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Framablog : Les filles et le logiciel

jeudi 6 février 2014 à 23:25

Le témoignage ci-dessous ne devrait pas laisser indifférent ni faire consensus.

Il s’agit de Susan Sons, fille hacker avant d’être femme hacker, qui semble regretter le temps où l’on ne s’enflammait pas sur la théorie du genre (troll inside).

« Je suis venue au monde de l’open source car j’aimais faire partie d’une communauté où mes idées, mes capacités et mon expérience comptaient, pas mes seins. Cela a changé, et ce changement est dû à l’action de gens qui disent vouloir une communauté où les idées, les capacités et l’expérience comptent plus que des seins. »

Remarque : On pourra lire sur le sujet, les autres articles du Framablog.

Les filles et le logiciel

Girls and Software

Susan Sons - 4 février 2014 - LinuxJournal
(Traduction : Eve, RemyG, lyn, RyDroid, Asta, Kifferand, Wan, Diin, numahell, KoS, MFolschette)

L’article EOF de décembre 2013 nommé « Mars a Besoin de Femmes » a exploré un sujet intéressant : celui du rapport hommes/femmes parmi les lecteurs de Linux Journal, et parmi les développeurs du noyau Linux. Ce rapport est si déséquilibré (beaucoup d’hommes, peu de femmes) qu’en faire un graphe reviendrait presque à tracer une ligne verticale. J’espérais que l’article amènerait un hacker Linux du côté féminin de ce graphe à se mettre en avant et à faire avancer la conversation. Chose dite chose faite, voici Susan Sons aka @HedgeMage. À lire ci-dessous. — Doc Searls

Les filles et le logiciel. Oui, j’ai bien dit « les filles ». Sachant que les hommes ont d’abord été des garçons, mais que les femmes ont jailli de la tête de Zeus, à leur taille adulte, et en se battant comme des Athéna des temps modernes, vous pouvez commencer à m’insulter maintenant pour avoir utilisé ce mot… à moins que vous ne préfériez voir l’industrie à travers les yeux d’une fille qui est devenue femme au sein d’un ensemble de communautés open source.

Quand je pense aux hackers de mon entourage, les meilleurs ont commencé avant la puberté. Même s’il n’avaient pas d’ordinateurs, ils démontaient leurs réveils, réparaient leurs taille-crayons ou jouaient les radio-amateurs. Certains ont construit des lance-citrouilles ou des trains en LEGO. J’ai commencé à coder quand j’avais six ans, dans le bureau de mon père au sous-sol, sur la machine qu’il utilisait pour suivre l’inventaire de son entreprise de réparations. Après un été marqué par des essais et des erreurs, j’ai finalement réussi à faire jeter à des gorilles autre chose que des bananes explosives. Ça avait un goût de victoire ! (NdT : sans doute une référence au jeu Gorilla)

Quand j’ai eu 12 ans, j’ai mis les mains sur un disque d’une distribution Slackware et je l’ai installé sur mon ordinateur — un cadeau de Noël de mes parents après une année particulièrement bonne pour l’entreprise de mon père — et j’ai trouvé un bogue dans un programme. Le programme était en C, un langage que je n’avais jamais vu. J’ai frayé mon chemin vers IRC et expliqué le problème : ce qui n’allait pas, comment le reproduire, et l’endroit d’où semblait venir le problème.

J’étais vraiment naïve à cette époque — je n’avais même pas réalisé que la raison pour laquelle je n’arrivais pas à bien lire le code était qu’il existait plusieurs langages de programmation — mais les résidents du salon IRC m’ont dirigée vers le gestionnaire de tickets du projet, m’ont expliqué son intérêt et m’ont aidée à soumettre mon premier rapport de bogue.

