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En Macédoine, la tradition culinaire de l'ajvar reste un sujet brûlant

samedi 14 octobre 2017 à 19:52
ajvar

Une casserole d'ajvar, photo : Radosnica, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

La confection de l’ajvar, ce condiment à base de poivron rouge et une des traditions les plus sacrées des Balkans, se heurte ces dernières années à des obstacles inattendus dans sa Macédoine natale.

La préparation de cet aliment hivernal est une des caractéristiques de l'automne en Macédoine, et sa signification va bien au-delà du simple fait culinaire : sa valeur est culturelle, c'est presque un rite. L'ajvar est une affaire qui réunit d'ordinaire les membres de la famille, les amis et même les voisins.

Cela ne passe donc pas inaperçu auprès des étrangers qui résident dans le pays, comme l'actuel ambassadeur des Pays-Bas en Macédoine, qui a récemment twitté :

Préparation longue, mais résultat excellent. Ajvar et lutenica.

Pour une tradition aussi importante, on peut s'étonner que les autorités aient au cours des années pris des mesures limitant la confection de l'ajvar. En 2008, le gouvernement populiste aux commandes de la Macédoine de 2006 à 2017 prit une de ses mesures impopulaires en faisant voter une loi interdisant de préparer l'ajvar dans l'espace public.

Pour la légalisation

Griller les piments, première étape de la préparation de l'ajvar

Griller les piments, première étape de la préparation de l'ajvar.

Si les propriétaires de terrains pouvaient le faire dans leur cour (comme pour un barbecue aux USA), les habitants d'immeubles d'appartements eurent interdiction d'y procéder sur les pelouses communes, devant leurs garages ou en tous autres lieux qui leur avaient servi dans les 30, 40 ou 50 dernières années.

D'après le site d'information Libertas, la “loi sur la Propreté publique” inflige 50 euros d'amende à quiconque fait usage d'un fourneau métallique dans l'espace public. “D'un autre côté”, note le site, “certains habitants disent que ces amendes sont nécessaires”.

En 2016, des incidents tragi-comiques se sont multipliés, au cours desquels des personnes, la plupart âgées ou bien pauvres, ont se sont fait interpeler et décerner des contraventions pour avoir préparé l'ajvar dehors. De nombreux observateurs ont vu dans les interventions de policiers un exemple de harcèlement par un pouvoir désireux d'insuffler dans la population la peur de l’État.

Le nouveau gouvernement macédonien, entré en fonction fin mai 2017, a pris une attitude beaucoup plus tolérante envers la confection de l'ajvar. Jusqu'à présent, aucune action policière de ce genre n'a été signalée, mais les souvenirs de la saison dernière restent tout frais dans la tête de nombreux Macédoniens.

Tweet : Il y a longtemps de cela, en 2016, tout allait bien dans le pays, sauf la préparation de l'ajvar dans les espaces publics.

Titre du lien : “Une dizaine de personnes reçoivent une contravention pour avoir fait de l'ajvar”

En 2016, comme la préparation d'ajvar et de divers autres aliments hivernaux (“zimnica”) n'avaient encore jamais été la cible d'interventions de la police, des habitants surpris ont été pris “la main dans le sac” par la maréchaussée. Les contraventions ont été généralement accueillies avec humour et bonne humeur, mais il y a aussi eu des exemples de bravade :

Image du haut, montrant des membres du précédent gouvernement, accusés de corruption : “Ce sont des innocents”

Image du bas, montrant des gens préparant l'ajvar : “Ce sont des criminels”

Les usagers de médias sociaux de Macédoine rappellent toujours encore les incidents de l'année passée, quand la préparation de l'aliment hivernal favori du pays pouvait mettre en délicatesse avec la loi.

Quelques réactions sur Twitter et Facebook qui continuent à obtenir partages et ‘j'aime’, et réapparaissent sur les timelines des Macédoniens un an après avoir été écrites :

Pardonnez-moi mon Père parce que j'ai grillé. #аjvar

Il n'y a pas de fumée sans ajvar.
– Ministère de l'Intérieur

Certains, comme Sonja Zafirovska, sétaient joints au débat sur Facebook :

2035 година
Бабо, зошто лежеше во затвор?
– Синко ме фатија на лице место како правам Ајвар и слушам Српска музика.

En 2035 :
Grand-mère, pourquoi tu as fait de la prison ?
– Fiston, j'ai été prise sur le fait à préparer de l'ajvar en écoutant de la musique serbe.

Boban Bobby Dimovski a demandé :

А дали ако моите купиле пиперки за ајвар и ме тераат да им помагам се рачуна као семејно насилство???

Et si mes parents ont acheté des poivrons rouges pour préparer l'ajvar et qu'ils veulent que je les aide, ça sera considéré comme de la violence domestique ???

