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Le témoignage d'un réfugié syrien en Turquie

lundi 7 septembre 2015 à 15:57
Sheriff and author John Lubbock in Istanbul. PHOTO: John Lubbock

Sheriff et l'auteur John Lubbock à Istanbul. PHOTO: John Lubbock

J'ai passé une grande partie de l'année dernière à Istanboul, en tant que journaliste indépendant et réalisateur de films [en anglais]. J'ai rencontré là-bas de nombreux réfugiés syriens, dont Sheriff, à qui j'ai un jour demandé mon chemin rue Istikal. Il s'est joint à mes amis et moi pour le thé, et j'ai été frappé par son idéalisme et le fait qu'il était plein d'espoir, en particulier quand on songe à sa situation difficile. Suite à cette première rencontre, Sheriff et moi nous sommes retrouvés fréquemment pour échanger des leçons d'arabe et d'anglais et parler de la politique au Moyen-Orient.

Les Syriens ont le droit de travailler et d'étudier en Turquie, même si le gouvernement reste ambivalent à leur égard car beaucoup appartiennent comme Sheriff au groupe ethnique kurde. La Turquie a la population kurde la plus importante au monde, et Istanbul la population kurde la plus importante que toute autre ville. Les tensions s'accentuent au moment où la Turquie redoute que les Kurdes ne forment un Etat indépendant dans le nord de la Syrie et de l’Irak. 

Maintenant que je suis de retour à Londres, et alors que les informations sont tous les jours saturées d'histoires de personnes qui se noient dans la Méditerranée, je pense souvent aux réfugiés que j'ai rencontrés à Istanbul. Tous étaient jeunes, talentueux de bien des façons, et incroyablement courageux. Pour des gens comme ça, la Syrie n'offre rien d'autre que la mort et la pauvreté.

Sheriff a choisi de retourner en Syrie parce que nous en Europe avons échoué à lui apporter de la sécurité, et qu'il souhaite aider à veiller sur sa famille. Nous pouvons faire mieux que ça. Nous devrions lui permettre à lui et à sa famille d'atteindre l'Europe en toute sécurité, au lieu de les condamner à une existence risquée en Syrie. Nous nous devons vis-à-vis du monde d'étendre la générosité dont il nous a fait bénéficier à ceux qui sont moins chanceux. Nous nous devons vis-à-vis de ces gens de leur garantir, en tant qu'êtres humains, un passage sûr comme réfugiés, et de contribuer à stabiliser les pays dont ils sont issus, afin qu'ils aient un jour l'espoir d'y retourner.
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Mon nom est Mihemed Sheriff Musa, mais vous pouvez juste m'appeler Sheriff. Je suis né à Amouda dans la région kurde de Syrie au milieu des années 1980. Le régime d'Assad comportait alors son lot d'injustices, lui qui est à l'origine du massacre de membres des Frères Musulmans à Hama et Alep.

Il existait également une discrimination raciale envers le peuple kurde; nous n'étions pas même autorisés à parler dans notre langue natale, beaucoup n'avaient pas accès à la citoyenneté et les partis politiques kurdes étaient interdits et leurs membres arrêtés.

Ma famille était pauvre; mon père était atteint d'épilepsie. Il a fini par mourir et mes deux oncles ont été chargés de nous élever. J'ai deux sœurs et un frère, mais mon frère et l'une de mes sœurs sont handicapés, donc j'ai dû travailler pour soutenir toute ma famille.

Un de mes oncles travaillait pour le parti kurde interdit Hevgirtina Gel (l'union du peuple). Le slogan d'Hevgirtina Gel est «le droit à l'autodétermination pour le peuple kurde de Syrie.» Aujourd'hui, le parti a rejoint d'autres groupes politiques pour former une coalition du nom de PDK-S.

Amouda, dans le nord de la Syrie, où j'ai grandi, est appelée la ville de la politique et de la culture, de la poésie et de la folie. Notre culture et notre politique sont comme jumelées car l'injustice politique que nous subissons est due à notre identité culturelle en tant que Kurdes.

