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Ce que jardiner m'a appris sur la responsabilité civique

jeudi 14 août 2014 à 18:52
A tropical garden in Trinidad and Tobago; photo used with permission.

Un jardin tropical à Trinidad et Tobago ; photo utilisée avec permission.

Quand je jardine, je pense. Entouré de l'immobilité de la nature, il arrive à mon esprit de se mettre en harmonie avec l'instant présent, complètement captivé par ma tâche, ou de se balader – et ces jours-ci, il a pris des chemins longs, tortueux, alors que je considérais l'état de mon pays.

En passant du temps dans mon jardin le week-end dernier, je me suis sentie pousser des ailes à l'idée d'être dehors, creusant la terre, m'émerveillant à la sensation élémentaire de la Terre sur mes mains – dans un premier temps. Même la pluie ne pouvait pas me retrancher à l'intérieur. Soulevée par les arômes mêlés de vieilles mangues et de cabosses de cacao venant des arbres environnants, je me sentais chez moi. Mais à mesure que le désherbage devenait plus monotone, j'ai commencé à réfléchir à autre chose : la montée du crime, la corruption systématique, une économie parallèle supposément construite sur un commerce illégal de drogues et d'armes.

Alors que mes mains nues peinaient à libérer la pelouse de cette insidieuse mauvaise herbe qui l'étouffait lentement, la métaphore ne pouvait pas être plus claire. J'ai appris beaucoup de chose en m'occupant de mon jardin, mais je n'avais jamais pensé que devenir une bonne citoyenne serait une de ces leçons. Voici quelques graines qui ont germé dans ma conscience civique.

Vous devez accepter votre part de responsabilité. De la même façon que c'est mon jardin, c'est mon pays. J'avais pour habitude de me promener dans mon jardin, voir le travail qui devait être fait, et de me donner des excuses pour lesquelles je ne pouvais pas le faire : je n'avais pas le temps, j'étais trop fatiguée, ce n'était pas ma priorité. Le résultat évident était que la mauvais herbe se répandait – j'ai cédé presque toute mon arrière-cour à la digitaire et cela m'a rendu malheureuse. Si je n'avais pas décidé en premier lieu que l'état de mon jardin était de la responsabilité d'autrui – le jardinier peu fiable, le mari occupé – cela ne serait pas devenu ingérable.

L'herbe n'est pas toujours plus verte. Il y a beaucoup de choses qui ne vont pas à Trinidad et Tobago, mais il y a aussi beaucoup de choses qui sont justes et belles et exaltantes. Parfois, la décision de se déplacer vers une autre parcelle de terrain est une la bonne chose à faire, et parfois, il suffit juste de rester et de se battre contre la mauvaise herbe, parce qu'après tout, elles vous appartient. Vous avez joué un rôle dans son enracinement ; vous devriez avoir un rôle dans sa disparition.

Vous devez accomplir le travail. On ne peut pas y échapper, il faut supporter le tour de rein, les crampes aux doigts, la peau qui gratte, le travail inconfortable. Ça sera frustrant, semblera interminable, et vous serez convaincu que ça n'avance pas. Mais cette douleur physique va finir par vous donner l’impression que vous avez enduré ça pour quelque chose d'important, comme la première éclosion d'une fleur rare.

Le changement ne va pas se faire en un jour. Malgré la transformation ébahissante qui se voit durant les trente minutes de travail à la maison et au jardin, ce genre de transition se fera probablement à une vitesse similaire à de la molasse dans une passoire – en hiver. De la même façon qu'il faut du temps pour se débarrasser de la mauvaise herbe ou des nuisibles, apporter de la cohérence à un système basé sur la corruption nécessitera un long et difficile parcours. Cette éclosion rare semblera difficile à atteindre, mais quand elle apparaîtra, elle n'en sera que plus captivante.

Vous ne verrez peut être pas les fruit de votre labeur. Il y a un proverbe grec qui dit « une société devient remarquable quand les anciens plantent des arbres contre lesquels ils savent qu'ils ne doivent jamais s'adosser. » Je suis en paix avec cette idée. Je pense que la plupart des personnes veulent que leurs enfants héritent d'un meilleur pays que celui dans lequel nous vivons maintenant.