Aleksandra Milenkovic Vasilevski a partagé un lien vers un article satirique intitulé “Démantèlement d'un dangereux réseau de fabrication clandestine d'ajvar, trois personnes gravement brûlées au cinquième degré”, avant de commenter :

„Можеби киднаперите на деца, педофилите, силувачите, дилерите на дрога и оружје, функционерите кои украдоа милиони се на слобода, но конечно се чувствувам слободен и безбеден, можам мирно излезам пред зграда без да бидам нападнат од мирисот на ајвар“ ….ееее тоа ти е МК

“Peut-être que les kidnappeurs d'enfant, pédophiles, violeurs, trafiquants de drogues et d'armes, fonctionnaires ayant volé des millions sont en liberté, mais évidemment je me sens libre et en sécurité, je peux tranquillement sortir sans me faire agresser par l'odeur de l'ajvar” ….. aaaah c'est ça la Macédoine.

La pression de la police a eu beau s'alléger, et l'odeur des poivrons grillés flotter à nouveau dans les rues, le fait est que de moins en moins de jeunes entreprennent la préparation de l'ajvar.

La vie moderne trépidante n'encourage pas à passer des week-ends entiers accroupi à côté d'un fourneau, cuiller en bois à la main. Grâce aux avancées de l'industrie des conserves, de nombreuses entreprises se sont mises à fabriquer un ajvar comparable en qualité à celui des grand-mères. Et c'est là un danger beaucoup plus fort pour une tradition qui a su résister à tous les changements de régime.

Les moments de comique involontaire de la visite officielle du président turc Erdogan en Serbie

vendredi 13 octobre 2017 à 22:10

Capture d'écran du titre satirique “En l”honneur de la visite d'Erdoğan, 17 journalistes arrêtés aujourd'hui” de Njuz.net, l'équivalent en ligne serbe du Canard Enchaîné français.

L'accueil chaleureux réservé au Président turc Recep Tayyip Erdoğan par son homologue serbe Aleksandar Vučić pendant une visite d’État cette semaine a inspiré de nombreux commentaires satiriques sur le nationalisme et les libertés des médias.

M. Erdoğan est arrivé à Belgrade le 10 octobre, et a visité le lendemain Novi Pazar, la ville principale de la région méridionale du Sandžak, principalement habitée par des Bosniaques. La population de cette région a des liens historiques, religieux et familiaux forts avec la Turquie, car beaucoup de leurs parents avaient immigré en Turquie au siècle dernier.

Le nationalisme serbe est construit sur des récits de résistance à l’‘Empire ottoman, alors que Erdoğan est souvent vu comme un adepte du “néo-ottomanisme” — une orientation stratégique de la Turquie visant à retrouver son influence sur les pays autrefois parties de l'Empire ottoman. Aussi certaines tentatives de dignitaires visant à plaire à l'honoré visiteur ont-elles été moquées par des citoyens sceptiques.

Des commentateurs plus imaginatifs ont déterré les formes de poésie épique serbe qui ont grandement servi d'instrument principal pour éveiller le sentiment patriotique (anti-ottoman) au XIXe siècle. Ces récentes parodies visaient particulièrement les politiciens nationalistes locaux qui ont construit leurs carrières sur la promotion du nationalisme serbe.

Dans sa communication officielle, le gouvernement serbe a mis l'accent sur les bénéfices économiques attendus des multiples accords signés pendant la visite, dont un futur pipeline de gaz naturel, tout en éludant prudemment les questions politiques sur lesquelles ses positions sont diamétralement opposées à celles de la Turquie.

Des lacunes que la communauté des internautes a pourtant astucieusement et rapidement pointées :

Sire Vučić tint conseil
avec Erdoğan, Empereur des Turcs
De maintes affaires palabrèrent
De gaz naturel, foi et récits insignes,
Mais pour le Kosovo point n'y eut le temps.

De tels commentaires prenaient le ton des chants épiques du temps où la Serbie était un État vassal ottoman, disposant d'une autonomie interne mais nominalement subordonné au Sultan.

Vučić rassembla ses collecteurs d'impôts,
Pour crier hautes louanges d'Erdoğan
Au Sultan dans le Kalemegdan
Que jamais ne se fit [depuis 1867]
Lors que le Prince Mihajlo de la forteresse chassa le Turc

Le ministre serbe des Affaires étrangères Ivica Dačić se chargea lui-même de fournir une grande part du matériau satirique, en se saisissant du micro à un dîner officiel de Belgrade pour chanter des chansons populaires remontant au passé commun.

Ivica la Valise chanta comme le rossignol
Dans l'oreille du Sultan Erdoğan
Il chanta d'abord la [rivière] Miljacka de Sarajevo
Puis la chanson turque Osman Aga

Le site web satirique Njuz.net a évoqué l'aversion partagée des deux gouvernements pour la liberté de parole en ‘rapportant’ que “en l'honneur de la visite d'Erdoğan, 17 journalistes ont été arrêtés aujourd'hui” :

BEOGRAD, 10. oktobar 2017, (Njuz) – Sedamnaest novinara iz štampanih i onlajn medija uhapšeno je danas u čast posete turskog predsednika Srbiji.

