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Que faire avec la crise de la santé mentale ? E. Exposto (traduction)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

« Ce qui nous unit, ce qui nous permet d'expérimenter un commun, ce sont nos malêtres » d'après Emiliano Exposto chercheur et activiste dans le champ de la santé mentale argentin [3], qui propose ici (le 16 juin 2022) une réflexion en première personne depuis l'anormalité. [4]

Faire la politique et faire l'amour aurait-il quelque chose à voir ? Ou encore, avec ce que nous faisons avec nos enfants, avec l'amitié, avec l'argent, avec le travail, avec le pouvoir que nous recherchons, avec l'imagination ou avec la manière dont nous continuons de reprendre, toujours ou en niant, notre histoire antérieure ?
León Rozitchner, “El espejo tan temido”, Acerca de la derrota y de los vencidos

Artaud disait : écrire pour les analphabètes — parler pour les aphasiques, penser pour les acéphales. Mais que signifie « pour » ? Ce n'est pas « à l'intention de… », ni même « à la place de…” . C'est « devant ». C'est une question de devenir.  Deleuze & Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?

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Ce texte parle de souffrances psy

0.

J'écris à partir de mes propres expériences et malêtres, pour mes camarades, celleux qui sont fatigué.e.s, celleux dont les mâchoires sont cassées par la toxicomanie ou les grincements de dents, pour les mélancoliques, les dépressif.ve.s, les médicalisé.e.s, pour celleux qui vivent entre l'insomnie et la peur, pour les anxieux.ses, les apathiques, pour les bourré.e.s, pour les fols et les troublé.e.s. [5]

Je veux être clair pour commencer : je ne suis pas une victime. Je ne désire par non plus être un héros. Mes expériences vécues n'ont rien d'extraordinaire. Si, pour le capital être en bonne santé c'est pouvoir être exploité, l'écriture depuis le malêtre cherche à réouvrir l'antagonisme depuis d'autres bases existentielles.

Mes ami.e.s sont celleux qui ne peuvent plus, pour la simple raison que moi non plus je ne peux vivre avec mon corps. Je n'écrirais pas si je ne sentais pas que l'écriture est une fugue, une stratégie pour vivre et participer aux luttes. C'est pourquoi j'écris pour les stupéfait.e.s et les effondré.e.s, pour celleux qui ne savent pas vivre, celleux qui n'en peuvent plus et sont désespéré.é.s, celleux qui ne sont plus, celleux qui viendront, celleux qui ont peur quand iels sont seul.e.s la nuit. Si j'écris depuis les vies abimées c'est parce que je trouve des forces dans une vulnérabilité inégale et partagée.

Les idéaux du bien-être sont une horreur : ils écrasent la dignité du malêtre. Néanmoins, nos fragilités peuvent anticiper une puissance, ambiguë et finie. Une alliance avec la douleur [6], inconnue de moi-même, où construire des soutiens et des actions collectives.

1.

Le malêtre est pour nos vies précaires ce qui en un temps fut l'usine pour l'ouvrier classique. Un territoire d'exploitation et de résistance, d'oppression, de co-investigation et de sabotage. Le point de vue de l'antagonisme pour les multitudes symptomatiques. Pour cette raison, sa politisation doit aller au-delà de l'idée traditionnelle selon laquelle la vérité de la norme se situe dans le pathologique. Diego Sztulwark remarque que « la maladie est devenue le normal dans le monde (elle arrive normalement aux personnes normales) » [7]. Chacun.e de nous est l'étranger.e pour iel-même, parce que nos vies sont le champs de bataille.

Dans nos malêtres, il y a un excès de douleur, mais aussi un reste de vérité. Dans Hijos de la noche Santiago López Petit écrit : « je ne parle pas de moi. Qui est-ce que cela intéresse mon moi s'il ne m'intéresse même pas moi-même ? Je parle de la maladie. Je veux expliquer que la traversée de la nuit va du malêtre à la résistance ». Nous parlons de nos symptômes, peurs et misères comme des expériences à partir desquelles construire des stratégies de vie. López Petit souligne que le malêtre est devenu la norme dans ce monde apocalyptique, et qu'il se diffuse de toutes parts de manière inégale. Cherchant à dissoudre la classification psychiatrique entre le normal et l'anormal, il rencontre des forces fragiles dans nos anomalies. Des « troubles » comme l'anxiété et le stress, selon l'auteur, sont le coût subjectif que nous payons pour supporter la normalité capitaliste qui nous rend malades. Pour cela, le malêtre peut être une prémisse sensible pour modifier des modes de vies épuisants et recréer nos plaisirs, désirs et imaginaires.

La politique du malêtre ne peut pas être élaborée à la troisième personne ou de manière extérieure. Elle peut être seulement par l'expérience propre, en première personne. Notre sensibilité, notre biographie, nos amoures, colères et échecs constituent l'index de toute investigation et activisme. La question est : comment articuler des malêtres distincts et inégaux.

Mark Fisher a enseigné à ma génération que notre santé mentale est un problème politique [8] ; que le malêtre peut être resignifié comme une zone où se débattent des structures impersonnelles d'oppression et où s'incarnent des dynamiques de conflits et de résistance. Nous partons de nos expériences personnelles pour les traduire dans des stratégies collectives et nous reconnaître dans des difficultés partagées. Comme le disait le Collectif socialiste de patient.e.s [9] : « Pouvons-nous faire de notre maladie une arme de résistance ? ».

Dans L'offensive sensible [10], Sztulwark propose une politique du symptôme. Nos symptômes résistent à se conformer à la vie du capital. Ils sont l'expression de ce qui en nous n'entre pas dans cette existence imposée. Nos attaques de panique, angoisses ou colères incarnent ce qui n'entre pas dans le néolibéralisme. Nous avons de l'anxiété, des dépressions, des grincements de dents, des frustrations, des deuils, parce que nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas, nous ne savons pas comment nous conformer à cette « petite vie de merde » (Suely Rolnik). C'est pour cela que le capital nous déteste. Et pour cela aussi que nous le détestons.

Les textes de Fisher, López Petit, Rolnik ou Sztulwark ont été pris au sérieux par les animateur.ice.s d'une scène psychopolitique émergente. Ces dernières années, avec beaucoup de personnes et de collectifs nous avons fait de la politique du malêtre le paradigme de nos investigations, communautés et activismes. Réalisme capitaliste de Fisher s'est transformé en un objet de culte : la politisation de notre santé mentale s'est convertie en stratégie de lutte.

2.

