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L'accord de financement de 20 milliards USD entre la Chine et la Guinée soulève de nombreuses questions

mercredi 20 septembre 2017 à 11:50

Capture d'écran de la rencontre entre les présidents Xi Jinping et la délégation Guinéenne via CGTN Africa

En marge de la 9ème rencontre des dirigeants des BRICS ou groupe des cinq économies émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui s'est tenue du 3 au 5 septembre à Xiamen, Chine, le Ministre d’Etat guinéen en charge du Partenariat public-privé, M. Ibrahima Kassory Fofana, a annoncé la signature d'un Accord Cadre de financement de projets d’infrastructures prioritaires pour une enveloppe de 20 milliards de dollars américains couvrant une période de 20 ans, allant de 2017 à 2036. Ce financement est un accord consistant à rembourser l'investissement fait par la Chine par l'autorisation de projets miniers à exécuter par des entreprises chinoises en Guinée.

Le bureau de la présidence guinéenne a publié un communiqué de presse pour tenter d'expliquer les termes de l'accord, mais comme le note Diallo Boubacar du site Africaguinee.com, avant même que les détails ne soient connus, les guinéens se posent déjà des questions. Citant quelques leaders de l'opposition dont M. François Bourouno du PEDN (Parti Espoir pour le développement national) de l’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté, il relève:

L’accord de financement (20 milliards de dollars Us) signé mardi dernier entre la Guinée et la Chine suscite des interrogations ! Alors qu’il prévoit notamment des financements pour la construction d’infrastructures contre des ressources minières couvrant une période de 20 ans, dans les rangs de l’opposition on s’interroge.

“On apprend que c’est un accord mixte qui contient des prêts et des dons. Mais on ne sait ce qui représente des prêts, quelles sont les conditionnalités, le taux et les modalités de remboursement ainsi que tous les éléments de contrepartie. Les dons non plus,  on ne sait pas la définition qu’on leur donne. Il y a autant d’interrogations comme ça”

Le secteur minier a contribué pour 98,97% (contre 84,12% en 2015) dans les exportations de la Guinée, en 2016. Le train minéralier peut comporter jusqu'à 120 wagons,  avec un vacarme infernal en plus de la poussière tout au long de son parcours des points d'exploitation au port.. Cependant ce secteur est l'espoir des guinéens pour améliorer leurs conditions de vie, le secteur agricole étant presque totalement négligé.Pourtant le pays a un enorme potentiel à cause de la variété de son climat et le nombre de cours d'eau. En plus de scandale géologique, la Guinée a été surnommée “Château de l'Afrique de l'ouest” et “Rivières du sud”.

A propos du contra,t l'internaute Mme Jeanne Fofana du site Kababachir.com se pose des questions, parce que de l'aveu même du ministre qui a signé le contrat, le pays c'est engagé dans une dette supplémentaire qui représente plus de 50% de la dette publique qui représente déjà 48% du produit intérieur brut (PIB), avant de conclure:

Les Guinéens veulent une amélioration substantielle de leurs conditions de vie. Avancer des milliards USD et vanter les mérites d’Alpha Condé frise tout bonnement de la démagogie : « On parle de ces montants, le Guinéen reste sceptique et il a raison ! Parce que cela ne se traduit pas dans l’amélioration de son quotidien. La seule manière de traduire cela dans l’amélioration de sa vie, est qu’il ait du travail. » Les Guinéens se sentent floués.

Dans un article de Radio France Internationale RFI, Amadou Bah de l'organisation non-gouvernementale Action mine Guinée exprime ses craintes:

Mais aucune précision n’est faite sur la quantité de ressources attribuée…

Est-ce que ça ne va décourager les autres investisseurs des autres multinationales qui veulent avoir des concessions en Guinée ? Est-ce que ça ne serait pas de gré à gré ? Est-ce que la valeur des infrastructures va refléter la valeur du minerai qui sera exporté ? Pour le moment, nous restons suspendus aux lèvres du gouvernement qui a négocié cela, sans beaucoup donner de détails.

Les internatautes guinéens ont aussi utilisé Facebook pour exprimer leurs doutes. Les premières exploitations de bauxite en Guinée date de 1937, mais les guinéens restent parmi les plus pauvres en Afrique de l'ouest. Intervenant dans un débat sur le sujet de cet important financement sur le mur de M. Sidikiba Keita, Siradiou Paraya Bah se demande quelles sont les leçons à tirer de ce passé:

Peut-on avoir connaissance du contenu exact de ces accords de financement Chine-Guinée?
Quel bilan faire des décennies d'exploitation de la bauxite en Guinée?
Quelles leçons pourra-t-on en tirer?