Quand la guerre civile a commencé en 2011 en Syrie, j'étais étudiant en deuxième année de traduction de l'anglais vers l'arabe à l'Université de Damas.

J'ai rejoint la révolution syrienne tout de suite après les premiers événements et manifestations, donc je n'ai pas pu retourner à l'université car j'étais recherché par le régime. Je suis revenu à Amouda alors que la guerre ravageait progressivement l'ensemble de la Syrie.

Je ne voulais pas que les gamins de mon quartier perdent l'occasion de recevoir une éducation, donc j'ai commencé à donner des cours gratuits à des lycéens afin de les aider pour leurs examens.

En 2013, j'ai participé à une grève de la faim pour protester contre l'arrestation de militants politiques locaux par le parti politique kurde PYD [en français], qui était en train d'affirmer son contrôle sur la région Rojava. Le 27 juillet 2013, la milice du PYD, le YPG, s'en est prise à notre manifestation pacifique et a tué six civils, en a blessé plus de 30 et a procédé à plus de 90 arrestations. Ils ont forcé la porte de ma maison trois fois… heureusement je n'étais pas là. Je suis alors parti en Turquie.

Ça a été vraiment dur pour moi de vivre en Turquie en raison de l'éloignement de ma famille. Je ne peux pas la faire venir ici pour vivre avec moi parce que tout est très cher. Ici à Istanbul, je travaille comme professeur d'anglais dans une école syrienne. Je donne parfois des cours d'anglais gratuits pour aider des Syriens à trouver de meilleurs emplois, je joue du saz et du baglama et je chante avec mon groupe, les Freedom Lovers (Épris de liberté).

Je veux retourner à Amouda car toute plante grandit sur sa propre terre. J'aimerais aller en Europe un jour mais je ne peux abandonner ma famille dans mon pays. Je désire faire émerger une génération de pédagogues qui croit en la liberté, la paix, la justice et le respect envers les autres indépendamment de leur religion, leurs tendances politiques ou leur appartenance ethnique: une génération qui rejette le racisme, et aime la beauté de la vie.

Je veux établir des centres éducatifs et récréatifs gratuits pour les jeunes enfants et les écoliers afin de leur permettre de continuer à vivre leur enfance loin de la guerre et de la violence.

J'ai tant de rêves et d'ambitions: la liberté pour tous, la paix et la justice pour le peuple syrien et ses enfants. J'aimerais un jour pouvoir étudier la politique à l'université en Grande-Bretagne, qui a toujours été un modèle de paix et d'espoir pour de nombreux Kurdes.

Je souhaite voir un Kurdistan libre avant de mourir. Peut-être qu'un jour, si je peux finir mes études, serais-je capable de contribuer à la création d'un Etat pacifique et indépendant pour mon peuple.

En direct de la campagne électorale de septembre en Russie, avec Olga

lundi 7 septembre 2015 à 10:15
Olga Borisova in Kostroma. Photo used with permission.

Olga Borissova à Kostroma. Reproduction autorisée.

Dans moins de deux semaines, dans plusieurs bureaux électoraux de la Fédération russe aura lieu un scrutin d'importance régionale. Cet été, plusieurs groupements politiques d'opposition se sont unis dans une “Coalition démocratique” dans l'espoir de proposer des candidats dans quatre régions : Kalouga, Magadan, Novossibirsk et Kostroma. Toutes ces régions, sauf la dernière, ont rejeté la participation de la coalition, et le mouvement a donc fait porter tous ses efforts sur le seul bureau de Kostroma. Olga Borissova, une bénévole de l'un des partis présents dans la coalition, le RPR-Parnas, était sur le terrain à Kostroma, où elle a aidé à recueillir des signatures de soutien aux candidats du mouvement. Pour Global Voices en russe, Olga raconte comment se passe ce travail au sein d'une opposition sous pression.

