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« Ils craignent les stylos, pas les armes » : des journalistes turcs condamnés à la prison à perpétuité

dimanche 4 mars 2018 à 13:42

Manifestants lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse en Turquie en 2013. Image d'Amnesty International Turquie.

Article d'origine publié le 16 février. Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Après avoir passé un peu plus d'un an derrière les barreaux sans inculpation, le journaliste turco-allemand Deniz Yucel a été libéré d'une prison turque le 16 février. Quelques heures plus tard, six autres journalistes du pays étaient condamnés à la réclusion à perpétuité pour « tentative de renversement de l'ordre constitutionnel ».

Avec 155 journalistes emprisonnés en raison de leur travail, ces jours de hauts et de bas commencent à devenir routiniers pour la communauté des médias indépendants de Turquie, qui est en proie à des difficultés.

La BBC a décrit l'emprisonnement de Deniz Yucel comme un « source d’irritation » de longue date dans les relations entre les deux pays. Sa libération a eu lieu peu après la visite du Premier ministre turc en Allemagne cette semaine.

Deniz Yucel a été arrêté il y a exactement 367 jours, soupçonné d'« incitation à la haine et à l'hostilité raciale » et de « propagation de la propagande d'une organisation terroriste ».

Peu après l’annonce de sa libération, la foule s'est rassemblée devant la prison, où Yucel a rejoint sa femme qui l'attendait :

Mais l'épreuve n'est pas encore terminée : il a été accusé et inculpé à sa libération, l'accusation requérant qu'il soit condamné à 18 ans de prison.

Le même tribunal qui a ordonné la libération de Deniz Yucel a apparemment accepté un acte d'accusation demandant jusqu'à 18 ans d'emprisonnement.

On ne sait pas très bien ce qui se passe, mais une des questions fondamentales est celle de savoir s'il a le droit de voyager à l'étranger.

En ordonnant la libération de Deniz Yücel, le tribunal a également accepté sa nouvelle inculpation. Il risque entre 4 et 18 ans de prison.

Alors que collègues et amis ont célébré la libération de Deniz Yucel, une autre décision de justice a été rendue, cette fois sur le sort d'un autre groupe de journalistes.

Deniz est enfin libre. Six autres viennent d'être condamnés à la prison à perpétuité.

D'horribles nouvelles arrivent de Silivri à l'instant. Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazlı Ilıcak ont eu un procès au cours duquel aucune preuve crédible n'a été présentée au-delà de leurs mots. Ce verdict ne répond pas aux critères du droit international des droits de l'homme.

Malgré l'absence de preuves directes, Ahmet Altan, Mehmet Altan, Nazli Ilicak, Yakup Şimşek, Fevzi Yazıcı and Şükrü Tuğrul Özsengül ont été condamnés à la prison à perpétuité [fr] après avoir été reconnus coupables de participation au coup d'État de 2016 en Turquie.

Cinq des six accusés sont des journalistes, et dans le passé, tous les intellectuels ont eu des liens étroits avec les médias de l'opposition. Ahmet Altan est l'ancien rédacteur en chef du journal Taraf et son frère, Mehmet Altan, est un universitaire et journaliste qui a écrit pour Hurriyet. Nazli Ilıcak [fr] a également écrit pour Hurriyet en plus d'autres journaux, et a brièvement été élue députée pour le Parti de la vertu.

Yakup Şimşek and Fevzi Yazıcı ont travaillé avec le journal Zaman [fr], qui était l'un des plus grands quotidiens indépendants de Turquie jusqu'en 2016, date à laquelle le gouvernement a saisi ses activités, alléguant que le journal avait des liens avec l’ecclésiastique turc Fethullah Gülen [fr].

L’agence Anadolu a rapporté que six personnes avaient été condamnées pour avoir tenté de renverser l'ordre constitutionnel et pour avoir communiqué avec des associés de Gülen, que la Turquie blâme pour le coup d'État raté de juillet 2016.

En plus de ces menaces juridiques, tous ces journalistes ont été victimes de harcèlement extrajuridique. En 2017, le président Erdogan a qualifié Deniz Yucel de terroriste dans un de ses discours télévisés.

J'ai filmé ce discours il y a un an. Deniz est enfin libre. Je souhaite la même chose à mes autres amis journalistes qui n’ont pas la nationalité allemande.