Novinari će biti predstavljeni Erdoganu nakon svečane večere, kada će mu biti omogućeno da u ime prijateljstva dva naroda odredi simbolične kazne.

– U Erdoganovu čast smo priveli najbolje primerke antirežimskih novinara koje smo mogli da nahvatamo u tako kratkom periodu – oni su svakodnevno pisali i izveštavali najgore moguće stvari protiv vlade, predsednika i generalno, napretka Srbije, kaže se u saopštenju predsedništva Srbije.

Kako se nezvanično saznaje, Erdogan je veoma zadovoljan ovakvim potezom državnog vrha Srbije i obećava da će uzvratiti istom merom prilikom posete našeg predsednika Ankari.

– Neka ovo bude početak jedne duge i uspešne demokratske tradicije u razmeni kažnjavanja nepodobnih medija, navodi se u zvaničnom saopštenju turske delegacije.

BELGRADE, 10 octobre 2017 (Njuz) – Dix-sept journalistes de la presse papier et en ligne ont été arrêtés aujourd'hui, en l'honneur de la visite du président turc en Serbie.

Les journalistes seront présentés à Erdoğan à la fin du dîner de gala, où il lui sera permis d'annoncer des verdicts symboliques au nom de l'amitié des deux peuples.

- Pour honorer Erdoğan nous avons interpelé les meilleurs spécimens de journalistes anti-gouvernement que nous ayons pu arrêter dans un délai aussi court. Ils ont écrit et rapporté de la pire manière contre notre gouvernement, le président, et, en général, contre le progrès en Serbe, a énoncé le communiqué des services de la présidence de Serbie.

Selon des sources officieuses, Erdoğan a accueilli avec grande satisfaction cette mesure de la direction d'Etat serbe, et a promis de rendre la faveur lors de la visite du président serbe à Ankara.

- Puisse ceci être le début d'une longue et fructueuse tradition démocratique d'échanges de châtiments de médias indésirables, est-il dit dans le communiqué officiel de la délégation turque.

Une dispute autour d'une église évoque le spectre du conflit Arménie-Géorgie

vendredi 13 octobre 2017 à 12:02
La cathédrale de Kumurdo, une église géorgienne du dixième siècle dans un village majoritairement arménien qui a été le théâtre d'affrontements sur le patrimoine de l'église. (photo: Wikimedia Commons , Jaba1977)

La cathédrale de Kumurdo, une église géorgienne du dixième siècle dans un village majoritairement arménien qui a été le théâtre d'affrontements sur le patrimoine de l'église. (photo: Wikimedia Commons , Jaba1977)

Ce qui suit est un un billet publié par notre partenaire d'EurasiaNet.org et écrit par Joshua Kucera. Repris avec autorisation.

Un affrontement au sujet d'une église contestée dans une partie majoritairement arménienne de la Géorgie a soulevé des tensions et de nombreuses craintes qu'il ne soit les prémisses d'un véritable conflit ethnique.

L’affrontement a eu lieu à Kumurdo, un village presque entièrement arménien dans la région de Samtskhe-Javakheti qui borde l'Arménie. Le village est le site d'une église géorgienne du dixième siècle, la cathédrale de Kumordo, qui était en cours de reconstruction par le ministère géorgien de la Culture.

Au cours des travaux, des tombes ont été trouvées. L'église servait de lieu de culte pour les Arméniens au cours des deux derniers siècles, et, le 30 septembre, un groupe de locaux a apporté un khachkar – une stèle commémorative arménienne traditionnelle en pierre – à l'église pour le déposer sur le site où ils croyaient que leurs ancêtres étaient enterrés.

La police ne les a pas été autorisés à entrer dans l'église, et la situation s'est dégradée, les habitants jetant des pierres sur les policiers, qui ont appelé des renforts d'unités spéciales anti-émeute. Quatre policiers ont été blessés et deux habitants locaux ont été arrêtés. La crise a finalement été désamorcée lorsque le ministre de l'Intérieur Giorgi Mgebrishvili s'est rendu au village et a rencontré des représentants locaux.

Dans une région où abondent les conflits ethniques, les Arméniens de Géorgie (environ cinq pour cent de la population du pays selon le recensement le plus récent) ont été relativement tranquilles. Mais cet incident suscite des craintes que cela puisse changer.

Les “affrontements ont évoqué des souvenirs horribles de violences ethniques au début des années 90″, a écrit le site d'informations Democracy & Freedom Watch (Veille Démocratie & liberté).

Inévitablement, il y a eu diverses accusations que l'affrontement a été une “provocation”. De nombreux observateurs ont noté que l'épisode a eu lieu juste avant les élections municipales en Géorgie. Un député du parti au pouvoir, Le Rêve géorgien, et membre du groupe d'amitié Arménie-Géorgie, David Chichinadze, a déclaré à la radio publique d'Arménie qu'il s'agissait d'une “provocation avant les élections”.