Je m'appelle Olga Borissova, j'ai 20 ans, je vis à Saint-Pétersbourg et je suis d'une certaine façon «engagée» en politique depuis environ six mois.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la démocratie en Russie, pour le dire gentiment, ça n'est pas ça. Notre problème, ce n'est pas la bêtise ou une foi aveugle dans le tsar, mais plutôt l'indifférence et une autre absence de foi, la foi en un quelconque changement. Pourtant, il y a encore des gens qui sont prêts à se battre pour leurs droits. Le droit à des élections honnêtes, le droit de se présenter, le droit de voter et d'être convaincu que votre voix a vraiment de l'importance et du poids. Le droit d'être entendu.
Les gens croient souvent qu'en Russie il n'y a pas d'opposition. Le gouvernement russe a tout fait pour que cette idée soit communément admise.

Des affaires pénales sont montées de toutes pièces contre les leaders de l'opposition, on ne le voit jamais à la télé, et si on en entend parler, c'est à travers des tissus d'accusations de connivence avec l'Occident, de collaboration avec le département d'État des États-Unis et de participation à des complots maçonniques. Dans ces cas-là, ce serait un péché de ne pas rappeler leur casier judiciaire. La population est en majorité complètement zombifiée (Quoi ! La télévision nous mentirait ? Comment serait-ce possible ?), les gens l'écoutent tous les soirs leur raconter comment Poutine relève la Russie qui était à genoux, embrasse les petits enfants, et puis, vous savez quoi, il a rendu la Crimée au peuple russe !

Olga Borisova (bottom) and fellow volunteers in Kostroma. Used with permission.

Olga Borissova (en bas) avec d'autres bénévoles à Kostroma. Reproduction autorisée.

Quoi qu'il en soit, le 13 septembre sera une journée unique de scrutin en Russie. Et notre «cinquième colonne» [ainsi que les médias pro-Kremlin appellent l'opposition] a décidé de participer cette année aux élections régionales à l'assemblée législative, a choisi des villes (Kalouga, Kostroma, Novossibirsk, Magadan), y a organisé ses propres primaires et a formé dans chaque région, d'après leurs résultats, sa liste de candidats sur le ticket du parti RPR-Parnas.

Notre parti n'étant pas représenté à la Douma, pour nous inscrire aux élections et apparaître sur les bulletins, il nous fallait obligatoirement réunir un nombre précis de signatures. C'est mon camarade Andreï Pirovarov, coprésident du RPR-Parnas à Saint-Pétersbourg, qui m'a invitée à participer à cette campagne de signatures. D'après le résultat des primaires, c'est Ilia Yachine, collaborateur de Boris Nemtsov , tué par balles à Moscou en février, et opposant politique connu, qui est arrivé premier sur la liste des candidats de la Douma régionale de Kostroma.

J'ai fait mes valises, je suis montée dans le train, et quinze heures plus tard, j'étais sur place. Les autres bénévoles de la coalition démocratique et moi, nous avons été logés dans des appartements locaux. Mais nous n'avons pu nous mettre tout de suite au travail pour cause de problèmes avec notre compte électoral. D'après la loi, pour lancer une campagne de signatures, il faut ouvrir un compte électoral, et pour des raisons obscures nous avons dû attendre presque quatre jours que les fonds soient versés. Notre juriste passait tous les jours huit heures à la caisse d'épargne à se bagarrer tantôt contre le «système», tantôt contre un personnel peu expérimenté, tout ça «pour» notre droit de participer aux élections.

Finalement, pendant ces quatre jours nous avons eu le temps de nous balader dans Kostroma et de faire connaissance avec les curiosités de la ville.

Peu après notre arrivée, les copains ont commencé à rapporter à notre QG des tracts distribués dans les environs de la gare, qui contenaient ces mots :

«TU VEUX QUE CE SOIT COMME EN UKRAINE ?? ILS SONT DEJA A KOSTROMA !!!»
Et de développer point par point ce que nous allons faire (violer, piller, assassiner).
Et ce n'est pas une blague !

RPR-Parnas headquarters in Kostroma.

Le QG du RPR-Parnas à Kostroma.

Andreï Pirovarov a été désigné comme chef du bureau préélectoral à Kostroma, ce qui m'a fait très plaisir, car c'est génial de travailler avec lui : c'est quelqu'un qui sait non seulement entendre, mai aussi écouter. Il a réparti les gens sur les stands selon les capacités de chacun, on pouvait toujours s'adresser à lui pour obtenir de l'aide, il trouvait toujours du temps pour le faire. Je n'en reviens pas qu'il se soit sorti d'une telle quantité de problèmes pendant ces journées.