Traduction de la vidéo : Ils cachent ce terroriste allemand, cet espion, à l'ambassade. Ils l'ont caché pendant un mois. Et la chancelière allemande me l'a réclamé. Elle a dit de le relâcher. Je lui ai dit que nous avions un pouvoir judiciaire indépendant. Tout comme votre système judiciaire est indépendant, le mien l'est aussi. C'est l’objectif [du système judiciaire]. C'est pourquoi je suis désolé de vous dire que vous ne nous les enlèverez pas. Finalement, il a été traduit en justice. Il a été arrêté. Pourquoi ? Parce que c'est un terroriste espion. Peu importe qu'il soit citoyen allemand. Peu importe qui vous êtes, si vous répandez la terreur en Turquie, si ce sont des espions secrets, ils en paieront le prix.

Les supporters en Turquie et dans le monde entier ont tweeté leur choc lorsqu’ils ont appris cette décision :

Le verdict d'aujourd'hui et les condamnations à perpétuité sans libération conditionnelle pour Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazli Ilicak marquent l’apogée de la désintégration de l'État de droit en Turquie. La Cour européenne des droits de l'homme doit agir.

Alors que Ahmet Altan, Mehmet Altan and Nazlı Ilıcak sont condamnés à des « peines d'emprisonnement à perpétuité aggravées », cette condamnation mérite qu'on se rappelle de quoi elle retourne.

Il s'agit d'une détention à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, en isolement jusqu'à 23 heures par jour. Pour toujours et à jamais, amen.

Le 12 février, Ahmet et Mehmet Altan ont tous deux été expulsés du palais de justice pour avoir demandé la lecture de la décision de la Cour constitutionnelle qui avait décidé de les libérer en janvier. Les deux frères ont exigé que la décision, qui avait été annulée dans les 24 heures par le jugement de la 27ème Haute Cour, soit consignée au procès-verbal.

Le lendemain, le 13 février, Ahmet Altan, s'exprimant depuis la prison de haute sécurité par liaison vidéo, a déclaré ce qui suit pour sa défense :

Those in political power no longer fear generals. But they do fear writers. They fear pens, not guns. Because pens can reach where guns cannot: into the conscience of a society.

Les détenteurs du pouvoir politique n'ont plus peur des généraux. Mais ils ont peur des écrivains. Ils craignent les stylos, pas les armes. Parce que les stylos peuvent atteindre ce que les armes ne peuvent pas : la conscience d'une société.

Lorsque le verdict a été rendu aux frères Altan, un observateur a déclaré que des larmes et des cris ont envahi la salle d'audience.

Pendant ce temps, au moins quatre autres citoyens turco-allemands sont derrière les barreaux en Turquie, alors que le nombre total de journalistes et d'écrivains emprisonnés depuis le coup d'État a maintenant dépassé les 150.

Mentalité kamikaze et risque de guerre en Asie du Nord-Est

dimanche 4 mars 2018 à 11:00
The remains of a Japanese Kamikaze aircraft that crashed on board HMS FORMIDABLEoff the Sakishima Islands, May 1945.

“Les débris d'un avion kamikaze japonais qui s'écrasa sur le destroyer britannique HMS Formidable près des îles Sakishima en mai 1945.” Image de Wikimedia Commons, Imperial War Museum. Ce travail issu du Gouvernement du Royaume-Uni fait partie du domaine public.

Un débat fait rage parmi les analystes politiques pour déterminer si la Corée du Nord s'engage dans une voie suicidaire en continuant de développer son arsenal nucléaire.

De toute apparence, la Corée du Nord et son dirigeant suprême Kim Jong-Un semblent réussir à déjouer les sanctions de l'ONU et à contourner l'embargo sur le pétrole qui leur est imposé. Au mois de juin dernier, Vladimir Poutine avait déclaré que « M. Kim Jong-Un a  sans équivoque gagné cette bataille. Il dispose de missiles à portée internationale pouvant atteindre des cibles situées à presque n'importe quel endroit du globe dans un rayon de 13 000 km.» Les autorités russes semblent croire que ce dirigeant « rusé et mature » parviendra à tenir tête à ses « ennemis impérialistes » en fabriquant des missiles balistiques intercontinentaux pouvant menacer n'importe quelle ville et base militaire majeure des États-Unis et de ses alliés.

Cependant ces experts semblent ignorer la nature impulsive et auto-destructrice qui est à la base de la bravade nord-coréenne. La question qui se pose est de savoir si le régime de Kim Jong-Un est prêt à risquer de se faire annihiler alors que des négociations sont encore envisageables, du moins en théorie.

