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Framablog : Stop the Music, une nouvelle sur les libertés. 2/2

vendredi 28 août 2015 à 09:09

À l’occasion du RaysDay 2015, l’équipe de traduction Framalang a choisi de traduire la nouvelle Stop the Music, de Charles Duan, publiée originellement sur Boing Boing. Cette histoire futuriste explore les dérives possibles des lois sur le copyright.

La première partie de cette nouvelle est disponible ici sur le framablog.

Voici donc la seconde et dernière partie de cette traduction. Exceptionnellement, nous avons choisi de ne pas traduire le titre (libre à vous de le faire !)

Comme son œuvre originelle, cette traduction est sous licence CC-BY-SA-NC.

Traduit par : Piup, egilli, Sphinx, Singularity, audionuma (et les anonymes)

Stop the Music (image : Boing Boing

Stop the Music (image : Boing Boing)

Stop the music

V.

À la Cour suprême des États-Unis

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Audience de l’avocat Maître Richard A. Tilghman

représentant du plaignant Eugene L. Whitman

Le 12 février 2046

 

La présidente de la Cour suprême, Mme Diehr : Nous écoutons ce matin le débat dans l’affaire 45-405, Whitman contre Alfred Vail Enterprises.

Me Tilghman ?
Me Tilghman : Madame la Présidente de la Cour suprême, et Mesdames Messieurs les juges de la Cour.

Aujourd’hui, nous demandons à cette Cour de protéger l’un des droits à la propriété les plus anciens et les plus importants en place dans cette nation : le droit d’auteur qui protège l’œuvre créative des auteurs, des artistes, et, plus précisément dans le cas de cette affaire, des musiciens.

La section 106 de la loi sur le droit d’auteur réserve aux propriétaires de droits d’auteur le droit exclusif de faire des copies de leurs œuvres, de faire des œuvres dérivées basées sur les œuvres originales, et de distribuer et de produire en public ces œuvres, entre autres choses. Ces droits sont…

Juge Diamond : Avant d’entrer dans les détails fastidieux du droit d’auteur, Me Tilghman, pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous devrions ne serait-ce qu’envisager d’examiner cette affaire ? C’est une affaire concernant l’effacement des souvenirs des gens, aussi je souhaite commencer par comprendre pourquoi vous pensez que le système EffaceMem National est pertinent en dehors du cadre très restreint de l’activité terroriste, que nous avons autorisé durant l’affaire Neilson. Comprenez : nous parlons de suspendre temporairement les droits civiques de la liberté de pensée. Pourquoi devrions-nous envisager d’effacer les souvenirs des gens dans n’importe quel autre contexte que le terrorisme ?

Me Tilghman : Monsieur le juge, bien que Neilson ait été une affaire concernant un acte terroriste, le raisonnement n’était pas limité à ce type de situation. La décision de cette Cour s’appuyait sur les principes généraux de la Constitution, et elle a décidé que l’effacement des souvenirs à l’échelle nationale était admissible lors « d’un risque imminent envers un intérêt incontestable du peuple américain ». L’intérêt incontestable, dans l’affaire Neilson, était le droit à la sécurité contre le terrorisme, mais d’autres intérêts importants peuvent également correspondre à cette description.

Présidente Diehr : Et, bien entendu, il y a le fait qu’une idée illégale est de la contrebande. Vous savez, personne ne se demande pourquoi il est illégal de posséder des drogues illicites, ou des armes de destruction massive. Une idée peut être tout aussi destructrice que toutes ces choses. Ne paraît-il pas que le gouvernement devrait posséder le pouvoir de confisquer des idées dangereuses afin de protéger le peuple ?

Me Tilghman : C’est en effet la vérité, votre Honneur. La possession d’une pensée illégale devrait être traitée de la même façon que la possession d’un objet illégal. Et une copie illégale d’un travail sous droits d’auteur est une contrebande,

Juge Flook : Bien… bien… mmh. Je peux comprendre l’argument concernant la contrebande d’une manière générale, mais c’est la pente glissante qui m’inquiète. J’étais d’accord avec Neilson mais j’étais préoccupée concernant ce qu’un autre usage de l’EffaceMem National pourrait causer. Poussé trop loin, il pourrait mener à la censure, à un contrôle de l’esprit par le gouvernement, un totalitarisme orwellien. Comment puis-je être sûre, Me Tilghman, que ce que vous demandez ne nous mènera pas vers ces sentiers ?

Me Tilghman : C’est une excellente question du juge Flook. Question qui possède heureusement une réponse simple. Comme je le disais précédemment, Neilson estimait qu’un « intérêt incontestable du peuple américain » pourrait justifier l’utilisation du système EffaceMem National sans nous amener sur ces pentes glissantes. Or, la protection du droit d’auteur correspond à ce type d’intérêt incontestable car le droit d’auteur est un droit fort, absolu.

Présidente Diehr : Bien, cet argument correspond à celui que vous exposez dans votre briefing à propos de la Gestion des droits numériques (NdT : qui correspond aux DRM).

Me Tilghman : C’est exact.

Bien entendu, les DRM sont la technologie qui permet aux œuvres soumises au droit d’auteur de ne pas être utilisées contrairement aux vœux des ayants droit. Il fut un temps, aux débuts de l’informatique, où cette technologie était assez grossière et peu répandue. À cette époque, j’aurais pu rejoindre votre avis, M. Flook : le droit d’auteur était rarement appliqué et le piratage allait bon train.

Mais à la fin du siècle dernier, le monde s’est orienté vers les appareils mobiles, appareils qui pouvaient être tracés, contrôlés voire désactivés à distance. Cela permit de mettre en œuvre des DRM fortes, efficaces, à terme développées par un consortium industriel. Ces DRM sont maintenant incluses dans chaque appareil électronique vendu. Ce standard industriel que sont les DRM permet aux ayants droit d’avoir un contrôle total sur leurs œuvres : ils ont le pouvoir d’empêcher la copie, le pouvoir de contrôler qui utilise l’œuvre, le pouvoir de supprimer les données d’un appareil pour protéger l’œuvre d’un usage abusif. C’est un contrôle absolu.

Sous cet angle, la demande de mon client dans cette affaire ne constitue pas particulièrement une étape majeure. Il contrôle déjà chacun des exemplaires de son œuvre présent dans chaque appareil électronique. Tout ce qu’il souhaite désormais, c’est d’avoir ce contrôle sur les exemplaires stockés dans les esprits des personnes.