Ce dont je n’avais pas connaissance à l’époque, c’était cet échange privé entre un des vétérans qui m’avait aidée et un des résidents du salon qui avait reconnu mon surnom sur une mailing list :

développeur0 : C’était une question vraiment bien posée… mais pourquoi est-ce que j’ai l’impression que c’est un gamin de 16 ans ?

développeur1 : Parce que c’est une fille de 12 ans.

développeur0 : Wow… Qu’est-ce que ses parents font, pour qu’elle pense comme ça ?

développeur1 : Je pense qu’elle vit dans une ferme, en fait.

Quand développeur1 m’a parlé de cette conversation, j’ai été convaincue par l’open source. Étant une petite fille d’une région rurale, qui avait été exclue encore et encore de toute activité intellectuelle, sous prétexte que je n’étais pas assez riche, trop campagnarde, pas assez âgée pour être désirée, je ne pouvais pas croire la facilité avec laquelle j’avais été acceptée et traitée comme tout le monde sur le salon, même s’ils savaient qui j’étais. Et j’ai été encore plus impressionnée quand j’ai appris que développeur0 n’était autre que Eric S. Raymond, dont j’avais dévoré les textes peu après avoir découvert Linux.

L’open source était mon refuge parce que c’était un endroit où personne ne prêtait attention à mes « ancêtres » ou ce à quoi je ressemblais — les gens s’intéressaient uniquement à ce que je faisais. Je me faisais bien voir des gens qui pouvaient m’aider en m’occupant de tâches ingrates : trier les tickets pour garder les listes propres, rédiger de la documentation et corriger les commentaires dans le code. J’aidais tout le monde, donc quand j’avais besoin d’aide, la communauté était là. Je n’avais encore jamais rencontré un autre développeur dans le monde réel, mais j’en savais plus sur le développement que certains étudiants.

C’est vraiment une question de filles (et de garçons)

Les filles de 12 ans d’aujourd’hui ne vivent généralement pas les expériences que j’ai vécues. On conseille généralement aux parents d’éloigner leurs enfants de l’ordinateur, de peur qu’ils se fassent attraper par des prédateurs sexuels, ou pire encore — deviennent obèses ! Cela vaut d’autant plus pour les filles, qui finissent diplômées en sciences humaines et sociales. Plus tard, à l’approche de leur vingt ans, quand quelqu’un trouve que le déficit de filles dans les communautés technologiques est un problème, on vient les chercher par la manche et on les emmène à une rencontre LUG (NdT : Linux User Group / Groupe des utilisateurs de Linux) ou sur un salon IRC. Étonnamment, cela ne fait pas de ces jeunes femmes des hackers.

Pourquoi croit-on que cela va marcher ? Prenez une jeune femme qui a déjà construit son identité. Jetez-la dans un monde qui est construit sur des schémas sociaux différents de ceux dont elle a l’habitude, où plein de gens parlent d’un sujet qu’elle ne comprend pas encore. Dites-lui ensuite qu’il existe une hostilité de la communauté envers les femmes et que c’est pour cela qu’il n’y en a pas assez, tout en la mettant en avant comme une bête de concours en expliquant que vous êtes ravi d’avoir recruté une femme. C’est la recette de l’échec.

Les jeunes femmes ne deviennent pas magiquement des technophiles à 22 ans. Les jeunes hommes non plus. Les hackeurs sont nés dans l’enfance, parce que c’est à cet âge que l’envie de résoudre des puzzles ou de créer quelque chose apparait chez ceux qui ont connu ce moment de « Victoire ! », comme la fois où j’ai réussi à imposer ma volonté à un couple de primates électroniques.

Malheureusement, notre société a conditionné les filles à ne pas être technophiles. Mon fils est à l’école primaire. L’année dernière, son école a fait un cours sur la robotique uniquement pour les filles. Quand mon fils a demandé pourquoi il ne pouvait pas y participer, on lui a expliqué que les filles ont besoin d’une aide spéciale pour s’intéresser à la technologie, et que s’il y a des garçons autour, les filles auront trop peur d’essayer.