Quiconque a étudié la structure du pouvoir nord-coréen sait bien que Kim Jong-Un est sous la pression de généraux préoccupés par l'humiliation subie lors de la guerre de Corée. De fait, leurs opinions sur les attaques suicides ressemblent d'une certaine manière à la propagande diffusée par l'armée japonaise durant la Seconde Guerre Mondiale. Un transfuge nord-coréen a récemment révélé que l'armée nord-coréenne a constitué une brigade de kamikazes prête à attaquer l'ennemi avec des « dispositifs nucléaires de poche » dans le cas où la situation deviendrait désespérée.

Bien que la Corée du Nord et le Japon se méprisent l'un l'autre, il existe des parallèles frappants dans leur attitude vis-à-vis du suicide. Avant et durant les années de guerre, tous les « sujets » japonais étaient idéologiquement conditionnés pour sacrifier leur vie à l'Empereur. De la même manière, les « sujets » nord-coréens sont dans l'obligation de faire preuve d'une dévotion fanatique envers la dynastie Kim en combattant jusqu'au dernier si nécessaire. Au sein de ces deux nations, leur ministère de propagande respectif a réussi — et continue encore aujourd'hui — à endoctriner les masses en leur faisant croire en leur propre exceptionnalisme national par rapport à leurs voisins décadents.

Au Japon, le rituel du suicide a longtemps été popularisé au travers de films sur le bushido et sur les pilotes kamikazes mais la voix de ceux qui étaient prêts à se sacrifier — et qui ont contre toute circonstance survécu à la guerre — a souvent été réduite au silence. Dans une culture où la honte est la pire des humiliations, la distinction entre mort forcée et mort volontaire est souvent floue. Même les 47 rōnin immortalisés dans le chef d'oeuvre du Chūshingura et dans de nombreux autres films peuvent être vus comme des victimes du rituel cynique du suicide aussi connu sous le nom de seppuku ou harakiri.

Les récits sur la pression sociale qui pesait sur la classe de guerriers et qui les poussait à sacrifier leur vie pour « préserver leur honneur » révèle un étrange parallèle entre la pratique du seppuku et l'exécution publique. Certains conservateurs japonais comme Shintaro Ishihara ne cessent de vanter dans les romans et les films les mérites des jeunes soldats qui se sacrifient, mais en vérité il n'était pas rare que les pilotes kamikazes soient drogués ou enfermés dans leur cockpit avec seulement assez de carburant pour atteindre les cibles ennemies.

Malgré le manque de statistiques nord-coréennes sur ce sujet, le Japon et la Corée du Sud ont les taux de suicide les plus élevés du monde développé. Il est bien connu que la société coréenne et la japonaise sont très rigides et hiérarchiques et n'offrent que très peu de secondes chances aux minorités ou à ceux qui ont été laissés pour compte. À moins d'accepter de se conformer aux conventions et aux rituels de subordination, on peut aisément être puni ou ostracisé.

Alors que les décès individuels peuvent faire l'objet de compassion, les conséquences du suicide ritualisé sont particulièrement problématiques. L'attitude coréenne envers la mort et le suicide a été façonnée par trois décennies d'occupation japonaise. Comme des transfuges nord-coréens l'ont rapporté, il est possible que des brigades spéciales de Kim Jong-Un puissent employer des tactiques kamikazes si leur pays ne parvenait pas à résister à des attaques aériennes ou maritimes américaines.

Le recours au suicide est souvent le signe d'une incapacité à trouver des solutions créatives à des dilemmes apparemment insurmontables. Plutôt que de raviver des conflits géopolitiques futiles qui auraient dû prendre fin au 20ème siècle, les dirigeants politiques devraient se focaliser sur des problèmes plus urgents tel que la probable extinction de masse engendrée par la crise environnementale actuelle.

Le lynchage d’un Adivasi dans l’État indien du Kerala expose les préjugés contre les minorités

samedi 3 mars 2018 à 19:10

Madhu Chindakki, 30 ans, a été tué par une populace dans l’État du Kerala. Capture d’écran d’une vidéo mise sur YouTube par Crazywoods

Le lynchage brutal d’un homme Adivasi (autochtone de l'Inde) dans l’État indien du Kerala, le 22 février 2018, a choqué la région et tout le pays.

Madhu Chindakki, 30 ans, a été roué de coups pendant plus de quatre heures par une bande d’au moins 15 assaillants, à la suite d’une accusation de vol. Des policiers l’ont emmené dans un hôpital local, où il a succombé à ses blessures.

Sa mort s’ajoute à une série d’attaques violentes par des bandes au Kerala ces dernières années, qui prennent pour cible généralement les femmes et les groupes minoritaires dépourvus de poids politique, comme les personnes transgenres, les communautés indigènes Adivasis (ou Aborigènes de l'Inde), les hors-castes ou Dalits (“opprimés”), les travailleurs migrants, et les musulmans. Les auteurs de ces crimes prennent souvent des photos et enregistrent les lynchages, et puis diffusent ce contenu sur les médias sociaux.

