplorable que vit la population rurale ; en particulier les agriculteurs qui font partie des habitants les plus pauvres du pays et dont la santé est mise en danger à cause du travail harassant qu'ils effectuent dans les champs.

A cause de l'urbanisation qui continue de se répandre, beaucoup de villages agricoles et d'espaces verts, comme la ville natale de Ocampo, peuvent être immédiatement transformés en centres touristiques ou en terrains à usage commercial. Par conséquent, les photos de Ocampo peuvent être utilisées pour informer les gens sur les problèmes liés à l'utilisation des terres, l'état du programme de réforme agraire et le besoin urgent de protéger l'environnement.

Faites une visite virtuelle de Santa Rita dans la province de Pampanga :

Avec la pêche, l'agriculture fait partie du secteur le plus pauvre des Philippines. Photographie de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

Un Tagak (héron ou aigrette) perché sur la tête d'un carabao. Photographie de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

Les agriculteurs sont obligés d'utiliser les routes pour sécher leurs récoltes à cause du manque d'infrastructures. Photographie de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

La baignade des carabaos est primordiale avant de les utiliser dans les champs. Photographie et légende de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

Des oiseaux Maya perchés sur des câbles électriques, traquant le riz dans les rizières. Photographie et légende de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

Des oiseaux Maya dans les rizières. Photographie et légende de Lito Ocampo, utilisées avec autorisation

“Parking”. Abris pour les carabaos. Photographie de Lito Ocampo, utilisée avec autorisation

Le photographe Lito Ocampo sur un canal d'irrigation

 

La réaction de Navalny à la première Barbie voilée, ou pourquoi certains activistes russes ne le soutiennent pas

lundi 11 décembre 2017 à 22:19

Alexeï Navalny lors d'une étape de sa campagne à Irkoutsk. Crédits : Evgeny Feldman pour navalny.feldman.photo, CC BY-NC.

Alors que les élections présidentielles russes de mars 2018 approchent, la liste des candidats s'allonge. Deux grands noms en sont toutefois absents pour l'instant : Vladimir Poutine et Alexeï Navalny.

Selon toute vraisemblance, le président Poutine devrait annoncer sa candidature pour ce qui serait son quatrième mandat. Le leader de l'opposition Alexeï Navalny n'a officiellement pas le droit de concourir (on tente activement de mettre en difficulté sa campagne dans les tribunaux, sans grand succès), mais cela ne l'a pas empêché d'organiser des meetings à travers le pays.

Navalny a surtout consacré son énergie à répondre aux préoccupations les plus urgentes en Russie, comme la corruption. Mais récemment, son attention s'est tournée vers un autre sujet : la commercialisation de la première Barbie portant un hijab [l'entreprise Mattel s'est inspirée de l'escrimeuse américaine Ibtihaj Muhammad, médaillée de bronze à Rio en 2016]. Il a lancé quelques mots bien sentis sur le sujet :

Écœurant. Il faut en vouloir pour présenter l'humiliation de la femme comme une forme de victoire et de progrès social. Tout simplement écœurant.

À en juger par le Ratio (une vanne propre à Twitter par laquelle on mesure le succès, l'échec ou la dimension polémique d'un tweet selon la quantité de commentaires, de retweets ou de likes ; par exemple, si un tweet obtient plus de commentaires que de retweets et de likes, on considère qu'il est hautement polémique et que c'est un échec absolu), le commentaire de Navalny n'a pas vraiment fait de vagues.

Toutefois, si l'on regarde de plus près les commentaires, ce n'est pas tout à fait la même histoire. Le propre manager de Navalny sur les réseaux sociaux a ainsi déclaré :

Pour une institution aussi rétrograde et lente à évoluer que le Comité international olympique, la présence d'une femme portant un hijab aux Jeux Olympiques est sans conteste une grande victoire. Mais pourquoi parler d'humiliation ? Rien n'empêche de penser qu'elle partage ces valeurs culturelles et qu'elle a choisi de porter le hijab.