Il y a presqu'un an j'ai écrit un texte sur mon expérience anorexique [11]. Écrire à propos de mes « troubles alimentaires » est la manière que j'ai trouvé pour les resignifier, objectivant de façon critique les oppressions dont je souffre et les privilèges dont je bénéficie. En même temps, cela a été une manière de respirer dans cette conjoncture de scepticisme généralisé, où la pensée critique se vautre dans l'auto-complaisance alors que la politique conventionnelle nous submerge dans une spirale de colère, d'impuissance et d'indifférence. Mais, est-ce utile de penser à partir d'étiquettes psychologiques, de diagnostics psychiatriques ou de « cadres symptomatiques » ?

Quand j'avais 25 ans j'ai consulté un médecin dans une clinique de la banlieue de Buenos-Aires. Je souffrais de douleurs très intenses à l'estomac et d'hémorroïdes qui ont duré des mois. Après quelques examens, le médecin m'a diagnostiqué un « syndrome du colon irritable ». Il a ajouté : « héréditaire ». Je l'ai cru, naturellement. Et ma famille a confirmé son caractère phylogénétique. Lors d'une consultation le médecin a dit que le « trouble » pouvait être aggravé par mes « problèmes » avec l'alimentation. Puis il a glissé le mot « anorexie ». Je me souviens qu'un sentiment étrange m'a envahi. Un certain soulagement. Pendant des années j'ai cherché à comprendre ce qui m'arrivait sur internet, et en cet instant j'ai cru avoir trouvé une explication à ma souffrance.

En ces mêmes mois j'ai consulté pour la première fois un.e psychologue. Lors de la session d'admission, on m'a demandé pourquoi j'étais là. J'ai parlé sans m'arrêter pendant 30 minutes. La personne de la réception m'a regardé déconcertée pendant que je lui parlais d'anorexie et de dépression, de consommation de drogues et d'alcool, d'idées suicidaires, de suées nocturnes et d'anxiété. Elle me dirigea vers une thérapie d'orientation psychanalytique. L'expérience a été néfaste. Cela m'a toujours surpris qu'au lieux d'utiliser le mot « anorexie », le thérapeute employait la notion « d'alcoolexie » pour se référer à mes « problèmes » d'alimentation ; comme si ma vie était un jeu pour le DSM où chaque professionnel.le.s pouvait choisir sa propre aventure. Après avoir laissé puis repris la thérapie trois ou quatre fois, avec un mélange de rage contenue et beaucoup d'ironie, j'ai commencé à employer le terme de « survivant.e.s de la psychanalyse ».

3.

Juan Matti écrit : « Quelle relation il y a-t-il entre le mot douleur et la douleur ? Évidemment les mots n'expriment pas, ils disent ; il n'y a pas d'expression de la douleur dans le mot douleur. C'est une limite des mots » [12]. Il y a quelque chose d'inénarrable dans la douleur. Une blessure. Un trauma. La nuit du malêtre est faite de résidus de mort et de vie pour nous qui n'avons pas de mots, pas de diagnostics, pas de moyens ni d'envies. Et peut-être est-ce bien de ne pas en avoir. Un corps, bloqué dans son impuissance, détruit et s'auto-détruit, parce que la douleur, à être une expérience vécue de façon privée, peut inhiber des possibilités de décision et d'autonomie.
Est-ce désirable de faire des diagnostics des lieux d'énonciation ? Est-il possible d'inverser la charge négative des « troubles », « symptômes » ou « pathologies » ? Le problème, ce n'est pas nos difficultés émotionnelles, mais les systèmes d'oppression qui les produisent, qui profitent à certains secteur sociaux en pathologisant certains comportements et en quadrillant des stratégies existentielles. Si notre malêtre a bien des dimensions biologiques, émotionnelles et psychologiques, au fond, c'est vouloir vivre et ne pas savoir comment le faire. Il naît de la difficulté de composer une résistance commune et libératrice contre la réduction de nos vies au travail, à la consommation, aux images conventionnelles de la parenté, de la réussite et du bonheur.

La critique extérieure de ces schémas de vie peut accentuer l'insatisfaction qu'ils génèrent. Parce que le problème, ce ne sont pas seulement ces schémas, mais où nous nous situons par rapport à eux. Le conflit entre des images et des expériences ; la distance entre ce que nous sentons, pensons, faisons. Nous prétendons que nous vivons la fin de quelque chose. Nous savons quels schémas nous rejetons, mais qui sommes nous, si, quand nous vivons nos peurs, elles le font pour nous ? Le malêtre du vouloir vivre nous confronte à l'inconnu de nous-même. Et cela effraie de se réveiller dans l'abîme. Ça torture. Ça nous met au défi de nous affirmer dans ces symptômes qui résistent aux projets de vie imposés ou empruntés. Nous traversons le désert, désorienté.e.s et avec une seule boussole : le savoir du corps, pour « vivre sans être vécu », pour « penser sans être pensé » [13]. Pour être dignes de nos cauchemars, de nos insomnies et de nos rêves.

Nos crises, pourtant, peuvent être une opportunité pour affronter la peur. Et de la nuit du malêtre extraire quelque chose autant improvisé que fondamental : un nouveau point de départ. Nos tremblements et nos débordements, nos défaites et nos deuils ne sont pas des maladies privées. Ce sont des symptômes intimes et politiques. Je ne nie pas l'existence de la souffrance dans les crises, mais leur classification normative en vertu de critères fonctionnels pour le marché. La question n'est pas de guérir, d'éliminer ou de refermer nos blessures. Il s'agit de les habiter d'une autre manière. Le pouvoir thérapeutique réduit les crises à des pathologies que l'on peut traiter avec des médicaments ou des thérapies ; mais il s'agit d'expériences vécues ambiguës que nous devons nous réapproprier pour nous libérer de nous-mêmes.

Au lieu d'expliquer les malêtres par des schémas réductionnistes, comme des complexes psychologiques universels, des déséquilibres biochimiques, des variables linguistiques ou familiales, ils doivent être compris par une multitude de facteurs, en insistant sur nos trajectoires de vie et les déterminants sociaux. Face aux « diagnostics » et « troubles », le point de vue de nos crises et malêtres est crucial pour libérer le désir et réinventer le plaisir. Ils sont les prémisses pour risquer une autre sensualité, un autre érotisme, une autre agressivité.

La psychiatrisation et la psychologisation de chacun.e de nous par la diffusion de « troubles mentaux » fonctionnels au capital approfondit les violences et les oppressions. Les « désordres », « syndromes » ou « troubles mentaux » sont des étiquettes stigmatisantes et validiste qui pathologisent, ségrèguent et victimisent les personnes en souffrance. C'est une technique psychopolitique de classification des personnes et de contrôle des populations. Mais, quand les diagnostics sont réappropriés à l'intérieur d'expériences d'investigation et d'activisme, peuvent-ils être resignifiés ? Ouvrir de nouvelles possibilités et communautés ? Comment ne pas les convertir en objet de consommation ou « carte d'identité » ?