La police du Kerala aurait arrêté plus de dix personnes en relation avec le meurtre :

Dix personnes, y compris l’homme qui a pris un selfie avant le lynchage d’un homme tribal, arrêtées au Kerala

Certains ont accusé les grands médias d’avoir ignoré l’affaire avant que les protestations se multiplient sur les réseaux sociaux.

Tweet: quelques questions…

Image: Bonjour, vous connaissez mon nom ?
Avez-vous entendu parler de ma mort ?
Est-ce que cela a ébranlé votre foi dans l’humanité ?

« Une violence systématique perpétrée contre diverses communautés marginalisées »

Magare Bhupali, une représentante élue de la Commission pour la sensibilisation au genre contre le harcèlement sexuel, de l’Université Jawaharlal Nehru à Delhi, a écrit sur Facebook au sujet de la mort de Chindakki et a contextualisé cette tragédie :

Sharing message received from Sunija (Student from TISS)..
Madhu Chindakki, 27-year-old Adivasi youth, was brutally murdered by a violent mob for alleged theft on Thursday, 22-02-2018 in Agaly, Attappadi, Kerala. The perpetrators clicked selfies with the victim before beating him to death. These photos are being circulated in social media as well. […]
Madhu's murder is not a singular incident, it is part of systemic violence perpetrated against various marginalised communities in the “progressive” Kerala.

Je partage un message reçu de Sunija (étudiant à TISS).. Madhu Chindakki, un jeune Adivasi de 27 ans, a été brutalement mis à mort par un groupe violent, à cause d’un vol présumé, jeudi 22-02-2018 à Agaly, Attappadi, Kerala. Les auteurs se sont pris en photos avec la victime avant de la frapper à mort. Ces photos sont aussi en train d’être diffusées sur les réseaux sociaux […]
Le meurtre de Madhu n’est pas un incident isolé, il fait partie de la violence systématique perpétrée contre plusieurs communautés marginalisées dans le Kerala « progressiste »

Les communautés indigènes du Kerala, connus sous le nom de « Adivasis», luttent pour leurs droits territoriaux depuis des décennies. TA Ameerudheen a récemment résumé cette histoire pour le site d’information et d’analyse indépendant scroll.in :

[Adivasis] traditionally occupied and cultivated large tracts of forestland in Wayanad, Palakkad, Idukki, Pathanamthitta, Kollam and Thiruvananthapuram districts. But in the 1970s, they started losing these lands to non-Adivasis. The majority of Adivasis were soon rendered landless. Losing their lands also drove them to starvation.

In 1975, the state government passed a law promising to give them back their lands. But in the following years, both the Communist Party of India (Marxist)-led Left Democratic Front and the Congress-led United Democratic Front regimes failed to implement this law.

[Les Adivasis] occupaient et cultivaient traditionnellement de grandes étendues de terrains forestiers dans les districts de Wayanad, Palakkad, Idukki, Pathanamthitta, Kollam et Thiruvananthapuram. Mais dans les années 1970, ils ont commencé à perdre ces terres au profit des non-Adivasis. La majorité des Adivasis sont rapidement devenus sans terre. La perte de leurs terres les a aussi menés à la famine.

En 1975, le gouvernement de l’État a adopté une loi promettant de leur restituer leurs terres. Mais dans les années suivantes, les gouvernements du Front démocratique de gauche, dirigé par le Parti Communiste de l’Inde (Marxiste), et du Front démocratique uni n’ont pas mis en œuvre cette loi.

En 2003, cinq personnes ont été tuées, y compris un policier, quand les policiers ont tiré sur une manifestation d’Adivasis dans le village de Muthanga, qui voulait attirer l’attention sur les retards dans la distribution de terres par le gouvernement local.

Praveena Kanngagattu, étudiante en doctorat à l’Université de Hyderabad, a affirmé que certains voulaient trouver des excuses pour le meurtre de Chindakki, plutôt que de prendre en compte cette histoire tragique :

വിശപ്പ്, കറുപ്പ് എന്നൊക്കെ പറഞ്ഞ് കാൽപനിക വിരിപ്പുമായി വരുന്ന “മനുഷ്യരെ”; …..ആദിവാസി ആയതുകൊണ്ട് മാത്രമാണ് മധു കൊല്ലപ്പെട്ടത്.

Quant à ceux qui essaient de trouver des raisons romancées pour le meurtre, c’est seulement parce qu’il était un Adivasi qu'il a été tué.