Navalny a riposté en enfonçant le clou :

Une Barbie avec un hijab, c'est une façon de promouvoir l'humiliation de la femme. On apprend  dès leur plus jeune âge aux filles qu'elles sont inférieures et qu'elles doivent se voiler.

Une utilisatrice de Twitter n'a pas bien pris que quelqu'un s'exprime au nom de sa propre culture :

C'est n'importe quoi. Mon hijab, c'est un choix. Si on ne considère pas la chose d'un point de vue religieux et qu'on utilise son cerveau, c'est juste une poupée qui porte des vêtements venant d'une autre culture.

Elle a ajouté :

Bravo, Alexeï ! Il t'a suffit d'un tweet pour perdre tous les votes potentiels des musulmans. On dirait que tu ne veux pas devenir président.

Les mots ne sont pas trop forts. Le nombre de musulmans en Russie se situe entre 5 et 10% de la population, soit près de 20 millions de personnes.

Un autre utilisateur a même recensé les lieux où s'est rendu Navalny pour tenir ses meetings électoraux interdits, et les a reliés à ses déclarations :

Quelque chose me dit que Navalny est prêt à organiser un meeting n'importe où en Russie, hormis dans le Nord du Caucase.

Le Nord du Caucase est majoritairement musulman.

Suite à son premier post, Navalny est allé plus loin, et a de nouveau tweeté un commentaire négatif sur la nouvelle Barbie :

Capture d'écran de Twitter.com/navalny

La première Barbie avec un hijab vient de sortir. Elle ne peut quitter la maison de Barbie que quelques heures par semaine, et uniquement accompagnée par Ken.

Des politiques anticorruption avec une touche de xénophobie ?

Pour ceux qui ont suivi de près la politique de Navalny, ce n'est pas vraiment une surprise. Celui-ci fait campagne pour durcir les régimes de visas des pays d'Asie centrale depuis au moins 2013, lorsqu'il a annoncé sur la page du site gouvernemental ROI une pétition qui dénonçait des accords sur des dispenses de visas avec sept pays de l'ex-Union soviétique majoritairement musulmans, qui comprenaient aussi l'Arménie.

Vladimir Poutine s'y est opposé, et la pétition de Navalny n'a pas recueilli les 100 000 votes requis pour que la loi soit soumise à la Douma russe, la chambre basse du Parlement.

Il a également écrit en 2015 un article sur sa page web à propos de la crise des réfugiés qui était en train de naître en Europe, avec un nombre record d'arrivées de migrants, dont la plupart fuyait des pays déchirés par la guerre comme la Syrie, l'Afghanistan et l'Irak :

Сейчас очень уместно всем напомнить, что Европа вынуждена принимать мигрантов-мусульман — они ломятся тысячами через морские и сухопутные границы и остановить их невозможно иначе, как расстрелами. Они их не перевозят, не приглашают, виз им не дают и постоянно пытаются реализовывать программы депортации (впрочем, довольно безуспешно).
В это же время российская государственная политика прямо направлена на привлечение в страну молодых мусульман. У нас даже визового режима со странами Средней Азии нет, несмотря на то, что его поддерживает подавляющее большинство населения.
Когда я на выборах и после заявлял о том, что введение визового режима — первоочередная задача государственной политики, все госпропагандисты верещали «Навальный — фашист» и «геополитические интересы России в том, чтобы сюда могли приезжать все из бывшего СССР». Теперь они же пишут колонки «французы понавезли мусульман, вот и расплачиваются».
А к нам кто едет? Растафарианцы? Синтоисты?
Иммигранты в Россию на 90% — молодные мусульмане-мужчины из сельской местности, то есть та самая среда, из которой вербуются террористы. Источники миграции: Узбекистан и Таджикистан — страны, скажем прямо, границы которых весьма прозрачны и близки к очагам агрессивного исламизма.

