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Nous ne serons pas radioactif.ve.s !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Retour sur une action chantée devant le siège de l'ANDRA (Agence Nationale de gestion des Déchets RAdioactifs) lors des RENCONTRES NOMADES 2022 (rencontres nationales des chorales révolutionnaires) à Bure.

Du 15 au 21 août dernier ont eu lieu à la gare de Luméville près de Bure, les Rencontres nomades, rassemblement annuel des chorales révolutionnaires de toute la France. Des rencontres qui ont lieu chaque année dans un lieu de lutte et qui ont réuni cette année près de 400 personnes.
Durant cette semaine, organisée en auto-gestion, des chants sont transmis, des ateliers et activités diverses sont proposées par les participant.e.s et des temps sont dédiés à la lutte du territoire, en l'occurrence cette année, la lutte contre le projet de poubelle nucléaire CIGEO. Parmi ces temps, une action chantée devant le siège de L'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) dont j'ai réalisé un petit film (Nous ne serons pas radioactif.ves ! visible ici https://vimeo.com/759115559)

Pour résumer le projet d'enfouissement des déchets à Bure, l'état français tente de faire sortir de terre et rentrer sous terre un centre d'enfouissement des déchets radioactifs (en tous les cas les plus radioactifs). Il a choisi pour cela le site de Bure dans la Meuse. Depuis 1998, année durant laquelle le choix du lieu a été officialisé, une grosse mobilisation s'est développée sur place contre le projet. Une mobilisation qui a pris de de multiples formes de la simple pétition aux recours juridiques et administratifs en passant par l'achat de lieux collectifs mais aussi des occupations comme celle du bois Lejus en 2019.
Les opposant.e.s pointent du doigt la technique peu sûre d'enfouissement irréversible, son impact sur les ressources en eau, l'absence de débat démocratique. Elle demande en outre et avant tout l'arrêt de la production de déchets nucélaires et donc l'arrêt des centrales.

Où en est on sur place ? Au mois de juillet dernier, malgré moultes avis négatifs lors de la consultation, Cigéo a été classé parmi les opérations d'intérêt national (OIN) et déclaré d'utilité publique (DUP), ce qui permettra à l'État d'exproprier les propriétaires des parcelles nécessaires à la construction du projet. Par le biais des SAFER (Sociétés d'Aménagement du Foncier et d'Établissement Rural), l'Andra s'est progressivement accaparée plus de 3000 ha de terrains, dont 1000 ha de terres agricoles et 2000 ha de forêts, harcelant de nombreux·ses paysan·nes, augmentant le prix du foncier et compliquant les installations agricoles. Concrètement, il manque encore à l'ANDRA 5% des terres nécessaires à la réalisation du projet. Le site de la gare, où les Rencontres ont eu lieu, en fait partie. Ce site, acheté par un groupe de militant.e.s et d'opposant.e.s en 2000, est un espace de 8ha faisant office de lieu de ressource, d'organisation et d'accueil. De nombreux événements y ont été et y sont organisés. La DUP et l'OIN permettent à l'Andra de racheter le lieu.

Loin de s'affaiblir, la résistance sur place est repartie de plus belle après le passage difficile qu'a constitué la mise en examen de 7 militant.e.s pour association de malfaiteurs. Après près de 4 ans d'instructions, de milliers d'heures d'écoutes, de plusieurs perquisitions, de restrictions comme l'interdiction de se voir et de se parler pour les accusé.e.s pendant plus de deux ans et l'interdiction de présence en Meuse et en Haute-Marne et après plus d'1 million d'euros dépensés, les 7 prévenus ont tous été relaxés en juin 2021 de l'accusation (d'association de malfaiteurs). Les avocats estimaient alors que l'accusation n'avait été qu'un « prétexte » pour « réprimer le mouvement antinucléaire d'opposition à Cigéo », « pour les écouter, les perquisitionner, les surveiller, les contrôler et les éloigner de la Meuse et de la Haute-Marne » [1].