Binesh Balan, un étudiant en master d'anthropologie à l’Université de Sussex, au Royaume-Uni, est membre de la communauté Adivasi. Il a fait remarquer que ce sont ceux-là mêmes qui se disent « civilisés » ou « citadins », tout en dénigrant les communautés indigènes, qui ont volé sa vie à Chindakki :

ഞങ്ങളെയെല്ലാം അതിജീവിക്കാൻ പഠിപ്പിച്ചത് കാടിന്റെ നിയമമാണ്.. നാട് ചതിച്ചാലും കാട് ചതിക്കില്ല.. കാരണം അടിച്ചമർത്തുക എന്നത് നാടിന്റെ നിയമമാണല്ലോ.. അതുകൊണ്ട്‌, “കാടത്തം” എന്ന വാക്ക്‌ ഞാൻ “നാടത്തം” എന്നു തിരിച്ചു പറയാൻ അഗ്രഹിക്കുന്നു..

La forêt nous a appris à survivre. Même si la civilisation échoue, les forêts ne nous ont jamais lâchés. Parce que l'oppression est un outil uniquement des sociétés urbaines. Donc, je vous qualifie de « citadins » chaque fois que vous vous moquez de nous comme des « membres tribaux » ou des « sauvages ».

Asha Rani, étudiante en doctorat à l'École des Relations Internationales de l’Université du Mahatma Gandhi, a affirmé que l’indignation exprimée par certains après le meurtre a été hypocrite, parce qu’ils ont eux-mêmes commis de méfaits à l’encontre des Adivasis :

ആദിവാസിക്ക് വേണ്ടത് ‘കഞ്ഞി വീത്തലും’ സൗജന്യ ഭക്ഷണവും അല്ല പട്ടിണിമാറ്റാൻ.. സ്വന്തം ഭൂമിയിൽ നിന്നും വനത്തിൽ നിന്നും കുടിയിറക്കപ്പെട്ട ജനതക്ക് വേണ്ടത് അവരുടെ അവകാശങ്ങളാണ് , അവരിൽ നിന്ന് കെെയ്യേറ്റക്കാർ മോഷ്ടിച്ച് കൊണ്ട് പോയ മുതലുകളാണ്… വിശപ്പു ഗാഥകളുടെ ഉടമകൾ മനപൂർവ്വം മറന്ന് പോകുന്നത് ഈ ചൂഷണത്തെപറ്റി പറയാനാണ്…
സൗജന്യ റേഷനും പഴന്തുണിയും കാത്തൊരു ജനതയെ മതിലുകൾ കെട്ടിത്തിരിച്ചിരിച്ചു സൂക്ഷിച്ച് വയ്ക്കേണ്ടത് ആരുടെ താത്പര്യമാണ്…

Les Adivasis n’ont pas besoin de charité ou de nourriture gratuite. Ils ont besoin de la propriété et des droits territoriaux. Ceux qui crient à l’injustice maintenant sont ceux-là mêmes qui leur ont arraché leurs terres. Ils oublient commodément ceci. Placer les communautés d'Adivasis dans des programmes contre la pauvreté et les séparer de leurs terres sert à protéger des intérêts autres que les leurs.

Swathi Manalodiparambil, de Waynad au Kerala, décrit l’existence de préjugés systémiques et structurels, de racisme et de castisme :

A casteist mob murdered an Adivasi youth accusing of theft. It's a normalised death for few of the mainstream Malayalam media. […] We have teachers accusing the Adivasi kids that they are coming to school for having free midday meal. A number of us serve them food in portico or the place reserved to them on backyard thinking that there some kind of dirt in them which can't be cleaned up. It's time to address the what make us think in this way is Caste. […] It's important to be open about the subtle violence we perpetuate on them every day, let's reflect on ourselves.

Une populace castiste a assassiné un jeune Adivasi en l’accusant de vol. C’est une mort normale pour certains des grands médias malayams […] Nous avons des professeurs qui accusent les gamins Adivasis de venir à l’école pour un repas gratuit à midi. Certains d’entre nous leur servent de la nourriture dans la terrasse couverte ou l’espace qui leur est réservé dans la cour, en pensant qu’il y a une sorte de saleté en eux qui ne peut pas être nettoyée. Il est temps d’admettre que ce qui nous fait penser de cette façon est la caste. […] Il est important d'ouvrir les yeux sur la violence subtile que nous perpétuons sur eux tous les jours, réfléchissons sur nous-mêmes.