Aujourd'hui, c'est à la mode de rappeler que l'Europe est obligée [souligné par l'auteur] d'accueillir les migrants musulmans. Ils affluent par milliers pour traverser la mer et les frontières, et il n'y a aucun moyen de les arrêter, sauf à leur tirer dessus. Ils ne sont pas transportés d'un point à l'autre, ils ne sont pas invités, on ne leur accorde pas de visas et les Européens ont essayé de mettre en place des programmes d'expulsion (visiblement sans succès).
Pendant ce temps, les politiques de l'État russe ont pour objectif direct d'attirer les jeunes musulmans dans le pays. On n'a même pas de régime de visas avec les pays d'Asie centrale, alors de la majorité de la population y est favorable.
Quand j'ai annoncé, pendant et après les élections, que l'introduction d'un régime de visas était la toute première tâche des politiques, tous ceux qui font l'apologie du régime ont poussé de hauts cris : “Navalny est un fasciste” et “il est de l'intérêt de la Russie, d'un point de vue géopolitique, que ceux qui sont issus de l'ancienne URSS viennent ici”. Et maintenant, ils écrivent dans les colonnes des journaux que “les Français laissent entrer un très grand nombre de musulmans, et ils sont en train de le payer”.
Mais qui vient par ici? Des Rastafari ? Des Shintoïstes ?
90 % de ceux qui immigrent en Russie sont de jeunes musulmans issus de zones rurales, précisément là où les terroristes sont recrutés. Ces migrations ont pour point de départ l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, des pays dont les frontières, honnêtement, sont incroyablement poreuses et près du foyer de l'islamisme violent.

Les partisans du gouvernement ne sont pas les seuls à avoir répondu à ces déclarations en taxant Navalny de fasciste. Une vidéo calomnieuse basée sur des citations inventées ou détournées de Navalny l'a comparé à Hitler. Sur un ton moqueur, un auteur du Sputnik & Pogrom, un célèbre site ultranationaliste russe, a publié :

Как русский националист я целиком и полностью поддерживаю кампанию «Навальный — фашист-нарцист, Гитлер весь Навальный полностью!» Почему? Потому что у Алексея Анатольевича остаются национальные симпатии (пусть и весьма слабые), и такими атаками власти лишь заставят его начать отмывать национализм от негативного имиджа, доказывая, что в национализме нет ничего плохого.

En tant que nationaliste russe, je soutiens pleinement la campagne “Navalny est un fasciste-narcissique, Navalny, c'est carrément Hitler”. Pourquoi? Parce qu'Alexeï Navalny jouit d'une sympathie durable au niveau national (même si elle est vraiment très faible), et ce genre d'attaques de la part des autorités l'obligent juste à laver l'image du nationalisme de ses aspects négatifs, montrant qu'il n'y a rien de mal dans le nationalisme.

Ces affinités ténues perturbent certains activistes russes, qui ont récemment fait les mêmes parallèles, mais pour aboutir à une conclusion tout à fait différente : Navalny ne serait rien de nouveau pour la Russie, juste un autre front anticorruption avec de la xénophobie en prime.

D'autres attaquent cet argument qui ne mène à rien, soulignant que les campagnes de Navalny contre la corruption ont fait naître de véritables espaces d'expression et d'opposition vers lesquels les futures alternatives russes peuvent converger.

Cet aspect positif ne suffira peut-être pas à ceux qui trouvent ses autres opinions extrêmement déplaisantes. Leonid Bershidsky [un journaliste russe de l'agence de presse Bloomberg] a exprimé sa préoccupation, suite à une remarque de Navalny sur les manifestations russes à propos du nettoyage ethnique des Rohingyas [une minorité musulmane] en Birmanie :

C'est répugnant de voir ces idioties racistes. Je préfère changer de nationalité plutôt que d'avoir le poinçon de Poutine sur ton savon.

