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Framablog : Hackadon du 11/12/13 Donnez au Libre ! Entretien avec Bastien Guerry

mardi 3 décembre 2013 à 19:02

Bastien Guerry co-organise l’événement « 111213 » qui aura lieu le 11 décembre 2013 à simplon.co à Montreuil, une soirée où les internautes sont invités à soutenir des logiciels libres avec des dons. Nous lui avons posé quelques questions pour comprendre le pourquoi et le comment.


Hackadon


Peux-tu te présenter en deux mots ?

Je m’appelle Bastien Guerry. J’ai découvert le libre en 2000 via Thierry Stoehr, alors vice-président de l’AFUL, et en lisant le recueil d’articles de Florent Latrive et Olivier Blondeau intitulé « Libres enfants du savoir numérique », paru aux éditions de l’Éclat en 2001. Depuis, je suis devenu contributeur de GNU Emacs.

La programmation, simple passe-temps, est peu à peu devenu une passion. Quand j’ai reçu des dons pour mon implication comme mainteneur d’un logiciel, ça a fait « tilt » : je me suis dit qu’il fallait que j’aide d’autres développeurs à recevoir plus de dons. C’est à ça que je consacre aujourd’hui mon énergie avec le projet http://kickhub.com

Tu lances avec d’autres un « hackadon » le 11 décembre. C’est quoi ?

C’est une soirée pour faire des dons à des projets libres, pour recenser les différentes façons de le faire et pour réfléchir ensemble au sens de ce geste.

Nous lançons ça avec Sylvain Le Bon, de http://openinitiative.com, et Frédéric Bardeau, de http://simplon.co.

Depuis quelques années, un bandeau s’affiche tous les ans sur les pages de Wikipédia pendant les campagnes de dons de la Wikimedia Foundation et de Wikimédia France. Cela a permis aux gens de se rendre compte que le sort de l’encyclopédie était entre leurs mains, et que même ceux qui ne contribuent pas directement peuvent jouer un rôle, celui de soutenir l’infrastructure technique et le mouvement Wikimédia.

Pour les logiciels libres, c’est différent. D’abord parce que bon nombre d’entre eux sont en partie financés par des entreprises ; ensuite parce qu’il n’y a pas de canal de communication unique pour solliciter des dons, les demandes avancent en ordre dispersé.

Mais imaginons une campagne qui rassemble des logiciels populaires comme Firefox, LibreOffice et VLC. Qui ne serait pas sensible à un message du genre : « Pour continuer de développer ces logiciels et pour rester indépendants, nous avons besoin de votre soutien ! » Je crois qu’une telle démarche aurait du succès et permettrait à chacun de comprendre qu’il peut être utile, non pas comme développeur, mais comme soutien ; qu’il y a encore plein de logiciels dont la survie dépend de la bonne volonté des contributeurs, et qu’en général, les entreprises ne devraient pas être seules à en assurer le financement.

Le Hackadon du 11 décembre est une première tentative de sensibilisation.

Pourquoi maintenant ?

Le déclic a été pour moi d’assister à la montée en volume du financement participatif ces deux dernières années. Ce que les gens ont l’air d’apprécier dans ces modes de financement (un contact direct avec le porteur de projet, des nouvelles régulières sur ses avancées, etc.) c’est ce qu’on fait dans les projets libres depuis toujours !

On voit de plus en plus de projets libres sur les plates-formes comme kickstarter.com, la dernière campagne pour le Ubuntu Edge a beaucoup fait parler d’elle — et pour cause : il y a une affinité naturelle entre ce mode de financement et le mode de développement du libre.

Mais le préalable est que chacun comprenne qu’en soutenant un projet libre, même modestement, il donne du temps et de l’indépendance à son développeur. Et je crois qu’aujourd’hui les mentalités sont mûres pour cette prise de conscience.

Cette soirée s’adresse à qui ?

À tous ! Nous aurons à manger et à boire pour tous les invités qui se déplaceront jusqu’à Montreuil (l’événement a lieu à Simplon.co, qui co-organise l’événement), et le message s’adresse à Monsieur et Madame Toutlemonde. Pour qu’ils comprennent la différence entre un logiciel gratuit et un logiciel libre. Et qu’ils se disent : « Mais bon sang mais c’est bien sûr, un freeware c’est juste de la publicité, alors qu’un logiciel libre c’est ma liberté ! »

Nous invitons aussi tous les développeurs qui souhaitent solliciter des dons — la soirée sera ponctuée de présentations de donateurs qui expliquent pourquoi ils donnent et de développeurs qui partagent leur passion.