Mon fils est rentré à la maison très perturbé. Vous voyez, il a grandi avec une mère qui codait en l’allaitant et l’a amené à sa première réunion du LUG à l’âge de sept semaines. La première fois qu’il a vu un robot fait maison, il lui a été montré par un membre d’un hackerspace local, une femme qui administre un des plus gros super-ordinateurs du pays. Pourquoi son école agissait comme si les filles étaient stupides ?

Merci beaucoup, « féminisme » moderne, pour avoir mis des idées pas très féministes dans la tête de mon fils.

Il y a un autre endroit dans ma vie, autre que ma maison, où l’idée selon laquelle la technologie est « un truc de gars » est complètement absente : ma ville natale. De temps en temps, je retourne à l’école de Sandridge, le plus récemment c’était quand mon professeur de mathématiques m’a invitée à une discussion avec les étudiants sur les carrières dans les Sciences, la Technologie, l’Ingénierie et les Mathématiques (NdT : STEM en anglais). Je suis presque sûre que je suis le seul programmeur que quiconque ait jamais vu dans cette ville… Je suis donc une sorte de représentante des geeks pour eux. Et certains considèrent même que c’est un « truc de filles ».

Pourtant, je ne peux pas dire que la région produise des quantités de hackeuses. Même en mettant de côté la pauvreté, l’urbanisation et la hausse de la criminalité, les filles ne sont pas plus portées à hacker dans ma ville natale que partout ailleurs. Quand j’ai parlé à des classes de mathématiques de CM2, les garçons m’ont expliqué qu’ils réparaient leurs consoles de jeux, ou débridaient leurs téléphones. Les filles n’ont pas fait de projets, elles ont parlé de mode ou de quête de popularité, pas de construire des choses.

Qu’est-ce qui a changé?

Je n’ai jamais eu de problème avec les hackers de la vieille école. Ils me traitent comme l’un d’eux, plutôt que comme « la femme du groupe », et beaucoup sont assez âgés pour se souvenir d’avoir travaillé dans des équipes composées d’un tiers de femmes, et personne ne trouvait cela bizarre. Bien sûr, le mot clé ici est « âgé » (désolée les gars). La plupart des programmeurs dont j’apprécie la compagnie sont plus proches de l’âge de mon père que du mien.

La nouvelle génération de développeurs open source n’est pas comme l’ancienne. Ils ont changé les règles à tel point que mon sexe est sous les projecteurs pour la première fois en 18 ans passés dans cette communauté.

Lorsque nous appelons un homme un « technicien », cela signifie qu’il est programmeur, administrateur système, ingénieur électrique ou quelque chose du même genre. C’était également le cas lorsqu’on appelait une femme une « technicienne ». Cependant, selon la nouvelle génération, une femme technicienne peut être également une graphiste ou quelqu’un qui gagne sa vie en tweetant. Cela dit, je suis contente de savoir qu’il y a des gens spécialisés dans les médias — cela veut dire que je n’ai pas à m’occuper de cet aspect des choses — mais les mettre à côté des programmeurs donne l’impression que ces « femmes techos » sont la partie handisport des JOs de la programmation.

Avant, je me sentais à l’aise avec les hommes, et personne ne se souciait de mon apparence. Aujourd’hui, j’ai l’impression de perdre mon temps à parler de genre plutôt que de technologies… Ceci dit, il y a plusieurs visions :

À une exception près, j’ai entendu ces réprimandes venir uniquement de femmes, et de femmes qui ne savent pas coder. Quelquefois, j’ai envie de crier « vous n’êtes pas une programmeuse, vous faites quoi ici ?! »

J’en suis aussi venue à réaliser que j’ai un avantage que les nouvelles arrivantes n’ont pas : j’étais ici avant le début de la panique morale autour du sexisme. Quand une douzaine de mecs décident de boire et hacker dans la chambre d’hôtel de quelqu’un, je suis invitée. Ils me connaissent depuis des années, donc je suis sûre. Les nouvelles, quelles que soient leurs compétences, ne sont pas invitées à moins que je ne sois là tout du long. Une accusation de harcèlement sexuel potentielle plane, et personne ne veut se risquer à avoir 12 hommes seuls avec une seule femme et des boissons alcoolisées. Du coup, les nouvelles restent dehors.