Quant à Demba Thez Mara, ce qui le préoccupe c'est la nécessité de transformer les minéraux avant de les exporter:

Je souhaiterais qu'on installe des usines minéralurgique et métallurgique pour la transformation de nos produits bruits sur place. En matière d'enrichissement de l'Al2O3 [l'alumine], la Chine a la meilleure technologies d'enrichissement par flottation donc pour un développement en matière de mines il faut transformation sur place et pour ce il faut aussi une production énergétique suffisante.
Répondant à M. Ibrahim Ghussein, un des intervenants, et en tenant compte de l'actualité guinéenne en ce moment faite de confrontations entre les forces de l'ordre et des manifestants dans la capitale de la zone principale d'extraction de la bauxite à cause des mauvais impacts environnementaux et l'insuffisance des retombées économiques, surtout en matière d'emploi, Sidikiba Keita met les guinéens en garde:
1. Ne nous berçons pas d'illusion. Les opérations actuelles de SMB sont la petite échelle de ce qui nous attend car on passera de 30.000T/j à 300.000T/j, C'est à dire un décuplement. Les chinois ont un agenda très clair: la compression tous azimuts des coûts de production, de l'extraction à la mise à FOB. Le dernier rapport de l'ITIE atteste que le revenu moyen perçu par l'État guinéen est de 4$/T de bauxite, alors que la CBG en paie plus que le double du fait de ses mesures de protection de l'environnement. La phase de décapage et de dynamitage provoquent déjà une pollution peu maîtrisable. Il faut y rajouter la phase de transport qui sera probablement faite par camion comme ils le font actuellement.
2.  De toutes les façons au vu de l'expérience traumatisante subie par les populations riveraines de SMB nous sommes dans l'impossibilité matérielle de tenir cette cadence sauf si on envisage un déménagement massif des populations.
L'impact environnemental de l'exploitation Tidiane Sylla sonne l'alarme justement contre les conséquences sur une trop forte exportation qui risquerait d'inonder le marché provoquant un effondrement du marché:
Exporter de forte quantité de banco de bauxite pourrait faire chuter les prix du dit produit sur le marché international. Dans la zone de Boke, Boffa, telimele, plus de 10 sociétés sont engagées dans la production de bauxite. Diversifions et innovons pour ne saturer le marché.
 Les raisons de tant de méfiance tirent leur origine dans une douloureuse expérience de ce type de contrats signé par M. Mamoudou Thiam, lorsqu'il dirigeait le ministère guinéen des mines en 2009/2010. Il est en prison aux Etats-Unis depuis décembre 2016, reconnu coupable par la justice américaine d’avoir blanchi 8,5 millions de dollars de pots-de-vin.

Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, une institution à vocation académique créé par le Département de la défense des Etats -Unis et financé par le Congrès pour étudier les problèmes de sécurité en Afrique a publié une étude, en mai 2015, intitulée Anatomie de la malédiction des ressources naturelles: L’investissement prédateur dans Les industries extractives en Afrique, analysant les problèmes que causent les richesses minérales de certains pays africains. Ce rapport explique comment M. Thiam procédait pour s'enrichir de manière illicite. Les explications sur ces procédures se trouvent dans le chapitre consacrée à la Guinée: Exploiter un Etat à deux doigts de la faillite : exemple de la Guinée. 

En Allemagne, le parti anti-immigrants AfD cible les électeurs d'origine russe avec une pub xénophobe

mercredi 20 septembre 2017 à 11:49

L'affiche du parti anti-immigrants allemand AfD à l'intention des électeurs allemands d'origine russe. Image avec l'aimable autorisation de AfD Hamburg.

Alternative für Deutschland (Alternative pour l'Allemagne, AfD en abrégé), est un parti conservateur, eurosceptique et anti-immigration qui concourt aux élections fédérales allemandes pour le Bundestag, et courtise activement son segment favori de l'électorat : les Allemands russophones.

AfD est aussi ouvertement pro-Kremlin, une source permanente d’anxiété sur les ingérences potentielles du gouvernement russe dans les élections allemandes. La constance du parti à cibler les Allemands d'origine russe est telle que plusieurs organisations de la diaspora ont publiquement pris leurs distances avec sa rhétorique virulente.

