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Le virus de la réussite dans les écoles vietnamiennes

mercredi 6 juillet 2016 à 23:29
Children in a classroom at Thuong Nong Primary School, Tam Nong District, Phu Tho Province in Vietnam. Photo and caption by ILO/Truong Van Vi. Source: Flickr. CC License

Des enfants dans une classe de l'école primaire Thuong Nong, dans le district de Tam Nong, province de Phu Tho au Vietnam. Photo et légende de ILO/Truong Van Vi. Source: Flickr. Licence CC

Cet article de Nguyễn Linh Chi est paru sur Loa, un site d'information indépendant qui diffuse des reportages sur le Vietnam en podcast. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Le chant des cigales. La couleur rouge vif des fleurs des flamboyants. Ce sont les signes distinctifs de l'été vietnamien, qui correspond également à la période des examens. C'est le moment le plus important de la vie d'un lycéen car de l'examen de fin d'études secondaires dépend l'admission à l'université.

A Hanoï, la première académie du Vietnam, Văn Miếu Quốc Tử Giám; le Temple de la Littérature, fourmille d'activités à cette époque de l'année. Les lycéens s'y rendent pour prier pour leur réussite avant l'examen fatidique. Les familles font des offrandes généreuses au temple dans l'espoir d'attirer les bonnes grâces sur leurs enfants.

« Mes parents veulent que j'aille à l'université afin d'avoir un avenir meilleur, » déclare Đỗ Mai, lycéenne de 17 ans qui passe l'examen de fin d'études secondaires cette année et vient de la province de Hà Nam, dans le sud de Hanoï. Son père est un militaire à la retraite, sa mère est cultivatrice de riz. Mai a fait une demande d'inscription à l'université cette année dans l'optique d'approfondir ses connaissances comme de susciter la fierté de ses parents.

Elle se souvient avec précision de ce que sa mère lui a dit un jour :

A couple of years ago, my mom told me after a long day of working in the rice paddies: ‘You got to study really hard so you don’t have to do this kind of intensive field labor like me. Chances are in a couple of years, we won’t even have the rice paddies anymore. They are industrializing everything. Once they open factories here we will lose our paddies.’

Il y a quelques années, ma mère m'a annoncé après une longue journée de travail dans les rizières : « Tu dois être très sérieuse dans tes études pour ne pas avoir à faire le même type de travail intensif dans les champs que moi. Il se peut que, d'ici quelques années, nous n'ayons même plus de rizières. Tout s'industrialise. Quand ils ouvriront des usines ici nous perdrons nos rizières.

Cette année, près de 600,000 jeunes ont fait une demande d'inscription à l'université, dans un pays qui dispose d'un peu plus de 400 institutions accréditées. Le manque de places dans l'enseignement supérieur rend l'exigeant examen de fin d'études secondaires encore plus concurrentiel. Les lycéens sont évalués dans au moins quatre disciplines : les mathématiques, la littérature et l'anglais sont obligatoires. La quatrième discipline est au choix entre la biologie, la chimie, la géographie, l'histoire et la physique.

« Je m'inquiète surtout pour l'anglais car je trouve ça très ennuyeux à étudier, » confie Mai. « Mais c'est une matière obligatoire alors ça me préoccupe. »

D'après le ministère de l'Education, le format de l'examen de cette année sera semblable à celui des années précédentes : 60 pour cent de son contenu est considéré comme « facile », conçu de manière à ce que les élèves qui souhaitent simplement obtenir leur diplôme de fin d'études secondaires s'en tirent bien juste en montrant qu'ils ont compris l'essentiel du cours, alors que la difficulté des 40 pour cent restants vise à mettre à l'épreuve les candidats à l'université et à classer les élèves en fonction de leur niveau.

Après l'annonce des résultats, les ex-lycéens peuvent commencer à postuler pour l'université de leur choix. Les établissements déterminent alors les taux d'admission à l'examen en se fondant sur le nombre de candidats et sur leur performance.

Mai explique que, si ses résultats le permettent, elle aimerait faire des études pour devenir institutrice de maternelle.

They said I was good with kids since I was in sixth, seventh grade, so I should study to become a preschool teacher,” she explains. “They also said teaching jobs are among the harder ones to find after college, and it’s going to be a challenge dealing with upset children. But I made the decision to go with it anyway.

On m'a dit que je me débrouillais bien avec les enfants depuis que je suis en sixième, en cinquième, alors il faut que je suive des études pour devenir institutrice de maternelle. On m'a aussi dit qu'il était particulièrement difficile de décrocher un poste d'enseignant à la sortie de l'université, et que cela allait représenter un défi de devoir faire face à des enfants agités. Mais j'ai pris la décision de le faire quand même.

Le programme de formation à l'enseignement préscolaire que Mai a choisi est très convoité. On estime à plus de 15.000 le nombre de postulants à l'université nationale d'éducation de Hanoï en 2011, mais l'établissement n'accepte que 1.800 étudiants par an. Cela représente un taux d'admission de 12 pour cent, ce qui est encore plus sélectif que dans les écoles de l'Ivy League aux Etats-Unis [NdT surnom donné à huit universités privées parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses des Etats-Unis]. Mai devra obtenir un score particulièrement élevé si elle souhaite accéder à la formation recherchée. Et même si elle obtient son diplôme d'enseignante, elle ne pourra peut-être pas trouver de travail dans le domaine qu'elle a étudié. En 2013, le ministère de l'Education a suspendu les programmes de formation des enseignants en raison de « signes d’incompatibilité entre l'offre et la demande. »

D'après Vietnamnet News, de nombreux titulaires d'un diplôme d'enseignant affirment qu’ils ne trouvent pas de travail, et qu'ils doivent donc se reconvertir et prospecter dans différents secteurs en quête d'un emploi.