Je n’ai jamais été mise dans un groupe « Les femmes dans X », à l’écart de l’action réelle d’un projet. J’ai assez d’influence pour dire non quand on me dit que je devrais être loyale et réserver mon temps de travail pour des groupes féminins au lieu de le consacrer à la technologie. Je ne suis pas assez jeune ou impressionnable pour écouter les goûts de l’Initiative Ada[1], qui m’aurait tenue de donner de façon passive-agressive des cartons rouges à quiconque me dérange, ou m’aurait fait ressentir tous les hommes comme une menace, ou encore m’aurait fait comprendre que n’importe quel différend que je peux avoir serait causé par mon sexe.

Voici une nouvelle pour vous : à l’exception des polymathes dans le groupe, les hackers sont généralement socialement inadaptés. Si quelqu’un de n’importe quel sexe fait quelque chose qui viole mes limites, je suppose que c’est un malentendu. J’explique calmement et précisément ce qui m’a dérangé et comment éviter le franchissement de cette limite, je tiens à ce que la personne sache que je ne suis pas en colère contre elle, je veux juste m’assurer qu’elle est au courant, de sorte que cela ne se reproduise pas. C’est ce que font les adultes, et cela fonctionne. Les adultes ne cherchent pas à tout prix à se vexer, à donner des « creeper cards », et ne s’attendent pas à ce qu’on lise dans leurs esprits. Je ne suis pas un enfant, je suis un adulte, et j’agis comme tel.

On s’en fout de mes nibards

Je suis venue au monde de l’open source car j’aimais faire partie d’une communauté où mes idées, mes capacités et mon expérience comptaient, pas mes seins. Cela a changé, et ce changement est dû à l’action de gens qui disent vouloir une communauté où les idées, les capacités et l’expérience comptent plus que des seins.

Il y a très peu de filles qui veulent hacker. J’imagine que ça a beaucoup à voir avec le fait que l’on donne aux filles des poupées de mode et du maquillage et qu’on leur dit de fantasmer à propos d’amour et de popularité, alors qu’on donne aux garçons des LEGO et des boites à outils et qu’on leur dit d’en faire quelque chose. J’imagine que ça a beaucoup à voir avec le genre de femmes qui roucoulaient « mais elle pourrait être tellement belle si seulement elle ne passait pas autant de temps avec les ordinateurs ». J’imagine que ça a beaucoup à voir avec la manière dont les filles sont associées à l’éphémère — popularité, beauté et bien-être — alors qu’on enseigne aux garçons à se délecter de la réalisation. Donnez-moi une jeune personne de n’importe quel sexe avec une mentalité de hacker, et je vais m’assurer qu’elle aura le soutien dont elle a besoin pour devenir incroyable. Pendant ce temps, achetez à votre nièce ou votre fille une boite de LEGO et apprenez-lui à souder. J’aime voir des enfants aux rencontres de LUG et aux hackerspaces — amenez-les ! Il n’y aura jamais trop de hackers.

Ne blâmez pas les hommes simplement parce qu’ils sont là. Le « privilège des hommes » est une manière de dire « tu te sens coupable car tu n’as pas de seins, honte à toi, même si tu ne fais rien de mal », et j’ai perdu trop de mon temps à protéger des mecs sympas de cette idée. Oui, certaines personnes sont des ordures. Appelez-les des ordures, et ne reprochez à personne ayant la même anatomie d’avoir ce comportement. L’amalgame entre les bons mecs et les mauvais n’aide personne, ça empêche juste les mecs sympas d’interagir avec les femmes car ils sentent qu’ils ne pourront pas s’en tirer. Je suis fatiguée de dépenser mon temps et mon énergie à protéger les mecs bien de ce drame.