Mais la section locale d'AfD à Hambourg — où vit une grande communauté russophone — vient de commettre un acte étonnamment insensible et choquant, même selon ses propres critères. Sur sa page Facebook, AfD Hambourg a posté une publicité électorale, truffée de fautes d'orthographe et de syntaxe, mais le pire n'est pas là. Elle usait aussi d'une tournure xénophobe remontant à l’invasion mongole de la Rus’, le précurseur historique de l'actuelle Russie au 13ème siècle.

Voici la traduction du texte russe de cette publicité de campagne :

Смело за Германию и наших детей
Не званый гость хуже татарина
Защищать границы, высылать исламистов!

Avec courage pour l'Allemagne et nos enfants
Un hôte non prévu [sic] est pire qu'un Tatar
Protéger nos frontières, expulser les islamistes !

et de son texte d'accompagnement :

Личное обращение к немцам из России в Гамбурге

Уважаемые Гамбуржцы, родившиеся в бывшем СССР! 24. сентября 2017 будут выборы. В связи с этим у немецкого народа будет возможность остановить вредную политику, последствия которой описаны высше. Я глубоко убеждён в том, что наступила пора совершить жёсткий поворот в политике; поэтому я обращаюсь к Вам за помощью. Будучи народом, история которого прежде всего связана с жестокими политическими переворотами, Вы очень точно замечаете, когда политика и общество подвергаются фундаментальным изменениям. Гамбургская Фракция АфД убеждена в том, что делам и нуждам немцев из России по сей день не уделяют должного внимания в политическом дискурсе. Поэтому нам хотелось бы наладить с Вами общение и узнать о Вашем опыте. Отныне Вы можете звонить нам по горячей линии 040 / 428 31 25 18. Давайте бороться за нашу страну плечом к плечу, поддерживая AfD на выборах 24. Сентрября 2017. Помогите мне, стать депутатом в Бундестаге, где я буду отстаивать интересы нашего города.

Dr. Bernd Baumann
первый кандидат Гамбурга
Дальнейшая информация:
http://bit.ly/2xhuS7s
#AfD#Russland#Deutschland#Hamburg

Appel personnel aux Allemands de Russie à Hambourg
Chers Hambourgeois nés dans l'ex-URSS ! Le 24 septembre 2017, il y aura des élections. En lien avec elles il y aura dans la nation allemande la possibilité de stopper la politique négative dont nous avons décrit plus haut les effets. Je suis profondément convaincu que le moment est venu de faire un sévère demi-tour politique. C'est pourquoi je vous demande votre aide. Étant une nation qui dans le passé a connu des révolutions politiques violentes, vous constatez parfaitement quand la politique et la société [de votre pays] sont exposées à des transformations essentielles. La section AfD de Hambourg est convaincue que l'activité et les besoins des Allemands originaires de Russie ne sont pas traités avec l'attention nécessaire dans le discours politique d'aujourd'hui. C'est pourquoi nous voudrions organiser un contact avec vous et apprendre de votre expérience. Vous pouvez dès aujourd'hui appeler notre hotline 040 / 428 31 25 18. Luttons pour notre pays au coude à coude en soutenant AfD aux élections du 24 septembre. Aidez-me (sic) à devenir député au Bundestag où je ferai valoir les intérêts de notre ville.
Dr. Bernd Baumann
Premier candidat de Hambourg
Plus d'information : http://bit.ly/2xhuS7s
#AfD#Russland#Deutschland#Hamburg

Les Tatars évoqués par la publicité constituent la plus grande minorité ethnique et religieuse (ils sont musulmans sunnites) de Russie. La plupart vivent dans la république fédérale du Tatarstan, intégrée à la Russie depuis le 16ème siècle.

Ils sont nombreux à être installés en Allemagne, où ils forment une partie de la diaspora russophone. Ainsi la pub d'AfD pose problème, pour le dire poliment, et a déclenché un tollé immédiat dans le public visé.

Parmi la centaine de commentaires sous le billet Facebook, l'écrasante majorité est fortement critique de la tentative maladroite d'AfD de s'adresser en russe à son électorat potentiel, et, évidemment, de la xénophobie flagrante du message.

D'autres, Allemands de naissance, ont été intrigués par un message dans une langue étrangère qu'ils ne comprennent pas. Un utilisateur de Facebook a écrit :

Экономические беженцы, бежавшие от совковой нищеты, ненавидят беженцев из горячих точек, бегущих от российских бомбардировок. А путлерские СМИ об этом рассказывают в киселёвских часах промывания мозгов.