Juge Diamond : Attendez… attendez une seconde. Vous oubliez complètement les droits qui existent en contrepartie. Les consommateurs n’ont-ils pas le droit d’effectuer des copies à usage personnel ou de jouer de la musique entre amis ? Tous ces usages font partie des « usages raisonnables », autorisés par les lois sur le droit d’auteur si je me souviens bien. Réaliser des parodies, utiliser des citations dans des articles, enregistrer les émissions diffusées pour les regarder plus tard : tous ces actes sont considérés comme « usages raisonnables » et les personnes ont le droit de le faire malgré le droit d’auteur.

Me Tilghman : Bien que ces exceptions au droit d’auteur restent valables pour les livres, elles ont toutes été remplacées par la loi concernant la Gestion des droits numériques.

Juge Flook : Pour être parfaitement honnête, Me Tilghman, je n’ai pas tout à fait compris cet argument de votre briefing. D’après moi, vous évoquez la section 1201 du Digital Millennium Copyright Act. Or, cette section ne mentionne rien qui concerne le remplacement de l’usage raisonnable et les autres exceptions mentionnées par le juge Diamond. Comment arrivez-vous à la conclusion que la section 1201 remplace de tels éléments ?

Me Tilghman : Il est vrai que c’est un concept délicat, votre Honneur, et je m’excuse si je ne l’ai pas bien expliqué lors des briefings.

Il est vrai que ces exceptions au droit d’auteur, telles que l’usage raisonnable, s’appliquent aux livres. Toutefois, l’applicabilité de ces exceptions est fortement limitée par les DRM et la section 1201. Les DRM modernes s’assurent que les œuvres protégées ne peuvent être utilisées contre la volonté de l’auteur, même si celle-ci va à l’encontre de ces exceptions. La section 1201, quant à elle, a rendu illégal le contournement des DRM. Par l’opération de la loi et de la technologie, il est donc illégal d’utiliser une œuvre protégée par DRM en dehors de ce qui est permis par l’ayant droit, quelle que soit « l’exception statutaire » au droit d’auteur prétendue.

Présidente Diehr : Donc, autrement dit, le Congrès a rendu illégal tout ce qui n’est pas autorisé par les DRM, y compris si les DRM bloquent l’une de ces exceptions au droit d’auteur. Et cela signifie alors que le respect des DRM est en fait plus important que ces exceptions telles que l’usage raisonnable. Est-ce correct ?

Me Tilghman : Oui, c’est tout à fait correct. Avec la section 1201, le Congrès a décidé que les intérêts des ayants droit prévalaient quand cela concernait les données enregistrées sur les appareils. Aucune raison que les données enregistrées dans les esprits soient considérées différemment.

Juge Diamond : Cela me paraît absurde. Cette loi rend-elle illégal l’exercice des droits par les personnes ? Par exemple, qu’en est-il de l’exercice du droit à un usage raisonnable ?

Me Tilghman : Cela vous paraît peut-être absurde que les DRM outrepassent légalement l’usage raisonnable mais cela a été établi par la loi depuis longtemps. Une affaire datant de 2001, Universal City Studios contre Corley, a spécifiquement énoncé que le contournement des DRM était illégal en raison de la section 1201 et ce, même si cela était fait dans un but d’usage raisonnable. L’affaire MDY Industries contre Blizzard Entertainment, datée de 2010, a abouti à la même conclusion.

Si les décisions liées à ces affaires étaient injustifiées, le Congrès a disposé de 40 ans pour changer la loi. Il n’y a eu aucun changement sur ces points. La section 1201 reste écrite telle qu’elle a été adoptée. Cela permet de montrer que le droit d’auteur est aujourd’hui un pouvoir de contrôle total. C’est un droit très fort.

Juge Flook : Ceci est fascinant. Je pense que je comprends maintenant votre argument comme quoi le droit d’auteur est un droit fort. Mais reprenons un peu de recul.

Cette affaire concerne l’effacement de souvenirs dans les esprits des citoyens. Dans les esprits de tous les citoyens. Je comprends maintenant votre argument expliquant que le droit d’auteur est un droit fort, soutenu par les DRM et des lois telles que la section 1201. Toutefois, je ne suis pas sûr des raisons qui nous pousseraient à passer de ce droit fort à ce remède que serait l’effacement de la mémoire.

Il est évident que cette loi EffaceMem est très récente et nous sommes toujours en train de réfléchir à ses implications avec les autres domaines législatifs. Mais j’aimerais être sûr qu’il ne s’agit pas des prises de pouvoir observées dans les années 20 et 30, époque à laquelle de grandes entreprises du nucléaire ont prétendu à toutes sortes de droits suite à des interprétations excentriques des lois environnementales. Quel est le besoin légitime des ayants droit d’effacer les souvenirs des personnes ?

Me Tilghman : Le besoin légitime, c’est l’intérêt d’un contrôle total sur une œuvre protégée par le droit d’auteur. Cet intérêt d’un contrôle total est légitimé par les DRM et les protections offertes par la section 1201 qui permettent un tel contrôle. Les lois actuelles sur le droit d’auteur donnent aux ayants droit un pouvoir total, intégral, sur leurs œuvres protégées.

Le pouvoir de contrôler, c’est le pouvoir d’effacer. Les systèmes de DRM modernes permettent déjà aux ayants droit de supprimer les exemplaires qui sont en infraction grâce à un simple bouton. Les copies physiques qui violent le droit d’auteur peuvent être détruites conformément à la section 503(b) du Copyright Act. Et depuis que la commission américaine sur le commerce international a commencé, en 2014, à considérer les transmissions de données comme des importations de biens, elle a régulièrement saisi et bloqué des informations sur Internet. Il ne fait aucun doute que la suppression des informations de la pensée publique sera un remède tout à fait accepté pour le non-respect du droit d’auteur.

Pourquoi est-ce que cela devrait avoir une importance que les informations soient retirées d’un disque de silicium ou d’un neurone humain ? Comme la présidente Diehr l’expliquait précédemment, les informations qui portent atteinte au droit d’auteur, comme la chanson Straight Focus de M. Vails, constituent de la contrebande, quel que soit l’endroit où ces informations sont stockées. En fin de compte, tout ce que nous demandons dans cette affaire, c’est de modestement pouvoir transposer aux esprits humains le pouvoir que les ayants droit ont sur les ordinateurs, grâce aux DRM. S’il est possible d’empêcher les tablettes de penser quoi que ce soit d’illégal, pourquoi ne devrions-nous pas empêcher les personnes d’utiliser leurs têtes pour violer les droits applicables aux –si bien nommées– propriétés intellectuelles ?

La seule raison qui permettait aux exemplaires en infraction d’être conservés dans les esprits des personnes était que nous ne disposions pas des technologies pour effacer ces exemplaires des souvenirs. Aujourd’hui, nous disposons d’une telle technologie. Pour cette raison, j’exhorte la Cour de prendre une décision logique et dans l’ordre des choses pour la protection des ayants droit et pour leur permettre de protéger pleinement ce qui leur appartient.