Bùi Văn Thuận, professeur de chimie au lycée privé de Bình Minh à Hanoï, soutient que les problèmes de compatibilité mettent en évidence une autre faille du système éducatif vietnamien : le manque d'établissements de formation professionnelle pour les étudiants.

I think families’ expectations and the career guidance given to students are unrealistic and not that helpful. There are many students out there who are talented in many skilled areas, mechanical for example. They could take a two-year training program on that specific skill, be excellent at it and graduate with a practical degree. But instead, they feel they must go to college. As a result, students may not study what they are truly interested in or passionate about.

Je pense que les attentes des familles et les conseils d'orientation professionnelle dispensés aux étudiants sont irréalistes et ne les aident pas vraiment. Beaucoup d'étudiants ici montrent des dispositions dans un grand nombre de secteurs exigeant des qualifications, comme la mécanique par exemple. Ils pourraient suivre une formation de deux ans basée sur ces dispositions particulières, devenir excellents dans leur domaine et obtenir leur diplôme professionnel. Mais au lieu de cela, ils sentent qu'ils doivent aller à l'université. Par conséquent, les étudiants n'étudient pas toujours ce qui les intéresse et les passionne réellement.

Thuận estime que les jeunes Vietnamiens sont soumis à une pression immense car on leur enseigne régulièrement qu'accéder à l'université est la seule voie pour réussir dans la vie. L'examen national n'a lieu qu'une fois par an alors ils ne peuvent se permettre de décevoir leurs parents. Le professeur considère que c'est la pseudo « culture de la réussite » parmi les parents qui a rendu le processus d'admission à l'université si stressant :

Vietnamese care a lot about reputation. If the neighbor’s kids get into college, they feel the pressure that their children have to make it too in order to not lose face. This is why many parents are more stressed out about the exams than the students themselves.

Les Vietnamiens se soucient beaucoup de leur réputation. Si le fils du voisin va à l'université, ils ressentent de la pression pour que leur fils aussi y aille afin de ne pas perdre la face. C'est pourquoi de nombreux parents sont plus stressés par les examens que les étudiants eux-mêmes.

Selon Thuận , pour faciliter les choses à leurs enfants, certains parents ont recours à des pratique non éthiques dans le but d'améliorer leur score, au point que cela fait maintenant partie du rituel autour de l'examen. Bon nombre de lycées organisent des réunions pour recueillir ce que l'on appelle les « frais d'examen » auprès des parents. En réalité, cet argent est utilisé pour soudoyer les surveillants lors de l'examen afin qu'ils se montrent moins vigilants vis-à-vis des étudiants.

In Hanoi, this fee ranges from 500,000 to 600,000 đồng. In the provinces, this rate is lower, around 200,000 to 300,000 đồng per student.

A Hanoï, ces frais vont de 500,000 à 600,000 đồng [de 20 à 24 euros environ]. En province, les montants sont moins élevés, autour de 200,000 à 300,000 đồng par étudiant [de 8 à 12 euros environ].

Dans la fourchette basse, 200,000 đồng équivalent à environ 8 euros, mais les avantages sont partagés : les surveillants gagnent un supplément de revenu, les parents ont plus de garantie que leurs enfants parviendront à obtenir un meilleur résultat lors de l'examen, et l'établissement arrive à conserver un taux de réussite élevé de ses élèves. Cette pratique fait que la fraude est maintenant chose courante lors des examens de fin d'études secondaires. Une enquête réalisée par le site d'information Thanh Niên a montré que près de 85 pour cent des lycéens reconnaissaient avoir été témoins de tricherie à grande échelle lors de ces examens – et les professeurs vietnamiens disent ne pas être surpris de ces résultats. Pour Thuận :

After the exams, the entire school becomes white, covered with used cheat sheets. Students litter them in the school yard after they are done. Under the current exam system, the pass rate would only be about 40 percent at most if proctors monitored students closely.

Après les examens, l'école entière tourne au blanc, envahie d'antisèches. Les élèves les jettent dans la cour de l'école après s'en être servi. Dans le système d'évaluation actuel, le taux de réussite ne serait tout au plus que de 40 pour cent environ si les surveillants observaient de près les élèves.

Cette année, le ministère de l'Education a mis en place de nouvelles mesures pour réduire la tricherie. Les lycéens qui fraudent ne seront pas autorisés à poursuivre l'examen y compris dans les autres disciplines. Mai assure que c'est un risque qu'elle ne veut pas prendre :

Cheating has a negative impact on me. If I’m caught, they will make the cheat subject zero, so I won’t be able to graduate from high school, and ultimately, I can’t go to college.

Le fait de tricher aurait des répercussions négatives sur moi. Si je suis prise, j'aurai zéro dans la matière où j'ai triché, je ne pourrai donc pas obtenir mon diplôme de fin d'études secondaires et en fin de compte aller à l'université.

Si elle ne peut accéder à l'université, la jeune fille envisagera d'autres possibilités d'orientation professionnelle que ce soit en passant une certification pour un travail de bureau, ou en suivant une formation pour devenir couturière.