Comme j'ai pu le constater lors des rencontres et des temps d'infos, de discussions, la résistance a repris du poil de la bête et s'organise notamment dans les lieux collectifs, la gare mais aussi la maison de la résistance à Bure, l'augustine à Mandres en barrois [2]... Elle doit cependant faire face à une énergie et des moyens massifs mis en place par l'État pour étouffer la contestation.
Lors d'une soirée de témoignages des personnes en lutte habitants la zone de Bure, on a par exemple appris que l'ANDRA, non contente de racheter des maisons en vente sur le territoire, avait décidé aussi d'en détruire quelques-unes pour éviter que des opposant.e.s ne les rachètent.
On a aussi constaté comment de grandes quantités d'argent étaient dédiés à l'achat des consciences des citoyen,.ne.s et des décideurs politiques. On a par exemple appris que certaines banques conditionnaient l'octroi de prêts à l'acceptation d'un fond d'aide, le GIP (Groupement d'Intérêt Public Haute-Marne [3]), financé par l'ANDRA. Ainsi, un opposant historique, qui voulait monter un projet de fromagerie, n'a pas pu avoir son prêt puisqu'il refusait l'argent de l'ANDRA !...
Concrêtement, on a aussi pu vivre la surveillance policière, que ce soit par des contrôles sur les routes, par des survols du site de la gare, par l'encadrement policier massif de notre sortie dans les lavoirs du coin pour aller chanter à la rencontre de la population. On a pu aussi constater les moyens financiers mis au service des municipalités pour refaire leur route, leur éclairage, leur salle des fêtes... Sans parler des sorties organisées par les écoles, collèges, lycée pour visiter le laboratoire de l'ANDRA et les expos qu'il monte. Il faut se pincer pour le croire, lors des rencontres nomades, l'expo proposée s'intitulait « Secrets d'abeilles » ! [4].

Depuis les Rencontres nomades, 32 organisations opposées au projet ont déposé en septembre des recours à la Déclaration d'Utilité publique du projet auprès du conseil d'État. Côté politique, un front parlementaire Anti Cigéo a vu le jour réunissant plus de 100 députés [5]. Et... Jean-Marc Jancovici, ingénieur et enseignant, a carte blanche dans les médias pour promouvoir le nucléaire avec son costume faussement écolo (je vous conseille la lecture de ces articles à ce sujet [6] [7]).

En tous les cas, la lutte a besoin de nous toustes que ce soit :

  • En allant sur place pour s'impliquer sur un chantier, pour participer à un événement, pour y vivre, pour y organiser un événement à la manière des rencontres nomades
  • En faisant un don financier pour améliorer le quotidien sur place, pour financer la lutte juridique
  • En se mobilisant dans votre territoire contre l'Andra ou ses sous-traitants.
  • En parlant du projet autour de vous, en le faisant connaître, en organisant des événements d'infos et de soutien

Bref, de multiples moyens de se mobiliser et d'empêcher ce projet de se réaliser !

Nous ne serons pas radioactif.ve.s !

Stéphane

Pour aller plus loin :

Les sites internet :

Les brochures :

Les films :

Le lire aussi et trouver plus d'articles sur Bure bure bure

Meeting contre le racisme et pour l'égalité

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Suite à l'expulsion de l'Ambassade des immigrés et à la rafle survenue à La Chapelle, réunissons-nous pour faire face à ces attaques.

Ce jeudi 03/11 à 18h au local de Solidaires (31, rue de la Grange aux belles)
Mercredi 19 octobre, 180 gendarmes expulsent violemment l'Ambassade des Immigrés, bâtiment de la Société Générale occupé depuis 6 mois par un groupe de 80 immigrés, raflant au passage 6 habitants.

Jeudi 27 octobre, un immense dispositif policier rafle La Chapelle, laissant 500 personnes sur le carreau. Depuis, 200 immigrés de La Chapelle résiste au harcèlement policier et tiennent la rue.

Face à ces attaques toujours plus violentes de l'État et de ses préfectures contre les immigrés, il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire de s'organiser contre les politiques racistes. ✊

Contre la politique de la rue, contre la politique par la rue.
Pour des logements et des papiers pour tous !
Pour la liberté de circulation et d'installation !
Pour remettre l'égalité à l'ordre du jour !