“Il y avait des gens qui donnaient de l'argent aux villageois. C'est certainement une question à résoudre par l'église et les membres du clergé, mais il y a certaines personnes qui veulent politiser la question”, a déclaré M. Chichinadze, sans préciser qui pourraient être les provocateurs.

“Même les Arméniens de Javakheti pensent que les gens de Kumurdo sont ” problématiques”, a déclaré l'analyste géorgienne Mamuka Areshidze. “Leur réputation n'est pas des meilleures. Kumurdo est un village très criminogène. Je n'exclus pas que la “passion” excessive des gens de Kumurdo soit utilisée par quelqu'un pour aggraver la situation et enflammer la confrontation, en utilisant cette église”.

Certains observateurs, cependant, pensent qu'il s'agissait d'une provocation de la part de la police géorgienne. “Selon mes informations, le jour de l'incident, les habitants de Kumordo n'avaient pas l'intention d'installer le khachkar, mais seulement de le mettre en lieu sûr dans le cimetière” avec l'intention de l'installer à la fin du mois d'octobre, a déclaré Johnny Melikian, un spécialiste arménien des relations avec la Géorgie. M. Melikian a déclaré que la police avait réagi de manière excessive. “A mon avis, une provocation a eu lieu. Les affrontements ont commencé, au cours desquels la police a utilisé plus de force qu'il n'était nécessaire, puis la police anti-émeute s'est impliquée”, a-t-il dit.

Provocation ou non, c'est un développement inquiétant. “Cet événement est comme une graine tombant dans un terreau déjà fertile de xénophobie et surtout d'arménophobie, propagées par des éléments, en particulier pro-russes, en Géorgie”, soutient Dmitri Avaliani, journaliste géorgien sur sa page Facebook.

“Il y a ce qu'il faut pour un conflit : du point de vue géorgien, les Arméniens s'emparent d'une église géorgienne; du côté arménien – c'est l'inverse. Toutes ces 25 années d'indépendance, malgré quelques petits incidents, nous avons réussi à éviter un conflit majeur à Samtskhe-Javakheti “, a poursuivi M. Avaliani. “Maintenant, toutes les conditions sont réunies pour une escalade de la situation – la xénophobie qui mijotait depuis des années, la faiblesse des institutions étatiques, l'absence d'une politique claire de développement régional et en faveur des minorités ethniques, ainsi qu'un grand intérêt de notre voisin, qui jouit d'une totale liberté pour mener à bien ses activités subversives en Géorgie “.

M. Avaliani conclut son billet sur un point crucial : “Le seul point positif est que saper les relations avec la Géorgie n'est pas dans l'intérêt d'Erevan”. Malgré des tensions occasionnelles, et l'appartenance à des blocs géopolitiques opposés (un membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OSTC) de l'Eurasie, dans le cas de l'Arménie, et un pays candidat à l'entrée dans l'OTAN et l'Union européenne, pour la Géorgie), les deux voisins ont tous deux besoin de bonnes relations mutuelles. Cela ne devrait donc guère aller plus loin, quel que soit le provocateur.

USA : Trois semaines après l'ouragan Maria, les autorités “blanchissent” la dévastation et les morts à Porto Rico

jeudi 12 octobre 2017 à 21:47

Une rue inondée à San Juan, Porto Rico après l'ouragan Maria. Photo US Department of Defense, domaine public domain.

Lorsque l'ouragan Maria a frappé Porto Rico, il a laissé les pires destructions causées par une tempête dans cette île de la Caraïbe et le territoire des USA depuis près d'un siècle.

Plus de deux semaines après la tempête [l'article d'origine a été publié le 9 octobre, NdT], les Porto-Ricains sont confrontés à des pénuries potentiellement mortifères de nourriture, eau potable et carburant. Plus de 90 % des foyers restent privés d'électricité, 60 % sont sans eau courante, et 75 % des réseaux de télécommunications sont toujours hors d'usage.

Les médias de Porto Rico découvrent que, si certains chiffres-clés, comme l'accès général à l'électricité et à l'eau, sont rapportés avec une relative précision, le reste de l'information relative aux destructions est, selon le mot d'un membre du Congrès des Etats-Unis, “whitewashed”, “blanchie”, dissimulée.

Le nombre de morts varie largement aussi, entre les estimations officielles et les compte-rendus locaux.

Les faits et chiffres de cet ordre ont une importance cruciale dans toute opération de secours et d'aide après une catastrophe. Ils sont essentiels à la compréhension de la situation et à la prise de décision sur l'allocation des ressources pour la reconstruction. Ils peuvent aussi constituer un outil indispensable pour permettre aux citoyens et aux organes d'information de tenir les institutions responsables de leurs engagements envers leurs administrés.

La recherche des responsabilités se complique d'autant plus que Porto Rico, en tant que territoire des États-Unis, n'a qu'un seul représentant au Congrès, sans droit de voter. Et si les congressistes d'ascendance porto-ricaine interviennent en faveur de Porto Rico, leurs appels à l'action sont largement ignorés.