La construction des identités collectives n'est pas l'objectif principal de la pratique politique, mais un outil tactique dans notre devenir auto-conscient. Nous n'avons pas en commun une identité. Nous avons en commun nos luttes et les structures de la précarité et de l'exploitation : une exposition inégale face à la mort lente qu'avec la vie ils nous donnent. Nous avons en commun le fait que le capital s'oppose à nos vies.

4.

La crise de la santé mentale est une crise de production de la subjectivité. Les révoltes et les luttes des dernières années ont généré une conscience collective sur le caractère commun de nos malêtres, remettant en cause la capture privée des émotions et la légitimité du système public. Il y a des crises de par l'impossibilité de nous subordonner à le reproduction du capital, que cela soit sous la forme-thérapie (entrepreneur.se animique de soi), le contrôle narcotique (consommateur.ice de drogues psychiatriques) ou la gestion sanitaire (utilisateur.ice de services étatiques ou privés).

Dans les crises subjectives s'effondrent les prémisses qui organisent nos vies. Nos coordonnées existentielles explosent en mille morceaux, et il ne nous reste plus qu'à inventer, ou à masquer l'angoisse par nos certitudes antérieures. Cependant, les crises sont des expériences vécues si remuantes, si obscures, que pour cela même elles peuvent ouvrir de nouvelles relations et questions, de nouvelles croyances, peurs et désirs. Quand l'hygiénisme du capital devient gestion de nos crises, il se convertit en psychopouvoir narcotique, asilaire et thérapeutique. Grace à cela, le capital administre les états d'âmes, convertissant l'explosion sociale en implosion individuelle.

Santiago López Petit nomme « pouvoir thérapeutique » le gouvernement capitaliste de nos émotions. Par le biais de schémas de vie frustrants et impossibles à satisfaire, ce pouvoir nous résigne à vouloir seulement que la souffrance n'aille pas de mal en pis. Il s'agit d'un marché psychopolitique orienté vers la conception du moi, réparti entre les pratiques de coaching, d'entraide, de pleine conscience, de nutrition, de psychologie positive, etc. Ici, le bien-être fonctionne comme un impératif d'adaptation, motivé par l'impératif de la « capacité psychique obligatoire » [14].

Au travers de l'optimisme cruel du bien-être, le modèle thérapeutique classe les corps sains et malades, normaux et pathologiques, en fonction de catégories violentes et d'étiquettes du contrôle social. Exploitant la dimension économiques de nos affects et cerveaux, il discipline les sentiments et convertit en pathologies nos anomalies. Il identifie les signes de déficit ou de carence dans les différences. Ainsi, les « problèmes alimentaires », par exemple, se muent en syndrome ou désordres explicables en terme d'échec personnel ou de conduite psychologique anhistorique. Il s'agit d'une forme capitaliste de gestion de la vulnérabilité : une politisation réactive de la souffrance, où ils nous demandent d'exprimer nos sentiments, mais en les séparant de leur trame collective. La culture thérapeutique prétend donner voix et écouter les malêtres, mais invisibilise les relations de pouvoir et de résistance du champs social [15].

La société capitaliste nous rend « malades », et en même temps privatise nos affections. Là où le progressisme démobilise et moralise le malêtre social, la gauche classique le banalise : « oublie tes problèmes personnels, viens militer, parce que la révolution c'est la santé » [16]. Percevant les subjectivités des crises comme des victimes, profiteur.se.s ou assisté.e.s, le progressisme emploie une rhétorique de la réhabilitation, des risques ou de la récupération, sans questionner les règles à partir desquelles nous, les multitudes symptomatiques, serions « guéries » [17].

Cette gestion de la douleur est le propre d'une bureaucratie de l'adaptation. Dans la majorité des cas, quand une personne commence une thérapie, les difficultés émotionnelles sont déconnectées des problèmes culturels, économiques et politiques. À la fin de la séance, le monde reste la même horreur pour laquelle on va consulter. C'est pour cela que les malêtres ne peuvent être traités de manière individuelle, biologiste ou seulement dans les marges d'une attention professionnelle. S'il est bel et bien urgent de planifier démocratiquement et par en bas un système de Santé Mentale intégral [18], populaire et inclusif, nous avons tout autant besoin d'une réponse collective pour transformer les structures qui font du capitalisme un système producteur de malêtre [19].

5.

Resignifier une expérience, essayer au moins, peut faire s'effondrer notre monde. Durant les semaines au cours desquelles j'ai écrit le texte sur les possibilités de politiser mon expérience anorexique, une crise m'a poussé à consommer les services d'une nouvelle thérapie d'orientation psychanalytique. Le désir de politiser mes expériences vécues n'avait-il pas été capturé, paradoxalement, par le pouvoir thérapeutique contre lequel je pensais et j'écrivais ?

Qu'est-ce que nous disent sur la société thérapeutique les trajectoire des usagèr.e.s, ex patient.e.s ou consulté.e.s des dispositifs psychologiques ou psychanalytiques ? S'il existe déjà des écritures critiques sur la violence psychiatrique, comment multiplier aussi des archives publiques où se problématise le dispositif psychanalytique « depuis le point de vue de l'analysant » ? Au-delà des témoignages classiques et des dénonciations des dernières années, quelle est la perspective actuelle des patient.e.s et ex patient.e.s des thérapies ? Comment créer des narrations propres de l'expérience analytique où devienne plausible le débat sur son caractère supposément subversif ? Quelle est « la psychanalyse qui nous touche », nous, les patient.e.s réellement existant.e.s ?

La « perspective du/de la patient.e » ou « le point de vue de l'usagèr.e » est la catégorie critique articulée dans le premier chapitre du livre « Par nous-mêmes » de Judi Chamberlin, activiste folle et survivante de la psychiatrie [20]. Livre crucial du mouvement social en première personne. En termes généraux, c'est un écrit sur la violence psy, le validisme et des alternatives au système de la Santé Mentale contrôlées par les usagèr.e.s. Il est construit en rapport à la « priorité épistémologique » des expériences vécues, comme position située à partir de laquelle produire des savoirs critiques sur les pratiques psychiatriques, psychologiques et psychanalytiques.