L'examen décisif a lieu seulement dans quelques jours. Mai se stimule : « Travaille plus dur ! Je réaliserai mon rêve et me dirigerai vers mon avenir ! »

Ce dont elle est sûre, c'est qu'elle ne sera pas agricultrice comme sa mère.

Ecoutez le podcast autour de cette question [en anglais] :

Un homme qui parcourt le monde, non pas pour voir les choses mais pour les entendre

mercredi 6 juillet 2016 à 12:19
Jacob Kirkegaard recording in the Chernobyl exclusion zone: "It's a kind of a no place and so I thought: How can I record such a place because my presence ... changes so much?" Credit: Courtesy of Jacob Kirkegaard

Jacob Kirkegaard en train d'enregistrer dans la zone d'exclusion de Tchernobyl : “C'est une sorte de non lieu et je me suis donc demandé: Comment est-ce que je pourrais enregistrer un tel lieu étant donné que ma présence … change tellement de choses?” Avec l'aimable autorisation de Jacob Kirkegaard

Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.

Cet article et ­reportage radio réalisé par Alina Simone pour The World est d'abord apparu sur PRI.org le 28 septembre 2015. Il est republié ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Je pensais avoir beaucoup de choses en commun avec l'artiste sonore danois Jacob Kirkegaard : j'utilise des microphones, il utilise des microphones. J'aime le son, il aime le son.

Listen to this story on PRI.org »

Eh bien, non.

Jacob Kirkegaard utilise des accéléromètres pour enregistrer sous la surface de la Terre, des hydrophones pour capter les sons sous l'eau et même de minuscules microphones pour relever les vibrations des otoémissions accoustiques produites par l'oreille humaine.

Et il aime vraiment plus les sons que moi.

“Je n'ai jamais pris de drogues, parce que je pense que les sons peuvent me faire planer. J'ai juste toujours utilisé les sons pour voyager,” déclare Jacob Kirkegaard.

Son voyage a commencé à l'âge de 6 ans, quand son père lui a donné un magnétophone et qu'il a découvert qu'il pouvait modifier sa voix en la ralentissant : “Et on aurait dit que je parlais comme un monstre tout à coup. Comme un grand vampire.”

Après l'université, Kirkegaard a été musicien pendant quelque temps. Puis un jour il a spontanément collé son oreille à une clôture à Cologne en Allemagne et s'est retrouvé plongé dans un étrange et singulier univers musical :

C'est à ce moment là qu'il a réalisé qu'au lieu de créer des sons, il ferait mieux d'en trouver “qui me mystifient en quelque sorte, que je ne comprends pas vraiment. Cela peut être des endroits chargés politiquement que j'aimerais écouter, sans vouloir exprimer mon opinion.”

Il a passé une semaine à enregistrer la fonte des glaciers sur un petit bateau dans le fjord glacé d'Ilulissat au Groënland. Voici la bande son du réchauffement climatique:

Jacob Kirkegaard recommande : “utilisez des écouteurs ou de bons hauts parleurs.” Il a raison : même dans un café bondé, j'ai été transporté dans un endroit à la fois hostile et sauvage.

“Parfois je pense qu'il n'est pas suffisant de simplement lire à propos des glaciers ou de voir en photo la grande quantité de glace qui a disparu depuis des années. Mais si vous l'entendez, vous allez commencer à sentir que c'est en train d'arriver, là maintenant” affirme Kirkegaard.

Son oeuvre porte aussi sur ce qui n'est pas en train de se produire, surtout dans des endroits oubliés, la ville de Pripyat par exemple, au coeur de la “zone d'exclusion” radioactive de Tchernobyl. Kirkegaard a enregistré là bas en 2005.

“Les gens sont vraiment partis, et pourtant il y a tellement de traces de vie. C'est une sorte de non lieu, et je me suis donc demandé : comment est-ce que je pourrais enregistrer un tel lieu étant donné que ma présence… change tellement de choses?”

Alors il a posé son microphone… et il est parti.

Après chaque prise, il enregistrait de nouveau, cette fois en repassant le premier enregistrement à faible volume, transformant le silence en un bourdonnement orchestral.

Mais certains sites s'entêtent à ne pas divulguer leurs secrets, comme l'a découvert Jacob quand il a essayé d'enregistrer le mur de béton qui sépare Israël de la Cisjordanie.

“C'est tellement lourd que ça ne produit pas beaucoup de sons. Mais je dois alors me demander : qu'est ce que j'espère de toute façon?” dit-­il. “Vous savez, la nature de ce mur est précisément de ne pas résonner avec ce qui l'entoure. Il est là pour arrêter toute résonance. Et c'est alors que je comprends que c'est ce que j'enregistre.”

Il a fini par placer ses micros autour du mur, capturant les sons de la vie qui suit son cours : un appel à la prière, une voiture qui tourne au ralenti, des sons qu'un mur ne peut arrêter.

Tous les travaux de Jacob Kirkegaard ne sont pas des commentaires politiques, et il ne les a pas tous réalisés seul. Une fois, il a invité seize personnes à l'hôtel Marienbad à Berlin et les a enregistrés en train de dormir. Il n'y a pas grand chose à entendre, juste un grognement occasionnel et quelques murmures dans leur sommeil. Mais Jacob affirme que c'est une manière de plonger dans le monde de l'inconnu.