Vous avez un objectif précis ?

Assez : atteindre un beau score final et passer une soirée riche de témoignages et d’échanges !

Est-ce qu’il y aura une suite ?

J’ai un peu cherché mais je n’ai pas vu d’événement du même type.

J’espère que ce hackadon donnera envie à d’autres d’en organiser. La formule est simple : se réunir pour donner à des logiciels libres. Un geste qu’on fait parfois dans son coin, mais qui prend encore plus de sens quand on explique à d’autres pourquoi on le fait.

Donc les suites possibles, ce sont d’autres hackadons ailleurs : croisons les doigts !

As-tu un rêve pour l’avenir du libre ?

Je ne veux plus voir de libriste faire du propriétaire le jour et du libre la nuit. Je ne veux plus voir de libriste dire qu’il abandonne la maintenance d’un projet parce qu’il vient d’avoir un enfant.

La main invisible du marché logiciel a tout intérêt à laisser les utilisateurs confondre le libre et le gratuit ; mais cette main, on risque à tout moment de se la prendre dans la figure tant qu’on ne donne pas plus d’indépendance aux développeurs.

C’est sûr, il y aura toujours plus de bénévoles que de donateurs, car donner de l’argent est rarement une passion. Mais Wikipédia montre l’exemple : on peut rétablir, peu à peu, la balance !

-> Hackadon du 11/12/13 : donnez au libre !


Bastien Guerry

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mozillaZine-fr : Le « dual boot » sur un smartphone, pourquoi pas ?

mardi 3 décembre 2013 à 13:41

L’entreprise espagnole Geeksphone, qui avait sorti le premier modèle de smartphone sous Firefox OS, revient sur le devant de la scène avec une nouvelle alléchante : ils prépareraient un smartphone avec Firefox OS et Android, un « dual boot » comme on dit sur PC. Peu de gens, hormis les geeks qui utilisent Linux, connaissent le principe du dual boot. C’est tout simplement la possibilité de choisir, au démarrage, quel système on veut utiliser. Ce mécanisme a permis à Linux de s’immiscer lentement mais sûrement sur le marché des PC. Pensez-vous qu’il permettra à Firefox OS de faire de même sur les smartphones ?

En faveur du dual boot, on peut dire qu’il est rassurant car il permet à l’utilisateur d’essayer un système un peu expérimental (Firefox OS, en l’occurrence), tout en sachant qu’un système plus habituel (Android) est à portée de main : un simple redémarrage suffit. En revanche, on peut lui reprocher d’inciter à rester sur le système habituel par facilité…

Notons quand même que cette annonce manque de détails techniques, Geeksphone n’ayant à ce jour rien communiqué de bien précis. En tout cas, la page est clairement en gestation (!). Cette petite entreprise ne manque pas d’idées.

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La vache libre : Darktable 1.4 RC 1 disponible (PPA)

mardi 3 décembre 2013 à 13:30

Darktable est un logiciel dont nous parlons souvent ici bas et qui a pour but de fournir aux utilisateurs une solution permettant de retoucher des fichiers image au format RAW de manière non destructive. C’est en quelque sorte une véritable chambre noire numérique, telle que celles utilisées par les photographes professionnels. Darktable 1.4 RC a été publié récemment introduisant pas mal de nouveautés et d’optimisations, nous laissant ainsi entrevoir ce qui nous attends pour la prochaine version stable.

Parmi les changements notables nous relèverons :

Et quelques autres broutilles…

Si ça vous tente vous pouvez consulter l’annonce de sortie officielle pour en savoir un peu plus et si vous voulez tester cette version de Darktable (qui précisons-le quand même peut s’avérer instable) sur Ubuntu et dérivés, vous pouvez le faire à l’aide du PPA suivant et de ces quelques lignes de commande :

Installer Darktable 1.4 RC sur Ubuntu et dérivés :

sudo add-apt-repository ppa:pmjdebruijn/darktable-unstable
sudo apt-get update
sudo apt-get install darktable

Désinstaller Darktable 1.4 RC 1 :

sudo add-apt-repository -r ppa:pmjdebruijn/darktable-unstable
sudo apt-get update
sudo apt-get remove darktable

ou

sudo ppa-purge ppa:pmjdebruijn/darktable-unstable

Amusez-vous bien.