Ne blâmez pas les hackers d’avoir des défauts de non-hackers. Ce n’est pas ma faute si certaines personnes ne lisent pas les pages du manuel, pas plus que c’est mon travail de leur tenir la main étape après étape pour qu’ils n’aient pas à les lire. Ça n’est pas à moi d’amener de force des femmes aux rencontres de LUG et de tenter de leur laver le cerveau de manière à vous rendre plus à l’aise avec le ratio homme/femme, et de toute manière procéder ainsi ne marcherait pas.

Avant tout, je suis déçue. J’avais un havre, un endroit où personne n’accordait d’importance à mon apparence, à ce à quoi mon corps ressemblait ou à n’importe quel attribut éphémère — car ils s’intéressaient à ce que je pouvais faire — et ce décalage de culture m’a volé mon havre. Au moins, je l’ai eu. Les filles qui me suivent ont raté cela.

Je me rappelle qu’à cette époque, dans mon havre, si quelqu’un était désagréable ou essayait de m’intimider, les gens autour de moi réagissaient avec un retentissant « Comment oses-tu être désagréable avec quelqu’un qu’on apprécie ! ». Aujourd’hui, si un homme se comporte mal, on s’embourbe dans un raisonnement beaucoup plus complexe : « Est-ce que c’est parce qu’elle est une femme ? », « Est-ce que je vais passer pour un héros si j’interviens ? », « Est-ce que je suis misogyne si je n’interviens pas ? », « Qu’est-ce que ça implique pour les femmes dans le monde de la technologie ? », « Est-ce que je veux vraiment participer à un énième débat sur la politique des sexes ? ». C’était tellement plus simple lorsqu’on n’avait pas besoin de tout analyser, et qu’on tombait sur des gens désagréables seulement parce qu’ils étaient désagréables.

La passion de Susan Sons pour l’éducation l’a conduite vers l’open source avec Debian Edu, Edubuntu, et elle a aussi initié Frog et Owl qui aident les technophiles à interagir avec les enseignants pour développer des outils éducatifs plus utiles.

Notes

[1] Source: wikipedia: Ada Initiative est une organisation américaine visant à accroître la participation des femmes dans la culture libre et l’open source. Elle a été fondée en 2011 par les informaticiennes et défenseurs de l’open source Valerie Aurora et Mary Gardiner.

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Framablog : Entretien avec le fondateur de Vikidia, l'encyclopédie libre pour les enfants

jeudi 6 février 2014 à 21:49

Vikidia, dans sa présentation la plus simple, est l’équivalent de Wikipédia pour les enfants. Ouvert depuis 7 ans, ce wiki réunit maintenant 16 000 articles et reçoit 600 000 visiteurs uniques par mois pour sa version première en français. Vikidia est détenu par l’association du même nom, avec le soutien de Wikimédia France et est hébergé par Tuxfamily. Des versions ont été ouvertes en espagnol, en italien et en russe.

Ses objectifs, ses bases et son fonctionnement très proches de ceux de sa grande sœur comprennent l’ouverture à la participation des enfants et adolescents pour sa construction et dans la plupart des aspects de son fonctionnement. C’est ce qui se passe effectivement avec une distribution très intergénérationnelle des contributeurs.

Orikrin1998, actif sur ces deux wikis a conduit cette interview d’Astirmays (Mathias Damour), le fondateur de Vikidia et également wikipédien. Celle-là a été complétée et actualisée pour être publiée sur le Framablog.


Vikidia


Entretien avec Astirmays (Mathias Damour)

Orikrin1998 : Bonjour Astirmays, et merci de m’avoir accordé le plaisir de t’interviewer.

Astirmays : Bonjour !