Les morts telles que celle de Chindakki sont généralement suivies d’une indignation, qui disparait rapidement des fils d’actualités des médias sociaux. Le combat ne peut pas être soutenu uniquement par les quelques groupes et militants qui travaillent régulièrement sur ces questions. Pour que justice soit faite, il est important que beaucoup plus de gens s’expriment et continuent à le faire.

En Arménie, « Quand vous avez un bon pigeon, vous êtes très respecté »

samedi 3 mars 2018 à 18:40

Ashot Metsoyan, un ghushbas de Gyumri âgé de 65 ans, nourrit ses pigeons. (Armine Avetisyan)

Cet article de Armine Avetisyan est une publication de notre partenaire EurasiaNet.org. Il est republié avec autorisation.

Dans son récit “Colombes”, l'écrivain du XIXe siècle Vahan Totovents a décrit la position sociale modeste des éleveurs de colombes en Arménie.

“Les gens pointaient du doigt les éleveurs de colombes comme s'ils étaient des voleurs ou des criminels”, a écrit Totovents. “Personne ne donnerait sa fille à un fils d'éleveur de colombes, et personne n'épouserait une fille de colombophile. Et ils enquêtaient plus profondément, pour s'assurer que nulle part dans la famille du jeune homme ou de la jeune femme il n'y avait d'éleveur de colombes.”

David Shirvanyan rit quand il se souvient de la phrase célèbre. “Maintenant, l'attitude a changé, plus personne ne nous critique. Nous sommes acceptés par la société”, explique le colombophile de 38 ans d'Erevan. “Mais en tout cas je ne laisserai pas mes enfants élever des pigeons – c'est comme une maladie, et je ne veux pas qu'ils vivent comme moi, tout pour ces oiseaux.”

Shirvanyan élève des colombes (un nom vernaculaire non scientifique désignant certaines espèces de pigeons ou de tourterelles) depuis ses cinq ans, quand il a reçu un oiseau en cadeau d'un parent. Il s'est pris de passion et aujourd'hui il en a 300.

Il exerce son métier sur le marché aux oiseaux d'Erevan, qui fonctionne le week-end et où on peut les acheter pour les manger ou comme animaux de compagnie.

Les prix des pigeons commencent à 500 drams (environ 10 dollars). Le prix le plus élevé que Shirvanyan a obtenu pour un pigeon est de 5000 dollars, mais il y en a certains qu'il considère comme inestimables. Récemment, dit-il, un acheteur a proposé d'échanger une Opel Astra quasi neuve contre sa colombe préférée, mais il a refusé l'offre.

“Même si on me proposait le prix d'un appartement de luxe dans l'avenue Nord [d'Erevan], je ne le vendrai pas. Même avec un pistolet sur la trempe, je ne le vendrai pas. On n'y croit pas, mais quand vous êtes lié à une colombe, elle devient comme votre propre bébé”, explique Shirvanyan.

Shirvanyan et les autres éleveurs de colombes – connus sous le nom de ghushbas en arménien – se préparent pour le printemps. C'est la saison des concours de colombes en Arménie, quand les ghushbas dressent leurs meilleurs oiseaux pour rivaliser les uns contre les autres pour voir lequel peut voler le plus longtemps.

Les compétitions durent plusieurs semaines, chaque pigeon ayant son propre jour de vol. Shirvanyan dit: “L'argent n'est pas aussi important que l'honneur: quand vous avez un bon pigeon, vous jouissez d'un grand respect.

Le record d'Erevan est un vol de 11 heures. Si un pigeon ne peut rester dans le ciel que moins d'une heure, il est considéré comme déshonorant et le propriétaire s'en débarrasse.

Gyumri, la deuxième ville d'Arménie, a également ses concours de pigeons, mais avec des règles différentes. Les enjeux sont moindres – le droit d'entrée pour chaque oiseau est compris entre 10 et 20 dollars – et les pigeons ne sont pas jugés sur leur endurance, mais sur leur capacité à effectuer des figures aériennes.

“Notre ville est le centre culturel de l'Arménie, nous valorisons la beauté et, dans ce cas, la beauté du vol des pigeons”, explique Ashot Metsoyan, un Gyumri ghushbas de 65 ans . “Il y a différents types de sauts en patinage artistique, et nos pigeons doivent aussi faire des sauts similaires.”

Les pigeons ne sont pas seulement utilisés pour la compétition. Une coutume païenne, qui perdure jusqu'à ce jour à Gyumri, voit le pigeon comme un oiseau “pur” à sacrifier à la naissance d'un enfant ou lorsqu'un membre de la famille survit à un accident. Les pigeons sont tués en leur tranchant le cou, puis ils sont nettoyés et mangés.

