Les distributions GNU/Linux « qui se méritent », est-ce un mal ?
vendredi 15 mars 2013 à 11:39Je suis un amoureux de GNU/Linux, inutile de le cacher. Et surtout de la diversité de ce petit monde.
Certains esprits chagrins critiquent le fait qu’il existe quelque chose comme 300 distributions GNU/Linux (en comptant une bonne cinquantaine soixantaine de dérivées de la distribution de Canonical).
Dans un excellent fil sur le forum Terre-des-tux, Cyrille Borne, en bon sadique, euh je veux dire prof de maths – ah le pouvoir des souvenirs de lycée – parle d’ArchLinux (et de Gentoo) d’une manière assez claire pour justifier son choix de ne pas l’inclure dans son projet d’Annuaire Libre. J’ai mis en gras les points importants.
Je mettrai Arch Linux le jour où ils prendront la peine de mettre un installateur graphique.
Je peux mettre aussi Gentoo, Olivier alias Billl est le dernier utilisateur Français et te dira qu’il lui arrive de gagner 10 ms par compilations.
On va certainement considérer que je suis ridicule avec mes histoires d’installateur graphique mais ça reste quelque chose qui me dépasse. Je vise depuis des années à la vulgarisation de Linux, toutes les distributions Linux ont fait l’effort de proposer des moyens de faciliter, Arch maintient le niveau et j’entrevois pour ma part la raison.
Il faut quand même imaginer que des gens ont forker Arch pour en faire quelque chose d’utilisable par le commun des mortels. Si je devais mettre une rolling release basée sur Arch ce serait Manjaro pour faire plaisir à Frédéric, mais quel intérêt d’aller placer une rolling release de plus où un beau matin tu as la joie de retrouver ton PC en morceau suite à l’upgrade qu’il ne fallait pas quand j’ai déjà placé Frugalware qui maintenant je viens de l’apprendre est totalement « insecure » ? (Amis de Frugalware je crois que tnut vous cherche un peu ). Car mine de rien, se projeter sur ce genre de distributions faut quand même avoir un peu de bouteille derrière.
Je comprends parfaitement le point de vue de Cyrille. Démocratiser et vulgariser (au sens premier du terme) les distributions GNU/Linux est quelque chose qui va dans le bon sens, ne serait-ce que pour combattre une mono-culture informatique.
Je vais la jouer vieux combattant de l’informatique, mais j’ai connu les distributions GNU/Linux avant que ce soit cool d’en utiliser une. Je me souviens que mon premier contact avec ce monde a été assez austère : c’était une Slackware 3.quelquechose, qui proposait un noyau linux 1.2.11 si mes souvenirs sont bons.
Vous pouvez la récupérer ici, si vous êtes curieux
A l’époque, on devait créer deux disquettes – les moins de 20 ans ne connaissent pas ce genre de support – pour démarrer puis charger la base d’un système minimal. Et si on avait de la chance, on pouvait utiliser un CD pour installer le reste.
A l’époque, utiliser Linux était un acte militant, et réussir une installation était un occasion de faire la fête
Depuis les installateurs graphiques se sont multipliés. Les premiers vraiment utilisables, ce sont ceux de l’époque des première Fedora (2004-2005), et il faut rendre à César ce qui lui appartient, l’installateur ubiquity (arrivée avec la Ubuntu 6.06 LTS) a aidé à l’installation simplifiée.
Cependant, cela n’a pas étouffé les distributions GNU/Linux qui sont restés avec des procédures d’installation moins simple, dans le sens « michu-compliant ». Avoir rédigé plusieurs versions d’un mini-guide pour installer ArchLinux (dont la dernière version date de la mi-mars 2013) montre qu’il n’est pas si compliqué d’installer une distribution qui se mérite. Qu’il n’est pas besoin d’avoir un bac+15 en geekitude pour avoir une distribution à l’installateur austère fonctionnelle sur une machine virtuelle ou réelle.
Il suffit de savoir lire, prendre son temps une denrée de plus en plus rare de nos jours.
Evidemment, je suis heureux de voir des installateurs qui simplifient au maximum la tâche de l’utilisateur. L’exemple récent de la OpenSuSE 12.3 dont l’installateur est un bijou de simplification, un bon gros cliquodrome qui se limite à cliquer sur suivant, choisir deux ou trois options, entrer son nom d’utilisateur, confirmer et attendre que tout se termine pour faire redémarrer la machine.
Le problème étant le casse-tête pour installer les codecs non-libres qui sont encore indispensables de nos jours.
Après tout, l’installateur est un outil que l’on ne doit supporter qu’une seule fois. Du moins si les montées en version se passent sans trop de casse.
Ce qui est rarement le cas sur des distributions à date de publications fixes. Il suffit que l’on trafique un peu en rajoutant des dépots tiers, et vlan, on est bon pour une installation « from scratch ».
Car on touche ici un problème lié à l’informatique, qu’elle soit libre ou privatrice. Aucun système ni logiciel n’est à l’abri de la mise à jour une peu faisandée qui fout tout en l’air.
Quand Cyrille parle de « la joie de retrouver ton PC en morceau suite à l’upgrade qu’il ne fallait pas », il suffit de chercher sur les sites d’informations grand public pour avoir des articles de ce style sur des mises à jour de l’OS normalement « michu-compliant » Microsoft Windows. Par exemple, un article de 2011 sur PC Inpact concernant le SP1 de Microsoft Windows 7.
Les distributions GNU/Linux qui se méritent ont un avantage de taille : être souvent d’excellente pédagogues. Car si j’ai appris une chose en presque 25 ans d’informatique personnelle, c’est que la meilleure méthode pour apprendre, c’était de tirer des leçons de ses échecs.
Et un autre avantage : celui de flatter l’égo de l’utilisateur, mais chut, faut pas le dire
Qu’on le veuille ou non, une distribution GNU/Linux restera un ensemble de logiciels complexes, plus ou moins bien agencées. Qu’on mette un installateur enrobé de sucre pour mettre en place une distribution sur une ordinateur donnera une fausse image de simplicité.
Un utilisateur sera confronté un jour à un problème qui mettra sa machine en pièce. Que ce soit avec une distribution « michu-compliant » ou pas, le résultat sera le même : il faudra mettre les mains dans le cambouis.
Démocratiser les distributions GNU/Linux est indispensable. Mais le faire sans former les utilisateurs, même un minimum, ce sera une politique casse-gueule à terme. Pour autant, je ne veux pas limiter les distributions GNU/Linux à une minorité de personnes adeptes de la branlette intellectuelle.
Des distributions « michu-compliant » sont indispensables. Mais ce serait comme former des personnes à la conduite automobile sans jamais leur montrer comment remplir un réservoir ou changer une roue. Un peu court.