Orikrin1998 : Avant tout, peux-tu te définir tel que tu es dans la vie réelle, ce que tu fais, tes passions …?

Astirmays : J’habite à Annecy, je travaille dans un service chargé de l’application de la réglementation sur l’environnement, et les cours d’eau en particulier. Je profite du lac où je vais me baigner une bonne partie de l’année. Mon travail n’a donc pas de lien avec l’éducation, mais je me suis intéressé à ces questions à la fin et suite à ma propre scolarité.

Orikrin1998 : Comment as-tu découvert Wikipédia et eu envie d’y participer ?

Astirmays : Je me souviens qu’à l’été 2005, j’ai appris ce que sont les bases de fonctionnement de Wikipédia (ouvert à tous) et ça m’a tout de suite paru intéressant. Quelques mois plus tard, j’ai fait quelques modifications sous IP, et je me suis inscrit en janvier 2006, quand j’ai eu l’ADSL, en fait avec tout de suite l’intention d’y participer, peut-être pas massivement, mais disons sérieusement.

Orikrin1998 : Tu es le fondateur de Vikidia ; comment t’es venue l’idée de créer un tel site, et pourquoi ?

Astirmays : J’ai eu connaissance du projet Wikipédia Junior, sans m’y pencher plus que ça en premier abord, je participais à la discussion qui a mené à la création du label “bon article” comme variante d‘“Article de qualité”. En relisant les discussions de Wikipédia Junior et en commençant à y participer, j’ai vu rapidement que le projet n’était pas ce que j’avais imaginé d’abord, et qu’il y avait lieu de créer un wiki “junior” qui ait sa vie propre plutôt qu’une simple sélection d’articles. Certaines références en matière de pédagogie me permettaient de voir en quoi c’était possible de plusieurs points de vue : production de contenu, mode de gouvernance wiki. Un Wikipédia pour enfants pouvait être rapproché de certaines pratiques de classes ou d’écoles plus ou moins répandues, mais qui ont néanmoins fait leurs preuves, comme l’élaboration de ressources documentaires en pédagogie Freinet, l’école de Summerhill en Angleterre, qui fonctionne depuis 90 ans : les élèves et le personnel y tiennent une assemblée chaque semaine où peuvent être votées de nouvelles règles pour l’établissement. Je me suis aperçu par ailleurs que l’idée d’un tel wiki avait déjà été émise, et même mise en œuvre en néerlandais (WikiKids.nl ouvert début 2006) mais que personne ne semblait déterminé à mener un tel projet en Français ou comme projet international au sein du mouvement Wikimédia. Ayant une bonne représentation de ce qu’un tel projet pouvait être, j’ai alors décidé de l’ouvrir sans plus attendre !

Orikrin1998 : Cela a-t-il été dur ? Étais-tu seul au tout début, ou bien des proches ou des futurs vikidiens t’aidaient-ils déjà ?

Astirmays : Du temps, du travail certainement, mais dur, non. Le projet a été investi dès son lancement par un groupe de Wikipédiens, et on a eu la chance qu’ils s’impliquent comme ça, adhérant largement au projet, avec quelques tâtonnements et interrogations au début mais surtout beaucoup d’initiatives. Le lancement de Vikidia a certainement bénéficié de la dynamique du projet auquel il succédait : Wikipédia Junior, et en pratique c’était même pendant quelques mois un bandeau d’évaluation sur la page de discussion de près de 2000 articles de Wikipédia qui permettait d’annoncer ce wiki. On a eu de la chance également que les contributeurs se succèdent sans “trou d’air” important, jusqu’à aujourd’hui.

Orikrin1998 : T’attendais-tu à ce que Vikidia devienne ce qu’il est aujourd’hui ?