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La vache libre : ZappWM – Un gestionnaire de fenêtres léger basé sur Fluxbox et ROX

mardi 3 décembre 2013 à 07:30

S’il y a un aspect que j’aime par-dessus tout dans les systèmes GNU/Linux c’est leur modularité, qui nous permet de les utiliser avec différents environnements de bureau et différents gestionnaires de fenêtres. ZappWM est un de ces gestionnaires de fenêtres, spécifiquement conçu dans le but de fournir une solution légère, pouvant tourner sur des machines anciennes ou modestes en ressources. Il s’appuie pour cela sur une base Fluxbox customisée et sur ROX pour la partie explorateur de fichiers. Cette solution est assez intéressante car comme vous pourrez le voir sur les quelques captures qui suivent, Fluxbox d’ordinaire assez basique a été ici agencé de manière à fournir aux utilisateurs des menus regroupant diverses thématiques.

Le menu suivant par exemple, regroupe des applications dédiées à différents services en ligne tels que Flickr, Facebook, Gmail, Picasa, WordPress etc…

Sur cette capture vous pouvez voir le menu d’accès rapide, qui va vous permettre de lancer la plupart de vos applications courantes.

Et enfin sur celle-ci vous pouvez voir ROX en action, qui va vous permettre de naviguer dans les différents volumes de votre disque dur et dans les différents répertoires de votre système.

Vous pourrez bien entendu customiser les menus à votre guise et disposer d’autres options de personnalisation vous permettant entre autres de changer le fond d’écran, d’ajouter ou de modifier les panels, de paramétrer les raccourcis clavier et bien d’autres choses encore.

Je me suis un peu amusé avec et je dois bien avouer que c’est une alternative assez sympa si vous avez besoin d’un environnement consommant peu de ressources. Ce n’est certes pas un bureau que j’utiliserais tous les jours, mais pour une petite machine ou pour gagner en autonomie ça peut-être pas mal du tout.

En résumé si vous aimez les gestionnaires de fenêtres basés sur des solutions telles que Fluxbox ou Openbox, sans pour autant aimer bidouiller les fichiers de configuration, vous devriez peut-être essayer ZappWM. Celui-ci va peut-être vous plaire et peut apporter un peu de fraicheur à votre vieux clou, si vous en avez un :)

Si ça vous tente vous pouvez en savoir plus sur ce projet en visitant le site officiel et vous le procurer en vous rendant sur la page de téléchargement du projet. Vous y trouverez les sources ainsi que le .deb qui va bien pour Debian, Ubuntu et dérivés.

Amusez-vous bien.

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Framablog : Sortie du livre Utopie du logiciel libre - Interview de Sébastien Broca

lundi 2 décembre 2013 à 18:05

Nous avons déjà reçu deux fois le sociologue Sébastien Broca dans nos colonnes, pour une théorie de l’intelligence collective appliquée au logiciel libre et pour une critique de notre biographie de Richard Stallman.

Nous renouvelons l’invitation avec d’autant plus de plaisir qu’il s’agit d’annoncer la sortie de son livre Utopie du logiciel libre - Du bricolage informatique à la réinvention sociale (aux édition du Passager Clandestin) que nous tenons déjà pour une référence francophone dans son domaine.

Vous trouverez en annexe ci-dessous copie audio de la chronique de La Matinale du Mouv’ du 25 novembre dernier, intitulée Le logiciel libre, nouvelle révolution ?, avec pour invités Sebastien Broca et Alexis Kauffmann.


Utopie du Logiciel Libre -Sébastien Broca


Entretien avec Sébastien Brocas (par Alexis Kauffmann)

Bonjour Sébastien, petite présentation succincte ?

Bonjour Alexis. Je suis sociologue, rattaché à la Sorbonne (Université Paris 1). Je viens de publier un livre sur le Libre, dans lequel je raconte l’histoire de l’extension du logiciel libre hors du domaine informatique. J’essaie d’y montrer comment on peut à travers cette histoire éclairer certaines questions liées au travail, à la technique ou à la connaissance.

Commençons par la question « qui fâche » (pour l’évacuer) : Pourquoi ce choix de la plus restrictive des licences Creative Commons, la CC By-Nc-Nd ? C’est pour être sûr de ne pas être pris chez Framabook ? ;)

Je sais que c’est un sujet qui fâche beaucoup de libristes (toi y compris!) mais à vrai dire je trouve que ça ne devrait pas. Il faut tout d’abord rappeler que la licence By-Nc-Nd permet à tous ceux que ça intéresse de télécharger l’ensemble du texte en ligne. Cela me semble remplir l’objectif principal : donner un accès facile au livre, qui est une version largement retravaillée de ma thèse.