Aujourd'hui, je crois que les dispositifs psychothérapeutiques sont ambigus et contradictoires. Ils peuvent héberger des pratiques d'attention, d'accompagnement et de changement dans nos vies. Ils permettent de penser contre nous-mêmes, de devenir autres et de prendre distance avec ce que nous sommes devenu.e.s. Mais ils peuvent aussi rendre possibles des pratiques qui expulsent, discriminatoires, cultivant la honte de soi. L'infantilisation, le préjudice, la tutelle, la dépendance et l'asymétrie peuvent habiter les pratiques psychanalytiques, malgré leurs présumées « abstinence » ou « neutralité ». La pathologisation et le psychologisme sont des formes de violence psy qui se cachent dans les dispositifs.

Quand le système de Santé Mentale devient gestion de nos vulnérabilités, les thérapies peuvent opérer comme des dispositifs extractivistes [21]. La promesse du bien-être extraie des énergies, savoirs et temps avec une tendance à individualiser ou familiariser les désirs, joies et tristesses. Il n'est pas dans mon intention, cependant, de me fermer à la dimension thérapeutique ou analytique dans l'approche de nos intimités. Le problème n'est pas de rejeter ou d'accepter le thérapeutique en soi, au nom d'une opposition simple entre thérapie individuelle et politique collective. Il ne s'agit pas de moraliser les thérapies, mais de politiser nos expériences vécues avec les dispositifs.

Face à la psychologisation et la médicalisation croissante dans une société thérapeutique, les Études Fols [Mad Studies] peuvent nous aider [22]. Elles proposent une épistémologie critique des « disciplines psy », parmi d'autres thématiques. Un champ dont les investigations, connaissances et activismes sont construits à partir des trajectoires et des savoirs des personnes en souffrance ou malêtre subjectifs ; et en particulier, depuis la perspective des personnes auto-nommée comme fols, patient.e.s de thérapies, survivant.e.s de la psychiatrie, usagèr.e.s ou ex usagèr.e.s de services de Santé Mentale, etc. Face à la société thérapeutique, nous devons récupérer le savoir qu'ils nous ont exproprié : le corps individuel comme condition et obstacle du contrepouvoir collectif.

6.

Depuis l'adolescence je traverse différents « troubles du comportement alimentaire ». Ces symptômes incarnent-ils mon inadéquation ou ma suradaptation à ce monde ? Écrire sur mes expériences me reflète dans un miroir très effrayant, en partie parce qu'il réveille un ennemi interne qui m'incrimine et me rend honteux ; en partie aussi parce qu'il m'expose au cauchemar de sentir que je vis dans un corps éloigné. Les socialiser, à partir du principe que je ne suis pas seul, qu'il y a du commun dans tout cela, suppose de mobiliser une série d'affects et de souvenirs qui m'assiègent. Ces fantômes, ces insécurités et points aveugles, ces traces sont elles nos enfants de la nuit ? « Dans la reconnaissance de nos propres limites, il y a un pouvoir » [23]. Il n'y a pas de politisation du malêtre sans revisiter les amitiés et les inimités avec nous-mêmes.

On n'a pas toujours les forces pour se fragiliser, il n'est pas toujours possible de politiser notre santé mentale. Des fois, nous pactisons avec le pire de nous-même. On se donne une trêve. Ça brûle d'être si proche de la matière. Ça désespère. Le malêtre n'est pas signe d'un manque, mais de l'excès d'une vie interrompue : vouloir vivre et ne pas pouvoir le faire. Comment sortir des énergies du non pouvoir, du non vouloir ou du non savoir ; comment apprendre à vivre ? Depuis où résister quand on se suradapte à certains impératifs ? Pouvons-nous faire de nos incertitudes une puissance collective ?

Nous n'avons pas d'autres armes que nos propres vies. La narration de la douleur ne prétend pas imposer un exhibitionnisme morbide ou nous victimiser. Il s'agit d'une question de devenir qui affirme l'impersonnel et le commun de nos expériences vécues intimes. Il arrive que nos émotions et nos cerveaux soient un problème politique trop important pour le laisser dans les mains de spécialistes. Le malêtre est une « question sociale » qui concerne toute la communauté, et c'est pour ça qu'il est toujours plus nécessaire de multiplier les narrations pour tisser des toiles et des alliances.

Si l'antipsychiatrie, Foucault ou Guattari ont signalé la potentialité politique de la folie, aujourd'hui il s'agit aussi d'exploiter la fragilité commune des malêtres. La souffrance a une priorité épistémologique, dans la mesure où il n'y a pas de savoir collectif qui ne passe par la réactivation de la puissance des affects. Notre santé mentale est un territoire d'oppression, d'investigation et de résistance pour resignifier notre histoire personnelle. La source de tout contrepouvoir implique de revaloriser notre vulnérabilité, notre fragilité, puisque dans cette ambivalence réside « la force des faibles », comme la nomme Amador Fernández-Savater [24]. Il s'agit de composer les malêtres pour sortir de l'isolement, de la honte et du silence.

7.

La classe dominante est responsable de nos effondrements. Pour relancer l'accumulation, notre santé mentale se convertit en un marché économique toujours plus important. Le capitalisme est la raison structurelle de la crise animique collective, puisque le capital est l'ennemi commun de toutes nos résistances, oppressions et inégalités. Depuis le point de vue du capital, notre malheur est une opportunité pour renforcer l'économie politique de la souffrance. Depuis le point de vue des luttes, cette crise collective a un potentiel cognitif, dans la mesure où elle permet d'approfondir les discours critiques, les expériences alternatives et l'émergence de « nouveaux » activismes. Nos crises peuvent être le germe d'un ressentiment collectif contre tout ce qui nous écrase.

La pandémie a aggravé une catastrophe qui la précède. Nos états d'âmes se détériorent face à l'incertitude et au chaos, à l'épuisement mental et au stress au travail, au confinement, à la peur de la contagion, à la crise de la reproduction et des soins. Cependant, l'anxiété et la dépression sont l'épidémie avant la pandémie. Fernando Balius signale que la consommation de médicaments, les consultations dans divers services, les abus, les enfermements non consentis et les tortures, les difficultés émotionnelles, le validisme et le capacitisme, les pratiques asilaires, entre autres violences, précèdent le Covid 19 [25].

Les capitalistes utilisent « l'épidémie de troubles mentaux » pour affermir l'alliance structurelle entre l'administration psychiatrique des populations (DSM), l'anesthésie chimique des corps et l'avancée des dispositifs psy et de l'industrie pharmaceutique. Cela accélère l'expansion du psychopouvoir dans la vie quotidienne, augmentant sa présence dans les institutions et les médias, comme aussi la culture thérapeutique sur les réseaux sociaux, parmi les amitiés et les familles, dans les militances et territoires. C'est pourquoi, de plus en plus, les difficultés psychologiques et les réactions émotionnelles attendues face à des événements catastrophiques sont traitées comme des problèmes médicaux, comme de bonnes raisons pour consulter un.e psychologue ou consommer des médicaments. Au lieu de remettre en question les structures, on culpabilise et criminalise les personnes. Mais la crise ne peut se réduire à une gestion des douleurs personnelles ou à rétablir les « déséquilibres chimiques ». À l'inverse, il s'agit de renverser les injustices, oppressions et inégalités systémiques.