Les pigeons sont également achetés pour les mariages à travers l'Arménie, et les couples nouvellement mariés en libèrent traditionnellement un couple pour s'assurer une heureuse et paisible vie commune.

Le grand-père de Metsoyan était éleveur de pigeons, et son fils et son frère ont également adopté cette profession. Mais Metsoyan lui-même n'avait rien à voir avec les oiseaux jusqu'au tremblement de terre dévastateur de 1988 à Spitak, près de Gyumri.

“Mon père, mon fils, mon frère et la femme enceinte de mon frère sont morts”, dit Metsoyan. “Je devenais fou. Je voulais me suicider. Je ne m'intéressais à rien. “Un jour, cependant, il sortit de sa maison et vit un nid de pigeons qui semblaient mourir de faim. “Cela m'a brisé le cœur”, se souvient-il. “J'ai décidé de les nourrir et à partir de ce moment ma vie a changé.”

Metsoyan estime que sur sa pension de 36 000 drams par mois, il consacre environ 20 000 à nourrir les pigeons: “Je peux avoir faim et soif, mais eux doivent avoir leur nourriture”.

Comme d'autres ghushbas, Metsoyan dit qu'il met l'amour pour les oiseaux au-dessus de ses intérêts commerciaux.

Il se souvient avoir vendu un pigeon à un acheteur qui a emmené l'oiseau à Tbilissi. Quelques jours plus tard, le pigeon est revenu à Gyumri. “J'ai appelé l'acheteur et lui ai dit de venir récupérer son argent, car mon oiseau ne voulait pas rester avec lui”, explique Metsoyan.

Et il désigne un pigeon jaune, qu'il appelle son favori. “On m'a promis une maison, une voiture, beaucoup d'argent, mais je ne le vendrai jamais.”

L'Église orthodoxe macédonienne a-t-elle vraiment lancé une “croisade” contre une coutume patrimoniale protégée par l'UNESCO ?

samedi 3 mars 2018 à 18:17

Photographie de mărţişor, aussi appelé martinki, mártenitsa ou martis, amulette traditionnelle utilisée dans les Balkans via pxhere. L'image est libre de droits d'auteur sous licence CC0 Public Domain.

La tentative de l'Église orthodoxe macédonienne de prêcher contre le port du porte-bonheur traditionnel blanc et rouge semble s'être retournée contre elle.

À l'approche du 1er mars 2018, les habitants des Balkans se sont préparés pour célébrer le Jour de Grand-mère mars [fr], une tradition balkanique d'échange d'amulettes artisanales en laine rouge et blanche. Cette année était spéciale car seulement quelques mois plus tôt, l'UNESCO a protégé la coutume de la Journée de la grand-mère des Balkans en l'ajoutant à la liste du patrimoine culturel immatériel [fr].

Les amulettes faites à la main sont connues sous plusieurs noms: martinki (Мартинки en Macédoine), mártenitsa (Мартеница en Bulgarie), mărţişor (en Roumanie et en Moldavie) et martis [fr] (Μάρτης en Grèce). Le terme “Grand-mère Mars” dans les langues slaves est “Baba Marta” et le tweet suivant en est un exemple enthousiaste :

Joyeux Baba Marta, une tradition qui (avec quelques différences) peut être vue en Bulgarie, Macedonia et Roumanie, – les gens accueillent le printemps avec une martenitsa.

La coutume et le nouveau statut que l'UNESCO vient de lui accorder, ont continué à servir de base à la coopération transfrontalière. Au Japon, par exemple, les ambassades de Bulgarie, de Macédoine, de Roumanie et de Moldavie ont organisé un événement conjoint quelques jours auparavant, présentant à la fois les amulettes en laine et d'autres aspects du patrimoine culturel de ces pays :

Cependant, en République de Macédoine, la coutume a fait l'objet d'une nouvelle controverse lorsque l'Église orthodoxe macédonienne – Archevêché d'Ohrid (MOC) [fr] a publié son annonce annuelle mettant en garde ses croyants sur l'utilisation des amulettes. Certains médias se sont concentrés sur un aspect particulièrement négatif de l'annonce, avec des titres sensationnalistes tels que “MOC : Porter une ‘Martinka’ est une coutume superstitieuse et magique, donc démoniaque [mk]:

Секој оној што на својата рака ќе стави или на својата облека ќе закачи таканаречена ‘мартинка’ (нешто како нараквица направена од црвен и бел конец) за здравје и среќа, да знае дека од тој момент (свесно или несвесно) се откажал од Бог, односно од Православната Вера и Црква, и не може да учествува во нејзините Свети Тајни. Не може истовремено да веруваме и во Бог и во ‘мартинка’. Верата и суеверието немаат ништо заедничко, исто како што и Бог нема ништо заедничко со ѓаволот. А на два господари не можеме да им служиме, или ќе Му служиме на Бог или на ѓаволот – па секој слободно нека избере кому ќе му служи. И секое друго суеверие, спротивно на православната вера, не е од Бога.