Pourquoi ne pas aller au-delà ? De manière générale, la clause Nc se justifie à mon avis par la nécessité de maintenir une distinction entre usages commercial et non-commercial des œuvres. Cela me paraît notamment pertinent pour défendre une réforme d’ensemble du droit d’auteur ; La Quadrature du Net et Lionel Maurel sont assez convaincants sur ce point. Dans mon cas précis, la clause Nc permet à mon éditeur de se réserver les utilisations commerciales du texte. Je trouve cela légitime étant donné qu’il a largement contribué à l’élaboration du livre et que la commercialisation de la version papier est, en l’état actuel des choses, le seul moyen dont il dispose pour gagner de l’argent. Je ne crois pas en la désintermédiation totale : un éditeur indépendant comme le mien fait un travail d’accompagnement des auteurs qu’il faut défendre. On est loin du parasitisme qu’on peut dénoncer chez certains gros éditeurs scientifiques.

Quant à la clause Nd, c’est une question qui renvoie au type d’oeuvre concerné. Je trouve que Richard Stallman est assez lucide là-dessus lorsqu’il dit que le droit de modification - important pour les logiciels et plus largement pour les œuvres fonctionnelles - n’a pas à s’appliquer aux œuvres qui expriment une opinion et aux articles scientifiques. Dans ce cadre les processus d’écriture collectifs et itératifs sur le modèle du logiciel libre peuvent parfois avoir des vertus, mais de façon générale je ne pense pas qu’il faille considérer le travail en sciences humaines comme un constant work in progress sur des textes qu’il s’agirait d’améliorer et de « déboguer. » Il y a une différence épistémologique entre programmer un logiciel et échanger des arguments dans le cadre d’une discussion rationnelle, ce qui est à peu près ce qu’on est censé faire en sciences humaines. Dans le second cas, la possibilité de modification n’est pas nécessaire.

Alors, ce livre, Utopie du logiciel libre, invite à prendre Utopie au sens de « utopie concrète ». Peux tu préciser le concept et en quoi selon toi le logiciel libre en est une ?

Oui, je n’utilise pas le terme utopie dans le sens péjoratif courant, afin de dénigrer des ambitions irréalistes et un peu farfelues. Je l’emploie plutôt pour désigner des projets qui dessinent un monde social différent dont rien n’indique qu’il soit totalement hors de portée ou, du moins, qu’on ne puisse pas s’en approcher. Cet usage positif du terme a des racines historiques dans les utopies socialistes du XIXe siècle par exemple, et des racines philosophiques chez des auteurs comme Walter Benjamin, Ernst Bloch ou plus récemment Miguel Abensour.

C’est à Ernst Bloch que je reprends l’expression en apparence contradictoire d’« utopie concrète ». Je l’applique au logiciel libre pour mettre en avant deux choses. D’une part, le logiciel libre et toutes les ramifications qu’on lui connaît désormais (de la culture libre à l’impression 3D) esquisse un modèle social différent : on peut en tirer des idées assez fortes sur ce que devrait être l’organisation du travail, le rapport aux objets techniques ou la régulation des échanges sur Internet. D’autre part, cet idéal utopique n’est pas abstrait ou purement théorique. Il est au contraire incarné et construit à travers des pratiques, que ce soit les pratiques de collaboration dans des projets comme Debian, Wikipédia ou Open Street Map, ou l’activisme de certains libristes sur les questions de propriété intellectuelle (brevets, copyright, régulation des échanges sur Internet). C’est cette conjonction d’un idéal social fort et de pratiques inventives qui permet de parler d’utopie concrète.


Sébastien Broca


Tu parles de « réinvention sociale ». Qu’entends-tu par là et irais-tu jusqu’à parler de « révolution sociale » ?

Le sous-titre du livre est « du bricolage technologique à la réinvention sociale ». C’est précisément une manière de mettre en avant l’importance des pratiques. C’est une façon de dire que si le Libre propose une utopie, ce n’est pas au sens où il aurait construit de manière théorique l’idéal achevé et clos de la meilleure des sociétés possibles. C’est à travers l’écriture de bouts de code, l’expérimentation dans l’organisation des projets collectifs, la création de nouvelles licences ou le bidouillage de certains objets que se dessine, de manière un peu impressionniste, quelque chose de différent. Parler de « bricolage » et de « réinvention » permet d’insister sur cette dimension très concrète et empirique du projet de transformation sociale dont le Libre est porteur.

