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Full Circle Magazine FR : Le numéro 78 est arrivé !

mardi 22 avril 2014 à 11:11

Bonjour à toutes et à tous !

Non sans mal, nous sortons ce jour le numéro 78 (celui d'octobre 2013), du magazine Full Circle, en français. En effet, vous le trouverez peut-être moins fini que d'habitude, mais cela est dû au fait que nous n'ayons eu que deux relecteurs du PDF. Encore une fois, nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens du bord. Bien entendu, vous serez vraiment les bienvenus si vous voulez vous joindre à nous. Il est disponible sur notre page Lire ou télécharger ou en cliquant directement sur l'image ci-dessous.

issue78fr.png

Ce mois-ci, outre les bonnes séries et rubriques habituelles, vous y trouverez notamment :

En espérant vous voir prochainement sur les pages du wiki, nous vous en souhaitons bonne lecture,

Toute l'équipe du FCMfr et notamment, Bab, le scribeur, frangi , SEUL traducteur de ce numéro, et les relecteurs Bab, Ekel, FredPhil et moi-même, AuntieE.

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Framablog : Prototypo : vos polices sur mesure

mardi 22 avril 2014 à 11:03

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En marge de la préparation d’un événement organisé sur Lyon par la communauté Mozilla (dont on vous reparlera bientôt), nous avons eu le plaisir de rencontrer l’un des développeurs de Prototypo, un logiciel libre de dessin typographique, à l’usage très innovant.

Une soirée de présentation du logiciel ayant lieu ce soir (Lyon 7ème)[1], nous avons souhaité poser quelques questions aux créateurs du projet, afin qu’ils nous présentent le parcours de ce logiciel, qui sera bientôt disponible.

Faisons un peu connaissance : pouvez-vous vous présenter ?

Yannick, 28 ans. Depuis maintenant 4 ans je dessine et intègre des sites webs, des interfaces et parfois je touche un peu au papier. J’ai commencé à toucher au code durant ma dernière année des Arts Décoratifs de Strasbourg lorsque j’ai réalisé la version Alpha de Prototypo, développée en Processing. Après une année passée en agence à Paris, j’ai décidé de me lancer en freelance, à Lyon, et j’essaie depuis de me perfectionner dans tout ce qui m’intéresse, c’est-à-dire le dessin de caractère, le développement et le design interactif en général.

Louis-Rémi, 27 ans, développeur web indépendant depuis trois ans. Je suis tombé dans le logiciel libre en même temps que je suis tombé dans le web : sur le tard (en 2007), et très naturellement, parce le web et le libre étaient déjà largement entremêlés à cette époque. J’ai participé il y a quelques années au développement de la branche 1.X de jQuery et créé quelques plugins assez populaires. Et je suis un Mozillien depuis six ans, j’ai participé à “Jetpack / addon SDK”, à la documentation sur MDN. Aujourd’hui je développe Prototypo avec Yannick tout en essayant de rendre ce “logiciel libre de niche” viable financièrement.

prototypo-devs.jpg

Alors, Prototypo, c’est quoi ?

Prototypo est un logiciel de dessin typographique, il permet de créer de nouvelles polices des caractère qui seront utilisées dans le design graphique (affiches, sites web, jeux vidéo, etc.). Dans Prototypo, le dessin démarre en modifiant une vingtaine de paramètres qui vont changer l’apparence de toutes les lettres de l’alhabet en même temps. Alors que dans les autres logiciels (Fontlab, Glyphs, Robofont et l’alternative libre Fontforge) on dessine chaque caractère un à un. L’intérêt c’est qu’on démarre plus vite, même avec des connaissances limités dans cette discipline exigeante, et que l’on peut explorer de nouvelles formes et proportions en quelques clics.



Comment vous est venu cette idée ?