Présidente Diehr : Merci, Me Tilghman.

Me Proctor ?

 

 

VI.

À la Cour suprême des États-Unis

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Audience de l’avocate Maître Willa M. Proctor

représentant la défense, Alfred Vail Enterprises, Inc.

Le 12 février 2048
Me Proctor : Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les juges,

Depuis les quelques trois siècles que les États-Unis d’Amérique sont une nation, l’inviolabilité de l’esprit est un principe central. La poursuite du bonheur – la poursuite de la pensée individuelle – s’y inscrit, avec la vie et la liberté, comme un droit inaliénable.

Or, c’est cette poursuite du bonheur qui est fondamentalement remise en cause dans ce tribunal aujourd’hui. Le plaignant vise à violer le droit fondamental à la liberté de penser, à la fidélité des idées, à la poursuite du bonheur. Il vise à violer ces principes pour justifier de la protection de la propriété intellectuelle.

La liberté de pensée n’est certainement pas absolue comme l’a reconnu ce tribunal dans l’affaire Neilson. Mais au même titre que la liberté d’expression, le droit à un procès équitable et le droit à une défense égale, c’est un droit fondamental, qui ne peut être brisé que lorsqu’existe un intérêt primordial pour la partie adverse : un intérêt tel que le terrorisme ou la sécurité nationale.

Le droit d’auteur ne représente pas un tel intérêt. Il ne met pas la sécurité ou la protection de la nation en jeu, il s’agit purement de l’intérêt financier d’une seule personne.

Présidente Diehr : Bien, l’intérêt d’une seule personne ne peut-il pas être primordial s’il est suffisamment fort ? L’intérêt à protéger une personne d’un crime violent ou les droits fondamentaux d’une personne, protégés par la loi, représentent certainement de tels intérêts primordiaux. Et si, comme Me Tilghman le suggérait, le droit d’auteur est un droit fort, absolu, pourquoi ne devrait-il pas s’inscrire dans cette catégorie d’intérêts primordiaux méritant la plus haute protection ?

Me Proctor : Eh bien nous y voilà, votre Honneur, le droit d’auteur n’est pas aussi absolu que ce que Me Tilghman aimerait nous le faire croire. L’exception la plus connue à l’encontre de ce caractère absolu du droit d’auteur est la doctrine de l’usage raisonnable par laquelle quelqu’un peut commettre un acte semblable à une infraction au droit d’auteur sans en porter la responsabilité, car l’utilisation qui est faite de l’œuvre est jugée raisonnable et acceptable.

Présidente Diehr : Me Tilghman a expliqué que les DRM et la section 1201 l’avaient emporté sur l’usage raisonnable. Quelle réponse apportez-vous à cette explication ?

Me Proctor : Il a peut être raison d’un point de vue pratique mais l’anéantissement de l’usage raisonnable ne doit pas être propagé ou appuyé par ce tribunal. Les doctrines comme celle de l’usage raisonnable sont majeures afin de permettre aux artistes et créateurs de continuer leurs travaux. Tout art est construit sur les succès et les inspirations du passé. De la même façon qu’aujourd’hui ce tribunal cite des affaires passées au sein des avis qu’il rend, un roman fera référence à des travaux précédents, un peintre utilisera les techniques des grands maîtres, un musicien empruntera différentes idées à des genres et musiques diverses.

Ainsi, même si les DRM et la section 1201 ont diminué cette doctrine de l’usage raisonnable pour les appareils électroniques, ce tribunal ne devrait pas la diminuer encore en déclarant le droit d’auteur comme un droit complètement absolu. Et c’est pour cette simple raison que le système EffaceMem National ne peut être approprié ici. Ce système est réservé pour des situations portant sur des droits absolus, où il n’y a aucune valeur compensatrice pour la partie opposée.

Juge Diamond : Les nombreuses lois appliquées dans les états qui régulent l’usage de la technologie EffaceMem devraient confirmer votre point de vue selon lequel le système EffaceMem National est réservé pour des cas d’importance absolue, n’est-ce pas ?

Me Proctor : Certainement, votre Honneur. Lorsque EffaceMem est devenu populaire il y a quelques années, les états ont immédiatement agi afin de réguler l’industrie qui aurait pu abuser de cette technologie. Aujourd’hui, chacun des cinquante-deux états possède des lois précisant les autorisations pour les opérateurs EffaceMem, limitant les opérations d’effacement de mémoire à un ensemble restreint de situations appropriées, imposant des périodes d’attente pour ceux qui souhaitent l’utiliser, requérant des vérifications conséquentes pour vérifier le consentement et l’information des personnes.

Juge Diehr : Et toutes ces lois sont inapplicables ici. Comme vous le savez sûrement, le National Security Act de 2040 est prioritaire sur ces lois et permet au système EffaceMem National d’être utilisé pour « protéger n’importe quel intérêt ou droit national » selon les termes de la loi. Ainsi, l’application d’un droit créé par le gouvernement américain, disons le droit d’auteur, est explicitement permis même si les lois que vous mentionnez existent, n’est-ce pas ?

Me Proctor : Votre Honneur, le National Security Act a été promulgué cinq mois seulement après les attaques terroristes d’août 2039 et il paraît évident que cette loi a été conçue pour traiter du terrorisme et de la sécurité nationale. Peut-être que le texte de la loi suggère que cette loi outrepasse les lois des états lorsqu’il s’agit de protéger les droits d’auteur. Mais replacée dans le contexte dans lequel le National Security Act a été passé, c’est une interprétation vraiment très large de la loi.

Juge Flook : Il me semble, Maître, que vous faites référence au problème plus large dont nous avons discuté avec Me Tilghman : celui des pentes glissantes. Si le droit d’auteur n’est pas un intérêt aussi fort que la sécurité nationale, permettre d’utiliser le système EffaceMem National pour faire respecter le droit d’auteur ouvrirait alors la porte à toutes sortes d’utilisations inconsidérées du système.

Me Proctor : C’est exactement là qu’est mon souci, votre Honneur. Les abus autour de l’effacement de mémoire, les abus autour d’un effacement national, généralisé, de la mémoire, sont faciles à imaginer. Un parti politique au pouvoir pourrait l’utiliser pour affaiblir les opinions envers le parti opposé. Les grosses entreprises pourraient l’utiliser pour saboter d’autres entreprises. L’effacement des souvenirs pourrait devenir un outil d’oppression, d’ostracisme, de…

Présidente Diehr : Eh bien, il me semble qu’il existe de nombreuses autres situations pour lesquelles il serait approprié d’utiliser ce système. Notamment pour les fuites d’informations classées secrètes. Le gouvernement ne devrait-il pas être en mesure d’utiliser le système EffaceMem National pour empêcher de telles fuites ?