“Ils me livrent un secret. Ils m'invitent dans leur propre espace intime qu'ils ne connaissent pas eux-­mêmes. “

Donc, et si je veux passer à l'étape supérieure, je demande à Jacob, pour passer du reporter radio à “l'artiste sonore”: Où est-ce que je peux trouver un bon accéléromètre d'occasion ? Mais il me répond que ce n'est pas une question de matériel sophistiqué ; tout est dans l'idée.

Comme dit l'agent [Dale] Cooper dans [la série] Twin Peaks, “les Chouettes ne sont pas ce qu'elles semblent être”. C'est une citation que j'aime vraiment en terme de son : les sons ne sont pas ce qu'ils semblent être.

Une autre chose que l'agent Cooper a dite une fois : “Je ne sais absolument pas où cela va nous mener… Mais j'ai la certitude que cela va être un endroit à la fois merveilleux et étrange”.

Le régime mauritanien emprisonne des activistes de la lutte contre l'esclavage

mercredi 6 juillet 2016 à 00:08
Capture d'écran d'un entretien avec Biram Dah Abeid Président de l'Ira- Mauritanie sur Dakar actualités

Capture d'écran d'un entretien avec Biram Dah Abeid Président de l'Ira- Mauritanie sur Dakar actualités

Suite à des affrontements advenus le 29 juin entre résidents en colère et forces de l'ordre lors d'une opération visant à expulser les habitants d'un bidonville du quartier de Ksar, à l’ouest de Nouakchott, la capitale, plusieurs militants pour la défense des droits humains ont été arrêtés chez eux et leurs domiciles fouillés, sans mandat.

Un billet publié sur la Page Mauritanie de Facebook intitulé Evènement du KSAR: “Les RG ont utilisé des malfaiteurs pour tremper IRA“, donne des détails:

Selon la version officielle, un terrain appartement à un homme d’affaires a été squatté par des centaines de familles de la communauté harratine, il y a de cela plusieurs décennies. Ce terrain était destiné à un complexe hôtelier. Le projet n’a jamais eu lieu, et le propriétaire a finalement morcelé ce vaste espace situé en face de l’hôpital Bouamatou qu’il aurait vendu en lopins de terres.

Soucieux de présenter une image moins reluisante de la Mauritanie à quelques encablures d’un Sommet arabe extraordinaire, les autorités auraient décidé de faire déguerpir les familles installées. Un deal aurait ainsi été conclu aux termes duquel les habitants seront déplacés vers une zone périphérique de Nouakchott en contrepartie de lopins de terre qui leur seront attribués plus une compensation financière symbolique.

Un montant de six millions d’ouguiiyas aurait été remis à des représentants des familles. Seulement, il semble qu’une partie d’entre elles n’étaient pas au courant au deal et n’a reçu ni compensation ni lopin de terre. Une autre version soutient que toutes les familles recensées dans le squat ont bénéficié des mêmes égards.

Cependant, l'internaute Diko dito, comme de nombreux autres internautes, place ces arrestations dans un contexte plus large ciblant les responsables d'organisations anti-esclavagistes. Dans un billet intitulé Alerte : IRA-Mauritanie est encore ciblée par les autorités, il dénonce sur le site rapideinfo.net l'arrestation des militants de l'organisation IRA-Mauritanie:

Après l'arrestation de Diop Amadou Tidjane, vice président de l'organisation, Abdallahi Fall, responsable de section à Sebkha un quartier de Nouakchott, Moussa Birame​, et Jemal, militants de base, voici qu'ils ont procédé à l'arrestation, ce matin 1 juillet 2016, de Balla Touré secrétaire aux relations extérieures de l'organisation.

Nous attirons l'attention de tous les amis et partenaires sur l'état de santé de Diop Amadou Tidjane qui souffre de troubles cardiaques…

Écrivant sur kassataya.com, K.S trouve que ces arrestations en plein mois de Ramadan dans une république islamique n'honorent pas ses responsables:

Considérée comme une provocation injuste, les occupants n’ont pas voulu se laisser faire, et l’affrontement avec les flics a été très rude. À l’image d’une camionnette aux couleurs de police, en piètre état, et plusieurs manifestants « résistants » très affectés, on se demandait comment et pourquoi dans un pays dit musulman, en plein mois de ramadan censé être « Paix ,Piété et Solidarité« , des pareils accrochages se passent entre l’ordre étatique et certains milieux sociaux modestes.

Au lendemain de ces événements qui n’honorent personne finalement, la figure incarnant l’État en premier Ould Abdel Aziz, hier on apprenait l’arrestation illégale de monsieur Diop Amadou Tijane l’un des vice-présidents d’IRA-Mauritanie et d’autres militants .

Alors que les autorités affirment que les militants ont été arrêtés sur les lieux des affrontements, IRA-Mauritanie a publié un communiqué de presse affirmant:

… tôt le matin du 30 juin 2016, des éléments de la police ont procédé à l’arrestation de 5 militants d’IRA-Mauritanie chez eux, dans leurs domiciles, contrairement à la thèse du gouvernement qui prétend les avoir arrêté sur les lieux de la manifestation, le vice-président Amadou Tidjane Diop, Abdellahi Matalla Saleck responsable de la section IRA de Sebkha (quartier périphérique de Nouakchott) ainsi que les militants Moussa Biram, Jemal Beylil, Khattri Rahel qui a été arrêté ce matin et Samba Fall. Tous ont été conduits á des destinations inconnues.