Y. : En étant graphiste papier à la base, l’intérêt pour la typographie m’est venu tout naturellement, car c’est une pierre d’angle de la création graphique quelque soit son envergure et ses objectifs. Assez rapidement, j’ai essayé de créer moi-même un caractère typographique que je pourrais utiliser en petit corps (corps de labeur) dans mes projets. Mais dessiner un caractère de qualité requiert un investissement important et n’est pas du tout une tâche accessible si l’on n’y consacre tout son temps. Il existe une multitude de règles optiques, de dessin, à respecter (et avant tout à connaître) pour que le caractère soit fonctionnel. Étant donné que beaucoup de ces règles sont récurrentes et mesurables, je me suis dit qu’il serait possible de les systématiser et donc de les coder. Prototypo est né de cette idée : permettre à l’utilisateur de se concentrer sur le design et laisser la machine s’occuper des tâches répétitives et gérer ces micro-corrections.

LR. : moi j’ai découvert la vidéo de la première version développée par Yannick il y a à peu près un an. Visuellement c’était bluffant, et comme j’ai une écriture manuscrite déplorable, j’ai peut-être vu inconsciemment en Prototypo un moyen à ma porté d’avoir une écriture personelle ET lisible. Quoi qu’il en soit j’ai contacté l’auteur de cette vidéo pour savoir où en était le projet. Il aurait pu habiter aux US, il aurait pu ne jamais me répondre ou être passé à autre chose… Mais non, il habitait à Lyon, à trois kilomètres de moi, il avait envie de redémarrer le projet avec des technos web et il était prêt à me rencontrer (plus tard on s’est apperçu qu’on s’était croisé dans son école et à un déménagement sans le savoir). On a commencé à travailler sur notre temps libre et à voir que ça marchait, puis on s’est dits qu’on voulait faire les choses en grand, qu’on travaillerait à temps plein un mois ou deux avant de tenter une campagne de financement participatif.

Selon vous, quels sont les publics d’une telle application ?

Les logiciels de dessin typographique s’adressent aux graphistes et typographes. Prototypo est utile aux amateurs et étudiants pour s’initier de manière ludique, ainsi qu’aux professionnels, particulièrement pendant la phase de recherche graphique. Mais nous espérons aussi rendre cette discipline accessible aux novices qui veulent une police sur mesure pour leur site, leur jeu vidéo, ou toute autre création qui utilise du texte.

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Pourquoi avoir choisi une licence libre ?

LR. : Cétait une évidence. J’ai toujours publié le code que j’écrivais sur mon temps libre sous licence libre, parce que j’ai toujours développé avec du logiciel libre. Et Yannick s’était initié au développement principalement sur Processing dont la communauté est très encline au partage. Mais cette fois-ci il y avait un vrai défi : gagner sa vie en créant un logiciel libre.

Y. : J’ai aussi fait mes premiers pas avec des CMS comme SPIP et la communauté m’a beaucoup apporté. Depuis tout ce temps, j’ai beaucoup reçu mais jamais donné; avec Prototypo c’était l’occasion ou jamais.

prototypo-libre.gif

Parlons du financement : vous avez travaillé à plein temps dessus pendant plusieurs mois, vous ne viviez que de 0 et de 1 ?

Presque. Le plan initial était d’arriver rapidement à un prototype qui prouverait que le concept marchait aussi dans un navigateur, en plus de créer de la nouveauté pour les personnes qui suivaient le projet depuis plusieurs années. Et ensuite de lancer très tôt une campagne de financement participatif pour vérifier l’intérêt du public et la viabilité du projet. Dans les faits ça a pris beaucoup de temps. Nous rallongions contamment la liste des “fonctionnalités essentielles” et avons mis cinq mois à être satisfaits, puis encore un mois à lancer la campagne sur Kickstarter. À l’origine nous pensions donc devoir vivre deux ou trois mois sur nos économies (ce qui est tout à fait envisageable tant qu’on n’habite pas Paris). Finalement il a fallu se serrer la ceinture les trois derniers mois et accepter des petits contrats.

Vous avez lancé une campagne Kickstarter. Où en est-elle ?

La campagne visait à rassembler 12.000£ (15.000€) en un mois, pour financer les cinq mois de travail nécessaire à la sortie de la version 1. Nous avons atteint cet objectif en trois jours, et au bout de deux semaines nous en sommes à presque 20.000£ (24.000€). Cela va nous permettre d’ajouter des fonctionnalités avancées telles qu’un éditeur intégré permettant d’importer ses propres polices pour les rendre paramétrables, ou des extensions de navigateur pour prévisualiser en temps réel la police dans des pages web.