Nous vous invitions à participer à un meeting contre le racisme et pour l'égalité le jeudi 3/11 à 18h au 31 rue de la Grange aux Belles (métro Colonel Fabien). ✊

Intervenants :
▪️Des membres du collectif La Chapelle debout !
▪️Des habitants de l'Ambassade des immigrés
▪️Nicolas De Sa-Pallix, président du Syndicat des Avocats de France Paris
▪️Médecins du monde
▪️Des élus de La France insoumise

Cagnotte anti-répression de l'Ambassade des immigrés : https://www.okpal.com/solidarite-avec-l-ambassade-des-immigres-expulsa/

Assemblée féministe pour le 25 novembre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Retrouvons nous le 2/11 au 24, rue de l'Eglise à Montreuil pour organiser une manifestation le 25 novembre, date de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, à Montreuil.

L'assemblée féministe de Montreuil souhaite organiser une manifestation le 25 novembre à Montreuil contre les violences sexistes et sexuelles et plus largement contre toutes les violences faites aux femmes : sociales, racistes, homophobes, et transphobes. Si tu es intéressé.e, que tu as envie de t'investir, viens organiser la manifestation avec nous !! RDV pour préparer la manifestation le mercredi 2 novembre à 18h30 à la Maison des femmes de Montreuil, au 24, rue de l'Eglise. L'assemblée se fait en non mixité, entre femmes et minorités de genre, sans mecs cis ( CIS : personne qui se reconnait dans le genre qu'on lui a assigné à la naissance).

L'assemblée féministe existe depuis fin novembre de l'année dernière et notre activité principale est la construction de la grève du 8 mars : tractages sur la grève, piquet de grève sur la place du marché. L'assemblée est un cadre ouvert. Ainsi, toutes nos activités sont ouvertes à toutes les femmes et minorités de genre. Nous nous organisons politiquement dans les assemblées et nous nous retrouvons également autour de « cafés féministes » ; moments qui nous permettent d'approfondir des thématiques politiques (ce mois-ci : café autour de l'avortement et des droits reproductifs). Notre volonté est d'avoir un cadre souple afin de permettre à toustes de s'en saisir à la hauteur de ses moyens et de ses envies. Nous tenons à ce que chaque assemblée se fasse dans des lieux différents, afin de faire du lien ou renforcer ceux qui existent déjà avec des lieux militants qui existent à Montreuil : la maison des femmes, la parole errante, l'AERI, la Baudrière.

Hâte de vous rencontrer le 2 novembre à la Maison des femmes.

Zarzis 18/18, la grève générale et le scandale du Jardin d'Afrique

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le 18 Octobre 2022, une grève générale a traversé la ville de Zarzis en signe de protestation suite à la disparition de 17 personnes parties harraga le 21 septembre. La semaine dernière, les corps de 3 personnes ayant fait partie de ce groupe ont été retrouvés dans le Jardin d'Afrique, où ils avaient été enterrés sans test ADN. Les mobilisations demandent la vérité et des explications à la Garde Maritime, la Mairie, l'hôpital et le procureur. Article publié par MIA

Pour lire la première partie de la lutte à Zarzis : Zarzis 18/18 : en Tunisie, une mobilisation qui exige la vérité.
"Après trois semaines, on ne trouve que des restes... on a trouvé tellement de corps dans la mer ! De loin, on peut voir une nuée d'oiseaux blancs comme formant un cercle ; au milieu, un corps gonflé et une tache comme de l'huile tout autour... Et on sent déjà de loin une odeur insupportable", raconte Oussine, pêcheur et membre de l'association de pêcheurs de Zarzis au cours d'une opération de recherche en mer. En revanche, c'est un corps quasi intact qui est retrouvé le dimanche 16 octobre (soit 25 jours après la disparition du bateau) sur une plage de Zarzis. Il s'agit de celui de l'un des disparus : Aymen Mcherek. Presque inodore, son corps est retrouvé avec sa chemise encore attachée à la tête. D'où le soupçon parmi les proches qu'il provenait non pas de la mer mais d'une chambre froide. Dans l'espoir de dissiper ce doute, huit bateaux de pêcheurs sont sortis en mer le lendemain pour une autre opération de recherche. En vain.
Depuis un mois, l'association des pêcheurs est l'épaule à laquelle les familles peuvent se raccrocher pour éviter l'abîme du désespoir. C'est à ses côtés qu'Abd al-Salam al-Aoudi, père de Ryan (jeune de 15 ans encore porté disparu) a ouvert l'interminable cortège de mardi 18, transformant ainsi son cauchemar en cris de revendication :

