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La Voix des sans-papiers

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Bulletin du mouvement et des collectifs de lutte autonomes, numéro 20 du vendredi 20 mai 2023.

Sommaire : pages 1-3, Saint-Just ; pages 4-5, Tyrannie en marche Peuple souverain Ubu roi président ; page 6, Domiciliation : Un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs ; page 7, Loi immigration : Un fantôme menaçant ; page 8, Mali - Sauvons la FaléMé : La lutte continue, Tract et Collecte

Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux,
c'est son gouvernement
(Saint-Just, 10 Octobre 1793)

L'Europe marche à grands pas vers sa révolution, et tous les efforts du despotisme ne l'arrêteront point. [...] La Révolution de France n'est point le coup d'un moment, elle a ses causes, sa suite et son terme. [...] Tant d'hommes ont parlé de cette révolution, et la plupart n'en ont rien dit. [...] Il y eut sans cesse en France, pendant cette révolution, deux partis obstinés, celui du peuple, qui, voulant combler de puissance ses législateurs, aimait les fers qu'il se donnait lui-même ; celui du prince, qui, se voulant élever au-dessus de tous, s'embarrassait moins de sa propre gloire que de sa fortune. Au milieu de ces intérêts, je me suis cherché moi-même ; membre du souverain [du peuple souverain], j'ai voulu savoir si j'étais libre, et si la législation méritait mon obéissance ; dans ce dessein, j'ai cherché le principe et l'harmonie de nos lois, et je ne dirai point, comme Montesquieu, que j'ai trouvé sans cesse de nouvelles raisons d'obéir, mais que j'en ai trouvé pour croire que je n'obéirais qu'à ma vertu. (...)

Tyrannie en marche, peuple souverain, Ubu roi président

« La tyrannie en marche », ainsi, le 12 septembre 2017, quatre mois après le début du nouveau mandat présidentiel de l'époque, avions-nous titré le numéro 16 de la Voix des sans-papiers.
Ce titre avait fait tordre le nez à plus d'un lecteur, certains l'avaient trouvé exagéré. Mais aujourd'hui c'est autre chose ; aujourd'hui, avec les déchaînements de violence, aux champs comme dans les villes, des bandes armées de l'État de police, ce choix d'antan n'a pas besoin, pour se justifier, d'aller chercher ses raisons chez les raisons d'un Aristote, d'un Machiavel, ou d'un Pascal. L'hubris du pouvoir politique, sa démesure monstre, la « violence de l'excès » (public) contre tout ce qui bouge et qui vit, bref, le déploiement envahissant de cette hubris du tyran, tout cela s'étale, purement et simplement, sous nos yeux : impardonnable aux yeux du monde et des millions et millions de personnes défilant dans les rues contre la tyrannie solidifiée, en acte. Aujourd'hui, des mots tels que « tyran », « tyrannie », et autres semblables, n'apparaissent plus exagérés à aucun de ces hommes et femmes indignés et révoltés. Ces mots viennent et reviennent sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, car ils correspondent à ce que pense à l'unanimité cette multitude innombrable en mouvement, la mort dans l'âme, après le dégoût et l'indignation. Après l'écœurement. Car il y a là comme un œil souverain haut perché, de maître, un souverain dédain du « bas » peuple. Il y a là ce à quoi ces masses d'humains flairent l'insomniaque oiseau de nuit et de proie ; ce à quoi des grévistes « surexcités » devinent (et s'ingénient à repousser à coups de « casserolades », charivari et huées à la mesure du personnage) le solitaire ubique dieu en herbe, incarnation et condensé des arrogances et provocations sans bornes, des crimes sans scrupules, sans remords, d'un Père Ubu guignol monstre, et menteur et volage, fait président de France, et insaisissable, immuable comme un petit grand dieu entouré de son petit Olympe de petits sous-dieux esclaves : pas un homme né d'une femme mais d'une frasque de dieu terrible honni et aimé. (...)

Domiciliation : un enfer pour les enfants comme pour les travailleurs
Pour scolariser les enfants :
Dans le primaire, à l'école maternelle, puis élémentaire, donc avant 11 ans, l'inscription dépend de la mairie et de son service des affaires scolaires. Souvent les fonctionnaires de base s'opposent à l'inscription des enfants à cause de la domiciliation alorsquec'est illégal. De même, les personnes qui sont hébergées par le samu social se voient refoulées car le 115 les fait changer souvent d'hôtel et donc de commune (26 fois en un an et demi, par exemple !). Pourtant, 5 textesprévoient lascolarisation obligatoire des enfants sans domicile fixe et qui ont une domiciliation : le Code des relations entre le public et l'administration, le Code de l'éducation, le Code de l'action sociale et des familles, ainsi qu'une note d'information de la Direction générale de la cohésion sociale de 2018 et un décret de 2020. (...)