Des réfugiés économiques, ayant fui la pauvreté soviétique, haïssent des réfugiés venus de points chauds, fuyant les bombardements russes. Et les médias de Putler [une fusion des noms Poutine et Hitler] dissertent dessus pendant les heures de lavage de cerveau de Kisselev [un animateur ultra-loyaliste de talk-shows à la télévision d’État russe].

Une autre a menacé AfD d'un procès :

от немки, родившейся в бывшем СССР, лично херу Бауманну: поскольку я только за то, чтобы бороться за нашу страну, думаю подать на Вас и Вашу “партию” в суд за разжигание межнациональной розни (знаете, статья такая есть в немецком законе, §130 “Volksverhetzung”, неплохо бы знать законы нашей страны, а ещё лучше соблюдать)

De la part d'une Allemande née dans l'ex-URSS, personnellement à Monsieur Baumann : rien que pour me battre pour notre pays, j'envisage de vous poursuivre en justice, vous et votre “parti”, pour incitation à la haine raciale (vous savez, il existe un article dans la loi allemande, le §130 “incitation à la haine raciale”, ça ne fait pas de mal de connaître les lois de notre pays, et même mieux, de les respecter)

Ce pourrait être une bonne chose si AfD a effectivment nui à ses perspectives de faire entrer ses députés au Bundestag en voulant séduire aussi grossièrement la communauté russophone. Un commentateur sur Facebook le dit sans ambages :

Теперь я точно за CDU голосую

Ça y est, je vote sans hésiter CDU [l'Union Chrétienne Démocrate, le parti d'Angela Merkel dont AfD critique férocement la politique migratoire]

La communauté russo-allemande est sous les feux de l'actualité en ce moment, et les médias lui prêtent souvent — injustement, à en croire ses membres — le rôle de “cinquième colonne” ou “cheval de Troie” de Poutine en Allemagne. Un récent article du New York Times a raconté dans les détails la honteuse “affaire Liza”, dans laquelle un segment TV russe sur le prétendu viol d'une adolescente russo-allemande par des “migrants arabes” a déclenché des manifestations anti-immigrants. Les allégations se sont ultérieurement avérées sans fondement, mais l’ “affaire Liza” est utilisée depuis comme un exemple de l'ingérence agressive de la Russie dans la vie d'autres pays par la propagande et en attisant les peurs sur les médias sociaux.

“Mon rêve, c'était d'apporter Internet à mon village” Un dernier hommage à Boukary Konaté par ses collègues et ses proches

mercredi 20 septembre 2017 à 00:36

 

Boukary Konaté

Boukary Konaté, un des pionniers du web rural malien, s'est éteint  le 17 septembre 2017 des suites d'une maladie foudroyante à Bamako.

Boukary était un des pionniers de la démocratisation du web au Mali par ses divers projets de rendre accessible internet à tous les Maliens sans distinction géographique ou économique. Il s'était engagé dans de multiples projets pour promouvoir sa langue maternelle, le bambara sur la Toile, et pour améliorer l'accès du Mali rural à Internet via son projet pour Rising Voices Ségou Villages Connection.

Alors que les réseaux sociaux sont de plus en plus décriés pour leur lot quotidien de vilénies telles que la propagation de fake news, le cyber-harcèlement,  la surcharge d'information, la polarisation de l'opinion publique ou la cyberdépendance, Boukary représentait une oasis de fraicheur sur les réseaux sociaux africains par sa volonté de vouloir partager le meilleur du web sans jamais céder ni aux obstacles importants, ni à cette tendance à tirer le monde du web vers le bas qui sape irrémédiablement les communautés du numérique à travers le monde.  La communauté de Global Voices pleure la perte d'un de ses membres chers. Témoignages de ses amis pour un dernier hommage à une vie digne, emplie d'humanité au service des autres :

Davide Galati:  Ieri se n'è andato troppo presto Boukary Konate, un piccolo Grande uomo. È difficile spiegare a chi non lo conosce perché lo consideri tale, ma incarnava lo spirito del miglior saper stare al mondo tra gli uomini

Boukary Konaté, un homme petit par la taille mais un géant par le coeur, nous a quitté trop tôt. Il est difficile d'expliquer à ceux qui ne le connaissent pas ce qu'il apportait à sa communauté, mais il incarnait ce qu'il y a de meilleur dans ce bas monde et personnifiait la dignité d'être un sage parmi les hommes.

La communnauté de GV:  Nous avons la très profonde tristesse d'annoncer le décès de notre ami et collaborateur Boukary Konaté, hier à Bamako des suites d'une courte maladie.
Son histoire, comme il la racontait ici à ses débuts à GV https://fr.globalvoices.org/2009/09/06/18655/ est unique, et même magique. Son œuvre pour son pays le Mali, et notamment celui des villages, depuis la préservation de la culture et des traditions jusqu'à la diffusion de l'internet, est immense.