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C’est le résultat d’une longue préparation, entamée dès le début de notre collaboration : nous avons animé un blog et des comptes sur les réseaux sociaux, et aussi mis en place un formulaire pour s’abonner à notre newsletter, sur notre site principal. En six mois 10.000 personnes s’y sont inscrites, dont la moité après un effet boule de neige démarré par un simple tweet de Smashing Magazine. C’est grâce à ces inscrits que la campagne a connu un bon démarrage. Désormais nous sommes occupés à plein temps par son animation : nous répondons aux questions des utilisateurs, sollicitons des blogs pour des interviews (big up au Framablog), et participons à des évènements autour du design et de la typographie.

Et après ? Envisagez-vous d’autres modèles de financement pour ce projet ?

Pendant la campagne et par la suite, nous vendons un abonnement qui permet d’utiliser le logiciel sur nos serveurs pendant un an. Pour nous c’est un moyen d’obtenir un revenu régulier qui nous permette de nous consacrer à temps plein à l’amélioration du logiciel. Pour les utilisateurs, c’est la possibilité de bénéficier instantanément de tous les avantages d’une web-app (applications et données disponibles partout, toujours à jour), en gardant la possibilité d’installer l’application en local. Nous sommes aussi en discussion avec des éditeurs de solutions hébergées qui souhaitent intégrer Prototypo à leurs applications.

Techniquement, quelles solutions avez-vous retenues ?

Nous utilisons les languages de base du web : HTML, SVG, JS et SCSS (CSS avec des variables et règles imbriquées). Cela nous permet d’être le plus ouvert aux contributions externes. Pour structurer notre application et simplifier le développement de l’interface utilisateur nous avons choisi AngularJS, qui est très activement développé et dispose d’une bonne documentation et d’une forte communauté de développeurs. Pour que l’application fonctionne de manière “hors-ligne par défaut” nous utilisons Hoodie, un projet encore perfectible mais très activement développé par une équipe expérimenté et ambitieuse. Pour gérer les interactions tactiles et à la souris de manière unifiée nous utilisons la librairie PointerEvents, qui est un sous-projet de Polymer, développé par Google. Et nous utilisons encore jQuery, parce que les navigateurs modernes ont et auront toujours des bugs, que son API conserve des avantages par rapport à celle du DOM (chaînages des méthodes, délégation d’évènements), et qu’elle intègre des optimisations internes (différents caches et utilisation de fragments DOM). Enfin, nous nous sommes rapprochés d’autres développeurs de webapps libres de dessin typographique pour créer une librairie capable de générer des fichiers de polices binaires (.otf) directement dans le navigateur.

Par ailleurs, nous créons petit à petit notre propre language afin de créer les “caractères paramétrables” qui sont au coeur de Prototypo : des caractères qui se transforment lorsque l’utilisateur interragit avec les paramètres de l’interface. À la base c’était un mélange de SVG et de JS mais nous permettons de rajouter des contraintes (un point placé à une interection par exemple), et d’inclure dans un tracé des composants réutilisables. C’est en évolution constante et très spécifique à notre usage, mais nous espérons bien que les utilisateurs s’en saisiront pour enrichir les possibilités du logiciel. Quelle est la suite des évènements ? (annoncer entre autre l’apéro)

Nous allons encore être occupé à plein temps par la campagne pendant ses 15 derniers jours. Nous organisons mardi soir un Apéro Prototypo sur Lyon (chez KolleBolle) auquel nous convions tous nos amis, mais aussi les graphistes et libristes qui voudraient essayer la version de développement du logiciel et discuter avec nous autour d’un verre. Les 6 et 7 Mai nous seront au Automatic Type Design organisé par l’ANRT à Nancy. Une fois que la campagne sera finie nous nous remettrons enfin au dévelopement et essayerons de créer les conditions favorables à l’accueil de contributeurs externes. La version de travail sera accessible fin Mai et la version 1.0 devrait être disponible en Septembre prochain. Nous continuerons à développer Prototypo aussi longtemps que notre trésorerie le permettra.

prototypo-code.png

Merci à vous deux ! Un petit mot pour la fin ?

