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Artisan Numérique : Histoire de claviers

dimanche 2 juin 2013 à 17:00

Si on est un peu curieux, un clavier est une chose assez étrange. Pourquoi en effet les touches sont organisées ainsi ? D'où vient ce CapsLock et à quoi sert-il. Pourquoi sous VIM un tel usage de la touche ESC qui pourtant n'est pas, et de loin, la plus accessible. Comme souvent, la réponse est dans l'histoire, et pas forcement des plus jeunes.

Dans une première version de cet article j'abordais, pour introduire mon propos, la rigolote histoire de relation entre la largeur du cul d'un cheval de guerre romain et celle de la navette spatiale. À l'évidence ce qui voulait être drôle ne devrait pas l'être et m'a amené nombre de sourcilleux m'expliquant très doctement l'inexactitude du raisonnement. Sachant que toute forme de rigorisme me fatigue, j'ai décidé de supprimer cette partie ennuyeuse et sans intérêt de toute façon. J'en ai profité pour ajouter pas mal d'infos sur le cœur du sujet.

L'héritage Remington

Pour commencer simple, nous allons commencer par étudier l'origine de cette étrange disposition des touches sur un clavier acheté au 21ième siècle. L'explication de l'organisation AZERTY, ou plutôt QWERTY, remonte à 1868, par un brevet déposé par la société Remington (oui oui, le fabriquant d'armes...). Le but de cette disposition révolutionnaire était d'empêcher les touches de leurs nouvelles machines à écrire... de se bloquer.

En effet, sur ces machines, lorsque l'on appuyait sur une lettre, un marteau au bout d'une tige était propulsé vers le papier. Entre le marteau et le papier se trouvait le ruban encré, et la lettre était imprimée. Le soucis est que plus on tapait vite, plus les chances étaient grandes que les tiges ne s'emmêlent et bloquent ainsi la machine.

La disposition QWERTY était simplement conçue pour diminuer ce risque à un taux acceptable et ainsi accélérer la frappe. Il va sans dire que sur nos claviers modernes, cette disposition produit l'effet juste inverse (enfin pour ceux qui tapent avec tous les doigts, pas comme moi ;-). .

Les aspects mécaniques de ces machines à écrire sont encore bien présents dans notre quotidien. Par exemple sur chaque marteau il y avait la lettre minuscule et la majuscule. Pour écrire en majuscule on appuyait sur une touche Shift (qui veut dire "Déplacer") qui remontait tout le bloc de marteaux de sorte à ce que ce soit la majuscule qui soit frappée. Et comme c'était assez lourd et donc pénible comme opération, il y avait la touche ShiftLock qui bloquait les marteaux en position haute. Voilà donc l'origine de nos Shift et CapsLock.

Mais ce n'est pas tout. Nos marteaux ne pouvant pas bouger latéralement le papier était pris dans un rouleau permettant de le faire bouger de verticalement. Le rouleau était quant à lui monté sur un chariot mobile sur l'axe vertical. Ainsi à chaque lettre tapée, le chariot reculait d'un caractère sur la gauche laissant ainsi aux marteaux la place pour imprimer le suivant. Lorsque l'on voulait terminer une ligne, on utilisait alors la touche return qui effectuait deux opérations. Tout d'abord un "Carriage Return", c'est à dire le retour du chariot à sa position initiale, et enfin un "Line Feed", c'est à dire la rotation du rouleau d'une hauteur de caractère.

Outre le sens originel de la touche Return, l'informaticien comprend aussi l'origine des codes ASCII 13 (ou \\r) signifiant "Carriage Return" ainsi que le code ASCII 10 (ou \\n) signifiant "Line Feed", deux codes constamment utilisé dans les applications en ligne de commande. Vous comprenez aussi pourquoi Windows s'acharne à mettre un \\r\\n à la fin de chaque ligne de ses fichiers texte, encore un tribut à la machine à écrire :-)

Du papier à l'écran

Mais d'une manière générale c'est tout le principe d'affichage d'une console qui puise son fonctionnement dans celui des machines à écrire. Et c'est assez logique car avant l'apparition des écrans cathodiques, les terminaux des premiers ordinateurs n'était rien d'autre que des machines à écrire automatisées, des imprimantes en quelque sorte. L'exécution d'un programme impliquait donc la production d'un flot lettre sur du papier qui se déroulait au fur et à mesure du traitement. Le système émettait pour cela une suite de commande de contrôle indiquant la lettre à imprimer, les retours chariot, les line-feeds, etc.

Il est donc assez logique que les premiers terminaux "écran" aient repris nombre de concepts existants par simple besoin de compatibilité et d'hétérogénéité de parc. Le terminal tel que nous le connaissons est donc une rationnalisation informatique du principe du traitement du papier dans une machine à écrire.

