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Dilshod Nazarov et d'autres champions tadjiks dont vous n'avez jamais entendu parler

mercredi 31 août 2016 à 21:50
Dilshod Nazarov, hammer throw champion of Olympic Games-2016. Collage is widely shared among Tajiks in Facebook

Dilshod Nazarov, champion du lancer de marteau aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Image partagée par les Tadjiks sur Facebook

[Tous les liens sont en français, sauf mention contraire]

Alors que les Tadjikistanais ont accueilli leur champion olympique Dilshod Nazarov, Global Voices revient sur son histoire ainsi que sur les performances du petit et montagneux pays d’Asie Centrale durant les 25 années écoulée depuis son indépendance.

2016 – Dilshod Nazarov, premier champion olympique

Si vous lisez Global Voices, sans doute avez-vous déjà entendu cette histoire.

Le lanceur de marteau Dilshod Nazarov est un enfant de la guerre civile qui a fait rage au Tadjikistan de 1992 à 1997. Son père a été tué lors des combats en 1996 alors que Dilshod n’avait que 15 ans. Son incroyable victoire aux Jeux Olympiques de Rio illustre d’une certaine façon le long et difficile périple qui a mené le pays jusqu’à la paix.

Le président suppléant du Comité de la Jeunesse, du Sport et du Tourisme du Tadjikistan était le porte-drapeau du pays aux derniers JO et la meilleure chance de médaille pour ce pays. Peu de personnes avaient pu prédire qu’il battrait ses plus sérieux rivaux pour s’emparer de l’or.

Fait exceptionnel, l’inamovible président Emomali Rakhmon a appelé Dilshod pour le féliciter. De nombreux maires ont accroché dans leur ville de grandes images d’un Dilshod souriant, le drapeau autour de son cou.

Même les opposants au régime en exil ont suspendu leur flot de critiques envers le gouvernement pour honorer l’exploit de Dilshod, dont la maison a été envahie par ses supporters.

La clameur était encore plus forte sur les réseaux sociaux, où Nazarov a été fêté comme un ‘Héros National du Tadjikistan’.

2015 : Le FC Istiqlol finaliste de la Coupe AFC

FC "Istiqlol" after one of victories at the AFC Cup 2015. The picture is from the official web-site of the FC "Istiqlol"

Le FC “Istiqlol” après l'une de ses victoires à la Coupe AFC en 2015. Photo issue du site web officiel du FC “Istiqlol”

D'accord, ce n’est pas la Champions’ League européenne, et d’ailleurs, ce n’est même pas la Champions’ League asiatique, mais quand vous ne pouvez exceller que dans les championnats auxquels vous êtes autorisés à participer, ce n’est quand même pas mal, non ?

Lorsque le champion du Tadjikistan [tadjik], Istiqlol, a rejoint le groupe de la Coupe AFC grâce à sa victoire en finale d’un championnat l’an dernier, tout le monde demeurait sceptique.

Pour son premier match, Istiqlol a perdu à domicile, avant qu’une série de victoires inattendues face à ses plus sérieux rivaux permettent à la meilleure équipe du pays de se hisser à la première place du « groupe de la mort ».

Les espoirs ont augmenté au fil des matchs durant la phase éliminatoire du championnat – le second plus prestigieux championnat professionnel asiatique – et ont atteint leur paroxysme lors de la finale, jouée de nouveau à domicile.

Malheureusement, l’arbitre a annulé les trois buts d’Istiqlol, laissant la victoire au club malaysien Johor Darul Ta’zim, qui a pu repartir avec la Coupe.

En dépit de l’injustice flagrante, le Tadjikistan a été reconnaissant envers ses footballeurs pour les émotions toujours plus fortes qu'ils lui a offertes à chaque victoire face à des équipes réputées.

2012 : Mavzuna Chorieva, première médaillée olympique

Mavzuna Chorieva during the awarding ceremony wore Tajik national clothe. The picture is taken from girlboxing.org

Mavzuna Chorieva pendant la cérémonie de remise des médailles, portant le costume traditionnel tadjik. Photo de girlboxing.org

 

Le Tadjikistan a été submergé d’émotion quand un petit bout de femme, qui était adolescente lorsqu’elle ramena le corps de son père décédé de Moscou, a remporté une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Londres, en 2012.

La médaille de Mavzuna Chorieva dans la catégorie poids légers de boxe ne représentait pas la première récompense décrochée par le Tadjikistan aux JO, mais la première rapportée par une femme native d’un pays persan (Iran, Afghanistan ou Tadjikistan).