On remercie toutes les personnes qui nous ont soutenu jusqu’ici, en donnant de leur temps, en participant à la campagne de financement, en affichant leur soutien sur Twitter et Facebook, en nous inviant dans leurs colonnes, et on remercie par avance toutes les personnes qui vont le faire. Dès le début Prototypo a été un projet passionnant, maintenant grâce à vous c’est un projet exaltant.

Notes

[1] Oui, je sais, on prévient “un peu” tard :-/

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Romaine Lubrique : L'urgence de tout repenser, entretien avec Bernard Stiegler

lundi 21 avril 2014 à 18:27

En mars dernier, nous avons tendu notre micro au philosophe Bernard Stiegler dans les locaux parisiens de l'Institut de recherche et d'innovation qu'il dirige.

Le logiciel libre, ses licences, le domaine public, les biens communs : autant de sujets qui intéressent hautement Bernard Stiegler. Mais pour lui, toutes ces problématiques s'inscrivent dans un cadre beaucoup plus vaste, qu'il est urgent de prendre à bras le corps : la révision totale de l'organisation de notre société.


L'économie de la contribution

Bernard Stiegler considère le logiciel libre comme la matrice de l'économie de la contribution ; c'est en effet une activité industrielle qui ne prive plus les gens de leur savoir mais au contraire développe des savoirs, individuels et collectifs, dans un processus de déprolétarisation. Or, cette matrice peut s'appliquer dans pratiquement toutes les activités industrielles de demain : réseaux énergétiques intelligents, où nous ne sommes plus consommateurs mais curateurs d'énergie, re-matérialisation (imprimante 3D...), agriculture (AMAP, Open Source Ecology...)

Par ailleurs, la numérisation est en train d'engendrer une automatisation colossale, bien plus importante que celle que l'on a connue par le passé. Il se prépare une mutation de la production : on n'aura plus besoin de producteurs, sauf dans des cas marginaux. C'en est fini de l'économie du XXe siècle, fini du modèle taylorien : captation de la propriété, exclusivité de l'exploitation, redistribution par le salaire, promesse de pouvoir d'achat, etc.

Il faut donc repenser complètement la redistribution ; on va plutôt vers une société du savoir nous permettant de retrouver et développer nos capacités (ce qui était auparavant empêché par la prolétarisation). Dans cette perspective, il ne faut surtout pas détruire le statut d'intermittent du spectacle mais au contraire... le généraliser, en proposant à tout le monde un revenu contributif de base. Je puis alors alterner et passer d'un statut où je suis en train de développer mes capacités à un statut de mise en production de ces capacités acquises (comme pour l'intermittence).

Il y a de légitimes réticences, notamment parce que cela peut favoriser la flexibilité de l'emploi, voire des dérives telles que le « human computing » (prolétarisation décentralisée où l'on paye les gens à la tâche sans aucune protection sociale). Il y a aussi des économies de la contribution négatives, comme Facebook par exemple, qui capte et monnaye nos données personnelles. L'emblématique Google est un modèle hybride mais toxique dans une société en transition : ultra-consumériste sur le marché publicitaire mais qui produit également une forte valeur d'usage très contributif.

Il ne s'agit pas de défendre le contributif en tant que tel. Mais, qu'on le veuille ou non, nous sommes en train de passer dans un système de production qui devient contributif (ainsi l'open source, qui n'est pas le logiciel libre, est devenue largement majoritaire aujourd'hui). Et à partir de là, il nous faut produire un modèle, juste, soutenable, de gauche même diront certains, qui impose de repenser les conditions du travail, la fiscalité, le droit... tout ce qui a constitué la société consumériste dans sa grande époque.

L'économie de la contribution est donc la généralisation des processus de déprolétarisation. Une grande source d'espoir, mais pour le moment trop peu de gens travaillent sérieusement et concrètement sur ces questions. C'est malheureusement l'économie de la contribution dans sa version californienne qui se développe, en en discréditant le concept plus général.


Aller au delà du choix des licences libres

Bernard Stiegler est favorable à l'extension générale de la licence libre, sans aucune réserve. Mais pour que ce faire, il convient de donner à cette matrice du logiciel libre toute son extension, en revoyant notamment toute la fiscalité.