Qui détermine le bilan humain ?

Le nombre officiel des morts faits par un ouragan est parmi les chiffres dont la publication est de la plus haute importance. Pendant plusieurs jours après la tempête , le nombre de morts a plafonné à 16, selon les autorités locales porto-ricaines et fédérales américaines. Mais quelques heures seulement après que Donald Trump concluait sa conférence de presse à San Juan le 3 octobre, les autorités ont publié un décompte révisé à 34 morts.

Les investigations locales font cependant envisager un bilan réel beaucoup plus lourd.

Dans un entretien avec le Secrétaire à la Sécurité publique Héctor Pesquera, le Center for Investigative Journalism (CPI) basé à San Juan a appris qu'au moins 200 personnes sont mortes à Porto Rico du 20 au 29 septembre compris, un nombre qui excède largement celui d'une période [normale] aussi courte. Et ce ne sont là que les enregistrements officiels — L'absence d'électricité a obligé les services d'état civil à faire les enregistrements manuellement, ralentissant ainsi le processus.

Par des entretiens à l'hôpital Pavía d'Arecibo, le CPI a appris que 49 personnes étaient décédées dans ce seul hôpital les deux premiers jours ayant suivi l'ouragan, pendant lequel l'établissement était quasiment dépourvu d'électricité.

Chiffres biaisés, et brièvement censurés

Le gouverneur de Porto Rico Ricardo Rosello a déclaré le 3 octobre que 63 des 69 hôpitaux de l'île avaient rouvert. Mais que veut dire “rouvrir” pour un hôpital ? Les responsables publics ont expliqué que cela signifiait que les hôpitaux acceptaient des patients. Une liste publiée par les services du gouverneur indique que 29 hôpitaux sur les 63 décrits comme étant “opérationnels” n'ont toujours pas d'électricité.

Le gouvernement fédéral américain rechigne également à fournir des données exhaustives sur la situation. Le 5 octobre, les utilisateurs du site web de la FEMA, l'Agence fédérale des situations d'urgence, ont constaté que les statistiques détaillées sur les coupures d'eau, d'électricité et autres commodités publiées et routinièrement mises à jour, avaient soudain disparu.

Les chiffres détaillant les opérations de secours — pour la plupart, des chiffres “positifs” comme le nombre d'hôpitaux, de magasins d'alimentation et de stations-service rouverts — demeuraient, eux, en ligne. Quand de multiples organes de médias ont rapporté ce fait de censure, les chiffres sont revenus. Ce qui n'a pas pour autant rassuré le public sur l'obstination de l'administration à vouloir l'empêcher de connaître la situation sur l'île.

Dans un entretien avec le Washington Post, le représentant de l'Illinois Luis Gutierrez, qui est d'ascendance porto-ricaine et s'est rendu sur l'île après l'ouragan, a ouvertement accusé le gouvernement d'essayer d'empêcher l'information sur les dégâts d'atteindre le public des États-Unis continentaux.

“Ils ne veulent pas qu'on sache la vérité…chaque histoire qu'on trouve est une tragédie humaine. De vie et de mort et de lutte entre les deux”, dit-il.

Gutierrez a aussi expliqué que le président et les responsables de son administration dissuadaient les membres du Congrès d'aller dans l'île. “Nous sommes donc allés acheter nous-mêmes nos billets d'avion et y avons été.” Et de poursuivre :

A notre retour, nous avons dit la même chose que chaque journaliste qui a été là-bas : Ceci est une crise humanitaire.

Si la nouvelle n'est pas bonne, elle est forcément fausse !

A côté de l'information inégale sur les dommages de la tempête, Donald Trump et son gouvernement ont ouvertement tout fait pour maîtriser le récit plus général sur l'ouragan Maria et ses effets. Les hauts responsables ont délibérément mis en avant et encouragé les “bonnes” nouvelles sur les opérations de remise en état, et ouvertement intimidé les responsables publics et médias qui tentaient de ne pas faire de même.

Quelques jours avant la visite de Trump, la directrice par intérim du Département de la Sécurité intérieure Elaine Duke a vanté l'opération de secours du gouvernement américain à Porto Rico, qu'elle a qualifié de “bonne nouvelle”. La maire de San Juan Carmen Yulín Cruz n'a pas tardé à prendre le contre-pied, en qualifiant la dévastation de “nouvelle de gens qui meurent”. Trump a presque instantanément cinglé la maire sur Twitter, l'accusant de “mauvais leadership” et l'accusant d'avoir reçu des démocrates l'ordre d'être “méchante” avec lui.

A part ses attaques contre Yulín Cruz, les tweets de Trump en rapport avec Porto Rico se sont centrés sur deux idées :  les opérations de secours “réussies” (ses propres mots) des premiers intervenants et de l'agence fédérale FEMA, et le spectre de la “fausse” couverture médiatique de la dévastation.

