PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Brésil : Les Amérindiens résistent au “développement” impulsé par l'Etat

dimanche 12 mai 2013 à 01:00

La politique du gouvernement de Dilma Roussef vis-à-vis des autochtones a été l'objet d'innombrables critiques (En portugais comme tous les liens de ce billet) de la part des militants et des spécialistes. Au nom du “développement” entendu comme construction de routes, exploitation minière, usines hydro- électriques et exploitation des ressources naturelles, les tribus indiennes ont perdu tout droit sur les terres qu'elles habitaient depuis des milliers d'années.

Des universitaires comme  Idelber Avelar considèrent que le gouvernement Roussef a été le plus rétrograde dans ses relations avec les Indiens depuis au moins la fin de la dictature militaire (1964-1985), période pendant laquelle  des centaines d'entre eux étaient torturés ou tués au nom de l'État. On pense aux Indiens de la tribu Waimiri-Atroari qui passèrent de 3000 à 1000 personnes de 1972 à 1975, exterminés pour s'être trouvés sur le chemin du progrès et du “miracle économique

Dans l'histoire récente du Brésil, la construction de l’usine hydroélectrique de Belo Monte est peut-être l'exemple le plus emblématique de la violence contre les Indiens dans ce pays. Le 2 mai 2013, les peuples du Rio Xingu (fr), principal fleuve touché par cette réalisation ont envahi le chantier. Parmi eux près de 200 indigènes représentant diverses ethnies, ont proclamé un manifeste dénonçant le climat de violence qui leur était imposé. 

Vous pointez des armes sur nos têtes. Vous installez des camions chargés de soldats sur nos territoires. Vous faites disparaître le poisson. Vous volez les ossements de nos ancêtres enterrés sur nos terres…

Vous faites cela parce que vous avez peur de nous entendre, d'entendre que nous ne voulons pas les barrages, d'entendre surtout pourquoi nous ne voulons pas les barrages.

Canteiro de Belo Monte ocupado em 6 de maio de 2013. Foto de Paygomuyatpu Munduruku, sob licença CC by-sa 2.0

L'occupation du chantier de  Belo Monte, le 6 mai 2013.  Photo de Paygomuyatpu Munduruku, sous licence CC by-sa 2.0

Les Indiens qui occupaient Belo Monte (jusqu'à la nuit du 9 mai) ont reçu l'aide de près de 3000 travailleurs du chantier (sur 6000)  lesquels révélèrent des menaces et firent grève pour dénoncer des conditions de travail et de logement précaires et même des rapts, représaillles et assassinats.

Ruy Sposati, un journaliste, dénonce la violence locale contre la presse et fait un critique de cette entreprise industrielle.

Ce n'est pas une banalité. C'est, dans une démocratie,  l'expulsion de journalistes par l'appareil policier de l'État hors du site de la  construction la plus chère de l'histoire du Brésil… une construction réalisée avec de l'argent public, responsable de grandes répercussions humaines et environnementales, source d'innombrables violations de la loi et cette fin de semaine de l'incroyable nouveauté d'une expulsion des journalistes par des forces de police en pleine démocratie. Il faut savoir que le coût de Belo Monte initialement prévu à 4,5 milliards de Reais en est aujourd'hui à presque 30 milliards (12 milliards d'Euros)

Indígenas invadem canteiro de Belo Monte. Foto de Ruy Sposati, usada com permissão.

Les Indiens envahissent le chantier de Belo Monte. Photo de Ruy Sposati, avec autorisation.

A  Rio de Janeiro, le lieu dédié aux Indigènes Aldeia Maracanã a été récupéré pour devenir lieu de réunion des fans pendant la coupe du monde de 2014 et, à l'avenir Musée Olympique, une décision très critiquée par les Indiens et les militants. Le 26 avril 2013, on a vu des manifestations publiques d’opposition à la confiscation du centre Aldeia Maracanã.

patrickgranja, un utilisateur de Youtube a publié une video témoignant des violences policières contre les manifestants :

Dans le Mato Grosso du Sud, des Indiens Guarani-Kaiowá continuent une lutte pour leur survie malgré le massacre qu'ils subissent du fait des intérêts des éleveurs de bétail, cultivateurs de canne à sucre ou de soja de la région. Ils sont menacées de perdre leurs terres déjà très démembrées à cause de l'influence du lobby des banques rurales au Congrès.