Dire que l’année 2012 a été incroyablement brillante pour cette jeune femme de 20 ans originaire d’une famille démunie composée de migrants économiques serait un euphémisme.

Outre les Jeux Olympiques, Chorieva a également gagné des médailles lors des championnats d’Asie et du Monde. Elle a reçu éloges de sa nation et plusieurs appartements, offerts par cet Etat appauvri, en récompense de ses performances.

La même année, comme l’a relaté Global Voices, Chorieva s’est mariée et a raccroché les gants pour mettre au monde son premier enfant.

“J’adore le sport”, déclara-t-elle aux journalistes à cette époque. ”Mais la famille est plus importante à mes yeux”.

Depuis, Chorieva est remontée sur le ring, mais sans renouveler ses succès étourdissants/ Elle est devenue membre du conseil municipal de Douchanbé, la capitale, et présidente de l’Association des Olympiens du Tadjikistan.

2006 et 2007 : les jeunes footballeurs du Tadjikistan prennent position

Pour comprendre comment les jeunes footballeurs du Tadjikistan sont devenus la fierté de leur nation pendant deux années consécutives, il faut se souvenir que l’équipe senior du pays ne s’est jamais qualifiée pour un championnat majeur et est actuellement classée au 144ème rang mondial.

Les conséquences de la guerre civile ont privé les footballeurs d’occasions de s’entraîner, Plusieurs équipes de la ligue nationale venaient d'être créées lorsque l’ équipe des moins de 16 ans remporta de façon inattendue la médaille de bronze lors de sa première apparition au championnat continental d’Asie.

Ce succès permit à l’équipe de participer à la Coupe du Monde des moins de 17 ans [anglais], durant laquelle elle remporta 4 victoires, dans un groupe dans lequel jouait la star actuelle de la Premier League anglaise Eden Hazard, et alors que l’équipe belge n'avait pas réussi à se qualifier.

Malheureusement, la route vers la gloire internationale s’est terminée par un penalty contre le Pérou. Toutefois, la fièvre du football était déjà bien présente.

L’auteur de cet article a retransmis en direct des matchs sur un site web local qui a vu son trafic sextupler, alors que l’équipe du Tadjikistan atteignait des résultats auxquels aucune autre équipe n’était parvenue.

1991-2016 : Inclinez-vous devant l’équipe du Tadjikistan de taekwondo

A la lecture de ces victoires ‘presque par hasard’ et de tant d'efforts vaillants, vous en concluez probablement que Dilshod Nazarov est le seul sportif à avoir remporté une compétition internationale sous les couleurs d’un pays d’Asie Centrale.

En vérité, vous auriez totalement tort.

Si l’ITF Taekwon-Do* était une discipline olympique, le Tadjikistan aurait besoin d’un musée [anglais] pour stocker toutes les médailles remportées depuis son indépendance.

Actuellement, le pays peut se vanter de compter pas moins de 20 champions du monde de taekwondo et d’être classé à la seconde place mondiale, derrière la Corée du nord.

Il y a environ dix ans, l'auteur de ce post avait rencontré le parrain de ce sport au Tadjikistan [arabe], Mirsaid Yahoev, qui était allé jusqu’à dire que son équipe « n’avait pas besoin de considérer » les médailles d’argent et de bronze comme des succès lors des championnats du monde.

Visiblement heureux d’être considérés comme des outsiders courageux dans d’autres sports, les Tadjiks sont fiers de voir leurs représentants être redoutés dans au moins une discipline, de Panama City à Pyongyang.

* Fédération Internationale de Taekwondo
**La Fédération Internationale de Taekwondo (ITF) et la Fédération Mondiale de Taekwondo (WTF) sont légèrement différentes mais sont toutes deux très présentes. Seule la seconde est représentée aux Jeux Olympiques. Pour mieux comprendre les différences, consultez cet article [anglais].

Ce que la médaille d'or olympique de Monica Puig signifie pour les Portoricains

mercredi 31 août 2016 à 21:07

[Tous les liens mentionnés sont en anglais, sauf mention contraire]

Le 13 août 2016 restera un jour dont chaque Portoricain se souviendra toute sa vie. Sans doute étaient-ils tous en train de regarder la joueuse de tennis Monica Puig (@MonicaAce93) s’emparer de la première médaille d’or de l’histoire de Porto Rico.