Les autres bénévoles et moi collections des signatures partout (partout où la loi nous le permettait, bien sûr) : sur les stands au coin des rues, et on faisait aussi de porte-à-porte. Les Kostromiens ont eu des réactions diverses. Certains, quand nous entendaient prononcer le nom du RPR-Parnas depuis le seuil, nous fermaient la porte au nez, en ayant visiblement en tête le discours du présentateur du JT du soir. D'autres écoutaient jusqu'au bout le programme des candidats et signaient volontiers, en promettant de voter pour le Parnas, et d'autres encore signaient sans nous apporter leur soutien, mais avec la conscience que cette signature représentait une possibilité de participer aux élections, et qu'il faut que la concurrence existe. Nastia, une de nos bénévoles, a même obtenu la signature d'une députée de Russie unie [le parti de Vladimir Poutine]. Dans les régions, soit on est volé par les autorités, soit on appartient soi-même au parti au pouvoir.

Il faut dire que Kostroma a bien besoin de changements. L'état des routes n'est à 87% pas conforme à ce qu'il «devrait». Un jour de pluie, alors que les rues étaient inondées, j'ai pu observer une femme avec une poussette en train de traverser la rue, et alors qu'elle se dépêchait de se mettre à l'abri, son bébé (qui se trouvait dans la poussette !) s'est retrouvé en une seconde dans l'eau jusqu'à la ceinture, arrosé par une flaque.

Ilia Yachine a organisé des rencontres en plein air régulières avec les électeurs. Ils ont discuté des tarifs du gaz, de l'eau et de l'électricité, les habitants de sont plaints des routes, du vol par les autorités, du fait que les régions ont de moins en moins d'argent et qu'ils vivent de plus en plus mal. Il arrivait souvent que même les citoyens d'humeur sceptique finissent par serrer la main à Ilia et lui promettre de de lui donner leur voix aux élections.

Quant à moi, en faisant du porte-à porte, je me suis attardée plus d'une fois pour expliquer aux gens ce qu'ils faut faire dans telle ou telle situation d'injustice. Le plus souvent, les gens ne savaient même pas qu'ils ont le droit d'exiger des vérifications de conformité, le droit d'exiger ce pour quoi ils paient des impôts, tellement ils ont l'habitude de faire avec le peu qu'ils ont au bout du compte.

Olga Borisova appeals to voters in Kostroma to support RPR-Parnas. Used with permission.

Olga Borissova appelle les électeurs de Kostroma a voter pour le RPR-Parnas. Reproduction autorisée

Pendant que nous menions ces rencontres avec les électeurs et réunissions des signatures, dans d'autres régions les signatures étaient déjà arrivées à la commission électorale, et la plupart avaient été rejetées pour des raisons complètement ridicules : on se basait par exemple sur l'office des migrations pour prétendre qu'Untel ou Untel ne peut pas être considéré comme citoyen de la Fédération de Russie, alors que ses coordonnées ont été recopiées d'après son passeport (de citoyen de la FR !). D'une façon générale, après observation des tendances dans les autres régions, nous nous sommes mis à craindre que nos propres signatures, parfaitement authentiques, puissent être considérées comme non valables avec la même insupportable légèreté. Mais nous avons décidé que nous décourager et devenir moins efficaces serait justement la réaction qu'attendent de nous les autorités, et nous avons donc travaillé encore plus dur.

Vers la fin de la campagne, j'ai dû repartir à Saint-Pétersbourg quelques jours pour raisons personnelles, et c'est là que j'ai appris qu'Andreï Pirovarov était sous le coup d'une commission d'enquête. Nous étions tous sous le choc, et personne ne comprenait sur quels griefs il avait été arrêté. Le tribunal l'accuse d'avoir accédé frauduleusement à des informations protégées par la loi, et aussi de complicité d'abus de pouvoir de fonctionnaire.