La pandémie a mis sur l'agenda de l'opinion publique les discussions sur la santé mentale, bien qu'il s'agisse d'une omniprésence médiatique, mercantile et étatique. En 2021, la FIFA a lancé une campagne de promotion de la santé mentale dans le football. C'est une présence ambiguë qui invisibilise les problèmes structurels tels que les hôpitaux psychiatriques ou les médicaments, valorisant les « savoirs experts » des professionnel.le.s, les techniques du marché thérapeutique et les politiques publiques progressistes implantées depuis en haut. Il s'agit d'une massification dépolitisée qui prétend neutraliser la résistance et capturer le malêtre social puisqu'elle ne questionne pas les oppressions qui soutiennent les privilèges ainsi que les violences du système sanitaire. Si cette conjoncture démocratise bien les thématiques de la santé mentale, elle tend à professionnaliser les réponses à ces mêmes problèmes, accentuant les formes de psychologisation, d'individualisme, de psychiatrisation et de médicalisation de nos vies.

8.

Il y a une crise de la santé mentale de par l'impossibilité, désespérante pour le capital, de subordonner nos corps sans symptômes et résistances. Ainsi, en socialisant mes expériences vécues, je souhaite contribuer avec une conscience critique au sujet de symptômes collectifs que j'habite depuis des années. Quand je fais référence à mon histoire, je ne me réfère pas uniquement à des questions personnelles. Si les malêtres sont bien vécus de façon inégale et particulière, ils incarnent aussi des structures sociales qui nous traversent toustes, même quand nous les combattons. L'écriture en première personne n'a pas une empreinte de romantisme ou d'intimisme. Je ne cherche pas à me justifier ou à être grandiloquent, puisque nos expériences vécues ne sont pas un « cas » ou un « témoignage » pour alimenter le psychologisme professionnel et l'extractivisme structurel du système de la Santé Mentale. L'écriture, comme tout devenir, est une stratégie pour libérer nos vies détenues dans la « maladie » [26].

Le capital désirerait anesthésier et éliminer tout ce qui nous empêche de travailler, d'être fonctionnel.e.s, productif.ve.s et efficient.e.s. Il nous veut cassé.e.s, brisé.e.s, occupé.e.s au point de ne plus reconnaître nos interdépendances. Ce panorama accentue la contradiction entre le capital et la vie animique collective, où la gestion de la crise privatise la conscience de la souffrance collective générée dans la chaleur des luttes et révoltes des dernières années. Au contraire, l'enjeu est d'embrasser nos propres fragilités et faiblesses, dans leur singularité, pour prolonger nos corps dans le corps commun des coopérations collectives. Nous devons être attentif.ve.s aux limites de la canalisation étatique, professionnelle ou identitaire du malêtre, en explorant les structures impersonnelles qui sont en jeu dans notre santé mentale personnelle.

Ce qui nous unit, ce qui nous permet d'expérimenter un commun, ce sont nos malêtres. Nous sommes toustes inégalement psychiatrisé.e.s, anesthésié.e.s ou psychologisé.e.s, si, même jusqu'à pour pouvoir trouver un travail, nous devons passer des « examens psychologiques » [27]. Nous avons besoin d'un syndicalisme animique pour empêcher cette subsumption des émotions par l'exploitation du travail, et un hack psychocritique pour nous réapproprier les médicaments, diagnostics et thérapies. Quand toute la subjectivité est mise au travail par le capital, la politique prend la forme d'une gestion thérapeutique de l'individuel, ou, au contraire, elle impulse un soulèvement collectif.

Il s'agit de mettre en jeu cette même transformation dans les transformations systémiques. En des temps traumatiques, nous ne pouvons faire de ces transformations un impératif moral ou un discours héroïque, parce que se retirer peut être une manière de survivre. Du fait de l'inflation diagnostique, nous sommes toujours plus de personnes à être épinglées par un.e quelconque « syndrome », « trouble » ou « pathologie ». Si la « culture de la santé mentale » (Erro) apporte une explication réductionniste, individuelle et professionnelle à la douleur [28], notre défi consiste à développer des stratégies du commun, en première personne du singulier et du pluriel. L'écriture et la politique du malêtre impliquent d'affronter ce qui inhibe notre connaissance et transformation : il faut se trahir, parce que combattre l'ennemi suppose de nous combattre nous-mêmes.

Traduction par piou piou 77


[1] Emiliano a étudié la philo et enseigne à l'Université de Buenos Aires. Il est membre de la maison d'édition Coloquio de Perros et a publié les livres « Las máquinas psíquicas : crisis, fascismos y revueltas » (La Docta Ignorancia, 2021), « El goce del capital. Crítica del valor y psicoanálisis » (Marat, 2020) et « Manifiestos para un análisis militante del inconsciente » (Red Editorial, 2020) et compilé « »Félix Guattari : revolución molecular y lucha de clases" (Red Editorial, 2021).

[3] Emiliano a étudié la philo et enseigne à l'Université de Buenos Aires. Il est membre de la maison d'édition Coloquio de Perros et a publié les livres « Las máquinas psíquicas : crisis, fascismos y revueltas » (La Docta Ignorancia, 2021), « El goce del capital. Crítica del valor y psicoanálisis » (Marat, 2020) et « Manifiestos para un análisis militante del inconsciente » (Red Editorial, 2020) et compilé « »Félix Guattari : revolución molecular y lucha de clases" (Red Editorial, 2021).

[5] Cf. Teoría King Kong, Virginie Despentes.

[6] Hijos de la noche, Santiago López Petit, Tinta Limón, 2015.

[7] “Santiago López Petit o la travesía del nihilismo”, en Hijos de la noche, Tinta Limón, 2015.

[8] “Bueno para nada”, en Los fantasmas de mi vida, Caja Negra, 2018.
Voir : https://paris-luttes.info/good-for-nothing-traduction-d-un-16170

[10] La ofensiva sensible, Diego Sztulwark, Caja Negra, 2019.

[12] Materiales para una pesadilla, Juan Mattio, 2021.

[13] Engendros, Pedro Yagüe, Hecho Atómico, 2018.

[14] Je reprends le concept de “capacité corporelle obligatoire” à Robert McRuer dans Teoría crip. Signos culturales de lo queer y la discapacidad, Kaotica, 2021.