Simba Deogratias:  Boukary, You'll be greatly missed brother. May your soul Rest In Peace.

Tu nous manquera grandement mon frère. Puisse ton âme reposer en paix.

Claire Ulrich: Nous avons perdu aujourd'hui notre ami Boukary de Bamako. Que la terre lui soit légère. Ses amis de Global Voices perdent un ami irremplaçable.

Anne Greffe: Quelle tristesse… Quelle belle personne, à l'origine d'extraordinaires initiatives, constructives et généreuses… C'est une grande perte.

Suzanne Lehn Boukary est en paix. Et nous sommes en peine, irrémédiable. Sincères condoléances à sa famille.

Mina Harker:  Mon ami,  ta culture, ton savoir, ta sagesse vont me manquer et manqueront à beaucoup. Que la Terre te soit légère. Repose en paix mon Ami.

Global Voices présente ses sincères condoléances à toute sa famille et ses proches.

En Ukraine, la peur du ‘terrorisme technologique’ fait décliner la libre expression

mardi 19 septembre 2017 à 20:35

Exposition devant la célèbre église Saint André de Kiev de portraits de soldats ukrainiens à travers l'histoire. Photo  Filip Stojanovski, CC BY.

Olga Kyryliuk est titulaire d'un doctorat, expert en droit international et co-fondatrice de l'ONG ukrainienne Partenaires de Défense numérique (Партнери цифрового правозахисту en ukrainien, DDP selon l'acronyme anglais), qui se consacre à la protection des droits humains en ligne et à la promotion de l'idée d'un Internet gratuit, libre, et ouvert à tous.

DDP est membre de la Plateforme de l'Internet libre d'Europe centrale et orientale et d'Eurasie, fondée par les organisations de la société civile qui travaillent à l'avancement de la liberté d'expression, d'association et du flux d'information sur internet.

Dans cet entretien, Olga Kyryliuk décrit pour Global Voices les résultats des dernières recherches, et la situation actuelle des droits numériques en Ukraine.

Filip Stojanovski (FS): DDP vient de publier un rapport analytique sur la liberté d'expression en Ukraine. Quelle est votre évaluation d'ensemble ?

Olga Kyryliuk (OK): La liberté d'expression se dégrade progressivement en Ukraine à mesure que la guerre dans l'Est du pays se prolonge. Les menaces auxquelles est confrontée l'Ukraine sont de nature hybride, et nécessitent donc une réaction non linéaire et des tactiques de dissuasion. Si elle a d'une certaine manière réussi avec le temps à conserver ses positions militaires, l'Ukraine s'est avérée être dans une impréparation absolue à gérer l'affrontement sur l'information. Au lieu d'assurer une égale protection à l'ensemble des valeurs reconnues dans toute société démocratique, l'Ukraine s'est placée devant le dilemme de protéger soit la sécurité nationale, soit la liberté d'expression. Et je suis fermement convaincue que c'est le choix qui n'aurait jamais dû émerger. Il ne faut jamais sacrifier une valeur fondamentale par souci d'une autre, mais plutôt essayer de les équilibrer du mieux possible.

FS: A la différence des autres pays d'Europe, l'Ukraine est dans une situation particulière : depuis 2014, des parties de son territoire échappent au contrôle du gouvernement, sans qu'un état de guerre ait été déclaré. En quoi cela affecte-t-il le niveau de liberté d'expression dans le pays ?

OK: C'est un autre aspect pour lequel, à mon sens, l'Ukraine doit gérer une réalité extrêmement compliquée de conflit armé sans même user de mots appropriés pour définir cette réalité. Ce qui fait vraiment une différence en termes de limites du pouvoir discrétionnaire d’État pour la sauvegarde des droits humains en temps de paix ou de loi martiale. Si la loi martiale comporte des restrictions quand elle est instaurée, celles-ci ne sont pas justifiées quand le pays continue officiellement à vivre sous le droit commun applicable en temps de paix et de stabilité.

FS: Selon l”Index mondial de la liberté de presse 2017 compilé par Reporters sans Frontières, l'Ukraine est classée 102e, sur une échelle de 1 (Norvège) à 180 (Corée du Nord). Son classement s'était amélioré ces deux dernières années, à 129e en 2015 à 107e en 2016, mais reste parmi les plus bas d'Europe. Quels sont les obstacles à la mesure du niveau de liberté des média ?