Comme dit plus haut, il faut qu'il y ait un statut de l'intermittence non pas du spectacle mais du contributeur. Si je suis un contributeur intermittent, je n'ai pas besoin de toucher des droits d'auteurs puisque je touche une allocation qui m'est donnée par la puissance publique. Jean-Luc Godard l'affirmait déjà dans les années 60, en évoquant le droit d'auteur comme une arme du marché et de l'industrie culturelle.

Ce n'est pas une allocation chômage puisque le chômage n'est rien d'autre que le non emploi salarié et que le statut même du salarié change dans cette nouvelle économie peer-to-peer du savoir.


Dissolution du droit d'auteur

Le statut d'intermittent apparaît donc comme une solution à la question du droit d'auteur si on le généralise. En accordant un revenu contributif à l'auteur, on n'a plus besoin de cette rente patrimoniale bourgeoise que représente le droit d'auteur aujourd'hui.

Dès lors, il faut être non pas défensif, mais offensif : non pas défendre le statut d'intermittent auprès de la société du spectacle, mais partir à l'attaque de la société avec ce statut d'intermittent.

En toute logique Bernard Stiegler critique la durée excessive du droit d'auteur et sa succession aux héritiers. Il pointe par contre la question du droit moral pour soulever celle de la non-falsification, à savoir celle de la vérité.


Contradiction ?

Bernard Stiegler défend les logiciels libres et les licences libres mais utilise un Mac et publie ses livres chez de grands éditeurs sous le régime classique du droit d'auteur.

Il s'en explique : légitimité et visibilité pour les livres, ergonomie et efficacité pour les outils de travail.


Les biens communs

Bernard Stiegler est très favorable aux biens communs à condition de ne pas diluer la question de la Res Publica. La Chose Publique et les commons, ça n'est pas la même chose.

La base de la vie politique, c'est la publication et la formation citoyenne qui l'accompagne ou devrait l'accompagner. Or les commons ne répondent pas à cela.

Il évoque également ce qu'il appelle la maladie infantile du bottom-up qui pense naïvement pouvoir se passer du top-down. Il faut que l'inévitable top-down soit produit par le bottom-up et non par les plateformes Google, Facebook, etc.


Déprolétariser la musique

Bernard Stiegler est très sensible de l'éducation pouvant accompagner et aider l'écoute musicale.

Il évoque son travail au sein de l'IRCAM (avec le logiciel libre OpenMusic) ainsi qu'un projet avec Sony pour, suivant une prophétie de Glenn Gould, ne plus se contenter d'écouter de la musique mais de la jouer en la réinterprétant.


Pharmakon

Pour conclure, Bernard Stiegler nous invite à agir.

Le numérique n'est pas bon en soi. Même le logiciel libre n'est pas bon en soi. Toutes ces technologies ont leur part de toxicité. Il nous faut donc élaborer une thérapeutique s'appuyant sur une élévation de la responsabilité et une nouvelle intelligence du collectif.

Prenons garde à ne pas faire de technocentrisme, même libre. Les hacktivistes ne suffisent pas. Il faut des juristes, des scientifiques, des médecins, des philosophes... des citoyens tout simplement.

Peut-être que le « blue du Net » consécutif à l'affaire Snowden favorisera les prises de conscience et les mises en mouvement.



Illustration : Bernard Stiegler - Samuel Huron - Licence : Creative Commons By-NC-ND (source : Flickr)

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Tasse de Café : Plugins WordPress : n’incluez vos scripts que si nécessaire !

lundi 21 avril 2014 à 15:00

Beaucoup de plugins WordPress utilisent des fichiers JavaScript, ou même leurs propres feuilles de style CSS. Pour faciliter l’inclusion de ces fichiers, WordPress fournit les fonctions wp_enqueue_script() et wp_enqueue_style() qui devraient être utilisées de façon systématique dans ces cas-là. Cependant, il est tout aussi important de ne pas les utiliser n’importe où afin de ne les charger que si la chose est nécessaire, et nous allons ainsi voir ici quelques bonnes méthodes pour faire cela.