Monica Puig a joué de façon spectaculaire face à l’Allemande Angélique Kerber, numéro 2 mondiale. Monica Puig avait, elle, démarré la compétition au 34ème rang mondial.

Les raisons pour lesquelles la victoire de Monica Puig restera comme l’un des moments forts des Jeux Olympiques 2016 sont nombreuses. Elle revêt une signification particulière pour chaque Portoricain. Il s’agit non seulement de la première médaille d’or olympique pour ce pays, mais Monica Puig est aussi la première Portoricaine à remporter une médaille pour son île (elle n’est cependant pas la première Portoricaine à gagner un titre olympique. Cet honneur revient à une autre joueuse de tennis, Gigi Fernández [français], vainqueure du double à Barcelone, en 1992, pour les Etats-Unis).

Monica Puig avait été à l'origine sélectionnée pour intégrer la délégation américaine car elle a grandi et vit actuellement en Floride. Mais elle a préféré poursuivre sa carrière sous les couleurs portoricaines.

La raison pour laquelle Porto Rico, territoire américain depuis plus d’un siècle, a sa propre délégation olympique est une histoire compliquée. Pour résumer, le Comité International Olympique reconnaît Porto Rico depuis 1948. Depuis lors, le pays s’est constitué sa propre équipe, bien que les Portoricains détiennent la citoyenneté américaine. D’autres territoires américains, tels que les Iles Vierges des Etats-Unis, Guam et les Samoa américaines, participent aussi [français] aux JO avec leur propre délégation.

La victoire de Monica Puig est arrivée à point nommé après un été chargé  en actualités décourageantes, de la mauvaise presse amenée par le virus Zika à la perte d’autonomie politique [français]. Une Commission Fédérale de Contrôle américaine a été créée pour contrôler le budget national portoricain. Juste après sa victoire,  Monica a prononcé ces mots, qui exprimaient parfaitement la portée de sa victoire pour ses compatriotes :

I think I united a nation, and I just love where I come from.

Je pense avoir uni une nation, et j’aime le pays dont je suis originaire.

Les réseaux sociaux ont rapidement été envahis de messages célébrant la victoire de Monica Puig. De nombreux internautes, quel que soit leur sexe, ont remplacé leur photo de profil par la sienne, devenant l’un des sujets de conversation les plus présents sur les médias sociaux. D’autres ont également avoué avoir pleuré durant la remise de médailles, lorsque l’hymne portoricain a retenti pour la première fois aux Jeux Olympiques.

Sur Facebook, Margarita Javier explique à quel point ce moment était significatif pour elle et pour de nombreux Portoricains :

[This] is the first time the Puerto Rican national anthem, “La Borinqueña” was ever played at the Olympics. We have been participating since 1948. I have watched every Olympics and our Puerto Rican athletes closely since I was a little girl, always hoping we'd get to hear the anthem. Even though we're not a politically independent country, ideologically and historically we are a fully realized, complex nation with our own unique culture, and our patriotism and nationalism is a form of colonial resistance. It's impossible to put into words why this moment is so meaningful and important to us. Every Puerto Rican in the island and abroad has been united. We are all Mónica Puig.

 

C’est la première fois que l’hymne national portoricain, “La Borinqueña” a été joué aux Jeux Olympiques. Nous participons depuis 1948. J’ai regardé chaque édition des Jeux Olympiques et suivi de près les athlètes portoricains depuis que je suis petite, en espérant entendre l’hymne national. Bien que nous ne soyons pas une nation politiquement indépendante, nous sommes un pays à part entière, complexe idéologiquement et historiquement, et nous avons notre propre culture. Notre patriotisme et notre nationalisme sont une forme de résistance coloniale. Il est impossible d’expliquer en quoi ce moment est si significatif et important pour nous. Tous les Portoricain présents sur l’île ou en-dehors sont unis. Nous sommes tous des Monica Puig.

Il n’est pas étonnant, dès lors, que le 23 août dernier, les Portoricains aient envahi les rues de San Juan, la capitale, pour accueillir la délégation portoricaine olympique. Dans la vidéo suivante, on voit des étudiants du Conservatoire de Musique de Porto Rico jouer l’hymne national, La Borinqueña, lorsque l’équipe est passée devant le Conservatoire [espagnol] :

La médaille d’or de Monica Puig a fait bien plus qu’unir un peuple vivant dans un archipel de trois îles. Elle a uni un peuple éparpillé dans l’archipel et d’autres parties du monde, et pas seulement aux Etats-Unis, où ont émigré nombre de Portoricains. Quand Monica Puig a déclaré croire en l’unité d’une nation, il ne s’agissait pas d’une simple figure de rhétorique. Il s’agit de la simple vérité.