Ne laissez rien passer. Les habitants de Trinidad ont une devise : « donnez leur un centimètre et il prennent un mètre. » Une mauvaise herbe tenace, tout comme les hors-la-loi, cherche juste une faille où s'établir. En tant qu'électeur, nous devons être attentif : être vigilant sur les attaques contre notre démocratie, faire entendre nos voix sur les questions de pratique et de bonne gouvernance, et avoir des systèmes en place pour tenir nos représentants public responsables s'ils oublient qu'ils sont ici pour servir le bien commun, non leur bien personnel.

Vous devez garder en tête l'image globale. Jardiner peut être un travail de détail, mais c'est avant tout la recherche d'un résultat général – et ça ne peut pas se faire sans une communauté forte. La diversité vivant en harmonie est ce dont les beaux jardins – et les sociétés fortes – sont faits.

Tout le monde doit jouer son rôle. Un jour j'ai lu un article sur un petit cercle de jardiniers qui ont regroupé leurs ressources, n'ayant pas de travail stable, et qui ont chacun leur pris soin du jardin des autres chaque week-end. Leurs jardins et leurs amitiés ont prospéré, tout cela parce qu'ils ont créé une communauté forte et fonctionnelle. De la même façon, nous devons faire ce que nous pouvons, peu importe la taille du geste. Pouvons-nous écrire un article de blog ou une lettre à un éditeur ? Pouvons-nous refuser la banalisation les pot-de-vin au détriment d'une véritable concurrence ? Pouvons-nous défiler, signer une pétition, militer ? Comme l'environnementaliste kényane Wangari Maathai a pu le dire dans son texte poignant Je Serais un Colibri, nous pouvons tous faire quelque chose. Et chaque petit effort s'ajoutera à quelque chose de plus grand, quelque chose qui peut vraiment faire la différence.

Cambodge : Réouverture du parc de la Liberté à Phnom-Penh

jeudi 14 août 2014 à 17:28

Démontage des barricades : Le lieu désigné pour les manifestations pacifiques ré-ouvre au public

La police a démonté les barricades et les fils de fer barbelés tranchants qui entouraient le parc de la Liberté dans la capitale cambodgienne Phnom Penh, sur ordre des autorités municipales. Le parc avait été fermé au public en janvier parce qu'il était devenu le lieu principal des actions de protestation contre le gouvernement.

Depuis l'an dernier, l'opposition organisait des manifestations après avoir rejeté les résultats des élections de juillet. Elle a également boycotté le Parlement et exigé une enquête indépendante sur le processus électoral. L'opposition accuse le parti au pouvoir, depuis plus de trois décennies, d'usage de la fraude et de la violence pour truquer les élections.

Les manifestations anti-gouvernementales ont gagné en intensité lorsque l'opposition a soutenu la grève des travailleurs de l'habillement qui exigeaient une augmentation de leurs salaires minimums mensuels. En janvier, des manifestants se sont affrontés avec la police aboutissant à la mort de cinq de ces travailleurs. Le gouvernement avait ordonné la dispersion des manifestants à l'intérieur du parc de la Liberté et il avait interdit d'y organiser des rassemblements publics. Il avait également fermé le parc sous le prétexte de menaces à la sécurité nationale.

Le 15 juillet, des membres de l'opposition ont tenté de récupérer le parc par une action baptisée “Libérez le parc de la Liberté”, mais ils ont été rapidement appréhendés par la police.

Cependant, le 6 août, la mairie de Phnom Penh a publié une déclaration autorisant la réouverture du parc après avoir affirmé que “la sécurité et l'ordre y avaient déjà été restaurés” :

Maintenant que la sûreté, la sécurité et l'ordre public ont été restaurés et que la situation y est devenue normale, les autorités ont décidé de rouvrir la parc de la Liberté à partir d'aujourd'hui.

Dans le passé, le parc avait été utilisé de manière abusive, provoquant des incitations qui ont conduit à de la violence, des meurtres et des destructions de biens publics et privés. Ces abus sont contraires à la loi sur les manifestations pacifiques, et c'est pourquoi les autorités avaient décidé de fermer le parc.