L'ADM 3A

Maintenant la Remington n'explique évidemment pas tout. Les vimmers curieux peuvent par exemple se demander pourquoi leur éditeur préféré fait un un tel usage de la touche ESC alors que sur tous les claviers de la terre c'est la touche de loin la plus chiante à obtenir ? Ou encore pourquoi la religion du HJKL pour se déplacer au lieu des touches de directions standards ?

Pour comprendre cela, il faut remonter à l'origine de VIM, à savoir VI développé par Bill Joy en 1976. A cette époque la micro-informatique était encore un projet dans le cerveau de Wozniak, et tout le monde travaillait sur des "terminaux", des ensembles écran/clavier, qui communiquaient avec un serveur (mainframe) par liaison série (RS232).

Bill Joy utilisait un terminal très populaire à l'époque, l'ADM-3A. Ce monstre de puissance sorti en 1975, était équipé d'un écran à phosphore ambre, blanc ou vert, capable d'afficher 12 lignes de 40 caractères majuscules. Les versions suivantes sont montées à 20 lignes en ajoutant les caractères minuscules. En réalité cette résolution était surtout limitée par le prix de la mémoire, la bestiole coutait tout de même $1195 (je vous laisse actualiser :). Plus tard, des cartes électroniques permirent même un début de graphisme en émulant le célèbre Tektronik 4014.

Comme vous pouvez le voir, le clavier de l'ADM-3A comprenait deux caractéristiques assez singulières. Tout d'abord la touche ESC placée juste à gauche de la ligne QWERTY. En gros là où aujourd'hui nous avons notre touche Tabulation. Premier mystère, sur l'ADM cette touche était donc l'une des plus accessibles.

Ensuite, le clavier de l'ADM-3A ne disposant pas de touches de direction, celle-ci étaient simplement sérigraphiées sur les touches... HJKL, voilà pour le second mystère.

Sur ce clavier nous notons aussi que les caractères ~, |, @, etc, sont elles aussi très faciles à obtenir. Bref, tout ce qui fait le quotidien de quelqu'un qui travaille aujourd'hui en ligne de commande.

Conclusion

Ce type d'histoire, outre améliorer notre culture générale et ainsi briller dans les réunions de nerds, permet surtout de remettre en cause des modèles ancien en se demandant s'ils sont encore judicieux.

Il existe par exemple des alternatives à la disposition QWERTY/AZERTY qui ont leurs adeptes. La plus connue est sûrement celle issue des travaux d'Augus Dvorak (1930). Cette disposition existe en standard dans toute distribution GNU/Linux depuis 2008.

Pour les vimmers aussi cela permet de changer deux trois choses. Il est par exemple très facile de mimer la disposition du clavier de l'ADM 3A (j'avais écris ce tuto pour ceux que cela intéresse) en assignant le comportement de la touche ESC à la touche TAB, celui de la touche tab à la touche CapsLock, puis enfin celui de CapsLock, pour ceux qui l'utilise, à l'ancienne touche ESC.

Transposé en une configuration pour XmodMap cela nous donne :

remove Lock = Caps_Lock
keysym Tab = Escape
keysym Caps_Lock = Tab
keysym Escape = Caps_Lock
add Lock = Caps_Lock
mon_adm3a.xmodmap

Que vous chargerez par un xmodmap mon_adm3a.xmodmap. Vous aurez ainsi un clavier presque similaire à cela Bill Joy :-) Enjoy ;-)

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Chimrod : Internet, la guerre des médiacultures

dimanche 2 juin 2013 à 00:00
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Une petite histoire

Il était une fois, dans un royaume lointain, un roi qui n’était pas aimé de son peuple. Ce dernier chantait une chanson dans tout le royaume dont le refrain était le suivant:

Longue vie au roi bouffon, le roi très con qu’est très très con!

Le roi lassé d’entendre cette chanson, convoqua ses ministres pour agir. Il fut décidé que le plus sage était d’interdire tout simplement à ces sujets de chanter cette chanson, et le texte fut mis à l’index. Toute personne surprise en train de chanter cette chanson serait immédiatement envoyée aux galères.

Les troubadours et chansonniers furent obligés de s’y plier. Mais dans les tavernes, les champs et les chaumières, la population continuait de fredonner.

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Aujourd’hui, il n’est pas possible de diffamer, calomnier, porter préjudice parce que l’on utilise le web pour clamer son fiel, et les avocats se font un plaisir d’envoyer des courriers de mise en demeure aux contrevenants — et c’est très bien comme ça.

Par contre, les entreprises savent que le droit à l’oubli n’existe pas sur le web, et ont bien compris qu’une critique bien acerbe en première page de google porte préjudice à l’image de marque. Des budgets sont dépensés pour que la marque soit correctement représentée sur le net; voyons par exemple comment nespresso transforme wikipédia en une brochure publicitaire

Que ce passe-t-il quand le business rencontre la loi? Généralement rien de très bon… Et c’est pareil ici: les lettres de mise en demeure servent de menaces, et l’actualité nous en a fourni un exemple très récemment.