Me Proctor : Les fuites d’informations classées secrètes relèvent de la sécurité nationale et il faut donc s’en protéger comme du terrorisme. Aussi, quand bien même utiliser EffaceMem pour empêcher ces fuites serait approprié, cela ne signifie rien pour l’utilisation du système EffaceMem National dans le cas d’un non-respect du droit d’auteur.

Présidente Diehr : D’accord, prenons dans ce cas un exemple portant sur le droit d’auteur. Disons que nous avons une situation comme l’ancienne affaire sur le droit d’auteur Harper & Row contre Nation Enterprises, dans laquelle un magazine met la main sur un livre avant sa publication, dévoile le livre et publie ses meilleurs extraits en avance. Cela détruit le marché pour le livre et est entièrement contraire au droit exclusif de distribution d’une œuvre protégée par le droit d’auteur. Le seul remède pour l’ayant droit est d’effacer tout souvenir de ces révélations afin que le livre puisse être vendu et lu de nouveau. Ce cas n’est-il pas approprié pour un tel système ?

Me Proctor : Non, votre Honneur.

Juge Flook : Hein ?

Me Proctor : Pardon ?

Juge Flook : Bien… mmh. L’argument avancé par la présidente Diehr est intéressant. Je connaissais l’affaire Harper & Row mais je ne l’avais pas considérée de cette façon.

Ça me rappelle quelque chose qui m’est arrivé il y a quelques années, lorsque j’étais encore étudiant en droit. J’avais travaillé sur un projet de recherche sur les lois locales de 2012 à propos des sacs plastiques. J’ai passé des mois à fouiller parmi les registres législatifs municipaux, j’ai même dû me rendre dans un hôtel de ville qui conserve encore les lois dans des registres papier.

À la fin, j’avais collecté toutes les données dont j’avais besoin et j’avais commencé à écrire mon article sur le sujet. Je savais que ça allait être quelque chose, au moins pour un étudiant en troisième année dont le nom n’apparaissait que dans une note d’une revue législative. Mais j’ai parlé de ces résultats à un des professeurs de l’époque. Celui-ci a répété la conclusion principale lors d’une conférence de presse. Bien sûr, cette conclusion s’est répandue sur tous les sites d’informations en quelques jours.

Je suppose que j’aurais dû être content que les faits soient diffusés de cette façon. Mais, quand mon article a été prêt à être publié deux mois après, bien sûr, plus personne n’était intéressé. L’article fut finalement rejeté et le semestre que j’y avais consacré fut perdu.

Manifestement, j’ai réussi sur d’autres travaux…

Juge Diamond : Je pense que vous avez plutôt réussi, juge Flook.

(Rires)

Juge Flook : Eh bien, étant assis sur le banc avec vous, je ne dois pas être si mauvais.

(Rires)

Je suppose que ce que je retiens de cet incident c’est que d’avoir un contrôle sur son propre travail est très important. J’ai perdu le contrôle sur mes recherches. Aujourd’hui, la technologie peut remédier à ça. Les DRM permettent aux ayants droit de contrôler leurs œuvres sur les appareils. Peut-être que cette technologie a été controversée au début mais aujourd’hui, tout le monde l’accepte vu que la section 1201 n’a pas été modifiée. Pourquoi ne devrions-nous pas avoir le contrôle de nos œuvres qui sont dans les esprits des autres ? C’est tout ce que M. Whitman demande, n’est-ce pas ? Une sorte de deuxième chance pour retirer les informations transgressives qui n’auraient jamais dues être diffusées en premier lieu.

Présidente Diehr : Quelque chose qui ressemble peut-être au nettoyage d’un polluant ? Cela pourrait être une analogie environnementale.

Juge Flook : Mmh… Oui, peut-être. C’est peut-être le parallèle que je cherchais quand je demandais si l’effacement de mémoire était la bonne solution ici. Un peu comme on nettoie les produits chimiques de l’air, nous nettoyons les esprits des informations qui n’auraient pas dû y être.

Me Proctor : Je… je vois que mon temps de parole est écoulé, pourrais-je…

Présidente Dieh : Le tribunal vous accorde une à deux minutes pour répondre.

Me Proctor : Merci, votre Honneur. Pour répondre à votre question M. Flook, nous ne faisons pas que nettoyer les esprits d’une information. Nous nettoyons beaucoup plus.

Lorsque j’ai parlé avec mon client, M. Vail, de l’importance de sa chanson, il m’a expliqué que cette musique était intimement liée au souvenir de sa fille, Sarah Vail. Straight Focus est composée des morceaux favoris de Sarah et les souvenirs qu’il a de cette chanson sont des souvenirs d’elle. La chanson utilise également les techniques neurologiques qu’il a inventées afin de mélanger ces morceaux et de déclencher les souvenirs de Sarah dans son esprit. C’est, à proprement parler, cette chanson qui garde la fille de M. Vail en vie pour lui. Lui confisquer les souvenirs c’est lui retirer ce fragment d’elle.

Ce résultat déplorable ne l’est que plus pour les fans de cette chanson. Ces derniers ont apprécié ce morceau et ont construit leurs propres souvenirs autour. Les artistes ont créé des remixes et reprises à partir de ce morceau grâce à des éléments personnels et créatifs.

Devrions-nous abandonner toute cette création, tout ce progrès, toutes ces pensées et tout ce bonheur pour la seule requête, unilatérale, d’un compositeur ? La Constitution des États-Unis affirme que la loi sur le droit d’auteur doit « promouvoir le progrès de la science et les arts utiles ». Or, l’effacement de mémoire demandé par M. Whitman n’effacerait pas uniquement la chanson contrevenante, qui était déjà un travail d’adaptation, mais aussi toutes les œuvres progressives créées à partir de celle-ci. L’effacement est une régression, pas un progrès, et ce tribunal ne saurait l’autoriser.

Présidente Diehr : Merci, Me Proctor, l’affaire est soumise au vote.

 

 

VII.

The Washington Post

La Cour suprême autorise l’effacement d’une chanson de la mémoire nationale

Le 25 juin 2046

Dans une décision très controversée, la Cour suprême a approuvé par cinq voix contre quatre la décision à l’encontre du géant de la musique et de la technologie Vail Enterprises, exigeant l’utilisation du système EffaceMem National pour effacer tous les souvenirs du tube Straight Focus des esprits de tous les citoyens des États-Unis.