Dans le même ordre d’idées, je trouve le terme de « révolution sociale » intéressant par contraste avec celui de « révolution politique ». Il souligne que les libristes adhèrent dans leur très grande majorité à une vision du changement social « par en bas » (bottom-up), indépendamment de la conquête des lieux du pouvoir politique. Ils partagent cette idée que les individus peuvent changer les choses en s’auto-organisant, sans qu’il y ait besoin de « prendre le palais d’Hiver ». Adrian Bowyer, le créateur de la Rep Rap, illustre bien cet état d’esprit lorsqu’il dit que son imprimante 3D permet une réappropriation des moyens de production qui fait l’économie de la révolution politique et de ses dangers.

Malgré tout, le terme de « révolution » est peut-être un peu excessif, optimiste ou prématuré. Le Libre est loin d’avoir gagné. Et par ailleurs, il est, sur certains points, plus réformiste que révolutionnaire. Sa dimension utopique est parfois contrebalancée par une dimension plus conservatrice.

Tu penses au débat entre « free software » et « open source » ?

Notamment mais pas uniquement. Disons que quand Google, Amazon ou Free utilisent des logiciels libres, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de révolution. Ce que montre l’économie open source, c’est l’habileté de certaines entreprises à réduire leur coût en mutualisant une partie de leur R&D, ou à commercialiser des services (personnalisation, maintenance, formation, etc.) à partir de logiciels libres dont elles n’ont souvent pas payé le travail d’écriture. On est ici au cœur des nouveaux business models du « capitalisme cognitif » plus que d’une « révolution sociale ».

Tu as déjà suggéré la réponse, mais je te pose quand même la question : es-tu « free software » ou « open source » ?

Je suis plutôt « free software ». C’est une manière de présenter les choses qui me semble beaucoup plus riche et intéressante, quand bien même on n’est pas d’accord avec tout ce que dit Stallman. Le discours de l‘open source, qui s’est le plus souvent résumé à dire « nous sommes pragmatiques, nous n’avons pas d’idéologie », m’énerve. C’est faire comme si les choix technologiques n’étaient pas des choix de société, comme si les technologies étaient neutres et devaient être jugées simplement en fonction de leur « efficacité ». C’est se placer dans la position de l’expert, objectif et détaché de toutes les questions de valeurs, position qui n’est à mon avis pas tenable dès lors que des questions sociales sont en jeu (et la technique en est une). En fait, ce discours est le plus idéologique de tous car il occulte qu’il y a toujours des choix à faire, et que ces choix engagent forcément des valeurs et des prises de position.

La posture du free software, qui se présente comme un « mouvement social », me semble bien plus cohérente. Un des coups de génie de Stallman est d’avoir compris que l’enjeu était la liberté des gens plus que celle des logiciels et d’avoir présenté le free software comme une critique de certaines pratiques sociales à travers la question informatique. Cela donne lieu à des réflexions beaucoup plus stimulantes sur la technologie, sur les bénéfices sociaux liés au partage du code, à la circulation de l’information, etc. Il n’empêche que Stallman dit aussi des choses que je ne trouve pas pertinentes. Quand il suggère que l’utilisation de logiciels propriétaires est une faute morale et qu’il ramène Kant et son impératif catégorique dans le débat, je ne le suis plus. Je ne me sens pas irrémédiablement souillé dès lors que j’utilise un logiciel non libre. De plus, on pourrait sans doute laisser le vieux Kant là où il est dans la mesure où les questions sont plus politiques que morales. Ce qui est jeu, c’est le rapport des gens à la technique, le contrôle sur les données personnelles, la limitation du pouvoir des grandes entreprises informatiques comme Apple. Ce sont des questions de société, qu’on ne gagne à mon avis rien à présenter sous un angle moral. Le free software a pour objet la liberté, question politique par excellence, non le Bien en tant que question morale.

Mais alors, le logiciel libre, il est de gauche ou pas ?

D’un point de vue strictement sociologique il est sans doute ni de droite ni de gauche, dans la mesure où on rencontre tous les profils politiques parmi les contributeurs aux logiciels libres. Plus généralement, les mouvements liés au numérique (le Libre mais aussi les Anonymous, les partis pirates, les collectifs comme La Quadrature du Net) sont assez difficiles à analyser à partir d’une polarisation droite/gauche. D’une certaine manière, ils rejouent ce qui s’est passé il y a quelques décennies avec l’émergence de l’écologie politique : en mettant en avant de nouvelles questions, ils brouillent les clivages politiques préexistants.