En plus des militants de IRA, d’autres personnes connues pour le soutien qu’elles apportent aux victimes de ce genre d’affaires ont été arrêtés, dont activiste Mohamed Razgua, sympathisant d'IRA-Mauritanie. Mais il est important de souligner que les différents commissariats de police de Nouakchott, ont été transformés en centre de détention de dizaines de personnes ….internées depuis plusieurs jours et sans aucun contact avec leurs familles ou des avocats.

Le Premier Juillet, tôt le matin, la police procède à l’arrestation de Balla Touré, secrétaire aux relations extérieures d'IRA-Mauritanie, la police l'a arrêté chez lui aussi. Son domicile, comme celui de Amadou Tidjane Diop, a été perquisitionné, ainsi que le bureau de l’association POP-DEV, ses ordinateurs ont été emportés ; et tous ces actes de la police ont été exécutés sans aucun mandant déclinés aux personnes arrêtées.

Dans sa publication rappelée plus haut sur Facebook Page Mauritanie confirme ces faits, dénonçant l'abus de pouvoir de l'administration:

Hamady a également relevé la contradiction flagrante contenue dans la déclaration télévisée du Wali de Nouakchott-Ouest qui a attesté que les personnes arrêtées l’ont été sur les lieux, alors que tout le monde sait qu’ils ont été cueillis un par un dans leur domicile. «Pourquoi la police n’a pas arrêté les gens qui étaient à l’origine des violences sur les lieux où elles se sont produites ? »

Beaucoup au sein du mouvement trouvent que le jeu des autorités est si grotesque qu’elles ont dévoilé leur intention en accusant directement IRA avant même que la moindre enquête ait été diligentée pour situer les responsabilités.

Biram DAH ABEID, Président de cette organisation, lauréat de plusieurs distinctions internationales n'a été libéré qu'en mai dernier après 18 mois de détention. Pour les détails lire ce billet Des militants arrêtés pour avoir dénoncé ”l'esclavage foncier” en Mauritanie. Dans une interview accordée récemment à seneweb.com, il révèle la triste réalité sur leurs conditions de vie:

Au moins 50% des mauritaniens subissent, toute leur vie durant, les effets psychologiques et symboliques de l’infériorité raciale, car il s’agit aussi de cela, de cette propriété exercée sur un être humain par son vis-à-vis, il résulte que la majorité relative des mauritaniens naissent esclaves, ils sont attachés à la famille de leurs maîtres qui ont sur eux, le droit de vie et de mort. Nombreux travaillent sans repos, sans salaires au profit de leur maître. Ils n’ont pas le droit à l'éducation, de se déplacer, de voyager ou de se marier, sauf avec l’assentiment de leur propriétaire.

Le maître aussi a le droit de cuissage sur toutes les filles ou femmes esclaves. Par exemple, un maître qui a 100 femmes esclaves filles, peut en abuser sexuellement, sans restriction de nombre ni d’échéance. Il en a le droit, entre guillemets, c’est-à-dire le Droit Mauritanien, le Droit édicté par le code d’esclavage de la communauté dominante mauritanienne, les arabo berbère. Ils l’appellent le livre islamique, mais nous, nous l’appelons le livre esclavagiste, le livre anti islamique. C’est cette littérature de la honte que moi, personnellement, j’ai incendié, en public, dès le mois d’avril 2012.

La barbarie atteint des niveaux difficiles à croire. Selon M.Biram DAH ABEID, le livre islamique édité par les autorités, que lui il qualifie de  littérature de la honte qu'il a incendié, en public, en avril 2012, enseigné dans les écoles et universités. Il prévoit:

Qu’ils soient gagés, cédés ou loués, il a été créé, au service de cette infamie, un prétendu «droit musulman», que nos écoles et université islamiques enseignent encore. Les auteurs autorisent aussi la castration des esclaves.

Quand un Hratin se distingue par sa beauté ou tout autre attrait physique, le maître arabo berbère pouvait le castrer pour éviter un mélange de sang, afin que les femmes ou les filles du maître ne soient tentées par des aventures sexuelles constitutives de mésalliance, voire source de dégradation de la généalogie.

Dans une publication datée du 4 juillet 2016, Amnesty International invite les autorités mauritaniennes à révéler le lieu de détention, inculper d’infractions prévues par la loi ou libérer les militants arrêtés entre le 29 juin et le 3 juillet, qui seraient au nombre de neuf.

Pendant que chez eux, ils continuent à être harceler, les États unis d'Amérique attribuaient le Prix des héros contre l’esclavage et la traite des personnes à Biram DAH ABEID, Président et  Brahim BILAL RAMDHANE Vice président d’IRA – Mauritanie. Ce prix a été institué récemment pour encourager les personnes qui luttent dans leurs pays respectifs contre l’esclavage ou la traite des personnes.

Les mèmes européens, le rire pour antidote au choc du Brexit

mardi 5 juillet 2016 à 21:50
Brexit, as represented by food. A popular meme that made the rounds in the wake of the UK's EU referendum.

Le Brexit dans le domaine de la gastronomie. Un mème populaire qui a largement circulé au lendemain du référendum britannique sur l'appartenance à l'UE.

Les résultats du référendum au Royaume-Uni sur le Brexit à peine connus, l'Internet a retenti de tweets chagrins, de sombres pronostics et de gémissements des partisans déçus du “Remain” (le maintien dans l'Union), autant que d'exclamations joyeuses et des manchettes en rouge “Enfin l'Indépendance” cri de ralliement des militants du “Leave” (Rester). Au scrutin du 23 juin, 51.9% des votants au Royaume-Uni ont dit vouloir sortir de l'Union Européenne, tandis que 48.1% choisissaient de rester.