Représentant la majorité, le juge Flook a rappelé ses préoccupations quant à la restriction nécessaire des usages du système EffaceMem National pour que celui-ci ne soit utilisé que pour les « infractions graves ». Il reste toutefois persuadé que « les mesures pour un droit d’auteur fort, développées ces dernières décennies indiquent que la nation considère désormais l’atteinte au droit d’auteur comme une de ces infractions graves ». Dans la suite de son discours, il a déclaré que « la suppression des souvenirs est un remède approprié étant donné les mesures existantes permettant aux ayants droit de supprimer les idées exprimées sur presque tous les autres supports, notamment en raison de la section 1201 et des autres parties de la loi sur le droit d’auteur ».

En désaccord, le juge Diamond a trouvé la décision « diamétralement opposée aux conditions constitutionnelles nécessaires pour que les droits d’auteur puissent promouvoir le progrès des arts et de la science » et a prédit que cette décision mènerait à « une ère dépourvue de toute musique, toute œuvre littéraire, toute création qui se baserait sur une œuvre passée ».

Les dirigeants de l’industrie musicale ont applaudi cette décision de la Cour suprême approuvant la suppression de la mémoire. Clifford King, président de la Recording Industry Association of America a déclaré : « Le droit d’auteur devrait fournir aux créateurs un contrôle total sur leurs œuvres et sur la manière dont le public les perçoit. Éliminer ces contenus illicites des esprits des gens s’inscrit dans ce contrôle. »

Les avocats en faveur des libertés individuelles ont désapprouvé ce message. « Le droit d’une personne à être libre de penser outrepasse l’intérêt commercial du droit d’auteur » peut-on lire dans une lettre signée ce matin par vingt organisations à but non lucratif qui demandent au Congrès de casser ce jugement et cette décision.

La décision affectera vraisemblablement et en premier lieu le créateur de Straight Focus, Alfred Vail, contraint à mettre en œuvre l’effacement des souvenirs de son propre morceau. M. Vail n’a pu être contacté pour répondre sur le sujet. Son voisinage a indiqué ne pas l’avoir vu quitter son domicile depuis l’annonce de la décision.

Cet acte exceptionnel d’effacement de mémoire, dans le cadre du non respect du droit d’auteur, restera unique pendant quelque temps. En effet, celui-ci intervient uniquement par un concours de circonstances qui font que le coupable est aussi le propriétaire du système EffaceMem National. Toutefois, cela pourrait ne pas durer longtemps : les brevets portant sur EffaceMem expireront dans deux ans.

M. King a déclaré : « Nous sommes aux débuts de la préparation de notre nouveau système, provisoirement appelé Gestion des droits mentaux. Cela permettra à chaque auteur, artiste, compositeur de récolter les bénéfices de cet effacement de mémoire, autorisé par la décision de la Cour suprême. »

Dans le cadre de cette affaire, l’activation du système EffaceMem National n’aura pas lieu avant plusieurs semaines, vraisemblablement pas avant fin juillet. Les ingénieurs travaillant sur le système coderont les paramètres correspondant à l’information à supprimer afin qu’aucun souvenir (pas même le souvenir que le souvenir ait été effacé) ne subsiste.

Comme pour les autres activations du système, celle-ci aura probablement lieu en fin de matinée ou en début d’après-midi afin de minimiser le dérangement. La procédure consistera à diffuser, pendant environ quinze secondes, des sons graves et rythmés – dont certains les ont décrits comme lyriques ou apaisants – suffisamment forts pour pénétrer dans les bâtiments. Ces sons sont calibrés pour retirer tout souvenir de la chanson. Après ces quelques secondes, la musique se taira.

 

VII.

Message de Rand. A. Warsaw pour Alice Stevens Vail

Le 4 avril 2084

Coucou Maman,

(J’essaie ce nouveau truc pour transcrire directement mes pensées – désolé si c’est un peu brouillon, j’ai encore du mal à me concentrer mentalement.)

Je m’occupais des affaires de Papy Al afin qu’elles soient prêtes pour la licitation de la semaine prochaine (ça va tellement vite, je n’arrive pas à croire que l’enterrement a eu lieu la semaine dernière). Parmi toutes ces affaires, il y avait une boîte coincée derrière un bureau dans le grenier. À première vue, on aurait dit qu’elle était tombée ici par accident – ça doit faire des années qu’elle est ici, elle était tellement poussiéreuse – mais je pense que Papy a peut-être voulu la cacher.

À l’intérieur, il y avait quelques documents législatifs et quelques coupures de journaux sur un procès concernant une chanson qu’il avait écrite. Je ne savais pas du tout qu’il avait été musicien. Cela dit, ça ne me surprend pas vu que les documents mentionnent l’effacement généralisé des souvenirs de sa chanson.

Sur le haut de la pile de papiers, il y avait cette note :

26 juin 2046. Lundi dernier, la Cour suprême a approuvé l’éradication de ma chanson Straight Focus de la mémoire collective. Ma chanson ! Chanson pour laquelle j’ai passé des mois à réfléchir et à organiser. Tout ça pour quelques notes idiotes empruntées à quelqu’un d’autre.

J’ai pensé à quitter le pays pour au moins échapper à la sentence d’EffaceMem. Malheureusement, le juge a déclaré que je devais être présent pour appliquer la sentence et activer le système dans un mois. En plus, le gars de la RIAA (NdT : Association de l’industrie du disque étatsunienne) a dit que ce n’était qu’une question de temps avant que leur système de Gestion des droits mentaux soit mondial.

J’espérais vraiment laisser Straight Focus en héritage. Je me rappelle avoir expliqué EffaceMem à Sarah quand elle avait sept ou huit ans. Elle m’avait dit : « Papa, peut-être que tu devrais faire quelque chose pour que les gens se souviennent plutôt que pour qu’ils oublient. » Après qu’elle a perdu sa bataille contre le cancer, j’ai pris conscience que je voulais faire quelque chose dont les gens se souviendraient – quelque chose qui me permettrait de me souvenir d’elle.

Straight Focus a permis ça. Tout le monde aimait cette chanson, il y avait plein de superbes versions faites par les fans, des vidéos et tout. Je partageais mes nouvelles idées musicales avec le monde entier, créant quelque chose qui puisse rester dans les mémoires.

Le droit d’auteur est supposé protéger les artistes comme moi, n’est-ce pas ? Mais ici, c’est la loi sur le droit d’auteur qui détruit ma création. Comment ont-ils pu rester aveugles face à ce qui allait arriver ? Comment ont-ils pu laisser cette stupide loi 1201 telle quelle pendant presque cinquante ans ?

La vie est pleine d’ironie. La dernière chose à laquelle je m’attendais était que ma propre technologie d’effacement de mémoire soit utilisée contre mes idées.