Astirmays : Je n’étais pas du tout certain que ça fonctionne, mais je l’espérais à peu près comme ce à quoi il ressemble maintenant, pas dans les détails bien sûr ! S’il y a un décalage par rapport à ce que j’imaginais dans le meilleur des cas, c’est d’une part que du côté participation, c’est régulier mais loin d’être massif, les contributeurs forment une communauté limitée. À l’inverse, je ne pensais pas à la qualité du résultat telle qu’on peut la mesurer notamment à travers les appréciations des lecteurs sur le livre d’or, qui sont maintenant déposées régulièrement.

Orikrin1998 : En ressens-tu de la fierté ?

Astirmays : Certainement oui, comme j’en ai ressenti à mon premier (et seul) article de qualité sur Wikipédia, et comme j’espère qu’en ressentent beaucoup de contributeurs de Vikidia en voyant le produit de leur travail intégré dans cette ressource !

Orikrin1998 : Quelles ont été, quelles sont et quelles seront tes contributions sur Vikidia ? Tiens-tu toujours un rôle de « fondateur », ou bien la masse d’utilisateurs t’a-t-elle supplanté sur ce plan là ?

Astirmays : Je ne suis pas un très gros rédacteur, mais il y a quelques articles dont je suis fier aussi. Quant à mon rôle, la communauté n’est pas si importante qu’on s’y perde ! Chaque contributeur compte. Pour employer un mot que je ne connaissais pas au lancement du wiki, je suis de fait comme un gestionnaire de communauté (« community manager »).

Orikrin1998 : Quels sont les objectifs du site maintenant ? De quel œil vois-tu l’éventuelle insertion de Vikidia dans la fondation Wikimédia ? Les utilisateurs sont nettement partagés sur ce point de vue.

Astirmays : Concernant les objectifs du site, les commentaires laissés par les lecteurs sont assez éclairants, on a beau avoir rédigé une masse déjà considérable d’articles, ils veulent encore plus de contenu, plus de sujets traités !

Après avoir travaillé au projet d’adoption de Vikidia par la Wikimedia Foundation, plusieurs raisons nous ont fait changé notre fusil d’épaule. La communauté Wikimédia internationale était peu réactive sur ce projet, et j’ai vu passer au cours du temps des objections assez radicales, portant par exemple sur la capacité des enfants à une participation constructive ou sur les obstacles légaux et juridiques supposés. Ces objections auraient certainement émergé à nouveau en cas d’avancée de la proposition. Une part des vikidiens voyaient plutôt avec enthousiasme une éventuelle adoption de Vikidia par la fondation qui détient Wikipédia, mais le scepticisme montait également de la part de participants plutôt anciens qui y voyaient un risque de perte de certains aspects de notre fonctionnement, sans avantages décisif en face. Les avantages d’une fusion comme une meilleure visibilité paraissaient moins convaincants au stade de développement où nous en étions arrivés. Enfin la Wikimedia Foundation, quoiqu’elle respecte une autonomie poussée de la communauté de chaque wiki, a selon moi un fonctionnement très centralisé pour tout le reste. Peut-être les grosses organisations qui ont réussi ne sont pas les mieux placées pour développer les innovations suivantes ! On a donc interrompu la démarche de demande/offre d’adoption de Vikidia par la Wikimedia Foundation.

Un sujet annexe devait être pris en compte, c’est l’existence de la version de Wikipédia en Simple English, selon un modèle qui n’a été copié dans aucune autre langue : viser un niveau de langage plus simple tout en se défendant d’être destiné aux enfants, ou bien en maintenant l’ambiguïté sur ce point. Dans l’optique de l’adoption de Vikidia comme projet ayant une vocation multilingue, la présence de Simple English Wikipedia ne facilitait pas la tâche puisque chaque option imaginable avait ses inconvénients ou ses difficultés : par exemple réorienter l’objectif de Simple English Wikipedia (y a-t-il quelque chose de plus difficile que de faire changer d’avis ou même d’identité tout une communauté ?) ou reprendre son contenu qui aurait été une sorte de fork interne à l’organisation… Abandonner le projet d’être adopté par la WMF nous libère sur cet aspect et nous avons décidé simultanément d’ouvrir une version de Vikidia en anglais, qui sera lancée à la fin du mois de février !