De nombreuses voix ont salué le démantèlement des barrières métalliques qui bloquaient le parc.

Excellent MT Le fil de fer barbelé a été enlevé, ce 6 août 2014 

Le Parc Liberté a été libéré. Les barricades de fils qui l'entouraient ont déjà été enlevés.

Après des mois de répression du gouvernement contre les manifestations au #CNRP, les barricades ont été démontées ce matin à #FreedomPark.

Le CNRP est le parti de l'opposition, Parti du sauvetage national du Cambodge.

L'ouverture du parc est considérée comme faisant partie de l'accord entre le parti au pouvoir et l'opposition après que cette dernière eut finalement décidé de mettre fin à ses 10 mois de boycott du Parlement. A la veille de la réouverture du parc de la Liberté, les 55 députés de l'opposition ont prêté serment en tant que nouveaux membres de l'Assemblée nationale.

Les élus du CNRP à l'Assemblée nationale

Quelques membres de l'opposition étaient au parc de la Liberté pour assister à la levée du blocus.

Marquant la fin et le début, #musochua et ses collègues du #CNRP ont célébré la réouverture du Parc de la liberté

Mme Mu Sochua est une députée de l'opposition. Elle a fait serment d'organiser des protestations dans le parc si le programme de réforme de l'opposition était ignoré au Parlement.

Il est à espérer que la réouverture du parc de la Liberté, qui était devenu un symbole de la liberté d'expression au Cambodge, conduira à une plus grande reconnaissance des droits démocratiques du peuple.

Le compte Twitter du premier ministre russe Dmitri Medvedev a été piraté

jeudi 14 août 2014 à 17:07
Dmitry Medvedev's Twitter snafu. Images mixed by Kevin Rothrock.

Le compte Twitter de Dmitri Medvedev fait désordre. Photomontage de Kevin Rothrock.

Des hackers ont brièvement pris le contrôle aujourd'hui du compte Twitter du Premier Ministre russe. Le collectif Anonymous International (décrit ici par RuNet Echo en juin) a ensuite revendiqué l'action. Comme président, et plus encore comme premier ministre, Dmitri Medvedev est la cible de nombreuses blagues en Russie, où les observateurs politiques prédisent sa démission imminente depuis qu'il a pris ses fonctions. M. Medvedev s'est fait une réputation de maladresse, et parfois de ridicule, dans ses apparitions en public.

Vraisemblablement choisi par Vladimir Poutine comme son second pour son insignifiance, M. Medvedev a occupé le Kremlin de 2008 à 2012, période pendant laquelle son goût pour les blogs et les médias sociaux a favorisé au lieu de gêner le dévelopment de l'Internet russe. Depuis le retour de Poutine à la présidence et la rétrogradation de Medvedev en premier ministre, la foi en ce dernier s'est réduite au frêle espoir qu'il est secrètement opposé au “tour de vis” poutinien. C'est cette chimère qu'a précisément tournée en dérision le piratage par Anonymous International du compte Twitter de M. Medvedev.

RuNet Echo a traduit ici quelques-uns des tweets piratés les plus drôles de M. Medvedev, détruits sitôt que Twitter a repris la main sur Anonymous International.

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Je démissionne. J'ai honte des actes du gouvernement. Pardon.

D'autres tweets piratés ont satirisé la décision attendue du gouvernement russe de supprimer les comptes individuels d'épargne dans le système des retraites. Un haut responsable, Sergueï Belyakov, a déjà perdu son poste après avoir osé présenter ses excuses sur Facebook pour cette décision. Anonymous International imagine aussi que M. Medvedev est contre l'annexion de la Crimée par la Russie, emplette que les Russes ont baptisée en toute simplicité “KrymNash,” soit “la Crimée est à nous.” Cette semaine même, M. Medvedev a été photographié en Crimée en train de dédicacer une carte géographique avec ce slogan.

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Et avec les retraites on n'est arrivé à rien. Il n'y a que Beliakov qui s'est prononcé contre. Les autres ont eu la trouille.

On va quand même interdire l'électricité. C'est plus sûr.

#LaCriméeNestPasàNous. Merci de retweeter.

