Peut-on encore accorder du crédit à la blogosphère littéraire ?
dimanche 30 octobre 2016 à 16:05Cet article est la suite d’un précédent rédigé il y a quelques jours sur la propagation des écrits de complaisance.
Alias m’a fait remarqué dans les commentaires de l’article en question ceci :
En même temps, l’auteur de l’article que tu cites a l’honnêteté d’annoncer la couleur: elle connaît l’auteure du bouquin, reçu gratuitement.J’ai déjà vu passer des chroniques où on doutait du fait que leur auteur avait lu (ou écouté) la chose chroniquée et reproduisait ce qui ressemblait fort à un dossier de presse.
Là, ouais, il y a de l’abus.
Il ne pouvait pas savoir à quel point la phrase sur l’abus était en plein coeur de la cible. J’ai récupéré pas plus tard que le 29 octobre au soir l’extrait du bouquin, comme propose de faire Amazon pour qu’on puisse avoir un premier aperçu.
J’ai été malheureusement surpris de voir un livre dont la composition donnait envie de fuir à grande enjambées. Pour citer mon propre commentaire :
[…]
Il y a aussi l’utilisation mal placée des virgules, comme au premier chapitre :« Ils n’entendent pas, ce que je leur explique ». Quel intérêt de mettre une virgule ici ? Et c’est ainsi tout le long du premier chapitre qui rend la lecture hachée et pénible.
C’est dommage que l’auteure n’ait pas consacré un peu plus de temps à relire son texte et surtout à le faire relire par des personnes qui auraient pu lui explquer que les virgules, cela obéit à certaines règles.
Bien entendu, j’ai eu droit à une série de réponses pour essayer d’éteindre l’incendie. Mais apparemment, la réaction de l’auteur ne s’est pas fait attendre, s’étant fendue d’un billet sur son blog, auquel je vous renvoie et dont je cite le morceau de choix :
[…]Je suis sincèrement désolée de vous dire que je me suis fait avoir par un(e) correcteur(trise) dit pro. Par conséquent, j’ai pris la décision de retirer provisoirement mon roman de la vente.[…]
Quelle réaction épidermique. Cela me fait poser quelques questions sur lesquelles je vais revenir dans la suite de l’article.
Déjà, une précision : le métier de correcteur est strictement réglementé. C’est une profession qui est accessible dixit l’ONISEP à partir d’un baccaulauréat et 3 années d’études validées par la suite. Donc, de préférence une licence en lettres ! Ça vaut mieux, non ?
Je veux bien qu’il existe des personnes dont la consience professionnelle est aussi épaisse d’une feuille de papier à cigarette, mais tout de même. Lorsque je pointais dans mon commentaire un problème de relecture, j’ignorais à quel point j’avais tiré ma flèche dans le centre de la cible.
On arrive à la deuxième question que j’ai envie de soulever. Quel crédit peut-on apporter à une chronique littéraire qui ne souligne pas un problème aussi évident que celui d’une typographie presque déposée au petit bonheur la chance ? Doit-on en déduire que le livre n’a nullement été lu ? Qu’on s’est limité à faire une chronique sans aller au bout du texte ? Qu’on s’est limité à faire du copier / coller de communiqué de presse ? À moins que je sois un lecteur trop exigeant ?
Cela ne m’encourage pas à apporter énormément de crédit à la blogosphère littéraire. Ce qui est dommageable pour la dite blogosphère et la défense des auteurs indépendants. Mais je sais quel site il faudra prendre avec des pincettes XXXL concernant le contenu des chroniques. Et vous aussi, je suppose, désormais !
Je chronique un certain nombre d’albums et de distributions GNU/Linux sur mon site. Les deux m’obligent à passer au moins 3 ou 4 heures, parfois plus pour écrire les articles. Lire un livre d’un peu moins de 200 pages me demande cinq bonnes heures.
Je suis une personne qui accorde autant d’importance à la forme qu’au fond. On peut avoir la meilleure histoire du monde à raconter, si la typographie est mal utilisée, que des fautes d’orthographes, de grammaire, de tournure et / ou des incohérences parsème plus ou moins le texte, ça ne donne pas envie d’aller au bout.
Encore moins d’être arrageant avec l’auteur(e) qui a dû surement passer plusieurs dizaines d’heures sur le dit texte, qui se voit dans l’obligation de retirer son texte à cause d’une présentation qu’on peut qualifier gentiment de moisie.
Il est quand même étonnant qu’un correcteur ou une correctrice avec un minimum de conscience professionnelle laisse passer de telles horreurs.
D’ailleurs, il est étonnant que l’auteure ne se soit pas aperçue du massacre, ni la chroniqueuse dont j’ai parlé dans le précédent article et qui doit être atteinte du syndrome de l’école des Fans : « 10/10 » même si la lecture du texte se résume à une souffrance constante pour la rétine.
Certaines personnes vont dire que je suis dans le harcèlement, mais je ne fais que constater les faits, et ils sont tếtus : quand je parlais d’un article de complaisance pour le dit roman, l’extrait que j’ai pu lire n’en a apporté qu’une preuve de plus.
L’auto-édition est un monde qui rend fou. Il est largement plus dur que celui de l’édition classique, car les auteur(e)s doivent tout faire ou presque : outre la rédaction du texte, le relire, le corriger, le faire relire, se débrouiller pour faire une couverture qui tape dans l’oeil et un texte de quatrième de couverture qui ne spolie l’histoire entière.
Je dois dire que je ne suis pas entièrement convaincu par l’argument de la relecture par un correcteur ou une correctrice qui aurait fait un travail de sagouin. Cela ressemble trop au bouc émissaire du stagiaire, comme ce fut le cas pour la pire des distributions GNU/Linux que j’ai pu avoir sous la souris, la Micro-R OS.
Mais laissons le bénéfice du doute à l’auteur. Elle s’est peut-être réellement faite avoir par une personne qui usurpe l’appellation de correcteur. Il est malheureux d’oublier que l’on ne peut faire qu’une seule fois bonne impression, et je crains que la carrière de l’auteure en question ne reste entachée par la proposition d’une version très difficile à lire de son roman.
Que les commentaires de soutien qu’il y a pu y avoir par la suite sur la page du roman en question ne change rien au fait que le texte n’encourageait pas à sa lecture. Je pense savoir aussi quelles sont les personnes qui commentent sur Amazon et dont l’avis dans l’absolu ne vaut pas plus qu’un gaz intestinal de mouche.
Quel crédit relatif peut-on apporter aux commentaires sur Amazon ? Vaste question !
Après, libre à vous de vous faire votre propre opinion. Mais il est vrai que je suis le salaud de service qui veut enfoncer à tout prix l’auto-édition, c’est bien connu !