OK: Cet index particulier est basé, entre autres, sur les critères de pluralisme, d'indépendance des médias et de respect pour la sûreté et la liberté des journalistes. Dans le cas de l'Ukraine, la guerre avec la Russie et le contrôle des oligarques sur les média et l'information restent les principaux obstacles. Une position aussi basse dans le classement s'explique aussi par l'échec du pouvoir à fournir des garanties adéquates aux journalistes et le manque d'accès des observateurs internationaux et journalistes critiques aux territoires non contrôlés par le gouvernement.

Olga Kyryliuk lors de la présentation du rapport analytique sur la liberté d'expression en Ukraine. Photo DDP, publiée avec autorisation.

FS: Le conflit en cours entre la Russie et l'Ukraine comporterait une ‘guerre de l'information’, avec utilisation de propagande et contre-propagande. En quoi les journalistes, comme les citoyens ordinaires, sont-ils touchés par cet état de choses ?

OK: Nous nous débattons tous au quotidien pour essayer de naviguer à travers un excès d'information. Internet a facilité la dissémination d'une telle information et l'a rendue aisément accessible, mais, dans le même temps, a brouillé le seuil de crédibilité. Ce qui se complique encore lorsque d'énormes quantités d'informations fabriquées et de propagande sont générées délibérément. C'est là que la culture numérique des citoyens ordinaires est essentielle, car ce n'est que par l'usage des compétences analytiques qu'il est possible de différencier faits et propagande.

Une autre option est d'utiliser des sources d'information fiables et respectées. Mais la réalité, c'est que les gens tendent à croire et s'orienter vers une information qui coïncide déjà avec leurs propres idées. Quant aux journalistes, je dirais que les situations de guerre leur donnent des responsabilités supplémentaires, requièrent qu'ils revérifient leurs sources, tout en sortant l'information à temps et de manière objective. En même temps, il est particulièrement important d'atteindre non seulement les Ukrainiens, mais aussi l'audience internationale, ce qui signifie produire de l'information qualitative en langues étrangères. A cet égard, on peut citer parmi les initiatives les plus réussies de promotion de l'Ukraine hors frontières, Ukraine Crisis Media Center, StopFake, Free Voice Information Analysis Center, et Promote Ukraine. [NdT : Les liens renvoient à la version en français de ces sites, sauf pour le dernier, disponible seulement en anglais]

FS: Dernièrement, l'Ukraine a aussi été critiquée pour des mesures très controversées de fermeture de l'accès aux ressources Internet, d'expulsions de journalistes étrangers et de propositions de loi restreignent la liberté d'Internet. Quelle est la justification apportée, et quelle est votre position à cet égard ?

OK: Il est intéressant que les restrictions sont toutes motivées dans l'intérêt de la sécurité nationale, qui pour une raison ou une autre est continuellement opposée à la liberté d'expression. Une des initiatives les plus discutées était l'extension des sanctions à un très grand nombre d'individus et personnes morales. Mais, en fait, cela a eu d'énormes effets collatéraux en bloquant l'accès aux médias sociaux, moteurs de recherche, services de messagerie électronique, logiciels anti-virus, etc… russes. En ce moment, le parlement a enregistré un projet de loi qui, s'il était adopté, rendrait possible la fermeture extra-judiciaire de ressources Internet et élargirait considérablement la définition du terrorisme technologique pour y inclure toute opinion dissidente, toute critique du gouvernement ou même simple réactivité de la société à un sujet sensible.

FS: La liberté d'expression couvre un domaine beaucoup plus large que la seule liberté de la presse, et la censure ou l'auto-censure peuvent toucher tous les segments de la société. Comment les citoyens ukrainiens réagissent-ils comme individus aux manquements identifiés à ce droit humain fondamental ?

OK: Les restrictions et interdictions annoncées ont nettement divisé la société en deux fractions antagonistes. Les uns croient que la sécurité nationale doit tre la valeur ultime dans les situations de conflit, et les autres y voient une pente savonneuse qui peut déboucher sur un contrôle total de l'opinion publique. Certains Ukrainiens sont devenus plus prudents dans leurs communications en ligne et inclinent à l'auto-censure, tandis que les autres se sont mis à utiliser des VPN pour contourner les interdictions, ou sont passés à des plateformes alternatives de communication et d'information.