Toute personne qui mettrait sur sa main ou ses vêtements la “martinka” (une sorte de bracelet en fil de laine rouge et blanc) pour la santé ou la chance, doit savoir qu'à partir de ce moment (consciemment ou inconsciemment) elle a renoncé à Dieu, à la Foi orthodoxe et à l'Église, et ne peut prendre part à ses saints sacrements. On ne peut pas croire en Dieu et en la “martinka”. La foi et la superstition n'ont rien en commun, tout comme Dieu n'a rien en commun avec le diable. On ne peut pas servir deux maîtres, on peut choisir Dieu ou le diable ; ainsi n'importe qui peut librement choisir qui suivre. Toute autre superstition, contrairement à la foi orthodoxe, n'est pas pieuse.

Des annonces similaires ont été publiées les années précédentes, donnant lieu à des vagues de réactions provocantes et ironiques sur les réseaux sociaux :

Si vous portez des martinkas, vous inhiberez directement la résurrection de l'empire macédonien, alors réfléchissez bien à ce que vous ferez…

Si la martinka est un péché maintenant, alors la MOC devrait mettre sa liste à jour, elle devient trop longue. J'en ai trop sur mon âme maintenant.

Un tweet se moquait de la coutume de certains prêtres de se prélasser dans le luxe, comme en portant des bijoux et des montres chers, ce qui a fait l‘objet de critiques dans d'autres pays [fr] ayant des églises orthodoxes, comme la Russie :

La MOC : “Nous condamnons le port de martinkas comme coutume païenne…”
Moi : …

Cette année, en lien avec un article similaire d'un site religieux lié à la MOC appelé “Pokajanie” [Repentance, NdT], la militante du patrimoine culturel Vasilka Dimitrovska a également exprimé son mécontentement face à l'ingérence de certaines personnalités religieuses en politique :

Merci à la MOC pour le marketing gratuit que nous n'avons même pas sollicité. S'ils veulent se plaindre, pourquoi ne vont-ils pas visiter l'UNESCO ? En passant, ils peuvent également résoudre les négociations sur le problème du nom [du pays]. En chemin, ils devraient se renseigner sur les différences entre la religion et une tradition reconnue comme patrimoine culturel mondial.

En fait, l'annonce originale de la MOC [mk] n'était pas inconditionnelle et écrite dans un langage beaucoup plus doux :

Значи, ако мартинката се носи неколку денови или една недела, дали како негување на стара традиција, дали како мода, дали во чест на нашите предци, дали како заедничко балканско културно наследство, дали заради забава или од некоја друга причина, тогаш не е во спротивност на Црковното учење.

Но, ако носењето мартинка стане суеверен и магиски, а со тоа и демонски обичај, тогаш таквото поведение не е во согласност со учењето на Црквата. Секако, секој е слободен да го послуша, или не, учењето на Црквата, и е одговорен за одлуките што ги носи.

Et donc, porter une martinka pendant quelques jours ou une semaine, soit pour cultiver une tradition ancienne, soit pour la mode, ou pour honorer nos ancêtres ou le patrimoine culturel commun balkanique, pour le plaisir ou pour une autre raison, n'est pas contraire à l'enseignement de l'Église.

Cependant, si une martinka est portée dans un but superstitieux ou magique, c'est donc une coutume démoniaque qui n'est pas conforme aux enseignements de l'Église. Bien sûr, toute personne est libre d'obéir ou non aux enseignements de l'Église, et assume la responsabilité de sa propre décision.

Même si les citoyens macédoniens obtiennent régulièrement un score élevé sur l'indice de religiosité, ils rejettent de plus en plus le mélange de la religion avec le nationalisme, y compris le soutien du clergé à l'ancien parti politique au pouvoir et leur participation aux rassemblements [fr] liés au nom de la Macédoine [fr].

Que ce soit sur un ton dur ou modéré, l'annonce de la MOC semble avoir eu un effet contraire et a accru la visibilité de la coutume de la “martinka”. De nombreux médias ont fait la promotion de l'ancienne coutume [mk] maintenant protégée par l'UNESCO, et un livre pour les enfants a été publié [mk] à leur sujet en macédonien, en albanais et en anglais.