Des tweets de Anonymous International par le compte de Medvedev concernaient le récent décret du premier ministre imposant une nouvelle réglementation de l'accès au wifi public, avec l'obligation de remettre aux fournisseurs d'accès internet les données de son passeport.

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Malgré notre initiative, certains hooligans en ligne ch…ent sur l'accès au Net par le passeport. :( :( :(

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Et d'ailleurs, à propos du “Wi-Fi par le passeport” et des autres initiatives de mon gouvernement pour réguler l'activité sur le Net. On nous a forcé [càd, le Kremlin].

Un grand nombre de tweets piratés se bornaient à dauber la direction russe—et notamment l'engouement récent pour les produits interdits.

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Les citoyens russes ne devraient pas souffrir à cause des problèmes du sommet du pouvoir avec le bon sens.

Nous pouvons retourner aux années 80. C'est triste. Si tel est le but de mes collègues du Kremlin, il sera bientôt atteint.

Vous croyez qu'on dira quelque chose d'important à Yalta aujourd'hui ? J'en doute. J'y suis et je me dis, pour quoi f…tre ?

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Il vaudrait peut-être mieux interdire l'électricité ? Je promets que le gouvernement va aussi y réfléchir dans un futur proche. Mais sans moi.

Mais Anonymous International ne serait pas ce qu'il est s'il ne faisait pas allusion aux marottes de M. Medvedev. Un tweet évoque sa toquade pour la photo, voire son embarrassant selfie d'ascenseur.

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Je deviendrai photographe indépendant. J'en rêve depuis longtemps.

Brésil : le candidat à la présidence Eduardo Campos disparaît dans un accident d'avion

jeudi 14 août 2014 à 11:50
Official campaign banner for the presidential election.

“Nous pleurons et sommes en deuil de notre  leader, qui aurait pu changer le Brésil.” Bannière figurant  sur la page Facebook de la section du Parti Socialiste  de Franca , à São Paulo.

Eduardo Campos, 49 ans, a trouvé la mort hier mercredi 13 aout à 10h15 du matin dans un accident d'avion. Son avion s'est écrasé dans la ville de Santos, dans l'état de São Paulo. L'ancien gouverneur de l'état de Pernambouc était candidat à l'élection présidentielle d'octobre prochain. 

L'avion s'est écrasé peu avant l'atterrissage, par mauvais temps : l'accident a fait six autres victimes, passagers ou membres d'équipage. 

Les sondages plaçaient Eduardo Campos en troisième position dans la course à la présidence. Il représentait le Parti Socialiste Brésilien (PSB).  Son grand-père Miguel Arraes avait été l'une des plus importantes personnalités politiques socialistes du 20ème siècle au Brésil. 

ll laisse une épouse, quatre fils et une fille. 

L'annonce de sa mort a été un choc pour beaucoup au Brésil, agité par des mouvements de protestation contre le gouvernement depuis l'année dernière. Les Brésiliens ont présenté leurs condoléances sur Twitter :

Du nord au sud, le Brésil est sous le choc de la mort de Eduardo Campos

Je ne parviens pas à croire ce qui est arrivé à Eduardo Campos, le Brésil est sous le choc, mon Dieu ! Foutue merde, que ce soit arrivé

Je suis choqué par la mort d'Eduardo Campos. Une perte immense. Je n'ai pas de mots.

Eduardo Campos était un grand défenseur des causes démocratiques. Je suis sous le choc. C'est un jour très triste.

Premier jour de cessez-le-feu à Gaza, visite d'un abri sous la super Lune

mercredi 13 août 2014 à 20:19
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Avec 3.000 autres Gazaouis déplacés, Ghadeer, 32 ans, vit dans un abri de fortune avec ses trois enfants depuis que les bombardements israéliens ont détruit sa maison. Le bombardement l'a condamnée au fauteuil roulant. Photo de l'auteur.

Les bombes se sont tues à Gaza pour un nouveau cessez-le-feu humanitaire de 72 heures, et Dalia Alnajjar, 20 ans, se risque à l'extérieur pour rencontrer les familles qui vivent dans un abri de fortune surpeuplé. Au moins 1.900 Palestiniens ont été tués, plus de 10.000 ont été blessés et 450.000 sont déplacés depuis l'offensive massive menée par Israël depuis le 8 juillet contre Gaza.