Un des plus gros défauts de toutes les restrictions en voie d'être introduites est le fait qu'il y a peu voire aucune communication préalable à leur sujet. Aucune consultation publique ni étude préliminaire n'ont été menées. Ainsi, au lieu d'unir la société dans ce moment historique critique, les autorités accentuent les disparités entre les différentes fractions.

FS: Que faut-il faire et par qui, pour que la situation des libertés internet s'améliore en Ukraine ?

OK: Le meilleur scénario serait la fin de la guerre elle-même, qui éliminerait la justification par le gouvernement d'un urgent besoin de protéger les intérêts nationaux par tous les moyens. Mais dans la mesure où nous devons traiter de la réalité actuelle, ce qui manque vraiment, c'est la communication entre les différentes parties prenantes. On impose des restrictions sans que le gouvernement explique jamais les véritables motifs derrière.

De plus, les restrictions ne passent pas le test de la proportionnalité et de l'adéquation. Internet n'est pas divisé par des frontières, et ne peut donc être soumis à une segmentation législative. En essayant de gagner la bataille, il est important de ne pas tomber dans les tactiques erronées et restrictives de l'adversaire. Nous savons tous que les États sont beaucoup plus rapides pour imposer les restrictions que pour les abolir. Voilà pourquoi il est si important de garder toutes les lois et pratiques à l'intérieur du cadre du droit international.

Dans cette vidéo, Olga Kyryliuk présente le rapport du DDP, en ukrainien :

Netizen Report : Les défenseurs en ligne des Rohingya face à la censure et aux menaces de poursuites judiciaires

mardi 19 septembre 2017 à 19:19

Image satellite d’Human Rights Watch. « L’armée birmane est directement responsable des incendies de masse de villages rohingyas dans l’État de Rakhine », indique le directeur adjoint pour l’Asie de HRW.

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Au cours des dernières semaines, les violences qui ont éclaté au nord-ouest du Myanmar (Birmanie) ont régulièrement fait la une. Plus de 100 000 personnes du groupe ethnique des Rohingya ont été déplacées à cause des opérations de nettoyage menées par l’armée birmane, en réponse aux attaques perpétrées par un groupe d’insurgés pro-Rohingya. Des dizaines de milliers de réfugiés, en majorité de confession musulmane, passent la frontière pour entrer au Bangladesh et échapper ainsi aux combats.

La crise est largement suivie par de nombreux médias, des agences de presse traditionnelles aux médias indépendants rohingyas comme Rohingya Blogger. Malgré cela, obtenir des informations précises relatives au conflit reste compliqué, car les journalistes locaux et étrangers ont des difficultés à accéder aux zones concernées et les médias locaux ont depuis longtemps l’interdiction de couvrir les sujets liés aux Rohingya sous peine de sanctions. Aung San Suu Kyi, dirigeante de facto du Myanmar, a même accusé plusieurs médias de désinformation à ce sujet. Son gouvernement a mis en place une page Facebook, l’Information Committee, qui prétend fournir des informations vérifiées relatives au conflit.

Une vaste propagande anti-Rohingya est également menée en ligne, afin de renforcer l’affirmation faite par le gouvernement du Myanmar que les Rohingya nés en Birmanie sont en fait des Bengalis, des immigrants sans papiers en provenance du Bangladesh. Si nombre de ce type de messages ont circulé, les chercheurs ont remarqué un pic de 1500 nouveaux comptes Twitter après les affrontements du 25 août. Les comptes en question diffusent des messages pro-gouvernementaux et sont accompagnés de mots-clics tels que #Bengali et #BengaliTerrorists. Il est difficile de savoir qui se cache derrière ces comptes.

Le conflit représente un sujet sensible sur les réseaux sociaux en Asie du Sud et du Sud-Est, ainsi qu’une source de division aussi bien pour les citoyens que les gouvernements de la région.

En Indonésie, pays à majorité musulmane, un journaliste chevronné a été accusé de diffamation pour avoir comparé l’ancienne présidente indonésienne Megawati Sukarnoputri à Aung San Suu Kyi dans une publication Facebook.

Dans la publication en question, Dandhy Dwi Laksono, journaliste et réalisateur de documentaires, écrit que si le gouvernement birman est critiqué pour son traitement des Rohingya, le gouvernement indonésien devrait être tenu pour responsable de la répression contre le mouvement d’indépendance en Papouasie occidentale. Ensuite, il compare le silence d’Aung San Suu Kyi au sujet de la persécution des Rohingya au rôle joué par Megawati Sukarnoputri, dirigeante du parti au pouvoir en Indonésie, qui a récemment intensifié la répression envers les défenseurs de l’indépendance de la Papouasie occidentale. S’il est poursuivi et condamné pour diffamation, il pourrait risquer jusqu’à quatre ans de prison.