Les bonnes manières pour inclure vos scripts sous WordPress

Bien évidemment, le tout premier réflexe à avoir est d’utiliser les actions : WordPress fournit l’action wp_enqueue_scripts qui est justement appelée lorsqu’il charge tous les scripts. Si vous avez constamment besoin de vos scripts, c’est dans cette action que vous devez les appeler. Mais on n’a pas forcément toujours besoin de nos scripts.

Pour changer, je vais prendre l’exemple de WP Photo Sphere qui, dans ses premières versions, incluait de façon systématique les scripts nécessaires à son bon fonctionnement. Bien sûr, aucun problème d’utilisation n’était alors à déplorer mais il faut bien avouer que c’était un peu dégueulasse : que le visiteur en ait besoin ou non, les scripts étaient inclus. Moche.

La version 2.0 a apporté la solution à ce problème, en n’incluant les scripts que si nécessaires. Et si vous cherchez vous aussi à n’inclure vos scripts que si nécessaire, il faut simplement se poser une question : où le sont-ils ?

Si vous regardez le code source de WP Photo Sphere à partir de la version 2.0, vous verrez que je n’utilise même plus d’action pour importer les scripts qui sont appelés à un autre moment, justement celui où j’en ai besoin.

L’idée est simple et pourtant très efficace. Elle repose sur toute la puissance de wp_enqueue_script() (c’est bien sûr la même chose pour wp_enqueue_style()) : cette fonction est celle à utiliser pour appeler vos scripts, tout simplement parce qu’elle effectue quelques vérifications avant de les appeler. En effet, si vous appelez deux fois de suite wp_enqueue_script() avec deux fois le même script, WordPress n’inclura pas plusieurs fois le script et ne le fera qu’une seule fois.

Sachant cela, revenons à notre exemple. A priori, un script de WP Photo Sphere peut être nécessaire un peu partout : sur un article seul, sur une page, sur l’index qui peut lister des articles contenant des panoramas, etc., bref, impossible de viser un certain type de page en question.

Par contre, on sait quand un script est nécessaire : lorsqu’on a trouvé un tag. Dans le plugin, une fonction est appelée chaque fois qu’un contenu doit être affiché, une fonction qui s’occupe justement de vérifier si un tag de WPPS est présent pour le remplacer par ce qu’il faut.

Si aucun tag n’est trouvé, rien n’est fait bien sûr, mais s’il y en a au moins un, la fonction wpps_enqueue_scripts() est appelée. Cette dernière, comme son nom l’indique, s’occupe d’appeler tous les scripts nécessaires. Et c’est tout ce qu’il y a à faire : avec le fonctionnement de wp_enqueue_script(), on sait que si deux contenus ont besoin des scripts, ces derniers ne seront inclus qu’une seule fois.

Cette méthode possède cependant un léger désavantage : il est évident qu’à ce moment-là, il est largement trop tard pour demander à WordPress d’inclure les scripts dans le head, et ils seront ainsi inclus en fin de page. Pour la très grande majorité des cas, ça ne posera bien sûr aucun problème puisqu’il faut de toute façon attendre que la page soit entièrement chargée, mais si votre plugin nécessite des scripts dans le head, c’est loupé pour les bonnes manières.

Pour ceux qui se le demandent, par défaut, wp_enqueue_script() demande l’inclusion dans le head comme nous l’indique si justement la doc. Pour modifier ce comportement, il faut utiliser le dernier argument qui est un booléen : en le mettant à true, vous demanderez l’inclusion dans le footer.

C’est à peu près tout ce dont vous avez besoin : en utilisant ces méthodes, vos scripts ne seront chargés que si c’est nécessaire et si vous utilisez le même principe que pour WP Photo Sphere, il sera impossible de faire mieux puisqu’on ne les demande qu’au tout dernier moment.

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Romaine Lubrique : Flatland d'Edwin Abbott Abbott, une dimension peut en cacher une autre

lundi 21 avril 2014 à 07:51

Le 8 avril dernier, nous étions quelques uns à Numa et quelques autres sur Internet en train de traduire collaborativement sur un Framapad un article issu de l'excellent site The Public Domain Review (cf photo ci-dessous).