Depuis le premier jour de la détention de Pirovarov, des piquets de manifestation ont lieu dans toute la Russie, les gens descendent dans la rue avec des pancartes «Liberté pour Andréï Pirovarov».

Pour le moment, Kostroma est la seule région où la coalition démocratique est candidate aux élections.

Andréï Pirovarov, lors de l'une de ses premières audiences au tribunal, portait une pancarte avec cette inscritpion : «Le 13.09.2015 nous devons gagner». Le siège du RPR-Parnas à Kostroma fait activement campagne, les candidats organisent tous les jours plusieurs rencontres avec les électeurs à Kostroma même et dans la région administrative. Le 13 septembre, les Kostromiens feront leur choix.

En Russie, il est illégal de partager ce dessin animé de ‘Donald Duck’

lundi 7 septembre 2015 à 09:46
Capture d'écran : Walt Disney, "Der Fuehrer's Face" (1942) / YouTube

Capture d'écran : Walt Disney, “Der Fuehrer's Face” (1942) / YouTube

A Tomsk, deux hommes ont été condamnés pour avoir partagé en ligne du matériel extrémiste illégal : ils avaient mis en ligne des chansons d'un groupe militant pour la suprémacie blanche ainsi qu'un dessin animé antifasciste de Walt Disney de 1942, Der Fuehrer’s Face, avec Donald Duck pour personnage principal, et qui a gagné l'Academy Award pour le court-métrage d'animation cette même année.

Les deux hommes ont avoué leur forfait et exprimé des remords, expliquant qu'ils avaient partagé ce matériel audiovisuel dans le cadre d'une blague pendant l'été 2013. Le juge leur a à tous les deux infligé une amende de 3000 roubles (environ 40 euros) mais a refusé de les condamner à 15 jours de prison, qui est la peine maximale pour “la production et la dissémination de matériel extrémiste” selon le Code civil russe, article 20.29.

Le dessin animé de Donald Duck est interdit en Russie depuis 2010, lorsqu'un tribunal du Kamchatka l'a ajouté à la liste des contenus extrémistes illégaux, avec une douzaine d'autres clips vidéos racistes qui avaient été partagés par un homme appelé Sergey Semenov. (Par ailleurs, les procureurs de Tomsk ont orthographié le nom de Donald Duck différemment de ce que l'on trouve dans la liste fédérale des contenus extrêmistes, comme si techniquement les deux dessins animés étaient en fait deux films différents.)

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Une description raciste de l'”ennemi japonais”. Capture d'écran : Walt Disney, “Der Fuehrer's Face” (1942) / YouTube

D'après Sova, une organisation de surveillance des crimes haineux basée à Moscou, le fait que le dessin animé Disney ait été interdit avec les autres contenus de Semenov prouve que les autorités n'ont en fait pas visionné chaque vidéo de la collection de Semenov avant de décider de toutes les interdire. “Cet incident”, selon une déclaration publiée sur le site internet de Sova, “montre encore une fois l'inutilité et même le danger d'une liste fédérale comme un instrument de contrôle et nous rappelle que la meilleure solution serait de s'en débarrasser totalement.”

Der Fuehrer’s Face met en scène Donald Duck vivant dans une dictature fasciste, où il reçoit des ordres sous la menace d'une arme et travaille à la chaîne dans une usine fabricant des bombes. Menacé d'être exécuté, il doit saluer tous les portraits d'Adolf Hitler devant lesquels il passe. Le dessin animé est aussi une description raciste des Japonais, qui selon la propagande de guerre américaine portent leur effort sur les deux fronts. A la fin du film, Donald Duck se réveille, il réalise que tout ceci n'était qu'un rêve et qu'il vit aux Etats-Unis. Serrant dans ses bras une réplique miniature de la Statue de la Liberté, il déclare dans sa dernière réplique : “Je suis heureux d'être un citoyen des Etats-Unis d'Amérique !” 