Pour moi, la prolifération de mèmes sur les résultats du référendum était bon signe. Je prépare une thèse de doctorat à l'Université de Westminster, et dans mes recherches j'ai trouvé que les gens utilisent les mèmes politiques dans deux types de situations : quand ça va tellement mal que la seule technique pour s'en sortir est le sarcasme et l'humour ; et quand ce n'est pas terrible mais réparable, et que partager des images virales contribue à la réconciliation et regonfle l'optimisme. Il me semble que les mèmes post-Brexit relèvent de la deuxième catégorie.

Les mèmes sont le média fast-food de la génération numérique : ils condensent des questions complexes en une combinaison amusante mais signifiante d'image et de texte. Dans le mème reproduit en tête de cet article, par exemple, la juxtaposition de mets délicats européens et des stéréotypés haricots blancs à la sauce tomate britanniques n'ajoute pas de profondeur analytique à la discussion des résultats du référendum. Mais elle réduit l'argumentation à la simple matérialité : bon appétit, Brexiteurs, voilà ce qui reste désormais sur vos tables.

Je me suis particulièrement intéressée aux mèmes partagés sur Twitter par les Européens du continent. Bien que les citoyens de l'UE aient le droit de résider au Royaume-Uni, ceux qui y vivent n'avaient pas celui de voter (à moins d'avoir un passeport britannique). Evidemment, les citoyens de l'UE ailleurs en Europe non plus, même si la décision aurait aussi des conséquences pour eux. Les mèmes européens ont déployé une fascinante interaction de clichés nationaux sur la Grande-Bretagne, des références à revers aux politiques nationales des Etats membres de l'UE, de fureur contre les Rosbifs, et ont offert un aperçu de la rhétorique pan-européenne sur les migrants—un sujet prodigieusement brûlant en ce moment.

‘Réfugiés bienvenus’

“Adopte un Rosbif”, la campagne parodique lancé par un journal roumain, a offert aux “Remainians” [NdT : jeu de mots sur ‘partisans du Remain’, du maintien, et ‘Roumains’] la possibilité de devenir Roumains et ainsi rester dans l'UE, un pack complet avec proposition de carte d'identité ‘remainienne’.

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La carte d'identité parodique pour les “Remainians” qui voudraient devenir Roumains pour rester dans l'UE.

Les médias occidentaux et même CNN ont repris le sujet, pendant que sur Twitter un mélange d'utilisateurs approuvaient l'idée, et même des Anglais qui ont partagé la suggestion à destination de leurs abonnés multi-nationaux.

Ce qu'il faut voir, c'est que cette campagne suivait des mois de descriptions négatives des migrants roumains dans les tabloïds britanniques. Un mème internet avec un jeu de mot viral est donc devenu une petite revanche numérique contre cette mauvaise presse.

Si vous êtes un Remainian du Royaume-Uni vous pouvez être adopté par un Roumain ici

On veut bien commencer une famille roumaine/remainienne

JE SUIS ROUMAIN. JE VEUX ADOPTER UN REMAINIEN

D'autres twittos européen ont rebondi sur la thématique de la migration. Sur une photo diffusée sur Twitter, une affiche accrochée à la façade du Palacio Cibeles à Madrid (Espagne), a été manipulée pour qu'on y lise “Réfugiés britanniques bienvenus” au lieu de “Réfugiés bienvenus”, ajoutant une couche de solidarité à la victoire du Brexit.

Nouvelle pancarte à Cibeles #Brexit

Au lieu de faire des reproches aux électeurs du Royaume-Uni, ces usagers soulignaient—avec un humour teinté de gentillesse—que les Rosbifs restent les bienvenus dans leur pays.

De la royauté aux migrants

Des créateurs de mèmes italiens et portugais ont relié le Brexit à la famille royale britannique, même si ni la reine Elizabeth II ni aucun autre Windsor n'a révélé ses opinions sur la campagne qui a mené au vote.

Plusieurs Italiens ont reproché à Sa Majesté d'avoir laissé faire le référendum pour commencer. Le mème ci-dessous présente la relation Royaume-Uni-Union Européenne comme une amitié ou un amour qui se termine.

This Italian meme reads: “Come on, EU, let us go for a coffee.”

Sur ce mème italien : “L'UE, allons prendre un café.”

L'image suivante cite une réplique archi-connue de “Gomorra“, une série télé italienne sur la mafia napolitaine : “Nous allons reprendre tout ce qui est à nous”.

This Italian meme reads: “We will regain what is ours.” The Queen’s coat shows a pin that says, “Raised on bread and ignorance.”

Sur ce mème italien : “Nous allons récupérer tout ce qui est à nous.” Le badge sur le manteau de la reine indique : “Elevée au pain et à l'ignorance.” Via l'utilisateur de Twitter @@goddessofnight_ [Reine de la nuit]

Un mème à rapprocher avec une autre vanne répandue selon laquelle la reine avait des motifs personnels de soutenir la campagne du “Leave”. “Quand on te dit que tu es trop vieille pour sortir”, dit la blague, “mais tu es la Reine Elizabeth, et pour leur montrer qui commande, tu fais sortir le pays entier”.

laregina

“Quand on te dit que tu es trop vieille pour sortir, mais tu es la Reine Elizabeth, et pour leur montrer qui commande, tu fais sortir le pays entier”. Via l'utilisateur de Twitter @Policrom0.