Depuis que Sarah est morte, ça a été une chute continuelle. Elle aimait la musique et il n’y avait rien de plus important que sa playlist favorite. Après l’avoir perdue, cette playlist a failli m’échapper avant qu’ils ne la suppriment en raison de la loi sur la succession des biens numériques (plutôt étrange que votre parent ne puisse hériter de votre bibliothèque musicale). J’ai créé Straight Focus pour garder son souvenir en vie mais ils ont supprimé cette chanson, y compris sur mes propres ordinateurs.

Et maintenant, ils suppriment même les souvenirs de cette chanson sur elle. C’est comme s’ils la supprimaient de mon esprit.

Avant donc que mes souvenirs me soient pris le mois prochain, je vais emballer ce qui me reste de cette chanson – presque tous mes souvenirs de Sarah, je pense. Je pensais à laisser la boîte sous mon bureau pour que je puisse la voir après qu’ils auront lancé EffaceMem. Toutefois, mes pensées actuelles sont trop tristes et trop douloureuses et je ne sais pas si je veux rouvrir ces blessures après avoir perdu mes souvenirs. Je vais donc placer cette boîte ici, dans le grenier. Peut-être que je la retrouverai un jour, espérons dans de meilleures circonstances.

Il y a aussi cette cartouche en plastique qui fait environ la taille de ma main avec une sorte de bande marron brillante à l’intérieur. Il y a écrit Straight Focus dessus. Il y a également cette machine noire avec des boutons et on dirait que la cartouche peut y être insérée mais je n’arrive pas à l’allumer. Je pense qu’il faut une source d’énergie. J’ai essayé tous les chargeurs sans fil à induction que j’ai à la maison, aucun n’a fonctionné. Je suppose que la machine doit être trop ancienne pour ça.

J’apporterai tout ce que j’ai trouvé quand je viendrai demain. On demandera à Oncle James s’il peut trouver une solution vu qu’il aime toutes ces machines du XXIe siècle. Qui sait, peut-être que nous découvrirons toute une facette d’Alfred Vail dont nous n’avions jamais entendu parler.

 

Merci à l’équipe Framalang de ce gros travail de traduction !

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Wooster by CheckmyWebsite : Speed Index : Mesure de la performance des sites web

vendredi 28 août 2015 à 08:00

Avant propos

Cet article est une traduction française de la page d’explication du Speed Index de WebPageTest. Le « nous » correspond donc aux auteurs initiaux de cette page. Le document étant particulièrement difficile à traduire, n’hésitez pas à laisser des remarques en commentaires concernant la traduction.

Introduction

L’indice Speed Index a été ajouté à WebPagetest en Avril 2012. Il mesure la vitesse à laquelle le contenu visible d’une page web est affiché « les nombres inférieurs sont meilleurs ». Il est particulièrement utile pour comparer les pages les unes par rapport aux autres (avant / après optimisation, mon site vs concurrent, etc.) et doit être utilisé en combinaison avec les autres paramètres (temps de chargement, début d’affichage, etc) afin de mieux comprendre la performance d’un site.

Le problème

Historiquement, nous déterminons la vitesse d’un site web en mesurant les différents événements de chargement d’une page. L’événement le plus communément mesuré avec cette méthode est le moment où le navigateur atteint l’événement onload dans le document principal. C’est un événement facile à mesurer à la fois dans un environnement de développement et dans le monde réel.

Malheureusement, ce n’est pas un très bon indicateur de l’expérience réelle de l’utilisateur. En effet, le temps pour atteindre cet événement s’allonge au fur et à mesure que les pages web s’alourdissent même si une grande partie du contenu est situé en dessous de la « ligne de flotaison ».

Nous avons donc introduit des nouvelles métriques au fil du temps afin d’essayer de mieux représenter le temps d’affichage d’une page (temps du premier affichage, l’événement « DOM content ready », etc). Cependant, ces métriques sont toutes fondamentalement biaisées car elles ne mesurent qu’un seul point et ne représentent pas l’expérience réelle de l’utilisateur final.

Présentation du Speed Index

Le Speed Index prend en compte l’avancement du chargement de la partie visible d’une page et calcule une note globale pour la rapidité avec laquelle cette partie est affichée.

Pour ce faire, le Speed Index doit d’abord être en mesure de calculer le taux de complétion d’affichage de la page à divers points dans le temps pendant le chargement de celle-ci. Dans WebPagetest, cela se fait par la capture d’une vidéo du chargement de la page dans le navigateur et par l’analyse de chaque image, soit 10 images par seconde actuellement. L’algorithme actuel de calcul de la complétion de chaque image est décrit ci-dessous. Mais pour le moment, supposons que nous pouvons attribuer à chaque image vidéo un pourcentage de complétion. Ce sont les chiffres affichés sous chaque image (« A » est en haut et « B » en bas):

Comparaison de l’affichage de deux pages
Comparaison de l’affichage de deux pages

Si nous traçons l’intégralité du chargement d’une page au fil du temps, nous allons obtenir quelque chose qui ressemble à ceci :

Temps d’affichage de la partie visible d’une page
Temps d’affichage de la partie visible d’une page

Nous pouvons alors convertir cette progression en nombre en calculant l’aire sous la courbe :

Temps d’affichage de la partie visible pour ATemps d’affichage de la partie visible pour B

Ce serait formidable, sauf pour un petit détail. Cela peut être sans limite. Si une page continue de se charger pendant 10 secondes après que la partie visible soit affichée, le score aurait tendance à continuer d’augmenter.

Utiliser la « zone au-dessus du graphique » et passer par un calcul de la partie non affichée de la page dans le temps nous donne une zone bien délimitée qui se termine lorsque la page est chargée à 100% et se rapproche de 0 en fonction de la rapidité de chargement de celle-ci :

Temps restant pour l’affichage complet de ATemps restant pour l’affichage complet de B

Formule de calcul du Speed Index
Formule de calcul du Speed Index

L’indice de vitesse est la « zone au-dessus de la courbe » calculée en ms et qui utilise 0,0 - 1,0 (0% - 100%) pour la partie visuelle dont le chargement est terminé. L’algorithme prend en compte chaque intervalle de 100ms (10 images par seconde) et calcule un IntervalScore = Intervalle * (1,0 - (Complétion / 100)) dans lequel :

  • complétion est le pourcentage du rendu de la partie visuelle pour cette trame et
  • Interval est le temps écoulé pour cette trame vidéo en ms « 100 dans ce cas ».