« Cha3b yourid aouled el mafk9oudin !
Le peuple veut les fils/filles disparu.es ! »

L'émotion d'Abd al-Salam avait déjà fait irruption à l'occasion de la réunion avec les syndicats UGTT, UTICA et UTAP précédant la journée de grève du 18. Alors que l'association des pêcheurs, les familles et les militants de la ville souhaitaient appeler à la grève générale, les syndicats avaient demandé un délai supplémentaire pour organiser une telle mobilisation. Face à cette impasse, Abd al-Salam s'était levé pour exprimer sa détresse, s'écriant "vous êtes mon président, vous devez m'aider à retrouver mon fils, vous devez m'aider à retrouver mon fils !", le doigt pointé vers Chamseddine Bourassine. Après un court moment, la réunion se dissout sans aucune promesse des syndicats. Le lendemain, ils déclareront une grève générale pour le mardi 18 octobre.
Chamseddine Bourassine, président de l'association des pêcheurs, est le pivot politique des mobilisations de Zarzis [1]. C'est en effet autour de lui que se sont multipliées les assemblées ouvertes au local des pêcheurs sur la route de Ben Gardane, les communiqués de presse, et les prises de paroles dans les rues et dans les rassemblements spontanés. Et c'est au fil de ces mobilisations que s'est progressivement esquissée une certaine posture collective face aux institutions étatiques là où la colère et le désespoir n'auraient pu suffire à eux seuls. Dans son discours tenu à l'occasion de la gréve du 18 Octobre, il déclara :

La raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui dans le cas de cette catastrophe : aucune autorité en Tunisie n'a voulu s'occuper de notre cause. [...] Nous avons trouvé que les déclarations municipales ne correspondent pas aux tombes qui sont au cimetière des Inconnus. Nous avons trouvé des permis d'enterrement qui ne correspondent pas aux tombes qui sont au cimetière. Aucun responsable n'a voulu nous dire la vérité.
Ces dernières semaines, aucun organisme d'État ne s'est exprimé publiquement : les hôpitaux, les morgues, le cimetière, la municipalité de Zarzis, le procureur. Ce n'est que grâce à l'obstination acharnée des familles et des militants que les innombrables contradictions des discours officiels ont pu être mises en lumière. Le dimanche 16, après la reconnaissance des trois corps enterrés au Jardin d'Afrique et les funérailles de quatre personnes, la pression de Zarzisouis.es a permis d'ouvrir les registres de l'hôpital et découvrir que, au cours de la semaine écoulée, certains corps avaient quitté l'hôpital sans test ADN et sans destination officielle. Le lendemain, alors qu'il comptait faire une demande officielle pour savoir combien de corps étaient en attente de tests ADN à l'hôpital de Gabès, Ali Kniss, chercheur et citoyen de Zarzis, a été brusquement expulsé du tribunal de Médenine parce qu'il portait un short et Abd al-Salam al-Aoudi a été violemment plaqué au sol et malmené.

L'objectif premier des mobilisations de Zarzis est la vérité et la recherche des disparu.e.s. D'autres motivations d'ordre psychologique, social, politique et économique contribuent évidemment à élargir la mobilisation de la ville et de la région. Mais il est important de ne pas confondre l'objectif avec les motivations ; le mouvement à Zarzis "ne demande pas ni a manger ni a boire" selon le President de l'association des Pêcheurs. Se mobiliser en Tunisie en ce moment signifie devoir se défendre contre l'accusation de vouloir déstabiliser le président. La protestation est vue et attaquée en tant que "cheval de Troie" de forces complotant dans l'ombre pour soi-disant influencer l'agenda politique. Dans un tel contexte [2], les mots de Bourassine ne laissent aucune équivoque :

“Garder vos chaises et vos postes, mais laissez-nous nos causes [3]
Nous ne sommes pas avec les personnes qui veulent gouverner. Ni avec ceux qui ont des agendas avec les étrangers.[...] je pense qu'ils vous donnent de mauvaises informations.