Les mondialement célèbres Prince William, Duchesse de Cambridge Kate et leurs enfants ont aussi été mis à contribution. Ce mème présente ainsi des contre-félicitations aux “royals” anglais pour leur statut tout frais de “migrants” dans l'UE.

"Shitty non-EU migrants."

La famille royale britannique. Légende : “Extra-communautaires de merde”

Les utilisateurs portugais de Twitter, sur la même longueur d'onde, ont rappelé à l'arrière-petit-fils de Sa Majesté qu'il allait devoir changer de compagnons de bac à sable :

George, je ne veux plus te voir jouer avec Pierre, Müller et Miguel. Tu m'entends ?

Un autre mème marie les débats sur les migrations et la crise des réfugiés dans l'UE, soulignant la plasticité de la notion de “migrants indésirables”.

This meme reads: "Non-EU migrants yesterday. Non-EU migrants tomorrow."

Sur ce mème : “Extra-communautaires hier. Extra-communautaires aujourd'hui.”

Une collection de mèmes européens serait incomplète sans le football. Les twittos ont relié défaite de l'Angleterre face à l'Islande au chamionnat européen de 2016 et Brexit :

Le Brexit, version Eurocoupe. Incroyable Islande.

Islande L'Angleterre tenait tellement à sortir de l'Europe… (Image : “L'Angleterre, le seul pays à quitter l'Europe deux fois dans la même semaine”)

‘Les ivrognes et les flics doivent eux aussi quitter Benidorm’

Les Espagnols et les Français ont aussi exprimé leur ire des résultats du Brexit en rappelant aux Britanniques que vacances, vins et produits alimentaires des pays européens allaient désormais leur coûter plus cher. Et souligné la conduite laissant à désirer des Britanniques fréquentant les plages de France et d'Espagne.

Dans mon quartier… on se réveille en verve. #Heureux vendredi #Brexit
Photo : “Anglais, je veux bien que vous partiez de l'UE, mais emmenez aussi les ivrognes et les flics hors de Benidorm, pauvres cons !!!”

Premières images de la crise humanitaire provoquée par le #Brexit…

Frexit, Swexit, Italexit ?

A meme imagining other types of exits from the EU.

“Exit pour entrée dans une nouvelle ère : des nations commerçantes prospères” Un mème imaginant d'autres sorties de l'UE.

Un nombre considérable de mèmes ont imaginé que d'autres nations européennes pourraient suivre l'exemple britannique. Ainsi, les utilisateurs français de médias sociaux ont sauté sur l'occasion pour dire leur mécontentement de l'UE et proposer un “Frexit”. [NdT : Curieusement, le drapeau sur le canot de sauvetage est celui de la République Tchèque]

"When will a Frexit happen?"

Puis vinrent les Grecs, qui ont mis en garde contre les décisions précipitées et irréversibles, allusion à leur propre politique nationale. Le mème suivant, sous ses allures d'auto-critique, n'en résume pas moins intelligemment la crise où se débat l'UE.

Angela Merkel: "BREXIT! In the end England said NO." Wolfgang Schäuble: "And the worst thing is that they don’t have Tsipras to change it.”

Angela Merkel: “BREXIT ! Au final l'Angleterre a dit NON.”
Wolfgang Schäuble: “Et le pire, c'est qu'ils n'ont pas de Tsipras pour changer ça.”

Il s'agit, bien entendu, du premier ministre grec Alexis Tsipras. En juillet 2015, il avait poussé la population grecque à voter contre les mesures d'austérité proposées par l'UE en guise de remèdes aux difficultés économiques du pays. Les Grecs l'ont suivi, et le référendum a donné 61% de Non au plan européen. Tsipras a ensuite changé d'avis et signé l'impopulaire accord avec l'UE, tout juste une semaine après le référendum. Ce mème ironise sur l'attitude variable des gouvernements face à la volonté populaire selon qu'elle correspond ou non à leurs plans.

Qu'ils mangent de la brioche

Le meilleur pour la fin : dans un élan de douceur—en fait, beurrée et sucrée—différents groupes de bénévoles ont voulu réconforter Britanniques et Français en leur offrant des viennoiseries gratuites.

Avant le référendum, les militants de l’#operationcroissant française ont distribué des croissants tout frais aux passants de King's Cross à Londres. Lorsque les autorités britanniques ont interdit la distribution de friandises sous prétexte d'hygiène, les activistes ont remis à la place des cartes postales écrites par des Français à leurs voisins d'outre-Manche.

Encore des cartes postales de Français nous demandant de #rester #operationcroissant

Bons baisers de France : l'excellente #operationcroissant 🇫🇷❤️🇬🇧

Après le vote en faveur du Brexit, c'est l’#operationscone britannique qui a répondu à la gentillesse française. Des enthousiastes se sont rués à la gare St Pancras de Londres offrir des scones gratuits et des cartes postales affectueuses aux passagers français arrivant à Londres par l’Eurostar, le train qui traverse la Manche par un tunnel sous-marin. Partager un régal britannique typique a ajouté de la chaleur et de la bonne humeur au dialogue électronique.