Une dérive, les ‘dégâts collatéraux’ des révélations de WikiLeaks

mercredi 31 août 2016 à 11:16
Wikileaks Van on Capitol Hill

Photo d'une ‘unité mobile de collecte d'informations’ de WikiLeaks via Flickr (CC BY 2.0)

Quand WikiLeaks a publié récemment plus de 61 000 fichiers du ministère saoudien des Affaires étrangères, il a rendu publiques des communications et des informations confidentielles éclairantes, qui permettent de découvrir le fonctionnement interne de la diplomatie saoudienne. Il a également publié au moins 124 dossiers médicaux confidentiels et d'autres informations personnelles de simples citoyens, selon une dépêche du 23 aout de l'agence Associated Press.

Deux des rapports médicaux révèlent l'identité de deux mineures victimes de viol. Un autre fichier révèle l'identité d'un citoyen saoudien déjà arrêté pour homosexualité, L'agence AP qualifie de “décision incroyable” de la part de WikiLeaks la publication de ces informations sur un ressortissant d'un pays où les homosexuels sont exclus, emprisonnés, torturés et même assassinés.

De nombreux internautes ont immédiatement exprimé leur indignation sur les réseaux sociaux. Joey Ayoub, éditeur de Global Voices pour la région Moyen Orient-Afrique du Nord, rappelle que les ‘fuites’ peuvent être littéralement mortelles pour certains.

Ces fuites peuvent couter la vie à certains. Vraiment répugnant. “Des vies privées ont été rendues publiques quand @WikiLeaks a déversé ses secrets”

L'historienne et archéologue Sara E. Palmer appelle l'incident un cas de doxxing, c'est-à dire la publication des informations personnelles d'une personne (son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de carte d'identité) sans son autorisation, et souvent avec l'intention de nuire.

On n'en est plus au combat pour la liberté, c'est juste du doxxing, du mauvais doxxing.

WikiLeaks est entré dans l'actualité en avril 2010 en rendant publiques des vidéos de deux hélicoptères américains Apache lors d'une frappe aérienne sur Bagdad, le 12 juillet 2007. La frappe avait fait douze morts (estimation) dont deux journalistes de l'agence Reuters. Une vidéo était intitulée  : “Collateral Murder“. Elle a immédiatement fait scandale, et fait connaitre Wikileaks dans le monde entier.

La mission de WikiLeaks – révéler les abus de pouvoir, se battre pour la transparence de l'information – lui a valu un ample mouvement de sympathie. Par le passé, un porte-parole de l'organisation avait insisté sur le fait que WikiLeaks faisait tout pour protéger les simples citoyens d'éventuelles conséquences de la publication de documents secrets.

“Nous avons une politique de réduction des risques,” avait déclaré Julian Assange lors d'un séminaire à Oxford, en juillet 2010. “Il y a des secrets légitimes. Votre dossier médical chez votre médecin, c'est un secret légitime.”

Mais soumis à des pressions toujours plus fortes, et à un succès médiatique toujours plus grand, WikiLeaks a multiplié les violations d'informations confidentielles de personnes qui ne sont pas des personnalités publiques.

Donc, maintenant, WikiLeaks publie les dossiers médicaux des gens. Et ils haussent les épaules. Est-ce que quelqu'un pense encore que c'est une bonne chose ?

Le 22 juillet 2016, WikiLeaks a publié des milliers de mails subtilisés des serveurs de la Convention nationale démocrate aux Etats-Unis. Ils exposaient au grand jour les manœuvres pour saper la campagne électorale de Bernie Sanders et orienter la primaire en faveur de Hillary Clinton. Mais les mails révélaient aussi  l'identité complète, les adresses, les numéros de téléphone, les numéros de passeport et les numéros de sécurité sociale de certains donateurs du parti démocrate. Deux des personnes dont l'identité a été publiée ont déclaré à l'agence AP qu'elles avaient par la suite été victimes de vol d'identité.