‏‏11 août 2014 : trois jours de combats et 3 jours de répit. Voilà comment cela se passe. Nous civils n'avons pas notre mot à dire, on nous tue et on détruit nos maisons. Nous supportons en silence.

On dirait qu'Israël et les combattants jouent à un jeu vidéo. Ils font une pause quand ils ont envie de parler ; des conversations qui ne nous apportent rien que du désespoir.

Dès que le cessez-le-feu est entré en vigueur, le calme a régné sur l'étroite bande de 40 km de long, un calme ponctué du bourdonnement des drones.

En quelques heures les rues ont repris vie. Les enfants ont cessé de s'accrocher à leurs mères pour jouer dehors.

On pouvait voir une lueur d'espoir dans les yeux des gens.

Les jeunes de Gaza veulent faire quelque chose pour aider, même si eux aussi ont un besoin criant d'aide et de soutien psychologique. Beaucoup cherchent des abris pour les enfants. Certains réparent les habitations détruites et d'autres vont aider sur les zones sinistrées.

‏Je décide d'utiliser les quelques heures qui me restent sur cette première journée de cessez-le-feu pour visiter l'une des nombreuses écoles transformées en abris de fortune. Actuellement plus de 220.000 Gazaouis sur une population de 1,8 million sont inscrits dans les 89 abris des Nations Unies, la plupart situés dans des écoles.

J'étais d'accord pour y aller avec un ami un peu plus tard dans la semaine, mais personne ne sait si le cessez-le-feu sera maintenu. Je ne voulais pas manquer cette opportunité de rendre visite aux personnes déplacées et partager leurs souffrances.

‏Il était 19h quand je me suis décidée à y aller. Ma mère a fait ce qu'elle pouvait pour m'en dissuader en me disant qu'il était tard et que c'était de la folie. Mais elle n'a pas réussi à me convaincre.

‏Alors que le soleil se couchait sur Gaza pour aller éclairer d'autres lieux, il nous a plongé dans l'obscurité de l'injustice et de la nuit. On n'a pas beaucoup d'électricité à Gaza, depuis que les avions israéliens ont attaqué le 28 juillet notre seule usine électrique.

Le soleil brille sans doute pour d'autres ailleurs dans le monde, où d'heureux enfants profitent de leurs vacances.

Children playing in the dark outside the shelter

Des enfants jouent dans l'obscurité à l'extérieur de l'abri. Photo de l'auteur.‏

Quand je suis arrivée l'école était surpeuplée de visages tristes et de coeurs inquiets.

La première chose que j'ai vue c'était des enfants qui jouaient sur une balançoire bricolée, faite d'une planche en bois sur la barrière. Je leur ai parlé et ils n'ont cessé de me demander si je faisais partie d'une organisation d'aide humanitaire ; ils ont été très déçus que non.

‏Puis je suis allée au secteur 8 où 18 familles s'entassaient. Là j'ai parlé à Heba Abu Taiema, 34 ans, mère de deux filles et quatre garçons. Ils étaient dans cette école depuis plus de 30 jours. On lisait une grande souffrance sur son visage et dans ses yeux.

“On venait de déjeuner quand tout à coup une pluie de bombes s'est mise à tomber sur notre maison et les maisons alentours. Nous avons appelé la Croix Rouge et demandé que les ambulances viennent nous chercher mais elles ne pouvaient pas aller jusqu'à nous à cause du bombardement ininterrompu, ” raconte Heba. “Nous n'en pouvions plus. les enfants hurlaient et avaient très peur alors nous sommes partis à pied en faisant attention et en longeant les maisons jusqu'à ce que nous trouvions un endroit plus sûr.”

Elle continue en m'expliquant que des hommes blessés étaient restés sur place et que des femmes ont décidé de retourner les aider. Elles ont brandi un drapeau blanc et se sont dirigées vers les hommes, elles ont vu que les hommes bougeaient mais c'est alors que les soldats israéliens se sont mis à tirer sur les femmes qui ont dû rebrousser chemin.