Quand Trump a accusé les réseaux de médias d’ “ôter le moral” aux soldats et aux premiers intervenants, le premier à rétorquer a été Ali Velshi de MSNBC, accusant Trump de “blanchir” l'histoire :

Nous faisons des heures sup’ pour dire la VRAIE Histoire, @realDonaldTrump, que vous avez blanchie

Quand Trump a demandé aux Porto Ricains de ne pas “croire les fausses informations”, un twitteur a répondu : “Ils cherchent désespérément de l'eau potable propre, ils ne consultent pas leur Twitter !”

Une Porto-Ricaine vivant sur le continent a riposté en décrivant le désespoir de sa mère :

Ma mère a enfin réussi à me joindre aujourd'hui. Elle n'a plus rien à manger et dit qu'autour d'elle ça ressemble à une zone de guerre. C'est ça la vraie information !

NdT : Donald Trump a tweeté aujourd'hui 12 octobre que l'aide fédérale à Porto Rico ne sera pas “éternelle”, ajoutant que “L'électricité et toutes les infrastructures étaient désastreuses avant les ouragans. Le Congrès va décider”.

Violences policières au Chili : l'histoire de Fabiola Antiqueo

mercredi 11 octobre 2017 à 19:47

Les proches de Fabiola Antiqueo sont venus la soutenir dans ses démarches judiciaires face aux Carabineros chiliens. Photo avec autorisation.

Il est 7 heures du matin, ce vendredi 12 mai 2017, quand la police nationale chilienne (Carabineros) fait irruption dans une résidence étudiante Mapuche à Temuco, capitale de la région Araucanía. Les colocataires de Fabiola Antiqueo, 18 ans, étudiants en arts visuel à l’Université Catholique de Temuco, participaient le matin même à une manifestation en soutien à des prisonniers politiques Mapuches. A leur retour, sans avertissement préalable, la résidence étudiante est gazée de bombes lacrymogènes.

Les étudiants de la résidence tentèrent d'éviter les multiples projectiles mais la chance ne tourna pas en faveur de Fabiola. Elle reçut un impact en plein dans l’œil gauche. Voyant qu’elle saignait, ses camarades appelèrent à deux reprises une ambulance qui n’arriva jamais. Elle se rendra finalement à l’hôpital en taxi. Ce week-end là, elle perdit l'usage de son œil.

Fabiola Antiqueo. Foto usada con permiso.

Fabiola Antiqueo. Photo reproduite avec autorisation.

Fabiola témoigne pour Global Voices :

A aucun moment [depuis l’hôpital], jusqu’à aujourd’hui, quelqu’un ne s’est exprimé au nom des Carabineros. Rien. Maintenant, ce dont nous sommes sûr, c’est qu’ils vont essayer de rejeter leur responsabilité. Ils vont dire que ce ne sont que des mensonges, que c’était un accident, que c’était la nuit, et qu’à cause du manque de lumière, ils ne pouvaient pas bien voir. Ils vont essayer de s’en sortir de cette manière.

Pour obtenir justice, elle devra affronter l’une des institutions les plus puissantes depuis la dictature d’Augusto Pinochet qui, avec l’aide des trois branches des forces armées, dirigea le Chili pendant 17 ans jusqu’en 1990.

Bien que l’incident de vendredi soit distinct des altercations récurrentes que peuvent avoir les Carabineros avec les communautés rurales d’Araucania – comme le 14 juin de la même année, quand des véhicules militaires prirent possession d’une école à l’aide de gaz lacrymogènes – il est révélateur du modus operandi de la police dans la région.

Le 29 mars 2017, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a également exprimé son inquiétude « sur les signalements d’usage excessif de la force et autres abus contre les membres des groupes indigènes ».

Nous avons la responsabilité d'avancer dans la résolution de ce conflit entre l’État chilien et le peuple mapuche.

La région d’Araucania est l’une des plus importantes du pays pour les grandes compagnies de l'industrie du bois, que le peuple Mapuche souhaiterait voir expulsées de son territoire ancestral, également appelé Wallmapu en langue native Mapudungun.

Le conflit avec le principal groupe indigène du pays, qui dure depuis des dizaines d’années, vit l’un de ses moments les plus graves. La présidente actuelle, Michelle Bachelet, le résumait par la formule « erreurs et horreurs » le 22 juin 2017, après avoir demandé pardon et annoncé un nouveau plan économique et social pour aider la communauté indigène.

En tant que Présidente de la République, je demande humblement pardon au peuple Mapuche et aux victimes de violences rurales. Le pays n’a pas été à la hauteur.

L’ancien président Sébastian Pinera, vainqueur des primaires le 2 juillet dernier – et qui selon les médias locaux aurait des liens étroits avec les entreprises leaders de l’industrie du bois au Chili – a déclaré « nous avons besoin de beaucoup plus que des symboles » en affirmant que Bachelet « n’a pas été capable de mettre fin au terrorisme ». Des commentaires qu’il a pu répéter à de nombreuses occasions, notamment en début d’année lors des incendies les plus destructeurs de l’histoire du pays.