Le score global est juste une somme des intervalles individuels : SUM (IntervalScore)

A titre de comparaison, voici ce que donne la capture des images vidéo pour deux pages distinctes (« A » est en haut et « B » en bas):

Captures vidéo pour deux pages distinctes
Captures vidéo pour deux pages distinctes

Mesurer les progrès visuel

Je signale au passage que la façon dont la « complétion » de chaque trame vidéo est calculée et le calcul du Speed Index lui-même sont indépendants. Le calcul du Speed Index peut-être utilisés avec différentes méthodes de calcul de la complétion. Deux méthodes sont disponibles actuellement :

Progrès visuel à partir de captures vidéo

Une approche simpliste pourrait inspecter chaque pixel de l’image et comparerait ce résultat à l’image finale pour ensuite calculer le pourcentage de pixels correspondant pour chaque trame. Il serait peut-être possible d’ignorer les pixels correspondants aux images de début et de fin de trames.

Le principal problème avec cette approche est que les pages Web sont fluides. Le chargement d’un bandeau publicitaire peut provoquer un déplacement du reste de la page. Dans un mode basé sur la comparaison de pixels, cela changerait chaque pixel de l’écran ainsi modifié, même si le contenu effectif est simplement décalé vers le bas d’un seul pixel.

La technique retenue était de prendre des histogrammes des couleurs de l’image (un pour le rouge, un pour le vert et un pour le bleu). Il suffit alors de regarder la répartition globale des couleurs sur la page. Nous calculons la différence entre les histogrammes de départ (pour la première image de la vidéo) et l’histogramme de fin (dernière image de la vidéo) et utilisons cette différence comme ligne de base. La différence de l’histogramme de chaque image dans la vidéo par rapport au premier histogramme est comparé à la valeur de référence pour déterminer la « complétion » de chaque trame vidéo. Il y a certains cas où ce ne sera pas vraiment précis, mais le compromis s’est avéré très utile pour la grande majorité des pages que nous avons testé avec cette technique.

Ceci est la première méthode qui a été utilisé pour calculer les progrès visuels lorsque le Speed Index a été initialement créé et fonctionne encore bien. Il y a cependant des cas où cela pose problème (vidéos intégrées aux pages, diaporamas animés ou grands interstitiels).

Cette méthode est très sensible à l’état final et fait son calcul sur la base de l’état d’avancement de l’image finale. C’est également seulement mesurable en laboratoire et repose sur la capture vidéo, ce qui n’est pas toujours possible.

Progrès visuel à partir d’événements d’affichage

Plus récemment, nous avons « avec succès » expérimenté l’utilisation des événements d’affichage qui sont exposés par Webkit au travers des outils de développement de type chronologie (également disponibles pour des extensions et à travers le protocole de débogage à distance).

Cette méthode est disponible sur tous les navigateurs récents basés sur Webkit, que ce soit sur PC ou mobiles, et ce sur toutes les plateformes. Elle est également très légère et ne nécessite pas de capture vidéo. Elle est peu sensible à la façon dont est implémenté le moteur de rendu dans un navigateur donné de sorte qu’il n’est pas aussi utile de comparer les performances entre différents navigateurs.

Afin d’obtenir des données utiles, il faut utiliser un peu de filtrage et de pondération.

L’algorithme spécifique que nous utilisons pour calculer le Speed Index à partir des outils de développement relatifs à l’affichage est :

  • Dans le cas des navigateurs basés sur Webkit, nous recueillons les données de type chronologiques qui comprennent l’affichage de rectangles ainsi que d’autres événements utiles.
  • Nous filtrons les événements d’affichage qui se produisent avant la première mise en page. Cette mise en page se produit dès que les premières données de la réponse sont reçues.
    • Réception de la réponse pour la ressource -> Mise en page -> Événements d’afichage.
    • C’est fait ainsi parce que le navigateur procède à plusieurs événements d’affichage avant que la moindre donnée ne soit effectivement traitée.
  • Nous regroupons tous les événements d’affichage pour le rectangle qu’ils mettent à jour (ID de trame, x, y, largeur, hauteur).
  • Nous considérons que le plus grand rectangle d’affichage ainsi crée correspond au rectangle « plein écran ».
  • Chaque rectangle contribue à un score total global. Les points disponibles pour un rectangle forment le domaine de ce rectangle (largeur x hauteur).
  • L’affichage plein écran (n’importe quel événement d’affichage pour le plus grand rectangle) est compté pour 50% de sorte qu’il contribue toujours sans dominer la progression.
  • Le total général est la somme des points pour chaque rectangle.
  • Les points pour un rectangle donné sont répartis uniformément sur tous les événements d’affichage qu’affiche ce rectangle.
    • Un rectangle avec un événement d’affichage unique aura toute sa surface comme contribution.
    • Un rectangle avec 4 événements d’affichage versera 25% de sa zone pour chaque événement d’affichage.
  • La fin de cycle pour un événement donné d’affichage est utilisée pour le temps de cet événement d’affichage.
  • La progression visuelle est calculée en additionnant la contribution de chaque événement d’affichage pour un total cumulé, approchant le total général (100%).

Indices de référence Speed Index

Connexion câble à 5Mbps

Résultats des test effectués par HTTP Archive sur le top 300 000 de Alexa :

Distribution des scores Speed Index pour le top 300 000 Alexa
Distribution des scores Speed Index pour le top 300 000 Alexa

Connexion DSL à 1.5Mbps

Résultats des test effectués par HTTP Archive sur le top 100 000 de Alexa :

Distribution des scores Speed Index pour le top 100 000 Alexa
Distribution des scores Speed Index pour le top 100 000 Alexa

Le Speed Index dans Check my Website

Le Speed Index est désormais intégré à la nouvelle offre Check my Website en cours d’élaboration. Contactez-nous pour avoir plus de détail ou pour essayer cette nouvelle offre destinée à ceux souhaitant avoir le maximum de profondeur sur tous les aspects performance de leurs sites web.

Graphe Speed Index dans la console détaillée Check my Website
Graphe Speed Index dans la console détaillée Check my Website

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Carl Chenet : Liens intéressants Journal du hacker semaine #35

jeudi 27 août 2015 à 22:30

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Pour cette 35ème semaine de 2015, 5 liens intéressants que vous avez peut-être ratés, relayés cette semaine par le Journal Du Hacker, votre source d’informations pour le Logiciel Libre francophone !

firefox-logo

bouton-debian

Pour ne plus rater aucun article de la communauté francophone, voici :

De plus le site web du Journal du hacker est « adaptatif (responsive) ». N’hésitez pas à le consulter depuis votre smartphone ou votre tablette !

Le Journal du hacker fonctionne de manière collaborative, grâce à la participation de ses membres. Rejoignez-nous pour proposer vos contenus à partager avec la communauté du Logiciel Libre francophone et faire connaître vos projets.