Stratégie et tactiques

Heureusement, les internautes ne sont pas dupes, et face aux stratégies des entreprises pour asseoir leur image, disposent via le web d’un incroyable outil pour réponse. Non, internet ne sert pas qu’à regarder des chats qui jouent du piano! Michel de Certeau, dans L’invention du quotidien, fait la différence entre stratégie et tactiques. Là où la stratégie est planifiée, la tactique fait du coup par coup. Elle profite des «occasions» et en dépend. […] Il lui faut utiliser, vigilante, les failles que les conjonctures particulières ouvrent dans la surveillance du pouvoir propriétaire. Elle y braconne. Elle y crée des surprises. Il lui est possible d’êre là où l’on ne l’attend pas. Elle est ruse.

Les combats qui se jouent aujourd’hui sur internet donnent un sens très actuels à ces mots. Les internautes ne pourront jamais faire face à l’armada d’avocats prêts à dégainer au moindre signe d’ironie sur les forums. Mais ces avocats sont démunis face à un effet streisand, qu’ils ne peuvent pas contrôler. Le jeu de pouvoir entre les internautes et les régulateurs du web n’est pas fini, et les internautes savent mobiliser leurs ressources dès qu’ils sentent que l’on porte atteinte à leur réseau. Cela m’impressionne à chaque fois.

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Après la mort du roi, le prince prit la couronne. Lors de la cérémonie, la foule cria:

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Longue vie au roi bouffon, le roi très con qu’est très très con!

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Mais à part dans les contes de fées, existe-t-il des rois capable d’aller au balcon pour chanter haut et fort les critiques de la foules?

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Etenil : Firefox OS, épisode 2

samedi 1 juin 2013 à 18:56

Suite à mon précédent article, TODO a rencontré un certain succès. J'ai donc décidé de le publier sur le Firefox Marketplace où vous le trouverez donc désormais.

J'ai étoffé l'application un petit peu et ajouté du texte d'aide ainsi que quelques corrections de bug.

Mais surtout, j'ai atteint un point où le développement fut suffisamment confortable pour que je migre enfin sur Mortar. Et je dois avouer que ça facilite grandement le développement.

Porter l'application sur Mortar n'a rien de difficile, il m'a suffit de changer quelques noms de dossiers et cela a suffit.

Néanmoins j'ai décidé de pousser plus avant en portant mon code sur require.js, sur lequel Mortar est basé et avec lequel je ne suis pas familier.

Require.js permet de faire des modules en javascript et donc d'empaqueter proprement ses fonctions (et d'éviter les collisions de nom). Son fonctionnement est somme toute simple et élégant, mais pas évident à comprendre.

Voici un petit exemple. Imaginons une fonction qui affiche un message comme suit:

function message(string) {
    alert(string);
}

Cette fonction est donc globalement disponible. Pour la porter dans require.js, on réécrira le fichier comme suit:

define(function(require) {
    this.message = function(string) {
        alert(string);
    };
});

Du coup pour l'utiliser, en admettant que le fichier soit nommé system.js, on fera comme suit:

define(function(require) {
    var system = require('./system');
    system.message("Ça marche");
});

C'était bien là la seule difficulté à utiliser Mortar. Bien entendu le système permet de faire bien davantage, mais le reste peut être ignoré au départ.

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djibux : Tongue out

samedi 1 juin 2013 à 16:33

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Denis Szalkowski : Etat des projets Firefox 64 bit pour Windows

samedi 1 juin 2013 à 13:33
Par     1 juin 2013  - Catégorie(s): Firefox  Firefox

Je suis passé sur Windows aux versions 64 bit du navigateur de la fondation Mozilla du fait que je rencontrais des plantages incessants avec Firefox 32 bit. Ils survenaient principalement lors de l’usage du plugin Adobe Flash Player. Depuis que je suis passé à Waterfox, puis à Cyberfox, mon navigateur est étonnant de stabilité.

Les projets Firefox 64 bit

Cyberfox, le meilleur Firefox 64 bitLa prégnance du navigateur dans nos usages numériques amène une consommation mémoire de plus en plus haute. Il n’est pas rare de frôler les 2 Go ! Certes, nous n’atteignons pas encore la limite des 4 Go inhérente à l’architecture 32 bit. Mais ce n’est peut-être là qu’une question de temps.  ;+) L’annonce en novembre 2012 de l’arrêt du développement de la version 64 bit par Mozilla – corrigée à la marge en décembre 2012 – ne me semble pas particulièrement judicieuse !

Nous disposons aujourd’hui de 3 versions Firefox qui peuvent s’exécuter sur Windows en mode 64 bit. Aucun de ces projets n’émane de la fondation Mozilla !

  • Cyberfox, de loin le plus réactif, sous licence Open Source
  • Pale Moon, un Freeware en retard d’une version,
  • Waterfox, arrêté à la version 18.0.1, en licence Open Source

Dsfc Dsfc

Etat des projets Firefox 64 bit pour Windows

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