Dans une autre affaire, WikiLeaks a rendu publics des centaines de mails du parti AKP en Turquie, le parti de l'actuel président Recep Tayyip Erdoğan. Les mails ont été passés au peigne fin par des journalistes et des activistes en Turquie. Selon eux, ils sont pour la plupart sans intérêt pour l'investigation. La chercheuse turque sur les nouveaux médias, Zeynep Tufekci, a écrit :

WikiLeaks also posted links on social media to its millions of followers via multiple channels to a set of leaked massive databases containing sensitive and private information of millions of ordinary people, including a special database of almost all adult women in Turkey.

WikiLeaks a aussi publié des liens sur les réseaux sociaux pour ses millions de followers, sur de multiples plateformes, vers une série de bases de données piratées, qui contiennent des informations sensibles et privées de millions de citoyens ordinaires, dont une base de donnée où se troue les identités de presque toutes les femmes adultes turques. Dossiers médicaux, dettes, informations personnelles…WikiLeaks traite la sécurité et la vie privée des gens ordinaires comme des dégâts collatéraux.

Il faut ajouter, comme l'avait relevé le site Advox de Global Voices, l'an dernier, que certains fichiers diffusés par Wikileaks contenaient des pièces jointes infectées. Les ‘fuites’ du parti APK et de la ‘Hacking Team’, publiées en 2015, contenaient des virus.

Les livraisons chaotiques de WikiLeaks dévoilent des informations personnelles sensibles qui peuvent permettre d'identifier les personnes, et maintenant, des virus.

Des associations de défense des droits l'homme ont demandé des explications à WikiLeaks. Après la diffusion du Afghan War Diary sur la guerre en Afghanistan, Amnesty International et d'autres associations avaient déjà demandé que les noms des civils afghans qui travaillaient comme informateurs de l'armée américaine soient supprimés, pour les protéger de représailles.

La réponse de Julian Assange avait été :  “Je suis très occupé et je n'ai pas de temps à perdre avec des gens qui ne font rien, à part protéger leurs arrières.” Le nombre de personnes menacées par la publication non anonymisée de documents secrets augmente. On ne sait pas si Julian Assange saisit la sombre ironie de cette déclaration. Ce qui est clair, c'est que WikiLeaks a perdu le large soutien populaire qu'il avait eu à une époque.

Ahmad Abughaush, médaillé d'or jordanien, et l'effacement de l'identité palestinienne

mardi 30 août 2016 à 12:39
Ahmad Abughaush kisses the gold medal he won for Jordan in the 2016 Olympics in RioTaekwondo PHOTO: Salem Khamis (CC BY-SA 4.0) via Wikimedia Commons

Ahmad Abughaush embrasse la médaille d'or qu'il a remporté sous les couleurs de la Jordanie, lors des Jeux Olympiques de Rio. PHOTO: Salem Khamis (CC BY-SA 4.0) via Wikimedia Commons

[Tous les liens sont en anglais, sauf mention contraire]

Par Huda Ziade

Lorsque le taekwondoiste Ahmad Abughaush [français] a gagné la première médaille d’or de l’Histoire de la Jordanie lors des récents Jeux Olympiques de Rio, Jordaniens, Arabes et bien d'autres ont sauté de joie, célébré son succès et sa brillante performance. Mais pour de nombreux Jordaniens-Palestiniens comme moi, l’explosion de joie avait un arrière-goût amer. La plupart d’entre nous ne connaissaient pas l'existence de Abughaush avant sa victoire, mais les Arabes n’ont pas besoin de connaître davantage que son nom de famille [français] pour deviner son histoire. Après tout, nous Jordaniens-palestiniens sommes constamment jugés sur notre patronyme.

Lorsque les Jordaniens et les médias internationaux ont mentionné la victoire d’Abughaush, ils ont omis de mentionner ses origines palestiniennes ou bien encore le fait qu’il est un enfant de réfugiés palestiniens. J’ai eu le sentiment qu’il s’agissait d’un effacement volontaire de l’identité palestinienne d’Abughaush, mais je n’ai pas saisi l’impact de ce fait jusqu’à ce qu’un média israélien l’évoque. « Sa famille a fui la Jordanie peut après sa naissance, mais certains de ses proches vivent encore dans une ville pittoresque, connue pour ses restaurants de houmous ».

Sa famille a “fui”.

La réalité est que la famille Abughaush a été violemment expulsée de son village à deux reprises : d’abord quand la maison de Saeed Abughaush fut détruite en avril 1948 ; puis lorsque la famille a fui le pays, avec des milliers d’autres familles palestiniennes, suite au massacre de Deir Yassin, que les Palestiniens nomment désormais le Nakbeh (« Catastrophe »). Durant les années qui ont suivi le Nakbeh, de nombreux membres de la famille Abughaush ont essayé de retourner chez eux, mais ont été tués par l’armée israélienne, qui les considérait comme des « infiltrés ».