Vous aussi, demandez justice pour les journalistes assassinés au Mexique

lundi 7 septembre 2015 à 09:42

Des écrivains du monde entier demandent au Président Peña Nieto, du Mexique, d'enquêter sur les meurtres de journalistes. (Voici leur lettre) https://t.co/qAkZI5K2MR

Plus de 500 journalistes, écrivains, artistes et défenseur de la liberté d'expression de par le monde ont envoyée une lettre ouverte au président du Mexique, Enrique Peña Nieto, dans laquelle ils demandent des explications sur le meurtre de Rubén Espinosa et de tous les autres journalistes assassinés dans le pays, d'après le blog Journalism in the Americas.

Le 31 juillet dernier, le photo-journaliste Rubén Espinosa a été retrouvé mort en compagnie de quatre femmes dans un appartement de Mexico. Ayant reçu des menaces de mort, il avait fui Veracruz —où 14 autres journalistes ont été tués au cours des dernières années— pour la capitale du Mexique en juin dernier.

La lettre dit :

 

Since 2000, dozens of journalists have been killed in Mexico, and approximately 20 more remain disappeared. The great majority of these crimes have never been prosecuted”…

… Mr. President, we urge you:

1. To guarantee the immediate and effective investigation of the assassination of Rubén Espinosa and the shameful number of journalists in Mexico who have met the same fate, and the thorough investigation of state and municipal officials who, in each case, may have been involved.
2. To undertake an immediate review of the procedures established to protect reporters’ lives, and to make a swift and effective commitment to guarantee and protect freedom of expression in Mexico.

Depuis 2000, des dizaines de journalistes ont été tués au Mexique, et près de 20 restent disparus. La grande majorité de ces crimes n'a jamais été jugée…

… Monsieur le Président, nous vous exhortons à :

1. Garantir une enquête immédiate et effective sur l'assassinat de Rubén Espinosa et sur le nombre honteux de journalistes qui, au Mexique, ont connu le même sort, et de mener des investigations minutieuses dans l'État du Mexique et la municipalité qui, dans chaque cas, peuvent avoir été impliqués.
2. Entreprendre une révision immédiate des procédures actuelles pour protéger la vie des journalistes et vous engager rapidement pour la garantie et la protection de la liberté d'expression au Mexique.

La lettre a reçu le soutien de PEN et du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ). Des personnalités telles que l'acteur mexicain Gael García Bernal, l'écrivain indien Salman Rushdie, la journaliste étasunienne Christiane Amanpour et des centaines de journalistes, écrivains et artistes ont signés cette lettre ouverte, et à présent, vous avez également la possibilité d'ajouter votre signature.

Le privilège de mon passeport canadien pèse lourd face à la crise des réfugiés

dimanche 6 septembre 2015 à 19:12
A rally in solidarity with the plight of refugees in Amsterdam on September 5, 2015. Image by author.

Manifestation de solidarité avec les réfugiés en détresse à Amsterdam le 5 septembre 2015. Photo de l'auteure.

Je suis irano-canadienne et je vis actuellement aux Pays-Bas. Assise dans mon appartement à Amsterdam, je regarde mon passeport canadien. Il y a là des tampons de partout. Ma carte de séjour hollandaise est à côté de mon passeport. Pourquoi, plus que tout autre, ai-je droit à tous ces documents ?

Cela a débuté lorsque mon père a fait une demande de carte de séjour canadienne en 1985 alors qu'il vivait en Iran. Il n'avait pas de famille proche au Canada. Il n'était pas particulièrement aisé financièrement, il n'avait pas non plus d'appartenance politique dangereuse. Les démarches administratives ont suivi leurs cours. En 1988, mon père avait obtenu un permis de séjour pour lui, ma mère et ma soeur. Ils ont déménagé début 1989, quelques mois avant ma naissance. Il a rapidement obtenu son permis de travail et j'avais à peine 3 ans quand moi-même, née au Canada, et ma famille avons obtenu la nationalité canadienne.