Lire en entier et écouter l'interview sur MIA

[1] Chamseddine Bourassine n'est pas le leader des mobilisations de Zarzis ; multiples sont les personnes qui se sont exposées au cours de ces semaines et dont l'action a été déterminante pour le déroulement des événements et la recherche de la vérité.

[2] Manifestations et affrontements dans le quartier d'Ettadhamen à Tunis après la mort d'un jeune homme de 24 ans aux mains de la police le 14 octobre, manifestation anti-Kaïs Saied dans l'avenue Bourghiba le 15 octobre, grève des transports publics le 21 octobre, grève des fourneaux le 19 octobre.

[3] Chanson populaire de Lotfi Bouchnak : https://www.youtube.com/watch?v=J33P6oG-jfA&ab_channel=ImadBandak

Mehdi Ben Barka assassiné le 29 octobre 1965 avec l'aide du gouvernement français

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

À la veille de son enlèvement et de son assassinat, il présidait le comité préparatoire de la Conférence de la Tricontinentale qui devait réunir à la Havane, en janvier 1966, les représentants des mouvements de libération des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine. Figure intellectuelle et politique du mouvement anticolonialiste et opposant au roi Hassan II du Maroc, Mehdi Ben Barka est assassiné le 29 octobre 1965 près de Paris. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Où a-t-on trouvé le corps mort ?
Qui a trouvé le corps mort ?
Le corps était-il mort quand on l'a trouvé ?
Comment a-t-on trouvé le corps mort ?
Qui était le corps mort ?
Qui était le père ou la fille ou le frère
Ou l'oncle ou la sœur ou la mère ou le fils
Du corps mort et abandonné ?
Le corps était-il mort quand on l'a abandonné ?
Le corps était-il abandonné ?
Par qui a-t-il été abandonné ?
Le corps mort était-il nu ou en costume de voyage ?
Quelle raison aviez-vous de déclarer le décès du corps mort ?
Avez-vous déclaré la mort du corps mort ?
Quels étaient les liens avec le corps mort ?
Comment avez-vous su la mort du corps mort ?
Avez-vous lavé le corps mort
Lui avez-vous fermé les deux yeux
Avez-vous enterré le corps
L'avez- vous laissé abandonné
Avez-vous embrassé le corps mort

(Harold Pinter)

Le 29 octobre 1965

Ce vendredi-là, à 12h15, Mehdi Ben Barka a rendez-vous devant la brasserie Lipp, 151 Boulevard Saint-Germain à Paris, avec le cinéaste Georges Franju qui envisage de réaliser un film sur la décolonisation intitulé “Basta !”. Il s'agit en réalité d'un piège, monté par le journaliste Philippe Bernier et un producteur de cinéma ancien repris de justice, Georges Figon, lié aux milieux intellectuels parisiens mais aussi à une bande de truands recrutée par les services secrets marocains. Et voici que deux policiers de la brigade mondaine, Louis Souchon et Roger Voitot, exhibant leur carte de police, invitent Ben Barka à monter à bord d'une voiture où se trouve également Antoine Lopez, un agent du SDECE (les services du contre-espionnage français de l'époque). Il est conduit à Fontenay le Vicomte (Essonne) dans la villa de Georges Boucheseiche, truand du gang des tractions avant. Dès lors, on perd sa trace. Nul ne le reverra vivant.

Ben Barka, militant de la cause pour la libération des peuples du tiers-monde

Né en 1920 à Rabat dans une famille de petits fonctionnaires, Mehdi Ben Barka a fait des études de mathématiques à Alger et réussit à devenir enseignant en mathématiques. Il enseignera notamment au Collège Royal du Maroc, où il dispensera sa science au futur roi Hassan II.

Parallèlement, il s'engage en politique contre le « protectorat » français sur le Maroc. Dès 1943, il participe à la création du parti de l'indépendance. En 1945, il est l'un des responsable de l'Istiqlal, le parti nationaliste qui a mené le Maroc à l'indépendance. En 1955, il participe aux négociations qui aboutiront au retour du roi Mohammed V que les autorités française avait exilé à Madagacar et, en 1956, à la fin du protectorat. De 1956 à 1959, Mehdi Ben Barka est président de l'Assemblée consultative du Maroc.