Sauvons la faléMé (2) : la lutte continue

En dernière page de notre dernier numéro, nous avions informé nos lecteurs de la lutte engagée, des deux côtés de la rivière falémé qui marque la frontière entre le sénégal et le Mali, par un collectif de jeunes des deux pays. leur but était (est) de préserver ce qui reste de l'environnement naturel gravement mis à mal par l'exploitation industrielle de l'or : mines, depuis des décennies, exploitées au profit d'intérêts occidentaux (avant tout français) voraces et prédateurs ; mais, aujourd'hui, surtout industries chinoises de taille moyenne (mines à ciel ouvert, encore plus polluantes), et puis l'orpaillage dit traditionnel, mais pratiqué en fait avec des moyens mécaniques monstres (pelleteuses et dragues), si importants, si nombreux, et des installations mobiles si énormes, qu'il est impossible de ne pas le dire industriel lui aussi, ce prétendu orpaillage « artisanal », exercé, de plus, par des bandes organisées (armées) d'autres Chinois, ou d'africains venus d'ailleurs, notamment des Mossi du Burkina fasso. Fin 2022 et début 2023, côté malien, en voyant qu'on n'arrivait à obtenir des autorités locales que silence, ou bien menaces et arrestations et procès, les jeunes maliens se sont organisés en cortèges (plus de 200 personnes en moyenne) et se sont mis à parcourir les villages environnants dans un effort de sensibilisation de la population. (...)

Voix des sans-papiers numéro 20 - mai 2023

Le groupe Avtotobus prépare un nouveau voyage vers l'Ukraine

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Avtotobus est une initiative basée à Toulouse, qui s'inscrit dans un réseau de solidarité internationaliste, féministe et anti-autoritaire en Ukraine, et plus largement à l'Est. Depuis le début de l'invasion russe, ses membres ont réalisé plusieurs voyages en Ukraine, nouant des liens avec des associations et collectifs ukrainiens impliqués dans l'entraide locale et internationale.

Nos derniers voyages et les liens tissés nous ont amenées à être en lien avec des travailleur.euses des hôpitaux de Krivyi ryih et de Lviv. Ces hôpitaux sont plus ou moins proches des zones chaudes, et accueillent autant des personnes qui ont besoin de soins à longs termes venant des régions proches du front (ce qui permet de décharger les hôpitaux), que les personnes réfugiées. Cela s'ajoute aux nombreux.ses patient.es déjà suivi localement.

A Krivyi ryih, quelques mois avant le début de l'invasion, les travailleur.euses de l'hôpital se battaient pour que celui ci ne soit pas fusionné avec un autre. Après plusieurs mois de lutte, les hôpitaux ont quand même été fusionnés mais les soignant.es ont réussi a protéger tous les postes.

A Lviv, un important mouvement de lutte dans le milieu médical a eu lieu en décembre 2019, à travers l'appel « BeLikeNina ». Parti du témoignage d'une infirmière qui dénonçait ses conditions de travail, de nombreuses autres voix se sont élevées et se sont organisées, certaines ont monté un syndicat indépendant. Actuellement, elles tentent de soulever la question du salaire des infirmières en temps de guerre et des conditions de travail.

Les ONG ? Elles restent souvent bien au frais dans leurs bureaux, centralisent l'organisation de l'aide, et très peu sont présentes sur le terrain. Contre l'approvisionnement en produits alimentaires et matériel médical, elles demandent aux initiatives de volontaires sur le terrain de leur envoyer des photos pour faire leur comm'.
Sur place, par contre, de nombreux réseaux de volontaires se sont mis en place, des collectifs se crées de manière plus ou moins informelle, pour récolter l'aide matérielle nécessaire et l'acheminer, pour faire du soin, physique ou psychologique, s'occuper des personnes âgées, des enfants...
De nombreu.ses réfugié.es intérieur.es, une fois arrivé.es en zone plus sûre, rejoignent à leur tour des initiatives solidaires, rompant la verticalité d'une solidarité à sens unique.

Dans ce contexte, il est important pour nous :

  • De soutenir les camarades, les soignant.es et les médics en fonction des besoins concrets qu'iels nous transmettent.
  • De faire le déplacement nous même pour rencontrer les personnes et les camarades desquel.les on se sent proche, bien qu'on ne soit pas toujours d'accord, qu'on y voit des contradictions – qui viennent aussi réinterroger les nôtres – Cela permet de faire du lien avec les luttes locales, d'interroger la situation en prenant en compte le contexte historique et spécifique de ces territoires.