[15] Intimidades congeladas. Las emociones en el capitalismo, Eva Illouz, Katz editores, 2007.

[16] “Politizar el sufrimiento”, Amador Fernández-Savater, en https://cbamadrid.es/revistaminerva/articulo.php?id=233

[17] Cf. Multitudes queer. Nota para una política de los “anormales” de Paul B. Preciado.

[18] Je fais une distinction méthodologique entre Santé Mentale (en majuscules) pour me référer au système et au champ, avec ses discours, conflits, pratiques, dispositifs, travaux, législations, luttes, etc. ; et à la santé mentale (en minuscules) pour me référer à la dimension existentielle de nos expériences, malêtre, passion, plaisirs et émotions.

[19] Sur la « planification par en bas », voir Gobernar la utopía de Martin Arboleda, Caja Negra, 2021.

[20] On our own. Patient controlled alternatives to the mental health system, Judi Chamberlin, 1977.https://commedesfous.com/par-nos-propres-moyens-judi-chamberlin/

[21] Sur « l'extractivisme amplifié », voir La potencia feminista de Verónica Gago, Tinta Limón, 2018.

[22] Cf. “Enloqueciendo la academia : Estudios Locos, metodologías críticas e investigación militante en salud mental”, Juan Carlos Cea Madrid y Tatiana Castillo.

[24] La fuerza de los débiles, Amador Fernández-Savater, Akal, 2021.

[26] “La literatura y la vida”, Gilles Deleuze, https://lobosuelto.com/la-literatura-y-la-vida-gilles-deleuze/

[27] Cf. Enajenad@s. Fanzine de salud mental y revuelta.

[28] Pájaros en la cabeza. Activismo en salud mental desde España y Chile, Javier Erro, Virus, 2021.

Concert des Murènes (Collectif féministe et antifasciste)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le collectif féministe et antifasciste en mixité choisie LES MURÈNES présente son premier concert le 29 octobre 2022 à l'Ess'Pace (Paris 13) de 18h30 à 23h30 avec MORGANA (IT), TRHOLZ (FR), AQUA TOFANA (FR) et RIVE DROITE COUNTRY CLUB (FR).

La première date 100% Murènes !

Cette date sera l'occasion de vous présenter le collectif, de promouvoir des initiatives musicales féministes locales, nationales et même internationales et de créer un espace safe où les meufs et les personnes queer pourront profiter, se rencontrer et s'organiser.
La soirée est mixte, les hommes cis sont les bienvenus (tant qu'ils se tiennent à carreau) !
Nous avons le plaisir d'accueillir quatre groupes incroyables :

🌊 MORGANA (Florence, Italie) 🌊

Élu parmi les meilleurs albums punk par Bandcamp en août 2022, leur album Contemporaneità, aux textes aussi bien poétiques, politiques que réflexifs embrasse l'esprit post-punk développé par le groupe. Issus du milieu DIY de Florence, Morgana propose des paroles en italien et en français avec des influences aussi bien coldwave que new-wave des années 80. C'est leur première date à l'étranger, un concert à ne louper sous aucun prétexte !

BC : https://imorgana.bandcamp.com/
Insta : https://www.instagram.com/morganapostpunk/

🌊 TRHOLZ (Toulouse) 🌊

Les riot grrrl venues en direct de Toulouse vous ferons danser au son de leur punk enragé et engagé contre le patriarcat et les oppressions misogynes qui en découlent ! Que les machos, les mascus et les fachos tremblent, la révolution sera féministe ou ne sera pas !

BC : https://trholzriot.bandcamp.com/releases
Insta : https://www.instagram.com/trholzband/

🌊 RIVE DROITE COUNTRY CLUB (Paris)🌊
A mi-chemin entre le punk et la pop, Rive Droite Country Club parlera à la fois à tous les coeur brisés qu'à toustes les désireux.ses de revanche. Préparez votre tambourin, ça va bouger.

BC : https://rivedroitecountryclub.bandcamp.com/releases
Live : https://www.youtube.com/watch?v=Vu23ZJG0pHY

🌊 AQUA TOFANA (Paris) 🌊

Ce nouveau groupe parisien de bad bitches n'a pas fini de faire parler de lui. Leurs textes font écho à la colère des femmes et cela se ressent dans l'intensité de leur mélodies. Laissez vous empoisonner.

Instagram : https://www.instagram.com/h2otofana/
Live : https://www.youtube.com/watch?v=2Hr24mJ8Txk

💧💧💧Infos💧💧💧

➡️ PAF : 8€ (pas de préventes, uniquement sur place, avoir pile l'appoint nous aiderait beaucoup :))
➡️ Lieu : Ess'Pace
➡️ Adresse : 15 rue Jean Antoine de Baïf 75013 PARIS
➡️Transports : Métro 14 - BNF / Tram 3A Avenue de France

À retrouver également : tables d'infos, prises de parole, vente de prints...

Cette date a pour but de célébrer la diversité et l'inclusivité, tout geste ou comportement contrevenant aux valeurs du collectif (par caractère homophobe, transphobe, raciste, misogyne, xénophobe, insultant...) entrainera une exclusion de la soirée.

❗❗❗Une équipe en mixité choisie sera chargée de veiller au bien-être et à la sécurité de chacun-e, vous pourrez vous adresser à elle en cas de problème.

Lien vers l'événement Facebook : https://www.facebook.com/events/1135665290386806

Manifeste du collectif :

Parce que nous sommes en colère, révolté-e-s, fatigué-e-s de subir un système oppressif et de le voir être reproduit dans les sphères contre-culturelles ;

Parce que nous aimons nos musiques et notre scène et que nous voulons en faire un espace révolutionnaire, radical, et aussi safe que possible ;

Parce que nous sommes contre toutes les oppressions, et nous pensons que la lutte s'exprime aussi par la production culturelle ;

Nous constituons les Murènes, un collectif de meufs & queers vnr, en mixité choisie sans mecs cis, résolument antisexiste, antifasciste, antiraciste,

CONTRE le capitalisme, le racisme, le sexisme, l'impérialisme, l'hétéropatriarcat et les LGBTQIAAP+phobies (liste non-exhaustive) ;

CONTRE la présence de l'extrême droite et ses militant-e-s dans nos scènes ;

CONTRE le masculinisme prévalant dans nos luttes et dans nos scènes, contre les violences sexistes et sexuelles qui y sont encore trop répandues ;

POUR une lutte inclusive, en soutien aux meufs, aux queers, aux personnes racisées, aux TDS, aux migrant-es, aux personnes handi, tous-tes les laissé-e-s pour compte et leurs luttes ;

POUR se réapproprier les espaces qui devraient nous permettre d'exprimer notre colère, de construire nos luttes et tout simplement passer du bon temps, et dont nous sommes constamment dépossédé-e-s, exclu-e-s, invisibilisé-e-s ;

POUR construire de la solidarité et de l'entraide entre concerné-e-s à travers l'auto-organisation et la réappropriation de nos luttes ;

POUR rendre le punk plus féministe et le féminisme plus punk ;

Nous oeuvrons pour plus d'égalité et de justice, sur scène, dans la scène, dans le public. Nous oeuvrons pour une meilleure visibilité des personnes exclues ou oubliées dans nos luttes et dans nos scènes. Nous oeuvrons à la construction d'une scène contre-culturelle engagée, sans concession, active et créative. Nous nous engageons à agir pour plus de justice, pour que la peur change de camp ; à faire notre auto-critique lorsque ce sera nécessaire, sans immobilisme. Nous nous appliquerons à déloger les agresseurs, les fachos et les mascus, et à construire une vie plus belle, un concert, un zine, une action, une affiche, un flyer à la fois.

