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Faut-il dissoudre la FNSEA ?

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Atttaques de préfectures, incendies de batiments publics, affrontements, animaux torturés... Faut-il dissoudre la FNSEA ? Article de Contre-attaque

Vous connaissez la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles ? La FNSEA, c'est le grand lobby des agriculteurs de droite. Un « syndicat » de gros exploitants agricoles, qui milite notamment en faveur de l'agro-industrie, qui revendique l'usage intensif de pesticides et d'une agriculture toujours plus productiviste et destructrice. Ce lobby est un ennemi juré des petits paysans et des mouvements écologistes. Le journal Reporterre vient d'ailleurs de révéler que c'est la FNSEA qui a obtenu la dissolution des Soulèvements de la Terre, en faisant pression directement sur le gouvernement.

Officiellement, les Soulèvements de la Terre seraient dissous parce qu'ils auraient relayé des « dégradations » sur les réseaux sociaux, et ne se serait pas désolidarisé des actions « violentes ». Par exemple, l'arrachage de quelques plants de muguet bourrés de pesticides près de Nantes récemment. Mais alors, si ces actions justifient une dissolution, que dire de celles menées depuis des décennies par la FNSEA ? Petit état des lieux de leurs exploits :

➡️ 23 août 1990 : à Thouars, dans les Deux-Sèvres, plus de 200 moutons sont brûlés vifs dans un camion anglais, lors d'une manifestation de la FNSEA. Ailleurs, des affrontements violents ont lieu entre les agriculteurs et les forces de l'ordre, surtout dans les départements de l'Ouest. Aucun scandale, aucune condamnation.

➡️ 20 septembre 2013 : dans la Nièvre, une manifestation de la FNSEA est organisée à Saint-Brisson. Les agriculteurs dévastent le parc naturel régional. Une cinquantaine de tracteurs et des remorques remplies de déchets saccagent la maison du Parc et ses abords, jardin et étang compris. Les agriculteurs donnent des coups de bâton aux agents présents. Quelques lignes dans la presse locale.

➡️ Septembre 2014 : des membres de la FNSEA incendient le centre des impôts de Morlaix, sans que la police n'intervienne. Le responsable du syndicat dans le Finistère tire alors « son coup de chapeau » aux auteurs de l'incendie dans la presse.

➡️ Octobre 2014 : à Nevers, une manifestation de la FNSEA dévaste le centre-ville, en particulier la préfecture, qui reçoit des tonnes de pneus et de lisier. Des affrontements violents ont lieu avec la police.

➡️ Novembre 2014 : à Valence, le centre-ville est dévasté par la FNSEA qui déverse des tonnes de lisier partout et détruit du mobilier urbain. La mairie évalue les dégâts à 70.000 €. À Châlons-en-Champagne, la FNSEA réclame la suspension des contrôles de l'inspection du travail et brûle une voiture des inspecteurs en pleine rue devant leurs locaux. Des fonctionnaires sont menacés : « contrôleurs, vous êtes prévenus ». Au même moment à Nantes, la FNSEA dégrade l'esplanade de la préfecture de Nantes, et torture des ragondins pendants des heures, avant d'en tuer plusieurs sous l'œil des forces de l'ordre et des journalistes.

A lire en entier sur Contre-Attaque

Récit de la garde à vue du 05/06 à Lyon dans le cadre d'une enquête sur le sabotage de l'usine Lafarge

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Lundi 5 juin, à travers la France, une quinzaine de personnes sont perquisitionnées et interpellées, accusées d'avoir participé à l'« invasion-sabotage » de l'usine Lafarge de Bouc-Bel-Air le 10 décembre 2022, dont les dommages sont estimés à hauteur de 6 millions d'euros. Nous rédigeons ce communiqué alors que, le mardi 20 juin, 18 personnes ont de nouveaux été arrêtées dans des conditions similaires. Article paru sur Rebellyon

Nous sommes des proches de la personne arrêtée à Lyon, et comme les proches des interpellées de Montreuil [1], nous allons faire ici le récit de l'interpellation de notre camarade.

Nous décidons d'intervenir aujourd'hui en publiant ce texte afin de mettre en lumière les méthodes employées par l'État et ses chiens pour mater tout ce qui semble lui faire opposition ; pour rendre publique le récit d'une expérience qui nous concerne toutes et tous.