Tirs policiers : le droit a du mal à passer dans la pratique

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La police a diffusé une instruction qui affirme que la loi est « assouplie » depuis 2017… ce qui est inexact. Depuis, les tirs des policiers ont augmenté trois fois plus vite que ceux des gendarmes. Une juriste le rappelle : en droit, il faut choisir entre légitime défense et vengeance.

Illustration de FD

C'est une vielle histoire qui ne cesse de se répéter-]. Novembre 2008, dans le département de l'Oise. Naguib Toubache, 21 ans, est à l'arrière d'une voiture prise en chasse par la gendarmerie, qui tire 6 balles vers la voiture. Naguib est touché au cœur, et décède. Six ans plus tard, en octobre 2014, la Cour de cassation estime que le gendarme n'a commis aucune infraction.

Seul un danger « actuel » ou « immédiat » justifie un tir

Mais la famille de Naguib saisit la Cour européenne des droits de l'Homme. En juin 2018, celle-ci condamne la France. L'arrêt Toubache c/ France est un jalon important dans le droit français. La CEDH estime qu' « au moment où le gendarme a réussi à ouvrir le feu, sa vie ou celle de ses collègues n'était plus menacée et le véhicule était déjà en fuite ». Donc le tir était illégal. Marie Greciano, maître de conférences en droit pénal, analyse : « dans cette décision, ce qui fait basculer la CEDH, c'est le critère de “concomitance”. Il y a violation du droit parce que le gendarme a tiré au moment où le véhicule était en fuite », et ne menaçait donc pas les gendarmes.

Depuis l'arrêt Toubache, un tir ne peut avoir lieu que si le danger auquel il répond est « actuel ». Ce principe a depuis été repris et précisé par la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu en octobre 2021 (à propos d'un coup de matraque télescopique), elle estime que « l'usage de l'arme » d'un policier ou gendarme « doit être réalisé dans le même temps que sont portées des atteintes ou proférées des menaces à la vie ou à l'intégrité physique des agents ou d'autrui ». Marie Greciano explique : « la concomitance est une condition classique de la légitime défense. Si on réagit trop tard, on n'est plus dans la légitime défense, mais dans la vengeance ».

Les principes du droit sont donc clairs. Mais leur interprétation l'est moins. La loi française et les instructions policières ont jeté le trouble...

... Lire la suite de l'article sur Flagrant-déni.fr

Cet article a été permis grâce au travail de décryptage mené pour la rédaction du « 17 » de Flagrant déni, un guide en ligne pour les victimes de violences policières (en 17 fiches pratiques et juridiques). La parution est prévue à l'automne.

En savoir plus et soutenir ce gros travail

[LES DIGITALES – saison estivale] du 24 au 27 août 2023 !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Cet été, tandis que la sécheresse sévit partout, que le pays croule sous le soleil de plomb et les coups de matraque, on te donne rendez-vous à la Baudrière pour la défendre et maintenir l'espoir ! Les Digitales reviennent et c'est bien un vent de fraicheur qui va tout balayer pour cette troisième édition qui se tiendra du 24 au 27 août 2023 ! Le convoi de l'eau, organisé par la Confédération Paysanne et Bassines Non Merci, qui part de Sainte-Soline pour arriver le 26 août à Paris, sera de la partie !

Cet été, tandis que la sécheresse sévit partout, que le pays croule sous le soleil de plomb et les coups de matraque, on te donne rendez-vous à la Baudrière pour la défendre et maintenir l'espoir ! Les Digitales reviennent et c'est bien un vent de fraicheur qui va tout balayer pour cette troisième édition qui se tiendra du 24 au 27 août 2023 ! Le convoi de l'eau, organisé par la Confédération Paysanne et Bassines Non Merci, qui part de Sainte-Soline pour arriver le 26 août à Paris, sera de la partie !

Les Digitales c'est un festival d'écologies vénéneuses, radicales et surtout anarchistes dont on fête aujourd'hui la troisième édition. Le temps d'un week-end politique, festif et autogéré, des copaines, des collectifs et des luttes de pleins d'horizons différents se rencontrent à la Baudrière, à Montreuil. Les deux premières éditions nous ont permis de nouer des liens précieux et de faire émerger de nouvelles possibilités. Elles ont par exemple contribué à faire éclore, dans nos milieux militants, les questions d'écologies queer et d'organiser la riposte contre les écologies fascistes.