Et vous ? Qu’avez-vous pensé de ces articles ? N’hésitez pas à réagir directement dans les commentaires de l’article sur le Journal du hacker ou bien dans les commentaires de ce billet :)

 

 


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Tuxicoman : Mettre à jour un Moto G 2013 de CM 11 à CM 12

jeudi 27 août 2015 à 10:31

Si vous essayez de mettre à jour votre Moto G de Cyanogen 11 à Cyanogen 12.x, vous risquez grandement de tomber sur cette erreur :

This package supports bootloader(s): 0x4118; this device has bootloader unknown.

La raison est que Android 5.x nécessite un bootloader plus récent que celui que vous avez. On va régler ça.

Téléchargez le fichier « motoboot_4119_xt1032.img » qui se trouve dans le dossier « bootloader » si votre modèle est bien xt1032 (c’est écrit sous la batterie)

Connecter votre téléphone normalement allumé à votre ordinateur en ayant activé le « Débogage Android » dans les options développeur du téléphone.Vous devriez le voir si vous tapez :

# adb devices

Installez le nouveau bootloader :

# adb reboot bootloader
# fastboot flash motoboot bootloaders/motoboot_4119_xt1032.img
# fastboot reboot

Voila, vous pouvez maintenant télécharger Cyanogen 12.x et mettre à jour votre téléphone.

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Cyrille BORNE : Manjaro quelques éléments de gestion

jeudi 27 août 2015 à 10:20

Dernièrement Cyrille a rédigé un billet au sujet de la distribution Manjaro qui est, c'est certain, une distribution bien intéressante à utiliser de par sa relative légèreté, son côté plutôt complet pour un usage courant, sa finition réussie mais sans surcharge et décorum inutile, son côté rolling release basée sur Archlinux, tout ceci sans oublier son forum francophone et son wiki animé par ewolnux, Loubrix, et toute l'équipe. J'utilise d'ailleurs et entretiens une Manjaro depuis environ deux ans maintenant comme distribution secondaire et en suis dans l'ensemble satisfait.

Malgré ces qualités tout n'est pas rose pour autant avec Manjaro. Autant mettre les points sur les i d'emblée, la distribution idéale n'existe pas, toutes ont leurs avantages et inconvénients. Par ailleurs Linux n'a jamais été un long fleuve tranquille et ne le sera probablement jamais, ou alors peut-être un jour mais au prix de beaucoup de « sacrifices » , mais ceci est une autre histoire.

Revenons donc à Manjaro. Non, ce n'est pas une distribution pour débutant ne voulant pas s'investir car elle demande un certain effort d'adaptation et d'acquisition de connaissances. Je ne vais pas faire dans ce billet le tour des commandes à connaître pour maîtriser Manjaro, mais juste citer deux cas pour lesquels l'intervention de l'utilisateur est nécessaire, l'installation d'un nouveau noyau et, plus gênant et délicat, la gestion des fichiers de configuration des paquets mis à jour.

1/ Installation d'un nouveau noyau :
Un noyau installé sur le système sera mis à jour automatiquement mais toujours dans sa version, c'est à dire que si vous avez le noyau linux38 il sera adapté si nécessaire de la version 38-1 vers 38-2, 38-3 et ainsi de suite mais ne passera pas en version 39 automatiquement sans votre intervention et ceci peut présenter un problème, y compris en terme de sécurité si vous n'utilisez pas un noyau à support sur le long terme (LTS). Pour se faire il faudra utiliser la commande mhwd-kernel de préférence à pacman ou autre programme de gestion des paquets. Exemple :

- Pour lister les noyaux disponibles :
~ # mhwd-kernel -l
Available kernels:
   * linux310
   * linux312
   * linux313
   * linux314
   * linux316
   * linux318
   * linux319
   * linux40
   * linux41
   * linux42

- Pour lister les noyaux installés sur son système :
~ # mhwd-kernel -li
Currently running: 3.19.8.2-1-MANJARO (linux319)
The following kernels are installed in your system:
   * linux318
   * linux319

- Pour installer un nouveau noyau, le 42 dans l'exemple :
~ # mhwd-kernel -i linux42
Paquets (3) linux42-4.2rc7-1  linux42-headers-4.2rc7-1  linux42-virtualbox-host-modules-5.0.2-0.3

On pourrait y ajouter l'option -rmc qui se charge de désinstaller le noyau courant mais je le déconseille car si le nouveau noyau fonctionne mal on se retrouverai en difficulté pour utiliser son système. Donc l'option -r uniquement est à privilégier après vérification du bon fonctionnement du nouveau noyau, et comme ceci pour enlever le noyau linux38 :
~ # mhwd-kernel -r linux318
vérification des dépendances...

Paquets (3) linux318-3.18.20-1  linux318-headers-3.18.20-1  linux318-virtualbox-host-modules-5.0.2-1

qui, comme on le voit, supprime aussi automatiquement les headers et les modules utilisés.

2/ Gestion des fichiers de configuration ,pacnew :

Souvent lorsqu'un programme est mis à jour il est fourni avec un nouveau fichier de configuration et on se retrouve parfois avec, en service, l'ancien fichier de configuration et le nouveau non utilisé mais fourni avec l'extension .pacnew. Inutile de préciser que cela peut entraîner des dysfonctionnements, voire parfois des non prises en compte de nouvelles fonctionnalités ou amélioration.

Pour remédier à cela pas de recette miracle. Il faudra lister les fichiers .pacnew présents, voir ce qu'ils modifient et apportent ou au contraire suppriment si vous avez apporté vous-même des changements aux fichiers de conf et appliquer ou non les nouveaux fichiers en connaissance de cause. La commande la plus appropriée pour cela sera yaourt avec l'option -C comme ceci :

~ # yaourt -C
2 .pacorig trouvés
3 .pacnew trouvés
2 .pacsave trouvés
1 fichiers sont orphelins

==> Entrer un n° :  

1 22/07/2015 16:56:28  /etc/sudoers.pacnew
2 06/08/2015 06:41:55  /etc/locale.gen.pacnew
3 21/08/2015 23:22:23  /etc/fonts/conf.d/75-yes-terminus.conf.pacnew

==> Entrer un n° :

Comme on peut le voir j'ai trois fichiers pacnew présents suite à ma dernière mise à jour après mon absence de deux mois. Il me faudra donc entrer le numéro en face de chaque fichier pacnew pour en voir les différences et modifications et appliquer ou non les changements. Je n'aborde pas ici le cas des fichiers .pacorig ni .pacsave, autres foyers de complication. Pour plus de détails voir :
https://wiki.archlinux.fr/Gestion_des_fichiers_de_configurations
et cette discussion sur le forum fr :
http://www.manjaro.fr/forum/viewtopic.php?f=17&t=3632&start=60  (question).

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