Représentant de l'aile gauche d'un parti qu'il juge trop conservateur, il provoque une scission et fonde en 1959 l'Union nationale des forces populaires du Maroc, de tendance socialiste, et se place dans l'opposition au régime de Hassan II : il dénonçait « ce régime médiéval qui tendrait à ressusciter les structures médiévales de la société marocaine ».

En novembre 1962, Mehdi Ben Barka doit échapper à un attentat mené contre lui par deux officiers du roi Mohammed V, notamment le général Mohammed Oufkir. Lorsque Hassan II décrête l'État de Siège le 16 juillet 1963, Mehdi Ben Barka s'enfuit du Maroc pour rallier l'Algérie. En automne 1963, Mehdi Ben Barka dénonce le conflit frontalier qui oppose le Maroc et l'Algérie et se met du côté des Algériens qu'il considère aggressés par le royaume marocain. Le royaume du Maroc le condamne ainsi à mort par contumace en novembre 1963.

C'est à Alger d'abord qu'il s'exile où durant les quelque six mois passés en 1964, il s'emploie à donner une perspective mondiale à une convergence des luttes de libération nationale. Son inspiration provient de Frantz Fanon, mais aussi du Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, de Portrait du colonisateur (1957) et Portrait du colonisé d'Albert Memmi. Elle s'est nourrie dans les échanges avec la pensée contestatrice face à la puissance impériale britannique en Afrique de Jomo Kenyatta, Kwame Nkrumah et Julius Nyerere. Il désire créer une publication anticolonialiste "La Revue africaine", ainsi qu'un centre de documentation sur les mouvements de libération nationale.

La capitale algérienne était devenue le foyer intellectuel de la contestation révolutionnaire internationale. On y retrouvait les dirigeants des mouvements de libération et, en premier lieu, après les troubles en Angola (1961), en Guinée-Bissau (1963) et au Mozambique (1964), les exilés des colonies portugaises. Métis et minoritaires, les intellectuels du Cap Vert, notamment Amilcar Cabral, faisaient écho aux courants libérateurs venus du continent américain. L'une des figures les plus puissantes du mouvement noir aux États-Unis, Malcolm X, séjournait à Alger en 1964 ; Ernesto Che Guevara, avant d'aller au contact des maquis du Congo, y passe également au printemps 1965.

Puis Le Caire en Egypte l'accueille, suivi de Rome, Genève et La Havane à Cuba, villes où il est notamment chargé d'organiser avec d'autres la participation des mouvements de luttes révolutionnaires du tiers monde à la Conférence Tricontinentale (Asie, Afrique et Amérique latine) qui doit se réunir à La Havane en janvier 1966.

Hassan II, le roi du Maroc, commanditaire du rapt de Ben Barka

Le général Mohamed Oufkir, ministre marocain de l'Intérieur, Ahmed Dlimi, directeur de la sûreté nationale marocaine, et un certain Chtouki, chef des brigades spéciales marocaines, se trouvaient à Paris à cette date-là, le 29 octobre 1965. C'est d'ailleurs Oufkir qui a torturé Ben Barka et Georges Figon affirmera avoir vu Oufkir tuer Ben Barka avec un poignard dans la villa d'un des hommes de main, Boucheseiche, qui a affirmé que Mehdi Ben Barka, une fois son cadavre ramené au Maroc, fut dissout dans une baignoire emplie d'acide.

Le roi Hassan II refuse que son ministre de l'Intérieur, Oufkir, comparaisse devant la justice française. Le roi Hassan II, probable commanditaire du rapt ne sera jamais mis en cause. La justice française condamna par contumace les exécutants marocains, qui ne furent jamais inquiétés par la justice du Maroc. Le général Oufkir a trouvé une mort camouflée en suicide en 1972 et le colonel Dlimi, ancien directeur de la sûreté du Maroc, a été assassiné en 1983.

Le 5 octobre 2005, le ministre de la Justice auprès du nouveau roi du Maroc, Mohammed VI, désigne un juge d'instruction pour faire le point sur l'affaire. L'instruction est toujours en cours, même s'il ne fait désormais presque aucun doute que le crime a été ordonné au plus haut niveau de l'État marocain par le roi Hassan II lui-même et exécuté à Paris par des truands et des barbouzes avec la complicité des services de la République française.