C'est dans un contexte particulier que se dérouleront ces Digitales estivales : la Baudrière est expulsable à partir du 21 août. La Baudrière, c'est un squat anarcha-féministe trans-pd-gouine-intersexe (TPGI) qui a ouvert en novembre 2021. Depuis presque 2 ans, ce lieu a été un refuge pour des meufs et TPGI mais aussi un lieu d'organisation politique qui a accueilli des dizaines de cantines, soirées, ateliers, rencontres, moments de solidarité…. La Baudrière, comme lieu d'expérimentation collective, nous a permis de forger des alliances fortes et de nous autonomiser, contre les modes d'habitation gentrifiés de la métropole et contre la société patriarcale et raciste qui nous opprime. La Baudrière est une zone à défendre !

Dans un contexte de passage en force de lois fascisantes, de criminalisation des luttes écolos et d'attaques répétées des lieux queers, nous ne pouvons nous permettre de perdre un tel lieu. Ce à quoi nous nous opposons et faisons face n'est pas nouveau : les quartiers populaires ont dû se soulever, souvent seuls, contre les meurtres policiers, le racisme et le mépris souverain. C'est donc avec cet héritage que nous tâchons aussi d'habiter cet espace et de ne pas oublier des luttes qui nous précèdent et qui sont toujours brûlantes de colère.

Ces rencontres se feront dans un moment où l'on peut être expulsé.es à tout moment. Pour cela nous avons pris des dispositions anti-répression : en informant sur les risques possibles de participer à cet évènement, sur l'hébergement et sur l'occupation sur place. Pour suivre le détail de toutes ces infos : rendez-vous sur Instagram : @les.digitales et le blog : labaudriere.noblogs.org

Chaque soutien compte pour continuer à faire vivre ce lieu et le défendre. Que tu y sois déjà venu.e ou non, ta présence est essentielle ! Chaque terrain que l'on arrache aux mains du capitalisme pour en faire un lieu de solidarité et de vie est une victoire ! En étant présent.es en masse sur cette période d'expulsabilité, on fait mentir la répression qui veut nous voir courber l'échine. Cette édition fera la part belle au soin communautaire : du trauma à la réduction des risques, en passant par les luttes du travail du sexe, internationalistes, contre l'islamophobie, l'oppression des adultes… mais aussi par l'aide mutuelle et l'autodéfense comme réponses collectives à tout ça.

À partir du 20 août et au-delà des Digitales, l'occupation persistera pour la défense !

Au programme donc : des discussions, cantines, projections, écoutes de podcasts, auto-formations, soirées, actions, techno manif à vélo, ateliers sportifs et artistiques, spectacles, partages d'expériences et de savoirs militants… Bref un moment de luttes et de rencontres à ne pas louper 🙂

Rendez-vous à La Baudrière, 65bis rue Voltaire, Montreuil !
Pour plus d'infos (proposer un atelier, dormir…) : lesdigitales@riseup.net
BLOG : labaudriere.noblogs.org
INSTAGRAM : @les.digitales

Émeutes « noires » aux USA à partir du 2 juillet 1964

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Rappel de ce qu'ont été les émeutes des Afro-Américains des banlieues étatsuniennes au début des années 1960.

Été 1964

New York. Dans le quartier de Harlem, l'agitation suit l'assassinat d'un jeune black de 15 ans par un policier blanc qui n'était pas en service.
Le jeune aurait menacé le flic d'un couteau. Les manifestations se transforment en émeutes : les voitures brûlent, les magasins sont pillés, les pavés, les barres de fer et les cocktails Molotov sont les (faibles) moyens utilisés pour affronter les forces de l'ordre. Les affrontements dans la rue durent pendant quatre nuits et trois journées, puis la vague déborde le quartier de Manhattan pour toucher le quartier de Brooklyn, dans le quartier black de Bedford-Stuyvesant.

D'autres villes sont également touchées ; il y a ainsi des émeutes dans le ghetto de Rochester dans le nord-ouest de la ville de l'État de New York, après que deux policiers blancs aient arrêté deux jeunes blacks alcoolisés. Le bilan de ces dix journées « chaudes » de New York et Rochester : 7 morts, 800 blessés, dont 48 policiers, plus de 1 000 arrestations, des millions de dégâts.

Ces mois « chauds » ont résonné dans tous les USA.

En été 1965

Du 11 au 16 août, c'est le quartier black de Watts, à Los Angeles, qui flambe. Avec comme prétexte l'arrestation d'un black prétendument alcoolisé par des policiers blancs. La presse WASP (white anglo-saxon protestant) se déchaîne contre la « plèbe noire ». Résultat : 35 morts, 800 blessés, 700 maisons incendiées, dévastation sur un périmètre de 77 km², 500 millions de francs de dégâts.