Orikrin1998 : Merci d’avoir répondu à ces quelques questions, et bonne continuation sur Vikidia !

Astirmays : Merci à toi, bonne fin d’après-midi !

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La vache libre : Krop passe en version 0.4.5

jeudi 6 février 2014 à 14:30

Krop est une application écrite en Python spécifiquement conçue pour KDE, Kubuntu et la version KDE de Linux Mint. Celle-ci s’appuie sur PyQt, python-poppler-qt4 et pyPDF, dans le but de vous permettre de retailler, découper et recadrer facilement les pages de vos fichiers PDF/eReader, grâce à une interface intuitive et facile à prendre en main. Je vous en avais parlé dans ce billet et ça avait eu l’air de vous plaire. Vous serez donc peut-être content de savoir que la version 0.4.5 de Krop a été publiée récemment, embarquant son lot d’améliorations, quelques corrections de bugs et la possibilité d’utiliser et de sauvegarder des fichiers comportant des caractères non ASCII. Ce ne certes pas grand-chose, mais c’était surtout l’occasion de vous parler à nouveau de Krop, car les applications proposant cette fonction sous KDE ne sont pas nombreuses. Ça peut donc être utile à ceux qui ne connaissaient pas encore cette application.

Alors si ça vous tente et si vous avez besoin de rogner du PDF, vous pouvez en savoir plus et vous procurer Krop depuis le site officiel du projet et la page de téléchargement. Vous y trouverez les sources et les binaires pour la plupart des distributions GNU/Linux et si vous tournez sur Archlinux ou Manjaro, vous pouvez vous procurer Krop via AUR.

Amusez-vous bien.

via lffl.org

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Morot : Tuto Darktable : Effets sélectifs sur les couleurs en noir et le blanc

jeudi 6 février 2014 à 00:18

Les effets noir et blanc ou sépia, tout le monde connait et sait faire, bon nombre de logiciels ont déjà des filtres pré-existants avec parfois quelques variations possibles.

Partons d’une simple photo de fleur avec un légers bokeh. Celle-ci est plutôt sans intérêt et pas très bien exposée.

DSC_0526

Importez cette image dans la bibliothèque Darktable, et rendez-vous dans couleur puis zone de couleur. Si le module n’est pas disponible, vous le trouverez dans la section plus de modules.

Mettez ensuite tous les niveaux au minimum ce qui a pour effet de créer une image basique en noir et blanc.

darktable_zones_de_couleur_zero

Avec la molette de la souris, on va ensuite réduire l’amplitude de l’outil et ne remonter que la couleur dominante, le rouge donc.

darktable_zones_de_couleur_ajustements

Après quelques ajustements sur la luminosité et les contrastes, on obtient une image, sans pour autant qu’elle n’ait de cachet particulier, déjà plus intéressante!

DSC_0526

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Tuxicoman : Utiliser le calendrier Android sans compte Google

mercredi 5 février 2014 à 22:59

Pour utiliser l’application calendrier intégré dans Android, il est nécessaire d’avoir une compte en ligne Google (ou Exchange). Cette obligation s’applique même si on n’installe pas les GoogleApps propriétaires de Google.
Hors la plupart des applications liés aux événements (rappel des anniversaires, etc…) se basent uniquement sur le calendrier intégré d’Android. Surement parce qu’il y a des API pour intéragir avec.

C’est plutôt dérangeant pour la vie privée et paradoxal pour les libristes qui voudraient éviter Google en n’installant pas les GoogleApps.

J’ai trouvé une solution en utilisant Offline calendar (GPLv3). Il simule un calendrier en ligne mais en fait tout est stocké en local. Ouf, ca libère !

Testé sur la distribution Android OmniROM 4.4

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