Palestinian refugees leaving Galilee during the period of the Nakba in 1948. PHOTO: Public domain.

Les réfugiés palestiniens quittent la Galilée durant le Nakbeh, en 1948. PHOTO: Domaine public.

Si, en Jordanie, le contexte est légèrement différent, l’oubli de l'histoire demeure le même. Le Nakbeh de 1948 a obligé de nombreux Palestiniens à partir en Jordanie, ainsi qu’en Cisjordanie, annexée par la Jordanie après la guerre. A l’époque, un grand nombre de Palestiniens ont été naturalisés jordaniens ; lorsqu’Israël occupa la Cisjordanie en 1967, une autre vague de Palestiniens ont du partir en Jordanie.

En juillet 1988, la Jordanie renonça à ses prétentions sur la Cisjordanie, une décision qui ouvrit la porte à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), devenu le seul représentant du peuple palestinien. Pour les Jordaniens-Palestiniens, cela signifiait qu’ils étaient devenus du jour au lendemain des apatrides.

Le passage obligatoire par le Département du suivi et de l’inspection est devenu un cauchemar pour les Palestiniens vivant dans le pays. Ce Département est sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, et est chargé de différencier les citoyens cisjordaniens des citoyens jordaniens. Une manœuvre opaque, qui a séparé de nombreuses familles. Des milliers de citoyens jordaniens se sont vus retirer leur numéro d’identification, et se sont vus remettre à la place des passeports temporaires.

Identification Card of Ahmad Said, a Palestinian refugee. PHOTO: mickyx09 (CC BY 2.0) via Wikimedia Commond

Carte d'identité d'Ahmad Said, un réfugié palestinien PHOTO: mickyx09 (CC BY 2.0) via Wikimedia Commons

Nombre de Jordaniens-Palestiniens aiment le pays dans lequel ils ont grandi, mais Jordanie ne nous aime pas nécessairement en retour. Nous naviguons avec cette identité complexe comme si nous marchions sur des charbons ardents, et semblons être promis au pilori quelle que soit la direction que nous prenons.

Etre un Palestinien en Jordanie signifie subir une discrimination systématique. C’est savoir que si vos succès appartiennent à la collectivité, vos échecs seront votre entière responsabilité. En tant que Palestinien, vous n’êtes pas réellement intégré ; mais vous n’avez nulle part où aller car vous êtes Jordanien. Vous êtes un citoyen incomplet et un réfugié permanent. A l’inverse des fans écossais de football qui ont agité des drapeaux palestiniens dans un stade, nous, Jordaniens-Palestiniens, n’avons pas le droit de porter ces mêmes drapeaux dans le pays où nous vivons. Nous ne pouvons fêter notre identité nationale qu’en privé et sommes exclus lorsque d’autres Jordaniens célèbrent la leur – qui devrait être aussi la nôtre.

Mais nous n’avons pas d’autre moyen d’être ce que nous sommes. Etre Palestinien signifie se souvenir d’où l’on vient, le lieu dans lequel nous n’avons pas le droit de retourner vivre. Etre Jordanien se résume pour nous au lieu dans lequel nous avons grandi, à nos amis et notre famille, et à la vie que nous avons construite ensemble ici.

Pardonnez-moi si je suis quelque peu incrédule face à l’adoration nationaliste exprimée soudain vis-à-vis d’Ahmad Abughaush, notamment quand cette fascination provient de ceux qui se sont moqués des équipes olympiques issues des pays du Golfe, qui ont « acheté » des athlètes d’autres pays. Après tout, comme le sait le club de football du camp de réfugiés d’Al-Wehdat, notre identité palestinienne, et le fait que nous ne soyons pas natifs de Jordanie, nous a toujours été reproché, et nous est constamment opposé, comme une version incomplète et excluante de l’identité jordanienne. C'est pratique d’effacer et de réorganiser les identités des gens comme bon vous semble.

Les gens comme moi savent qu’être Jordanien et Palestinien n’est pas incompatible, car en réalité, nous sommes les deux à la fois. Soit par choix, soit par le biais de circonstances extérieures, nous faisons partie de ce pays depuis le début, travaillons dur, comme tous les Jordaniens, pour bâtir ce que nous avons aujourd’hui. Nous croyons en une identité jordanienne qui nous inclut et valorise notre lutte pour la libération nationale, pas en celle qui nous oublie. Il est injuste que nous devions cacher notre identité palestinienne afin de servir un programme qui nous exclut.