Retrouvez nous sur Facebook et Instagram : @Lesmurenes

Méfiez-vous de l'eau qui dort ! 🦈

Brigades spécialisées de terrain : programmées pour traquer

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La police est-elle sans foi ni loi ? Elle a en tous cas beaucoup de moyens et de droits. Ces dernières années, l'appareil répressif français s'est doté de nouvelles unités de maintien de l'ordre, avec des missions et des territoires de déploiement privilégiés, et choisi d'assouplir les modalités d'exercice du métier, notamment les conditions d'ouverture du feu en situation de « légitime défense ». Une enquête de Lundi.am

La loi « relative à la sécurité publique » de février 2017 qui assouplit largement les conditions d'ouverture du feu des policiers n'en finit pas de produire son cortège de drames. Le nombre de morts s'accélère. En 2022, pas loin d'une dizaine de personnes sont mortes, tuées par des agents après des « refus d'obtempérer ». Si tous les morts ne sont pas imputables à la BST, la plupart viennent d'unités de police « d'exception » (comme les BAC). Cette recrudescence des comportements de cow-boys (je tire d'abord, je pose les questions ensuite) peut faire craindre une évolution de la situation « à l'américaine ». Là-bas, les police officers ont encore moins d'hésitation à plomber des conducteurs durant des contrôles, même ceux qui s'arrêtent (et surtout s'ils sont Afro-américains [1]).

D'autant que devant l'absence de réaction de « l'opinion », d'organisations des droits de l'homme, d'organisations de gauche, et devant la marée de commentaires haineux qui suit chaque claquement de feu – entre appel à « remettre les racailles dans le droit chemin » (à balles réelles) et louange de chacune de ces exécutions (« vu le laxisme de la justice, il est normal que la police s'occupe de ces délinquants de cette manière ») – la liste risque encore de s'allonger dans les prochains temps...
Flashback

Dans la nuit du 18 au 19 août 2022 un équipage de quatre policiers de la BST de Vénissieux retombe sur une voiture signalée volée. Une semaine auparavant, une course poursuite s'était déjà engagée avec la wago suspecte, mais ils avaient été semés par le même conducteur. Cette fois les filles de l'air n'allaient pas s'en tirer comme ça : le véhicule suspect se trouve bloqué sur le parking de Carrefour pour un « contrôle ». Le chauffeur retente sa chance:une marche arrière pour se dégager, une marche avant pour se tracer. Un des policiers se retrouve accroché au pare-brise, un autre reste sur le côté et les deux tirent. Le passager et le conducteur, Adam et Raihane, sont mortellement touchés. Des renforts de police arrivent alors en masse et évacuent les autres voitures présentes sur place. Circulez, y'a rien à voir.

Deux semaines plus tard, même chorégraphie. Un Roubaisien de 23 ans est tué dans des circonstances similaires à Neuville-en-Ferrain, près de Tourcoing, par une patrouille de la BAC. Le passager finit en garde-à-vue pour « complicité de refus d'obtempérer ». La presse locale rapportait :

« Alors que les policiers s'approchaient, et après qu'un fonctionnaire a réussi à ouvrir la portière avant, le conducteur a, selon le parquet de Lille démarré et percuté "sur le côté" l'un des policiers, selon la source policière ».

Un an auparavant, rebelote. Dans la nuit du 29 août 2021, à 3h du matin, une tentative de vol de karcher à l'enseigne Kiloutou de Rézé est signalée. La police arrive alors qu'une voiture s'en va. Un policier vide son chargeur sur le véhicule avant d'interpeller le conducteur. Le jeune interpellé raconte au tribunal, un an après : « j'ai enclenché la première, il y avait la place de passer. Mais j'ai même pas eu le temps d'enclencher la deuxième qu'ils ont tiré ». En tout, 24 coups de feu retentissent. « Si je m'étais pas planqué, je serais plus là… Il y avait quatre balles sur le pare brise au niveau de ma tête ».

Bien sûr l'IGPN assure que les tirs sont proportionnés. Et bien sûr le procureur assure que « les policiers n'usent de leurs armes que dans des cas extrêmes ! » Le jeune homme est condamné à 4ans de détention, plus 8000 euros d'indemnisation pour Kiloutou, et 4370 euros aux policiers pour préjudice moraux et physiques…

Même histoire, ce mercredi 7 septembre à Nice. Un homme est repéré par les policiers pour sa conduite erratique. Coincé dans le flux de la circulation, au volant d'un « véhicule volé », il enclenche une marche arrière pour essayer de s'enfuir. Un policier, à coté du véhicule, l'abat. L'exécution est filmée et devient virale sur les réseaux sociaux. Ce qui n'empêche pas les syndicats policiers de monter au créneau pour défendre leur jeune collègue et féliciter son « sang-froid extrême ».

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Éducation nationale : la lutte paie, mais...

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Dans l'Académie de Créteil, on peut rester un mois sans contrat de travail, sans garantie d'être payé. Et c'est l'informatique qui est invoquée pour justifier cette situation d'exploitation illégale du travail des précaires : est-ce que ce monde est sérieux ?

Assia est AESH (accompagnante des élèves en situation de handicap) dans le dispositif ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire) d'un collège de Seine-Saint-Denis. Elle a entamé à la rentrée sa quatrième année. Assia est indispensable au bon fonctionnement de ce dispositif. Elle est unanimement appréciée par les élèves dont elle a la charge comme par tous les personnels de l'établissement.

Elle travaille à temps plein, et ne ménage pas sa peine car elle est impliquée (ce qui veut dire qu'elle passe du temps à travailler sans être payée, pour faire des choses utiles qu'elle pourrait ne pas faire). Les élèves d'ULIS ne sont pas toujours faciles, le corps est partie prenante du métier, et travailler dans un collège REP du 93, c'est déjà en soi usant. Il faut sans cesse s'adapter non seulement à de nouveaux élèves mais aussi à de nouvelles équipes (le turn over est constant).