L'événement s'inscrivait dans le cadre de l'OpenWeek Île-de-France, expliquant pourquoi nous avions choisi d'évoquer un livre un peu « geek » de la fin du XIXe siècle. Une allégorie mathématico-philosophique qui n'est pas sans rappeler la sortie de la caverne, voire le cheminement de Don Quichotte.

Comme son nom anglais l'indique, Flatland est un monde plat au sens propre du terme, c'est-à-dire un monde en deux dimensions. Il est peuplé de Triangles, Cercles, Droites et autres figures géométriques ainsi que d'un Carré qui se plaît à nous faire découvrir son univers fixe et bien rangé. Mais c'est aussi un monde plat au sens figuré du terme. L'apparition d'un être mutant, une Sphère en trois dimensions, va bouleverser l'ordre établi et remettre en cause la perception du monde...

Edwin Abbott Abbott étant mort en 1926, Flatland est dans le domaine public. On peut donc le trouver en intégralité dans de nombreux formats sur Internet, il en existe même une version audio sur LibriVox. Par contre il n'y a pas, à notre connaissance, de traduction française qui soit elle aussi dans le domaine public (il faut pour cela que le traducteur soit lui aussi mort depuis plus de 70 ans). On pourra le trouver en (très belle) version papier traduit par Philippe Blanchard aux éditions Zones Sensibles.


Aspirant à un niveau supérieur

Ian Stewart - 19 septembre 2011 - ThePublicDomainReview
Aspiring to a Higher Plane
(Traduction : loicwood, ADavid, manu, r0u, Piup, Mben, Asta, Sphinx, web3os, Noon, GregR, lumi, kaelsitoo + anonymes)

En 1884, Edwin Abbott Abbott a publié Flatland : un roman en plusieurs dimensions, le premier livre que l'on peut décrire comme une « fiction mathématique ». Ian Stewart [1], auteur de Flatterland et The Annotated Flatland, nous présente l'étrange histoire des aventures géométriques de A. Square [NdT, A. Carré en français].

Edwin Abbott Abbott, qui devint le directeur de la City of London School à l'âge précoce de 26 ans, fut aussi bien enseignant, écrivain, théologien et spécialiste de Shakespeare et de la littérature classique. Il fut un réformateur religieux, un éducateur infatigable, un défenseur de la démocratie sociale et il participa à améliorer le sort des femmes dans l'éducation. Ce n'est pourtant pas cela que retint la postérité mais un petit livre étrange, le premier et presque le seul en son genre : celui de l'imagination mathématique. Abbott l'intitula Flatland et le publia en 1884 sous le pseudonyme de A. Square.

Tant sur le fond que sur la forme – le monde imaginaire de Flatland est une surface, un plan euclidien infini – ce livre est le simple récit d'êtres géométriques vivant dans un monde à deux dimensions. Un type ordinaire, A. Square, vit une expérience mystique : la visite d'une mystérieuse Sphère venant de la Troisième Dimension, qui l'emmène vers de nouveaux mondes et de nouvelles géométries. Inspiré par un zèle évangélique, il s'efforce de convaincre ses camarades citoyens que le monde n'est pas limité aux deux dimensions accessibles par leurs sens. Se mettant à dos les autorités religieuses, il finit en prison.

L'histoire a une portée intemporelle et a toujours été rééditée depuis sa première parution. Elle a donné lieu à plusieurs suites et a fait l'objet d'au moins une émission radiophonique et de deux films d'animations. Ce livre ne porte pas seulement sur les dimensions cachées, il possède également ses propres dimensions cachées. D'un point de vue mathématique, il aborde implicitement non pas deux dimensions, mais quatre. D'un point de vue social, il parodie la stratification rigide de la société victorienne, en particulier le statut inférieur des femmes, y compris celui des épouses et filles des familles fortunées.