Face au terrorisme en Araucania, le gouvernement doit choisir son camp clairement et fermement : avec les terroristes ou avec ses victimes.

Sur les réseaux sociaux, certains ont présumé qu’il s’agissait d’un acte criminel des Mapuches, en association notamment avec « des anciens membres de la Farc [sic] », qui auraient intentionnellement incendié des plantations d’eucalyptus et de pins.

J’ai honte qu’une majorité de Chiliens, sans preuve, fassent porter la responsabilité des incendies sur la communauté Mapuche et les étrangers.

Cependant, aucun plan socio-économique ou nouveau président ne rendront l’usage de son œil à Fabiola. « Et je ne sais même pas si je peux espérer obtenir justice car c’est difficile au Chili, particulièrement sur ces sujets » explique la jeune artiste plasticienne.

Droits de l'homme et répression politique

Dans le même temps, le Sous-secrétariat aux Droits de l’homme, créé au mois de septembre de l’année dernière sous l’égide du Ministère de la Justice, se limite à défendre les politiques publiques.

Dans un entretien à Global Voices, la sous-secrétaire et dirigeante de l’organisme, Lorena Fries, relève que la principale difficulté à défendre les droits humains dans un cadre légal vient du fait que « nous ne pouvons pas prendre en charge la protection des droits, parce que nous sommes, de toute évidence, membre du gouvernement et de l’exécutif ».

Cependant, selon elle, le pays a connu de grandes avancées en matière de droits humains depuis le référendum mettant fin au régime d'Augusto Pinochet, en dépit du fait que beaucoup de ses lois soient toujours en vigueur.

Bien que paintballs ne soient désormais plus utilisés par les Carabineros à la suite d’un incident impliquant un jeune qui perdit un œil, la sous-secrétaire considère l’interdiction des gaz lacrymogènes comme hautement improbable. Ils sont pourtant considérés comme une arme semi-létale et des études révèlent des effets secondaires dangereux, incluant des risques de fausse-couche.

Aujourd'hui, l’utilisation de gaz lacrymogènes est devenue courante dans le pays et affecte de la même façon passants et manifestants à chaque rassemblement, qu'il soit approuvé ou non – car au Chili, il faut une autorisation pour manifester.

Dans le cas de Fabiola, les Carabineros vont ouvrir une enquête pour déterminer la manière dont furent utilisés les gaz lacrymogènes et si la procédure a été correctement respectée. Dans le cas contraire, ils seront sanctionnés, ajoute la sous-secrétaire.

Selon Fries, les Mapuche ne sont pas considérés comme un peuple terroriste. Toutefois, la Loi Antiterroriste adoptée en 1984 pour combattre les mouvances d’extrême gauche qui s’élevèrent contre la dictature de Pinochet – pourtant modifiée au cours des années – a été évoquée à maintes reprises lors des conflits en Araucania et au cours des mandats de Bachelet et de Piñera.

Bien que l’on rencontre encore aujourd’hui des cas similaires à ceux de l’ère Pinochet, Fries considère qu’il n’est pas « acceptable de comparer la situation actuelle avec l’époque de la dictature ». Avant de préciser :

C’est une chose quand les crimes sont commis dans un contexte global et systématique, et une autre quand, dans les faits, des personnes ou des fonctionnaires publics violent les droits humains. Dans ces cas-là, les institutions doivent agir.

Fabiola, toujours convalescente, considère que les choses n'ont pas beaucoup changé :

Cela fait plus de 10 ans que nous demandons justice. L'histoire se répète et beaucoup sont morts. Nous subissons tellement de répression que je ne sais plus comment la décrire.

Dans un rapport publié en septembre 2015, l’ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies pour la défense des libertés de réunion et d’association, Maina Kiai, se déclare consternée par la gravité des abus, notamment sexuels, pour lesquels personne n'a été poursuivi.

Le système actuel et l’impunité qu’il maintient est l’un des héritages les plus visibles de la dictature chilienne. Les réformes ont été progressives et sans véritable rupture avec le passé, laissant en place un système ancien qui n'est plus adapté au Chili contemporain.

De nos jours et depuis la fin de la dictature, persistent de nombreuses situations d’abus qui traduisent une réalité différente de la vision de la sous-secrétaire. Maina Kiai détaille plusieurs cas, notamment des cas de harcèlements sexuels de femmes par les Carabineros, pour lesquels il n’y eut pas de poursuites.

Sin estar en guerra o en conflicto interno, Chile ha gastado más per cápita que Colombia en tiempos recientes y llegó a ocupar el tercer lugar sólo detrás de Estados Unidos y Canadá por muchos años en la última década.

Sans être un pays en guerre ou connaître de conflit interne, les récentes dépenses militaires du Chili par habitant sont plus élevées qu’en Colombie. Au cours des dix dernières années, le Chili se situe en troisième position du classement des dépenses, après les États- Unis et le Canada. Le budget annuel des Carabineros chiliens en 2016 était de 1.037.521.050.000 pesos chiliens (approximativement 1.5 milliard de dollars) soit le même budget que l’armée, la marine et les forces aériennes réunies, ou l’ensemble du budget du Ministère de la Justice. (Graphique : Ricardo Martinez).