Indígenas despejados da Aldeia Maracanã sob as ordes da presidente Dilma Rousseff, do governador do Rio Sérgio Cabral e do bilionário Eike BAtista, futuro dono do espaço. Cartum de Carlos Latuff, uso livre.

La présidente Dilma Rousseff contemplant les Indiens expulsés par la force du centre Aldeia Maracana  par le gouverneur de l'État de Rio de Janeiro,  Sérgio Cabral, et par le maire de la ville, Eduardo Paes, sous le regard de la mascotte de la Coupe 2014 et du milliardaire Eike Batista, dirigeant de l'entreprise qui a remporté l'appel d'offre pour la gestion privée du Maracanã. Dessin de Carlos Latuff, usage libre

Les Indiens se sont révoltés également contre l’espionnage du mouvement  Xingu Vivo pratiqué par l'agence brésilienne de renseignement (ABIN) et contre l’invasion (fr) des terres des Mundurukus, au Pará, par la Force Nationale et l'Armée, dans le cadre d'une étude sur la faisabilité de la construction d'autres usines hydroélectriques sur le Rio Tapajós, unique grand fleuve de la région encore sans barrages. Craignant de voir leurs terres noyées sous l'eau et leur mode de vie  disparaître, les Mundurukus ont cherché le dialogue, mais ont été  fortement dissuadés par la présence policière. Ils continuent à résister.

Assembleia Munduruku em Jacareacanga. Foto de Ruy Sposati, usada com permissão.

Assemblée Munduruku à Jacareacanga. Photo de Ruy Sposati, avec autorisation.

Le peuple Munduruku dénonce également l'absence des représentants du gouvernement brésilien à la réunion du 25 avril 2013 pendant laquelle les forces de police ont été utilisées comme instrument d'intimidation. C'est ce que raconte le journaliste Ruy Sposati lors d'une entrevue avec Cândido Waro, président de l'association Pusuru, entité représentative des Indiens (texte publié sur le site du Conseil Indigène Missionnaire, le CMI)

Les Indiens disent que pendant trois jours, Jacareacanga a été assiégée. “Les autorités ont fait venir là-bas plus de 200 policiers. Les gens de la ville ont vu arriver au moins cinq camions hélicoptère, fourgons et voitures. Même chose à Itaituba [l'endroit où a commencé l'opération Tapajós]”, explique [Cândido Waro].“

Ils voulaient qu'un groupe de représentants des Indiens sortent du village pour aller les rencontrer dans la ville pleine de policiers. Lors d'une assemblée populaire nous avons refusé cela, demandant seulement à recevoir le gouverneur sur nos terres et sans la présence policière”

“le gouverneur a dit qu'il avait peur d'être attaqué, les villageois dirent qu'ils veilleraient personnellement à la sécurité de tous les officiels. Mais ceux ci déclarèrent qu'il ne rentreraient dans le village qu'en compagnie des forces nationales de la police fédérale selon les recommendation de Gilbero Cavalho du secrétariat général à la présidence de la république !”

L'information selon laquelle des représentants du gouvernement brésilien rencontraient les Indiens a été diffusée sur le site officiel du secrétariat général de la présidence et relatée par les Munduruku dans une lettre ouverte.

Nous exigeons que le gouvernement cesse de tenter de nous diviser et manipuler, de faire pression individuellement sur nos leaders, nos caciques ou les habitants des villages. Nous rappelons que ceux qui représentent officiellement notre peuple sont les coordonnateurs des associations Munkuru appelés Pusuru e Pahyhy.

Nous exigeons également que nos droits constitutionnels soient garantis et non pas utilisés comme monnaie d'échange. Nous continuons à proclamer notre opposition aux barrages, nous voulons des fleuves libres, et nous continuerons à lutter pour cela.

En avril 2013, il y a un mois, des centaines d'Indiens ont investi le Congrès National à Brasilia cherchant à exposer leur revendications, et protestant tout spécialement contre le projet d'amendement constitutionel numéro 215 (PEC 215) transférant le pouvoir de délimitation des terres indigènes de l'exécutif au législatif.