Quand des Jordaniens-Palestiniens se distinguent, nous aimerions pouvoir célébrer notre identité complète, et surtout, notre histoire. A commencer par la médaille de Ahmad Abughaush, le Jordanien-Palestinien qui s’est battu pour se hisser en haut du podium.

PHOTOS : La vie des autochtones Da’o sur l’île des Orchidées à Taïwan

mardi 30 août 2016 à 04:26
This work by Wen-Yen Wang is licensed under CC BY-NC-ND.

Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

Les autochtones Da’o de l’île des Orchidées, aussi connue sous le nom de Lanyu, ont longtemps lutté pour préserver leur habitat et leur culture alors que le monde changeait autour d’eux.

En 2014, l’île a vu l’ouverture de sa première enseigne de commerce de proximité. Ces dernières années, l’île est devenue une destination touristique populaire grâce à ses magnifiques récifs de corail et à la culture si particulière des autochtones Da’o.

Beaucoup s’inquiètent que le nombre grandissant de touristes ne s’accompagne que d’une augmentation des déchets et de la pollution, sans accroissement du nombre d’emploi et des revenus. Traditionnellement, les Da’o vivaient de la pêche, mais à présent ce  mode de vivre est menacé.

Wen-Yen Wang visite régulièrement l’île et s’est emparé des histoires du peuple Da’o pour ses reportages photo. Récemment, il a été récompensé dans plusieurs catégories lors d’un concours national de photographie organisé par le groupe « Taiwan News Photograph Study ». Ci-dessous se trouvent quelques-unes de ses photos accompagnées de leurs descriptions.

This work by Wen-Yen Wang is licensed under CC BY-NC-ND.

Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

退潮的夜晚,一位蘭嶼人到海邊抓螃蟹。
他在黑色的礁岩上跳躍,浪花不時拍打上來,不見他什麼動作,手中卻已多了幾隻螃蟹。他偶爾也跳進水裡,尋找躲在水底岩縫中的龍蝦。

La nuit, quand la marée est basse, un habitant de l’île part à la mer pour attraper des crabes.
Il saute sur les rochers noirs du récif. Les vagues fondent sur les rochers de temps en temps. Je ne l’ai pas vu bouger, mais il a déjà attrapé quelques crabes à mains nues. Parfois, Il saute dans l’eau pour trouver un homard caché entre les rochers sous la surface.

達卡安是位在蘭嶼新舊時代交替下典型人物,他從小就不愛上學所以識字不多,但卻是漁人部落中有名的海王子,對於海洋的知識極其豐富,許多蘭嶼人都會前來向他討教捕魚技術。 在傳統的達悟文化中,會抓魚的男性是女性絕佳的擇偶對象,但達卡安至今仍然單身一人,因為早已進入貨幣經濟社會的蘭嶼,對於男人的捕魚能力已不那麼看重。而達卡安即使徒手潛水抓魚功夫一流,在蘭嶼也無法靠此獲得什麼金錢收入,所以他也開始在飛魚季過後,到臺灣找尋工作賺錢。

Dakaan est une personne typique et représentative de la transition entre l’ancienne et la nouvelle façon de vivre sur l’île des Orchidées. Il ne sait pas vraiment lire car enfant, il n’aimait pas aller à l’école. Toutefois, on le connait comme « le prince de la mer » dans son village de pêcheurs. Il en sait beaucoup sur la mer, et beaucoup d’habitants de l’île viennent le voir pour apprendre à attraper du poisson. Dans la société Da’o traditionnelle, un homme qui sait attraper du poisson est un bon parti pour une femme. Pourtant, Dakaan est toujours célibataire, les habitants de l’île entrés dans l’économie monétaire ne respectent plus les compétences d’un pêcheur. Bien que Dakaan ait des capacités formidables pour attraper du poisson à mains nues sous l’eau, il ne parvient pas à en vivre. Ainsi, il a commencé à travailler sur l’île principale de Taïwan après la saison des poissons volants pour gagner plus d'argent.

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Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

達卡安早上下海巡視他所設置的沉底網。

Dakaan part en mer pendant la matinée pour vérifier les filets de pêche qu’il a installés dans le fond de la mer.