Depuis la rentrée, elle était inquiète : elle n'avait pas signé de contrat ! Bien sûr, elle veut continuer à travailler : elle aime ce métier qui est vraiment utile, et, après plusieurs années d'expérience, elle se sent parfaitement compétente pour faire face à sa complexité. De plus, au bout de six ans de travail, elle pourra être « cédéisée » (employée en CDI).

Elle s'inquiète donc de son contrat, et ses collègues avec elle. Mais les jours passent, septembre touche à sa fin, et tout ce qu'elle comprend, c'est qu'un problème informatique empêche le rectorat de lui établir un contrat.

Le jour de la paie approche, c'est-à-dire pour elle un jour sans paie.

L'équipe enseignante décide alors le 27 septembre de se mobiliser. Elle adresse un ultimatum au Rectorat : une promesse écrite de contrat et de paiement du salaire de septembre, sinon c'est la grève le lendemain. La réponse écrite attendue n'arrive pas, le 28 c'est la grève.
Une délégation chemine vers le Rectorat, un groupe écrit un communiqué de presse.

Le voici :

Communiqué de presse
PERSONNEL SANS CONTRAT : STOP À L'EXPLOITATION DES TRAVAILLEURS ET DES TRAVAILLEUSES

Aujourd'hui mercredi 28 septembre 2022, l'ensemble de l'équipe pédagogique du Collège Jules Michelet a décrété la grève pour soutenir une de nos collègues, Madame A., AESH au sein de l'établissement depuis le 1er septembre 2018. Cette collègue travaille sans un contrat qu'elle réclame depuis la rentrée alors qu'elle est en poste, et n'a donc pas été payée pour tout le travail effectué durant la période du 1er au 30 septembre.
Dans les faits, le Rectorat est incapable de fournir un contrat à une collègue à qui il ne reste que deux ans à faire avant CDIsation. Les raisons fournies par la direction et l'administration sont fallacieuses : on nous renvoie à “un problème d'ordre informatique”.

Ces explications sont inacceptables à plus d'un titre :

  • Réduire cette situation à un simple couac informatique est une preuve de plus du manque d'humanité dont est habituée l'administration centrale. Mme A. n'est pas qu'un chiffre, n'est pas qu'un dossier, n'est pas qu'un contrat : c'est une personne compétente et essentielle au bon fonctionnement de l'établissement, dont tout le monde loue le dévouement auprès des élèves. Avec un tel traitement, comment réussir à recruter des AESH dont l'Éducation nationale manque cruellement ?
  • La situation des AESH est particulière : en effet, c'est au bout de six ans de contrat qu'ils peuvent obtenir une CDIsation. Mme A. a mené à terme un contrat d'un an, puis un autre de trois ans, achevé à la fin de l'année scolaire 2021-2022. Aujourd'hui, elle ne parvient pas à obtenir un dernier contrat de deux ans. Nous sommes stupéfaits que rien ne soit prévu pour les personnels comme Mme A., qui attendent de compléter leurs six années de contrat. Du moins, nous ne comprenons pas pourquoi notre collègue ne peut obtenir ce dernier contrat de deux ans dont elle a besoin.
  • Encore une fois, ce sont les agents les plus précaires de l'Éducation nationale qui sont sacrifiés. Alors que le département et le collège manquent cruellement de personnel qualifié pour accompagner les élèves en situation de handicap, voilà comment ces individus sont traités ! Rien qu'au Collège Michelet, seul un tiers des besoins d'accompagnement sont pourvus, et ce dans le cadre d'une crise de recrutement sans précédent.

L'ensemble du personnel pédagogique du Collège Michelet réclame sans délai la régularisation de la situation contractuelle de Mme A. ainsi que le versement de l'intégralité de son salaire pour le mois de septembre.

Tombe alors une nouvelle : un contrat de travail commençant au 1er septembre vient d'être envoyé.

Au Rectorat les collègues remplissent une demande d'audience. Ils ne seront pas reçus, mais on leur explique que le directeur de cabinet a été prévenu, ce qui serait synonyme d'une résolution rapide de l'affaire.

Dès lors, l'équipe se dit déjà que « la lutte paie ». Il faut s'en féliciter, mais...

  1. de telles conditions de travail dans le service public d'éducation nationale ne sont-elles pas honteuses ?
  2. que des enseignant.e.s doivent se mettre en grève, donc perdre une journée de salaire et faire perdre à leurs élèves une journée de cours, afin qu'une collègue aussi précaire qu'indispensable, puisse avoir la garantie de toucher son salaire (et d'avoir un contrat de travail), n'est-ce pas disproportionné ?

Mais nous en sommes là. Pour que nous cessions de nous épuiser dans ces luttes nécessaires qui mobilisent des moyens drastiques, il faut un grand changement. Invitation donc à mener une grande lutte...

Grève : grosse mobilisation des salarié.e.s du privé et du public, plusieurs blocages de sites

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les premiers échos de la grève du 29 septembre semblent annoncer une grosse mobilisation et en particulier dans le secteur privé.

Grève nationale dans les raffineries

  • Au niveau national, c'est la grève débutée chez ExxonMobil et Total qui fait du bruit, avec une mise à l'arrêt d'une raffinerie près du Havre chez Exxon et de forts taux de grévistes chez Total dans les raffineries et les dépôts pétroliers.

Occupations et blocages

  • L'ambassade des immigrés occupe la DRAC (Directions régionales des affaires culturelles) à Paris 9e : des papiers et des logements pour tou.te.s !
    <style>

Dans les lycées et les facs
C'est pas encore la folie chez les lycéen.ne.s et étudiant.e.s mais on notera le blocage du lycée Colbert (Paris 10e) où les flics sont intervenus (1 interpellation) et une AG étudiante déter à Tolbiac (150personnes).

Grèves dans le privé et dans l'éducation nationale

  • Grève importante également chez les employé.e.s des assurances
  • Dans l'éducation nationale, le ministère avançait un chiffre (toujours sous-évalué) de 20% de grévistes au niveau national dans les écoles, et 40% à Paris (avec une centaine d'écoles fermées). Dans le second degré (collèges, lycées), on serait autour de 30% au niveau national selon des sources syndicales.

D'autres grèves ont cours, n'hésitez pas à transmettre !

De nombreuses AG interpro se sont tenues au niveau local en région parisienne (et ailleurs !), avec la ferme intention de proposer des suites à cette journée de grève. À suivre.