En Occident, les mouvements anti-Poutine ignorent la rhétorique de Navalny sur l'immigration

Reste à voir si Navalny peut obtenir un soutien suffisant, aussi bien parmi les nationalistes que parmi les libéraux. D'après les sondages les plus récents, les partisans de Navalny se maintiennent autour de 3%, face aux 53% en faveur de Poutine. Une écrasante part de 20% dit ne pas savoir pour qui voter, et 11% projette de s'abstenir.

Les politiques de Navalny contre la corruption demeurent populaires, mais comme toujours, la réalité est plus nuancée en ce qui concerne les politiques migratoires. Le même organisme de sondage laisse entendre que la xénophobie a atteint son niveau le plus bas en Russie, même si beaucoup sont favorables à des mesures de restrictions contre l'arrivée des migrants (environ 58% en juillet 2017). Lorsqu'on demande aux habitants s'ils jugent positive ou négative l'immigration venant d'Asie centrale, 62% dintt ne pas avoir d'opinion sur le sujet, alors que 27% la jugent assez négativement, et 9% la voient plutôt de manière positive.

Ces zones grises sont assez importantes quand on examine la politique russe contemporaine, en particulier pour les observateurs qui viennent des États-Unis, où la tentation de faire un tableau blanc ou noir de la situation est très forte.

Sur Twitter, certains Américains ont par exemple manifesté leur soutien inconditionnel à Navalny, voyant dans des supposés trolls russes une manière de “contre-attaquer” Vladimir Poutine et ce qu'ils considèrent comme l'aide couronnée de succès qu'il a apportée à Donald Trump pour le mener à la Maison Blanche :

À tous les Russes : les Américains soutiennent votre lutte pour la liberté.
#Manifestationsrusses#Résistance#Résiste#Navalny

Certains membres de la #Résistance (mot employé de manière sérieuse ou moqueuse, suivant les locuteurs, pour désigner un mouvement virtuel d'Américains qui s'est fixé pour objectif de s'opposer à l'agenda de Donald Trump et du parti Républicain) trouveraient sans doute troublants ces aspects de la politique de Navalny. Mais à cause des simplifications excessives, il n'en sont peut-être pas conscients.

Le Premier Ministre hongrois Viktor Orbán est parfois critiqué en Occident pour ses positions anti-migratoires, ce qui le fait entrer en conflit avec l'Union Européenne. La rhétorique de Navalny n'en est pas si éloignée, et Navalny lui-même sait que c'est un sujet délicat pour beaucoup. Il s'est exprimé dans le journal britanique The Independent en octobre dernier :

“Every interview with a foreign journalist has a question about nationalism and why I’m not dead,” he says. The first question exaggerates his position, he says; he only wants to introduce visas for Central Asian migrants. (A “joke” video he shot as a young activist, that seemed to compare migrants to cockroaches, does raise questions).

“À chaque interview avec un journaliste étranger, il y a une question sur le nationalisme, et une autre sur la raison pour laquelle je ne suis pas mort”, dit-il. Selon lui, la première question exagère ses positions ; il veut juste mettre en place des visas pour les immigrants d'Asie Centrale. (Une video “humoristique” qu'il a tournée alors qu'il était un jeune militant, et où il semble comparer les immigrants à des cafards, soulève quelques interrogations).

L'opinion régnante semble être qu'il n'existe aucune alternative. Le milieu politique russe n'est peut-être pas aussi dynamique que certains le voudraient. Navalny a lancé un mouvement qui existe au-delà de la question des élections ou d'un thème unique. Le mouvement d'activistes russes est toujours divisé quant à la manière d'apprécier Navalny comme un tout, et de résoudre la quadrature du cercle entre ses politiques économiques relativement libérales et ses positions fermes sur l'immigration. Pour reprendre les mots de Lénine (et de Tchernichevksi), que faire?