Les habitants de Flatland sont des triangles, des carrés ou d'autres formes géométriques. L'ordre hiérarchique de ce monde plan dépend de la régularité et du nombre de côtés. Ainsi, un triangle isocèle sera supérieur à un triangle scalène (dont les côtés ont des longueurs différentes) et inférieur à un triangle équilatéral. Également, tous les triangles doivent se soumettre aux carrés, qui se soumettent aux pentagones, qui se soumettent aux hexagones jusqu'à ce qu'on atteigne le sommet de la société de Flatland : la Prêtrise. Appelés « cercles », les prêtres sont en fait des polygones ayant tant de côtés que personne ne peut les différencier. La plupart du temps, les fils des carrés sont des pentagones, leurs petits-fils sont des hexagones et il y a ainsi une progression générale, vers les sommets pourtant difficile à évaluer (puisqu'il n'y a pas de « haut » ou de « bas » dans Flatland).

Qu'en est-il des femmes et des filles ? La population féminine de Flatland n'est en fait composée que de segments, en réalité des triangles très fins, dont le rang social est nul et l'intelligence à peine supérieure. La loi les oblige à se déplacer côté à côte afin qu'elles soient vues et à faire du bruit afin qu'elles soient entendues. En effet, une collision avec une femme est aussi fatale qu'avec un poignard. Sur ce point, Abbott reçut certaines critiques de la part des femmes de son époque n'ayant pas saisi l'ironie. Cependant, d'après ce que l'on connaît de sa vie et de l'éducation de sa fille, il fit beaucoup pour améliorer le statut des femmes et pour s'assurer qu'elles reçoivent le même niveau d'éducation que les hommes.

Abbot n'était pas particulièrement doué ni même attiré par les mathématiques, mais son livre abordait une question très en vogue à l'époque victorienne : la notion de quatre dimensions (ou plus). Cette idée devenait de plus en plus fondamentale en sciences et en mathématiques, et était aussi invoquée en théologie et en spiritualisme, parce qu'une nouvelle dimension invisible était justement le lieu où trouver Dieu, le monde des esprits ou des fantômes.
Des charlatans comme le médium américain Henry Slade usaient de supercheries en prétendant disposer d'un accès privilégié à la quatrième dimension. D'éminents philosophes de l'hyperespace spéculaient quant à eux sur le rôle des dimensions supplémentaires pour éclairer la condition humaine.

Flatland aborde ce sujet par une analogie dimensionnelle, largement répandue depuis, et qui n'est l'apanage exclusif d'Abbott. Les difficultés auxquelles se heurte un Victorien tridimensionnel face à la géométrie quadridimensionnelle sont similaires à celle que subit A. Square lorsqu'il tente d'appréhender la géométrie tridimensionnelle.
Aux sources de cette analogie se trouvent de nombreuses rencontres avec d'éminents scientifiques tel que le physicien John Tyndall, qu'Abbott rencontra chez George Eliot en 1871. Tyndall pourrait lui avoir parlé de l'œuvre de Hermann von Helmholtz, qui donna des conférences publiques sur la géométrie non euclidienne en utilisant l'image d'une créature imaginaire bidimensionnelle vivant sur une surface mathématique. Une autre source probable est l'extravagant Charles Howard Hinton, qui écrivit en 1907 son propre livre à propos d'un monde bidimensionnel intitulé : « Episode of Flatland : How a Plane Folk Discovered the Third Dimension » [NdT, Épisode de Terre-Plate : comment un peuple plat découvrit la troisième dimension].

Une série de livres inspirés de Flatland constitue l'héritage mathématico-littéraire d'Edwin Abbot : Sphereland de Dionys Burger, la nouvelle de Rudy Rucker « Message trouvé dans un exemplaire de Flatland » et son roman The Fourth Dimension, le Planiverse de Alexander Dewdney, et mon propre Flatterland.

Mais en réalité, le message qu'Abbott essayait de transmettre à ses lecteurs était plus subtil. De même qu'un humble carré peut transcender son univers plan et aspirer à la Troisième Dimension, les femmes et les classes inférieures de l'Angleterre victorienne pouvaient transcender les limites de leur société stratifiée et aspirer à un plan d'existence plus élevé.
Quelque cent vingt années plus tard, ce message n'a rien perdu de sa force.


[1] Ian Stewart est professeur émérite de Mathématiques à l'Université de Warwick, et l'auteur de nombreux livres mathématiques à succès, notamment Flatterland et The Annotated Flatland. Son livre le plus récent est Mathematics of Life.

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