1. Perquisition

Lundi 5 juin, 3 flics sonnent à la porte de l'appartement de notre camarade à 6h du matin, la porte leur est ouverte – se présentent deux gendarmes de Marseille et un troisième qui dit être lyonnais sans préciser le service auquel il est rattaché. Rétrospectivement, notre ami a émis un doute sur la provenance de ce dernier ; doute alimenté, plus tard, par des remarques faites à la volée qui révèlent une méconnaissance de la ville. Parmi les 2 personnes présentes dans l'appartement, l'une est recherchée, l'autre est soumise à un contrôle d'identité avant d'être autorisée à partir avec son ordinateur à condition de le déverrouiller afin de « prouver qu'il lui appartient ». Suspectant la méthode, elle refuse : on ne peut pas faire confiance à la police. Son ordinateur est finalement saisi avant qu'elle ne quitte l'appartement.

S'ensuivent 2h30 de fouille minutieuse de l'appartement. L'un des gendarmes s'occupe de l'administratif, l'autre fouille l'appartement et le "lyonnais" prend des photos :

  • Ils fouillent les canapés, les déhoussent, retournent les matelas, tirent chaque meuble jusqu'aux derniers tiroirs, inspectent toute la vaisselle, vident les paquets de pâtes et les bocaux fermés ;
  • tous les supports numériques de l'appartement sont saisis sans exception : ordinateurs, clés USB, téléphones, disques durs, même les emballages des cartes SIM ;
  • ils inspectent chaque livre, chaque carnet comme s'ils cherchaient des inscriptions ou des informations dissimulées. Saisissent les livres aux titres les plus « aguicheurs », comme Insurrection 1977, ou Investigation et téléphonie mobile : un guide à l'usage des avocats de Haurus, embarquent tous les livres présents en plusieurs exemplaires (ils demandent au camarade s'il en fait commerce).
  • Ils fouillent les papiers administratifs, regardent attentivement les tickets de caisse, semblent vouloir créer un lien avec la ville de Marseille. Par exemple, en tombant sur un contrôle technique provenant du garage **** ils s'exclament « Ah mais y'en a un avec le même nom à Marseille ». En revanche, ils n'ouvrent pas les lettres postales fermées.
  • Chaque vêtement est scrupuleusement inspecté. Le matériel de protection de chantier (masque, gants) est saisi ; ils prennent aussi des lunettes de piscine, des casques de moto, des gants de ski : en somme, tout ce qui pourrait permettre de constituer le profil (ici, disons le style) du « black bloc ».
  • Ils cherchent des tote bags et semblent très satisfaits lorsque qu'ils en trouvent un (« Ah ! Encore un tote bag ! »)

Tout ce qui n'est pas perquisitionné est pris en photo et une partie de la saisie sera rendue à la fin de la garde à vue, ils conserveront uniquement le matériel informatique chiffré, matériel dont notre ami a évidemment refusé de donner les codes. Les clés USB non-chiffrées sont passées en revue une par une puis, faute d'informations intéressantes à leurs yeux, elles lui seront rendues à l'issue de la garde à vue.

Pendant la perquisition, les gendarmes posent des questions auxquelles le camarade essaye de ne pas répondre (leur sont donnés des haussements d'épaules, des pets de bouche et des gestes d'incompréhension). Globalement, ils alternent entre questions anodines, questions en lien direct avec l'enquête, questions de profilage "on vient pour l'affaire de l'usine Lafarge, tu vois de quoi je parle ?" [première question posée à leur entrée], "Est-ce que tel ou tel objet est à toi ?", "Qu'est-ce que c'est ça ?" [en montrant les objets qu'ils prennent], "Tu vis avec qui, t'es en coloc ? Tu fais quoi comme métier, comment tu payes ton loyer ?"

Le camarade n'est pas menotté pendant la fouille. Les policiers agissent calmement,sans provocation, en suivant minutieusement la procédure. Enfin, ils ferment l'appartement à clé et embarquent notre ami en lui demandant "personne d'autre a la clé de l'appartement ?", question à laquelle il ne repond pas.

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Sur l'arrestation de trois italiens antifascistes en france et l'utilisation de l'IAT

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Sur l'arrestation de trois italiens antifascistes en france et l'utilisation de l'IAT (Interdiction Administrative du Territoire)

Nous voudrions pointer du doigt différents enjeux à propos de ce dossier car il s'agit de procédures particulières, pour lesquelles nous pensons qu'il est important de mener une réflexion collective. Ce n'est pas tant notre expérience personnelle qui nous intéresse que la crainte de sa généralisation et ses conséquences sur un plus grand nombre. Nous vous demandons donc de faire circuler ce texte le plus largement possible.