Ensuite, il existe indéniablement certains éléments qui font pencher le logiciel libre, du moins dans sa version free software, vers la gauche. L’activisme des libristes (que ce soit contre les brevets logiciels, Hadopi, ACTA, peut-être TAFTA bientôt) se comprend la plupart du temps comme une lutte contre l’appropriation de certains biens informationnels par les multinationales, qui ont ces dernières années réussi à tordre le droit de la propriété intellectuelle dans le sens de leurs intérêts. Ce combat contre le « capitalisme informationnel » (comme l’appelle Philippe Aigrain) est plutôt marqué à gauche. Par ailleurs, une part de ce qui se joue dans lopen hardware, le design libre ou lopen source ecology fait clairement écho à des projets politiques de gauche. Quand on parle de se réapproprier certains savoir-faire pour relocaliser la production, rompre avec la consommation industrielle de masse et les logiques d’obsolescence programmée, on est dans la continuité de ce que pouvaient prôner des penseurs radicaux comme André Gorz. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce dernier s’est beaucoup intéressé au logiciel libre et à la fabrication personnelle à la fin de sa vie. Il y voyait les moyens techniques de concrétiser l’utopie décentralisatrice qu’il n’avait cessé de défendre.

Tu parles donc de « politiques » du Libre au pluriel dans ton livre, mais du Libre au singulier et avec une majuscule. Pourquoi ce choix ?

Le Libre, c’est pour marquer que je désigne quelque chose qui ne concerne plus uniquement le logiciel mais qui est comme un seul et même continent en expansion. Dans la mesure où c’est un mouvement culturel et social, on peut en dériver plusieurs politiques, d’où le pluriel pour ce dernier terme (et ma difficulté à répondre de façon tranchée à la question précédente).

Dans les remerciements du livre, on trouve le Framablog « source d’information incomparable ». Tu nous en vois flattés. En quoi cela t’a été utile pour la rédaction de cet ouvrage ?

Cela m’a été utile de plein de façons. Vous avez réuni en quelques années un nombre d’articles assez impressionnant sur tous les aspects de la culture libre, y compris des traductions d’articles américains sur lesquels je ne serai probablement jamais tombé sans vous. Rien que pour ça le Framablog a été une mine d’or. Je me suis aussi beaucoup nourri des commentaires et des débats plus ou moins « trollesques » auxquels les articles donnent lieu. Ça m’a permis, je l’espère, de mieux capturer l’esprit du Libre mais aussi certaines nuances dans le sens que différentes personnes donnent à leur engagement.

Dernière question : tu as donc observé la communauté « libriste », aurais-tu un conseil à lui donner pour que ses principes, ses valeurs et ses idées pénètrent plus encore la société ?

Un conseil qui me semble assez évident, c’est de se mettre à la place de l’utilisateur non-technicien, vous en savez quelque chose à Framasoft. Peut-être que les libristes ont parfois encore un peu de mal à comprendre que les autres ne comprennent pas, et à mesurer la difficulté qu’il y a à quitter un environnement technologique fermé mais confortable pour des solutions libres dont l’utilisation réclame souvent quelques efforts. Et puis il peut y avoir chez certains une pointe d’élitisme, éventuellement de snobisme, liée au fait d’avoir connaissance de choses que les autres ignorent ou d’avoir des compétences (en informatique notamment) qui semblent complètement ésotériques pour la plupart des gens. Cela a parfois un effet excluant. D’une certaine manière, les libristes rencontrent une question qui se pose plus ou moins à toutes les contre-cultures. Soit ils restent dans l‘underground, fiers de leurs spécificités et de leur singularité. Soit ils font un pas vers le mainstream, mais au risque de voir se diluer ce qui les distinguait du tout-venant. Malgré ce dilemme bien connu, il me semble qu’il y a d’autres manières pour le logiciel libre de mettre un pied dans le mainstream que la manière molle et dépolitisée de l‘open source.

-> Utopie du logiciel libre - Du bricolage informatique à la réinvention sociale

Annexe : Le logiciel libre, nouvelle révolution ?

Extrait audio de La matinale du Mouv’ du 25 novembre Le logiciel libre, nouvelle révolution ? avec Sebastien Broca et Alexis Kauffmann.

Partie 1 (10 min)

Télécharger au format mp3 ou ogg
Partie 2 (10 min)

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Sebastien Broca et Alexis Kauffmann - La matinale du Mouv' - 25 novembre 2013

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