De Gaulle, président français, complice de l'assassinat de Ben Barka

Ben Barka n'a manifesté aucune résistance lors de son enlèvement, croyant de bonne foi aux assurances exprimées par le biais des circuits politiques qui lui garantissaient la protection et la sécurité durant son séjour en France. En pleine campagne électorale pour la réélection du général De Gaulle à la présidence de la République, l'affaire soulève l'indignation des milieux politiques francais, notamment de l'opposition de gauche, François Mitterrand en tête. De Gaulle, dans une conférence de presse du 22 février 1966, minimise la part des services secrets français, qualifie l'enlèvement d'opération qui "n'a rien que de vulgaire et de subalterne", et fait porter toute la responsabilité sur le général Oufkir.

On ne dit pas officiellement jusqu'à quel niveau la République française a été impliquée dans l'assassinat de l'opposant marocain, alors que l'enquête judiciaire mène rapidement à des hommes politiques français proches du gouvernement, des policiers et des truands. Toute une série de procès auront lieu dans une parodie de justice. De façon bizarre, juste avant le procès qui commence le 5 septembre 1966, Figon est retrouvé mort, ainsi que les avocats de la famille Ben Barka. En 1967, c'est Fossati, un agent du Sdece partie prenante dans l'opération pour des transports aériens qui est aussi retrouvé mort de façon louche.

Le 5 juin 1967 la justice française condamne Oufkir par contumace, mais acquitte Dlimi, et tous les protagonistes français, à l'exception de Lopez et Souchon, à qui on fait porter le chapeau, et qui sont condamnés respectivement à huit et six ans de prison.

Le gouvernement français de l'époque a tout fait pour que la vérité soit cachée, et les gouvernements successifs n'ont pas véritablement aidé à ce qu'elle soit connue. Ce qui est sûr c'est que Foccart, le secrétaire de De Gaulle pour les affaires africaines est parfaitement au courant, tout comme Papon, le préfet de police de Paris. Ce qui est sûr, c'est que toutes les retranscriptions des écoutes téléphoniques de la bande des assassins de Ben Barka, qui ont été retrouvées, ont été données avant l'accomplissement de l'assassinat à Roger Frey, ministre de l'intérieur et à Georges Pompidou, le premier ministre de De Gaulle. De Gaulle a donc bien laissé effectuer ce crime sur le sol français avec les services de la police française.

Même si par trois fois, au fil des années et des changements de gouvernement, le "secret défense" sera levé par petits bouts, cependant, jamais la justice ne pourra se prononcer définitivement. Et 43 ans plus tard, l'affaire Ben Barka n'est toujours pas véritablement élucidée, n'est toujours pas classée, alors que presque tous ceux qui pourraient parler et être ainsi très gênants pour le gouvernement de notre pays ont été liquidés physiquement, ou sont désormais décédés. Une commission rogatoire a encore été lancée en mai 2005 à la demande de la famille Ben Barka. Les protagonistes français sont tous morts, alors le 23 octobre 2007, le juge d'instruction Patrick Ramaël a envoyé cinq mandats d'arrêt internationaux contre des Marocains : trois chefs de la gendarmerie royale marocaine de l'époque et deux barbouzes. Seront-ils inquiétés ?...

L'assassinat de Ben Barka encouragé par les dirigeants impérialistes

Mehdi Ben Barka aurait été suivi, traqué lors de ses déplacements par la C.I.A américaine et le Mossad israélien qui communiquait ces informations aux gouvernements marocains et français, à Rabat et Paris. Ben Barka refusait par exemple l'installation de bases militaires américaines sur le sol marocain. Il n'y a rien d'étonnant pour les dirigeants des États-Unis et leurs alliés de travailler la main dans la main en vue de l'aboutissement de ce crime.

Pour les dirigeants mondiaux capitalistes, mettre en convergence les mouvements de libération du tiers-monde est un réel danger. Or, c'est ce qu'entreprend Ben Barka. Au moment de son assassinat, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka préparait la Conférence Tricontinentale, qui devait se tenir à La Havane du 3 au 13 janvier 1966. La décision est prise de l'éliminer physiquement.