Voici l'#OperationScone ! Les Londoniens distribuent des scones aux Français arrivant par l'Eurostar pour leur dire qu'ils aiment l'Europe

Chers Européens, vous êtes merveilleux. Vraiment épatants. Je serai honorée de partager un scone avec vous à tout moment

Un des résultats les plus rassurants de la recherche sur Twitter des mèmes européens en rapport avec le Brexit a été le flou de la paternité et du partage. Dans le flot de mèmes Internet il était difficile de distinguer migrants et non-migrants, Britanniques et non-Britanniques. Preuve que quoi qu'il puisse arriver ensuite concernant le Brexit, on n'aura toujours pas besoin de présenter un passeport du Royaume-Uni ou une preuve d'appartenance à l'UE pour saisir à pleines mains les plaisirs et marottes du cyberespace dans toute sa gloire multilingue, multinationale, multi-allégorique.

“Nous sommes meilleurs parce que l'amour existe” : l'Amérique Latine se souvient de Víctor Jara

mardi 5 juillet 2016 à 18:18
Homenaje a Víctor Jara en septiembre de 2013. Imagen en Flickr del usuario Marcos G. (CC BY-NC 2.0).

Hommage à Víctor Jara en septembre 2013. Photo Flickr de Marcos G. (CC BY-NC 2.0).

Bien que près de 43 ans se soient écoulés depuis sa mort, Víctor Jara, ce Chilien musicien, chanteur compositeur, professeur, directeur de théâtre et militant politique engagé, fait encore parler de lui. Le 27 juin 2016, en Floride aux Etats-Unis, un jury a déclaré  l'ex-militaire Pedro Barrientos responsable de la mort de Víctor Jara. Ce jugement est l'aboutissement de l'action au civil intentée en 2013 par l'épouse de Jara et ses filles Manuela et Amanda.

Barrientos devra, en outre, verser une indemnité compensatrice de 28 millions de dollars à la famille Jara, et pourrait faire l'objet prochainement d'une extradition, si le gouvernement des Etats-Unis le juge nécessaire. Barrientos est citoyen américain par son mariage.

Après le coup d'Etat du 11 septembre 1973, qui a renversé le gouvernement de Salvador Allende, Jara a été arrêté par la dictature militaire récemment mise en place. Il a été torturé puis assassiné dans l'ancien stade Chile.

En 1990, la commission Vérité et Réconciliation a établi avec précision que Víctor Jara avait été criblé de 44 balles le 16 septembre 1973 dans le stade Chile. Son cadavre a été jeté dans un terrain vague, puis déposé à la morgue en tant que NN (Inconnu). Ensuite, il a été identifié par son épouse, la Britannique Joan Turner.

Des années plus tard, en 2012, Miguel Vázquez Plaza, magistrat instructeur à la Cour d'Appel de Santiago, a engagé des poursuites contre les militaires à la retraite Hugo Sánchez Marmonti et Pedro Barrientos Núñez pour l'assassinat de l’emblématique auteur compositeur. Le magistrat a lancé un mandat d'arrêt international contre Barrientos Núñez, qui réside aux Etats-Unis.

La famille de Jara a éprouvé une grande joie à l'annonce de cette décision de justice :

Joan, sa veuve, et ses filles Manuela Bunster et Amanda ont pleuré de joie et ont embrassé leurs avocats en apprenant la décision du tribunal, tandis que Barrientos a accueilli la nouvelle en silence et les yeux rivés au sol. La défense de la famille Jara considère que cette condamnation pourrait conduire le gouvernement des Etats-Unis à accélérer l'extradition de Barrientos au Chili.

Le procès a duré sept jours et s'est tenu devant la Cour fédérale d'Orlando, en Floride.

Voici quelques réactions recueillies sur Twitter :

Un ancien militaire putschiste chilien condamné aux Etats-Unis pour avoir torturé et assassiné Víctor Jara.

Un ancien militaire chilien condamné 43 ans après l'assassinat de Víctor Jara.

Après 43 ans, la justice condamne un militaire chilien pour l'assassinat de Víctor Jara.

A la fin de la dictature, le Stade Chile a été rebaptisé Stade Víctor Jara.

Víctor Jara lors de sa tournée au Pérou

Le 17 juillet 1973, en tournée au Pérou, Víctor Jara est interviewé par le fameux présentateur et animateur péruvien, Ernesto García Calderon, le père de l'auteur de cet article. Cette entretien est disponible sur YouTube :

En introduction, le présentateur évoque le Victor Jara qui chante “le travailleur agricole, l'ouvrier, le mineur, la mer”, mais aussi l'amour et la paix. Sur ses débuts, Jara raconte qu'il avait toujours vu une guitare chez lui car sa mère était chanteuse. Elle chantait pour les baptêmes, les noces et les enterrements, des chansons de la campagne.

“Nous sommes meilleurs parce que l'amour existe, c'est fondamental, vital, c'est l'essence de notre raison d'être”, déclare Jara durant cet entretien.

Le chanteur dit aussi qu'il a eu beaucoup de chance de rencontrer Violeta Parra, chanteuse et compositeur chilienne considérée comme l'une des principales folkloristes d'Amérique, ajoutant que certains ont même pensé qu'il était son fils.

Il fait aussi référence à ce qui à cette époque s'est appelé la nouvelle chanson chilienne, ce mouvement dont l'origine est un disque de Violeta Parra qui parlait de vérité, d'authenticité et qui a eu un impact tellement profond que certains l'ont considéré comme le chemin à suivre. A la fin, Jara rapporte qu'il a mis en musique certains poèmes, comme “El niño yuntero“, du poète Espagnol Miguel Hernández.