Watts - 1965

L'été 1966


Ce sont plus d'une vingtaine de villes qui se soulèvent dans tous les USA
. Entre autres : Jacksonville en Floride, Sacramento en Californie, Omaha au Nebraska, New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago. Dans cette dernière ville, le prétexte a été que la police avait chassé des enfants qui profitaient d'une bouche à incendie pour se rafraîchir. Le point culminant de cet été a été à Cleveland, dans l'Ohio : violents affrontements avec la garde nationale. À la fin de cet été, il y avait 12 morts et 400 blessés.

En 1967

Dans le quatrième « été brûlant », plus de 100 villes étaient touchées par les soulèvements. Notamment Newark (dans le New Jersey, pas loin de New York) et Detroit.

À Newark, les heurts durèrent du 12 au 17 juillet après qu'un chauffeur de taxi black ait été arrêté. À peine arrêtées des centaines de personnes se rassemblent et jettent des pierres et des bouteilles sur la police. Cette ville de 405 000 habitants se transforme en champ de bataille, il y eut 27 morts (dont 25 noirs), 2 000 blessés. En 60 endroits il y avait des incendies, des blocs de maisons étaient criblés de balles, les magasins du centre-ville avaient été pillés, des engins blindés patrouillaient dans toute la ville avec des soldats armés de pistolets-mitrailleurs, 1 500 noirs sont envoyés en prison.

Mais ce qui se passa du 24 au 28 juillet 1967 à Detroit dépassa tout cela. Robert Kennedy parla « de la plus grande crise américaine depuis la guerre civile », le Washington Post de « la plus grande tragédie dans la longue histoire des explosions des ghettos de couleur ».
Après une razzia de la police contre un café clandestin black, c'est l'émeute et la répression. Les tanks sont dans les rues avec des parachutistes en formation, on tire contre les gens dans les rues et sur les places. Des dizaines d'hélicoptères mitraillent les fenêtres. Des pans entiers de la ville sont en feu, les rues dévastées. Dans les quatre journées et nuits d'affrontements, la police, la garde nationale et les parachutistes de la 82e et 101e division (qui s'étaient illustrés au Viêt-nam) reprennent le terrain, rue par rue, dans ce qui est tout de même la cinquième plus grande ville US, la capitale mondiale de l'automobile.

Le système judiciaire fut totalement débordé. La prison de Detroit, prévue pour 1 200 prisonniers, en accueille 1 700.
Dans les prisons pour mineurs prévues pour 120 personnes sont entassés 600 jeunes. Un garage souterrain de la police a été transformé en prison pour 1 000 personnes. D'autres gens furent bloqués plus de 24 heures dans des bus : donc pas de toilettes, pas de médecin, pas de droits, aucun contact avec des avocats.

41 personnes sont mortes à Detroit ces jours-là, 2 000 blessées, 3 200 arrêtées, des milliers sans endroit pour dormir. Ce sont 1 500 magasins qui pillés, 1 200 bâtiments incendiés, et la production automobile arrêtée. Il y eut pour plus de 7 milliards de francs de dégâts. H. Rap Brown, ancien leader estudiantin black, dit : « avant la ville s'appelait Detroit, maintenant elle s'appelle Destroyed [détruite] ».

Violences policières inouïes lors d'une manif noire à Selma le 7 mars 1965
  • Ces soulèvements n'étaient pas des soulèvements organisés, mais ce qui les caractérise tous c'est que leur prétexte fut une confrontation avec la police. À chaque fois, une intervention de police fait déborder le vase. Les gens résistent à la police qui appelle des renforts, qui reçoivent des pierres et des bouteilles ; suivent les pillages. Les symboles de la société blanche — magasins et flics — étaient attaqués.
  • Porteurs de cette vague : les jeunes. C'est parce qu'ils appartenaient à une minorité opprimée que la majorité des Noirs américains étaient surexploités, devaient occuper les pires emplois, être les premiers licenciés et vivre dans des taudis.
    Aux USA, le chômage frappait à l'époque deux fois plus les travailleurs noirs que les blancs. La population noire était d'autant plus exaspérée que la jeunesse noire payait un lourd tribut dans la guerre du Viêt-nam.
    Cette jeunesse noire exaspérée était porteuse de ces révoltes, car les jeunes étaient plus conscients du racisme spécifique à l'encontre des noirs, ne croyaient pas en une action au sein des institutions, avaient déjà souvent participé à des actions politiques.

Article d'abord publié sur rebellyon.info