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Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous license CC BY-NC-ND.

達卡安在海浪拍打的岩岸邊,游泳撿拾蠑螺。

Dakaan nage entre les récifs et la surface pour ramasser des turbots.

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Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

達卡安正在將他所網獲的十多尾白毛魚收起。

Dakaan ramasse un filet de pêche contenant une douzaine de saupes.

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Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

為了設置沉底網,達卡安必須潛入6米多的海底,搬時[石]頭壓住網底。

Pour installer ses filets de pêche, Dakaan doit descendre jusqu’à 6 mètres de profondeur pour toucher le fond et poser ses filets sur les rochers.

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Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

在上浮至海面的途中,達卡安正與他方才捕捉的章魚搏鬥。

Dakaan se bat avec un poulpe fraîchement attrapé en remontant à la surface.

This work by Wen-Yen Wang is licensed under CC BY-NC-ND.

Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

夜間潛水的達卡安,正在找出藏在岩洞內休息的魚。

Dakaan cherche le poisson caché dans les grottes sous-marines pendant une plongée nocturne.

This work by Wen-Yen Wang is licensed under CC BY-NC-ND.

Ce travail réalisé par Wen-Yen Wang est sous licence CC BY-NC-ND.

在一個冬天夜潛結束後,達卡安使用山壁間的泉水洗澡取暖,即使在寒流來襲,他下海依然不穿任何防寒衣。

Dakaan se lave dans la rivière pour se réchauffer après avoir plongé au cours d’une nuit d’hiver. Il ne porte pas de combinaison même quand le froid arrive.

This work by Wen-Yen Wang is licensed under CC BY-NC-ND.

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在海上開船捕飛魚以及釣魚的達卡安。

Dakaan utilise un bateau pour attraper le poisson volant et pour pêcher.

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飛魚季過後,在臺灣工作的達卡安沒有機會下海,與朋友吃飯以及唱歌成了唯一的娛樂。

Après la saison des poissons volants, Dakaan part à Taïwan pour travailler. Loin de la mer, dîner avec  ses amis et chanter deviennent ses seuls divertissements.

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阿文在蘭嶼長大,經營著雜貨店與機車租賃,雖然幾乎不下海,對於蘭嶼的海與土地,他卻比任何人更加關切與擔憂,深怕自己美麗的家鄉土地總有一天會因會環境破壞而消失。他開始續投入島上的資源回收工作,自己接洽的回收廠商,購入一台壓縮機,到全島各處放置網袋,甚至為此還買了一台貨車。每隔幾天就開著這輛貨車,去收回已裝滿瓶罐的網袋,並放置新的空網袋。 為了置放這些瓶罐,他還向那不贊成他作此事的父親要了一塊土地,把本來應該種植芋頭的良田,變成他的儲存場地。別人的田是種出芋頭地瓜,他的田卻是長出一堆垃圾。

Awen a grandi sur l’île des Orchidées. Il tient une épicerie et gère une affaire de location de motos. Bien qu’il n’aille que rarement en mer, il se soucie de celle-ci et de l’île plus que de quoi que ce soit. Il s’inquiète que sa belle terre natale ne disparaisse à cause de la destruction de l’environnement. Il a commencé à faire du recyclage : il prend contact avec les entreprises, ramasse les sacs remplis de bouteilles et de canettes et installe de nouveaux sacs. Il a même acheté un van pour réaliser ce travail, il le conduit plusieurs fois par semaine à travers l’île. Pour emmagasiner ces bouteilles et ces canettes, il a demandé à son père, qui n’approuve pas cette activité, de lui donner des terres, autrement bonnes pour cultiver le taro, pour en faire un site de stockage. Les autres parcelles font pousser du taro et des patates douces, la sienne fait pousser des ordures.

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江民軍是朗島部落的其中一為大船船主。傳統的蘭嶼船團組織是以家族為單位,而能擔任船主的人,除了要家族興旺,也必須受眾人敬重。現今因為社會文化變遷,傳統的船團組織早已不再,而碩果僅存的幾位大船船主年事都已高。

Min-Jun Jiang est le chef d’un grand bateau à Iraraley. Traditionnellement, les navires de pêche sur l’île des Orchidées sont tenus par une famille. Le chef du navire se doit d'être une figure respectée à la tête d'une large famille. À cause des changements sociaux et culturels, ce genre de navires familiaux n’existe plus. Et le peu de chefs de navire toujours présents deviennent vieux.

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