Signes d’un génocide des musulmans rohingya. 1er décembre

De l’autre côté du paysage politique, le gouvernement indien a demandé que Twitter censure à l'échelle locale le tweet ci-dessus qui exprime sa solidarité avec les Rohingya. Selon les estimations, 40 000 Rohingya vivent en Inde, où leur statut de citoyen est menacé au niveau juridique à cause de récents efforts de législateurs conservateurs de les convertir en immigrants « illégaux ».

Un défenseur palestinien des droits de l’homme arrêté pour une publication sur Facebook

Le défenseur palestinien des droits de l’homme Issa Amro, a été arrêté par l’Autorité palestinienne après avoir condamné sur Facebook l’arrestation d’un journaliste. Sa publication, qui n'est désormais plus accessible, dénonce l’arrestation d’Ayman Qawasmi pour avoir ouvertement critiqué l’Autorité palestinienne et demandé la démission du président et du Premier ministre. Ayman Qawasmi a été libéré, mais Issa Amro reste en détention, accusé d’attiser les tensions interconfessionnelles et de s’exprimer avec « insolence ».

Issa Amro attend également le jugement d’une cour militaire israélienne pour des accusations contestées relatives à ses activités politiques. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a publié une déclaration dans laquelle il exprime son inquiétude suite à cette arrestation et réclame la libération du détenu.

Des journalistes salvadoriens cibles de violentes menaces sur les réseaux sociaux

El Faro et Revista Factum, deux sites web d’information indépendants réputés du Salvador, ont reçu sur les réseaux sociaux de violentes menaces visant des journalistes spécifiques qui couvrent des affaires de corruption au sein du système de justice pénale. L’un des tweets indiquait que les journalistes d’El Faro et de Revista Factum « finiraient comme Christian Poveda », un journaliste franco-espagnol tué par des membres du gang Mara Salvatrucha en 2009.

Le chef de la police nationale du Salvador, Howard Cotto, et le vice-président Oscar Ortiz ont indiqué qu’ils avaient pris connaissance de rapports faisant état d’activités illégales de la part d’officiers de police et ont promis d’ouvrir une enquête.

Des activistes japonais piétinent des tweets haineux

Des manifestants, réunis devant le siège de Twitter à Tokyo, ont réclamé que la société prenne davantage de mesures pour lutter contre les propos haineux. Tokyo No Hate, un collectif d’activistes bénévoles, a tenu les rênes de la manifestation en couvrant le trottoir devant les bureaux de tweets violents que les manifestants ont piétinés avant de les froisser et de les déposer dans des poubelles de recyclage.

Le Chili intensifie la conservation des données

Un décret confidentiel du gouvernement chilien, rendu public récemment par des journalistes, modifie la législation nationale relative à l’interception des communications. Il augmente la durée de conservation imposée aux sociétés des données provenant de communications numériques réalisées au Chili, la faisant passer d’une année à deux, et exige que ces sociétés conservent des métadonnées supplémentaires. Le décret contient des clauses qui pourraient entraver l’utilisation des technologies de chiffrement, susceptibles de gêner l’accès à de telles informations. Le groupe de défense des libertés numériques, Derechos Digitales, basé à Santiago, déclare que la loi pourrait être anticonstitutionnelle.

Pour diriger un groupe de discussion en Chine, préparez-vous à censurer vos amis

En Chine, de nouvelles réglementations rendront les administrateurs de groupes de discussions responsables, y compris pénalement, des messages contenant des déclarations politiquement sensibles, des rumeurs, de la violence ou de la pornographie, ainsi que des informations sur Hong Kong ou Macao qui « n’ont pas été rapportées par des organismes médiatiques officiels ». Ce renforcement des mesures de régulation du contenu publié en ligne, qui ne se limite plus aux fonctionnaires gouvernementaux et aux sociétés, mais s’étend désormais aux utilisateurs eux-mêmes, représente un virage politique majeur.

Les nouvelles règles requièrent également que les fournisseurs de services de discussions en ligne, comme WeChat et QQ, vérifient l’identité des utilisateurs et conservent l’historique des discussions de groupe au moins six mois. Elles demandent aux sociétés de modérer l’accès des utilisateurs aux services selon leur niveau de « crédit social » : les internautes qui enfreignent les règles pourraient se voir retirer leur droit d’administrer des discussions de groupe et faire l’objet d’une dénonciation aux autorités.

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