Il faut savoir que de nombreuses secousses se sont produites quelques années auparavant et qu'ils font tout pour préserver le navire du capitalisme. En avril 1955, la conférence Asie-Afrique de Bandung, avait annoncé l'essor des mouvements d'émancipation nationale, avant que l'embrasement ne se propage en Amérique latine, puis gagne les colonies portugaises d'Afrique. En 1956, ce fut Varsovie, Budapest au sein du bloc communiste, ainsi que l'échec de l'expédition franco-britannique de Suez après la nationalisation du canal par Nasser et les luttes pour l'indépendance de l'Égypte. Le 14 juillet 1958, la monarchie est renversée et la République proclamée en Irak. Le FLN fait traîner en longueur la guerre d'Algérie. La Guinée se sépare de la France en 1958. Le Congo veut s'affranchir de la Belgique. Kennedy échoue au renversement de Fidel Castro, dans la baie des Cochons en 1961...

D'autre part, face à l'impérialisme, des peuples d'Afrique et d'Asie s'organisent en créant un fonds de solidarité à Accra, au Ghana en 1957, dont Ben Barka est vice-président. Doit-il s'ouvrir à l'Amérique latine ? La question est posée au Caire en mars 1961 par Ben Barka, qui préside la commission sur le néocolonialisme, et l'alliance avec l'Amérique latine sera décidée en 1965. Rompre le sous-développement est non seulement un projet d'indépendance nationale, mais aussi une action concertée contre la dépendance du système capitaliste. Par rapport à l'hégémonie des États-Unis, « l'Afrique est l'Amérique latine de l'Europe », répète Ben Barka. Travailler à fédérer le Maghreb et l'Afrique prend une dimension anti-impérialiste.

Mais Ben Barka entend développer une dynamique autonome de la mouvance soviétique. Ce qui l'enthousiasme à Cuba, c'est le succès de la campagne d'alphabétisation dont il rêve pour le Maroc, et il trace l'esquisse d'une université tricontinentale. Ben Barka déclare le 3 octobre 1965 qu'à la Conférence de La Havane, la première située en Amérique latine, « les deux courants de la révolution mondiale y seront représentés : le courant surgi avec la révolution d'Octobre et celui de la révolution nationale libératrice ». Ce qui n'est pas pour plaire aux États-Unis.

Malgré deux défections importantes, la perte du pouvoir de Ben Bella en Algérie avec le coup d'état de Boumediène le 19 juin 1965, et la perte du pouvoir de Sukarno en Indonésie le 30 septembre 1965, il définit les objectifs de cette Conférence Tricontinentale fondatrice : aide aux mouvements de libération nationale, notamment au mouvement palestinien ; intensification des luttes, y compris armées, sur les trois continents ; soutien à Cuba ; liquidation des bases militaires étrangères ; opposition aux armes nucléaires, à l'apartheid et à la ségrégation raciale. La finalité est la « libération totale ».

C'est en recourant à la force armée et aux commandos assassins, en imposant des dictateurs ou en déclenchant des guerres comme en Algérie et au Vietnam que le système impérialiste pense se maintenir. C'est dans cet élan révolutionnaire de la Tricontinentale que se trouve la cause profonde de l'enlèvement et de l'assassinat de Ben Barka. Pour la même cause d'autres ont aussi été assassinés. En 1965 : le premier ministre d'Iran, Ali Mansour, est tué le 22 janvier ; un des chefs de l'opposition portugaise, Humberto Delgado, le 13 février ; Malcolm X, le 21 février ; le vice-ministre de la défense du Guatemala, Ernesto Molina, le 21 mai. Che Guevara sera abattu le 9 octobre 1967, Martin Luther King le 4 avril 1968, Amilcar Cabral le 20 janvier 1973, Henri Curiel le 4 mai 1978...

Éliminer Ben Barka était devenu une exigence majeure dans la répression internationale des insurrections du tiers-monde, qui ne recule devant aucune ignominie.

C'est cette perspective de libération mondiale ...qu'on a voulu tuer
en assassinant Mehdi Ben Barka !

L'affaire Ben Barka a inspiré deux films : L'Attentat d'Yves Boisset (1972) et J'ai vu tuer Ben Barka de Serge Le Péron (2005).

Article repris de Rebellyon.info