Quatre jours plus tard, on a retrouvé les hommes morts. Ils ont perdu tout leur sang. L'un des morts était le beau-frère d'Heba. Il avait passé six ans dans les prisons israéliennes. Il était père de cinq filles, la dernière âgée de 11 mois. Son frère était mort du cancer en Egypte. Il était arrivé trop tard en Egypte car la frontière de Rafah était fermée. Heba raconte que sa belle-mère a perdu la vue à force de pleurer. Elle a perdu tous ses fils sauf un.

Elle parle du cauchemar de vivre dans cette école.

“On manque cruellement d'eau. Tous les jours je vais à l'hôpital pour en chercher, je la porte l'eau sur 500 mètres sous un soleil écrasant. Quand on veut prendre une douche on va dans les hôpitaux. Il n'y a pas d'électricité. Je n'ai plus de batterie pour mon téléphone depuis une éternité, et je ne peux pas appeler ma famille en Jordanie.” Et Heba poursuit “ils doivent être très inquiets car je suis leur fille unique.”

A child sleeping on a make-shift pillow made of a bag of clothes in Heba's room. Photo by author.

Dans la chambre d'Heba, un enfant dort sur un oreiller de fortune  fabriqué à l'aide de sacs de vêtements. Photo de l'auteur.

‏Ils dorment tous par terre, sauf les femmes enceintes, les personnes de plus de 65 ans et les handicapés qui dorment sur des matelas.

Je l'ai remerciée de m'avoir raconté son histoire et me suis dirigée ver le secteur 5 qui accueille 98 personnes.

Ghadeer's daughters insulin shots.

Les seringues d'insuline de Nisyona, la fille de Ghadeer. Photo de l'auteur.

Là j'ai rencontré une femme charmante dans un fauteuil roulant. Ghadeer Abu Latifa, âgée de 32, est mère de trois enfants. Elle a été blessée suite au bombardement d'une maison de deux étages dans laquelle sa famille avait trouvé refuge. Son mari est en Belgique où il est soigné après avoir été blessé lors d'une précédente offensive des forces armées israéliennes contre Gaza.

Sa seule fille, Nisyona, est diabétique. Sa maladie a été diagnostiquée quand elle avait cinq ans. Cette année-là les bulldozers israéliens ont détruit leur maison alors qu'ils étaient à l'intérieur. “Ne me tuez pas, ne nous tuez pas,” Ghadeer se souvient des cris de sa fille ce jour-là.

Elle dit que les personnels de l'école font ce qu'ils peuvent pour venir en aide aux 3.000 personnes qui s'y trouvent, mais c'est difficile de satisfaire tout le monde.

Elle me remercie, moi et les jeunes volontaires, d'essayer de venir en aide aux Gazaouis déplacés.

“Vous voir nous sourire, écouter nos tristes récits et nous réconforter c'est ce qui nous redonne espoir. Nous savons que Gaza s'en sortira tant qu'elle aura une jeunesse ambitieuse et attentionnée comme vous,” me dit Ghadeer avec un triste sourire.

J'ai quitté l'école à 10 heures du soir. Je ne trouvais pas de transport et j'ai marché seule sous une magnifique pleine lune en pensant à leurs souffrances.

En fait, les choses les plus tristes sont les plus difficiles à raconter parce que les mots nous manquent pour les dire.

Avec mes mots je peux rendre tangibles leurs souffrances, mais leur tristesse est infinie. Les mots ne pourront jamais décrire la souffrance que ces gens supportent et vivent. Avec les mots je ne peux donner qu'un faible aperçu de leurs souffrances.

Dalia Alnajjar étudie la gestion à Gaza. Elle tient un blog parce qu'elle estime “qu'en tant que Palestinienne elle se doit de dire au monde à quoi ressemble la vie à Gaza” et “que personne d'autre ne peut mieux en parler que nous.” A cause des restrictions excessives imposées par Israël aux territoires de Gaza et à la Cisjordanie, le monde et les Nations Unies considèrent que ces territoires sont occupés par Israël. C'est la troisième opération militaire d'Israël à Gaza en 6 ans. Pour plus d'informations consultez notre dossier Un nouveau cessez-le-feu à Gaza meutrie par la guerre [en anglais].