Tima Kurdi, la tante du petit Alan Kurdi, dont le corps a été retrouvé sans vie sur le bord d'une plage turque, avait rempli une demande d'asile au Canada pour la famille de son frère aîné en 2015. Elle avait complété tous les formulaires demandés. Elle avait même réuni toute une équipe de personnes qui s'engageaient auprès du gouvernement canadien à aider la famille Kurdi à son arrivée

Tima n'avait pas assez d'argent et ne pouvait soutenir qu'un frère à la fois. Au lieu de remplir une demande d'asile, elle a donc écrit une lettre au Ministre de l'Immigration Chris Alexander pour lui demander de lui venir en aide pour soutenir la famille d'Alan. Le député d'opposition Fin Donnelly s'est exprimé sur une radio locale de Vancouver et explique qu'il a bien remis la lettre de Tima, son administrée, en main propre à Alexander en mars 2015, mais n'a pas reçu de réponse.

Lire aussi: la mort d'Alan Kurdi  renvoie le Canada face à ses responsabilités face à l'aide aux réfugiés syriens.

Je n'y peux rien mais je pense au fonctionnaire qui a posé la demande de mon père sur la pile des dossiers acceptés dans les années 80, je lui dois la vie confortable et privilégiée, libre de mes déplacements, que je vis maintenant. J'ai un accès illimité à pratiquement tous les pays du monde. J'ai quitté une vie confortable et sûre au Canada pour une vie tout aussi confortable et sûre aux Pays-Bas.

J'aime à penser que ce privilège du passeport je le dois à toute une combinaison de facteurs que je ne contrôle pas et qui ne sont pas dus à mon mérite ou celui de ma famille. Le privilège de mon passeport est le produit d'une politique d'immigration ouverte qui a débuté sous Lester B. Pearson, et qui a ensuite été reprise par Pierre Elliot Trudeau -deux premiers ministres canadiens qui ont inscrit le Canada parmi les chefs de file de l'humanitaire. Cette politique, ces dirigeants, et les fonctionnaires qui par chance ont jugé que la demande de mon père était recevable au regard de cette politique, ont réellement tracé la trajectoire de ma vie actuelle.

Les détails de la vie de la famille Kurdi sont cependant ainsi. Une demande d'asile remise à un Ministre des Affaires Civiques et de l'Immigration, s'est finalement retrouvée devant un fonctionnaire qui, au regard de la politique, a statué qu'elle n'était pas recevable. La politique d'immigration actuelle a réduit l’ “ouverture” qui avait débuté dans les années 80, et repose principalement sur des barèmes stricts basés sur  les compétences et la probabilité que la personne va rester au Canada après avoir obtenu le privilège du passeport. Ces fonctionnaires qui font avancer les dossiers ont aussi l'autorité de dire oui ou non sur chaque cas, s'ils estiment que la personne quittera le pays une fois obtenu le ticket gagnant (en d'autres termes le renforcement de la loi  sur la citoyenneté ou Loi C-24).

Suite à la tragédie de la famille Kurdi, le Premier Ministre s'est exprimé pour dire que le gouvernement canadien était l'un des premiers au monde pour l'accueil sécurisé des immigrants et des réfugiés et que le taux d'accueil par personne était le plus élevé au monde. C'est un mensonge éhonté: selon les Nations Unies le Canada ne fait même pas partie des 10 premiers pays qui accueillent des réfugiés.

Le fait que les fonctionnaires qui ont contrôlé la demande des Kurdi l'aient refusée nous renvoie à une tragédie qui se déroule quotidiennement devant nous. C'est une crise qui repose sur des bouts de papier manipulés par des fonctionnaires qui appliquent des politiques décidées bien souvent par des hommes et des femmes qui n'ont pas compris la portée de ce passeport privilégié.

Comme la plupart d'entre nous je reste assise et me sens inutile. Nous sommes en sécurité là où nous sommes et nous pouvons nous déplacer partout dans le monde. Et ce n'est pas parce que nous le méritons plus mais cela est dû aux circonstances politiques ou au calendrier et même au statut socio-économique.

Il y a beaucoup d'organisations que nous pouvons aider et beaucoup de gens différents qui s'en occupent. Je vous encourage tous à rechercher et aider ces causes. Mais je vous demande aussi de vous interroger sur le système dans son ensemble, sur la notion de mouvement, et sur les libertés et privilèges qui y sont attachés. Est-ce vraiment comme cela que le monde doit être régi?