L'affaire de Fabiola

Dans un entretien avec Global Voices, les avocats de Fabiola, Jonathan Hidalgo et Sebastian Painemal, ont affirmé que le procureur fédéral d’Araucania a traité leurs requêtes de façon « satisfaisante » et qu'elles sont désormais intégrées à l'enquête menée conjointement par la Police d’Investigation (P.D.I.). « Il manque seulement deux rapports : celui d'un expert et les dépositions des témoins ». Les charges retenues sont « blessures graves à blessures très graves ».

De son côté, l’Institut National des Droits de l’Homme (INDH), compétent pour porter une plainte envers les Carabineros, a appliqué le protocole relatif aux respects des droits humains suite à l'incident.

L’avocat de l’INDH, Marcis Rabanal, explique dans un entretien à Global Voices que malgré les actions sans entraves du procureur, « un  Carabinero haut-gradé de la région d’Araucania raconte une version préoccupante de l’incident dans les médias ; la blessure de Fabiola pourrait lui avoir été infligée par ses propres camarades qui participaient à la manifestation. »

Rabanal affirme que la plus grande priorité doit être donnée à ce type d'enquêtes et qu'il devrait y avoir un engagement plus fort pour accuser les  Carabineros de leurs crimes. Bien qu’il se félicite de la tournure des événements jusqu’à présent, il considère qu’il faut rester particulièrement vigilant dans cette affaire. Son expérience sur des cas précédents dans la région lui ont démontré qu’une procédure rapide ne signifie pas toujours une condamnation immédiate des coupables.

Nous avons par exemple le cas de Brandon Hernandez Huentecol, gravement blessé en décembre 2016 par une arme anti-émeute et qui a failli perdre la vie. Les investigations ont été menées rapidement, mais jusqu’à aujourd’hui, il n’existe aucune enquête officielle alors que l’identité du responsable était établie depuis le début. Quand il s’agit de policiers, nous pensons que les procédures prennent beaucoup plus de temps que lorsqu'il s'agit de crimes dont les indigènes ou le peuple mapuche sont accusés.

Il précise également:

Dans le cas de Fabiola, nous ne pouvons pas relâcher la pression. Bien que les responsabilités ne soient pas établies, nous n’en avons pas fini. Nous espérons qu'il [le cas de Fabiola] se traduise rapidement par la condamnation du responsable et qu’il ne soit pas oublié avec le temps.

L’avocat de l’INDH explique que tant que l’enquête ne sera pas officielle, la victime ne pourra pas se prévaloir de ses droits et le délit restera impuni. Même si une étape importante a été franchie, d’autres interrogations se posent pour obtenir définitivement justice.

Même si Fabiola n'est pas avocate, son point de vue rejoint celui de Rabanal :

Nous voulons que la personne qui m’a fait ça soit arrêtée. Même si, de toute évidence, l’institution [les Carabineros] le couvrira, je sais qu’ils vont identifier le responsable. Mais je ne m’attends pas à ce qu’ils le sanctionnent parce qu’au Chili, il semblerait que l'on donne une médaille à chaque carabinero qui tue quelqu’un. Ils sont protégés.

Pour Rabanal, il est indispensable, dans ce type de cas, d'affecter des procureurs spéciaux au sein du Ministère public. Des conflits d’intérêts se sont déjà produits lors d’enquêtes sur les Carabineros, et selon Rabanal, il existe un excès de « zèle, de soin et de peur » pour enquêter sur l’institution policière.

Pendant plusieurs années, l’instruction des affaires des carabinero, comme dans le cas de Fabiola, était de la compétence des tribunaux militaires. Bien qu'en théorie ce système appartienne au passé, dans la pratique, l’héritage de la dictature continue de faire entrave au processus judiciaire.

La priorité de Fabiola est désormais de retourner étudier à l’université.

Je préfère me concentrer sur mes études plutôt que sur cette histoire. Je dois prendre le relais en tant que personne, artiste et victime. C’est le moment d'une prise de conscience collective.

Bien qu’elle se sente soutenue par l'ensemble de sa famille, camarades et amis, Fabiola ne sait pas ce qu’il adviendra de son agresseur. « Je ne peux pas demander justice, je sais que ça n’arrivera pas ».

Afiche de la campaña que busca justicia para Fabiola Antiqueo. Compartida en redes sociales.

Affiche de la campagne “Justice pour Fabiola Antiqueo”. Partagée sur les réseaux sociaux.

Malgré plusieurs sollicitations, aucun représentant des Carabineros n'a souhaité faire de commentaire. L'institution a commandé un “audit interne” pour établir sa responsabilité, qui selon les avocats de Fabiola, devrait coïncider avec l'enquête du procureur.