Du 1er au 6 juin, une mobilisation internationale a été organisée à Paris à l'occasion du dixième anniversaire de l'assassinat fasciste de Clément Méric. Ces journées incluaient la participation à la manifestation du mouvement social contre la réforme des retraites l'après-midi du 6 juin. Le matin du 6, cinq camarades italien.ne.s ont été interpellés par la police dans une pharmacie d'une commune limitrophe de Paris, plusieurs heures avant la manifestation et à plusieurs kilomètres de celle-ci. Cette interpellation, dans sa forme, ne semble pas aléatoire. Sans en connaître la raison, et bien que n'étant pas techniquement en état d'arrestation, les cinq camarades ont été menottés et emmenés d'abord dans un commissariat de quartier, puis dans un commissariat à Paris (XII). Ils y restent plusieurs heures sans explication et sans pouvoir échanger avec un interprète ni un avocat. Deux d'entre eux sont ensuite relâchés, tandis que trois restent au commissariat jusqu'au soir.

Enfin, lors de l'arrivée de l'avocate et de l'interprète, les trois camarades ont découvert qu'iels faisaient l'objet d'une Interdiction Administrative du Territoire (IAT, interdiction de se trouver sur le territoire français, généralement utilisée comme mesure antiterroriste) à leur insu et qu'ils étaient donc "en situation irrégulière" dans le pays. Quatre jours plus tôt, le ministre français de l'intérieur, Darmanin, avait en effet émis une IAT interdisant leur présence en France pendant dix jours, afin de les empêcher de participer à la mobilisation. Cette IAT ne leur a été officiellement notifiée que le 6 au soir, après environ neuf heures de détention.

Le document signé par le ministère insiste sur le fait que ces journées, également en raison de leur dimension internationale, « laisse craindre la commission d'actions violentes [...] ainsi qu'un risque d'affrontement avec des militants d'ultra droite » et, dans ce contexte, interdit la présence de ces camarades sur le territoire. Nous ne savons pas précisément combien d'autres IAT de ce type ont été émises à ces dates et à l'encontre de qui. Tout ce que l'on sait, c'est que le 4 juin, Darmanin a publié un tweet dans lequel il affirmait en avoir émis 17, sur instruction des services de renseignement, à l'encontre de personnes "venues de l'étranger" pour la manifestation contre la réforme.

Après cette communication, la préfecture a fait transférer les trois compagnons dans deux CRA différents (centres de rétention administrative) pour qu'ils soient détenus en attendant leur expulsion du pays. Comme toujours, tout au long des événements, la police se livre de manière prévisible à diverses provocations et irrégularités, dont l'une des plus graves est de tenter d'entraver à plusieurs reprises les entretiens avec les avocats. De plus, les informations données par la préfecture et le CRA sont confuses et contradictoires, ce qui rend difficile la compréhension du déroulement de la détention et de l'expulsion. Après deux nuits dans les centres, grâce au soutien de la Legal Team de Paris et de nombreuses autres personnes, les camarades parviennent à faire appel contre leur détention et expulsion. Lors des audiences, les juges déclarent illégitimes la rétention en CRA et l'expulsion forcée et décident donc de leur libération le 8 juin au soir. Cependant, ils restent interdits de territoire français jusqu'au 11 juin, et sont donc pri.é.e.s de quitter la France dès que possible. L'équipe juridique a entre-temps déposé un recours contre la légalité de ces IAT. Les résultats seront connus dans les mois à venir.

Quelques considérations sur cette utilisation de l'IAT

1. Elle ne comprend pas d'obligation de notification préalable, de sorte que les personnes qui y sont soumises peuvent ne pas en avoir connaissance jusqu'à ce qu'iels soient détenues par la police, se retrouvant à leur insu en situation irrégulière dans un pays étranger ;

2. Cette mesure, qui peut conduire à l'arrestation, à la détention et à l'expulsion, est préventive, c'est-à-dire qu'elle ne sanctionne pas un crime réel ou supposé commis, mais se base seulement sur la possibilité de le commettre, sur la base du « comportement personnel » des sujets ;

3. Elle applique aux militants politiques des procédures spécifiquement créées pour lutter contre le terrorisme international ;

4. Elle exploite les dispositifs européens anti-immigration pour réprimer les luttes politiques et sociales. Cette mesure est préventive et administrative (et non pénale) et utilise donc le CRA comme lieu de détention, puisqu'elle ne peut pas utiliser une prison normale ;

5. Elle repose sur la coopération entre les gouvernements et les forces de police de différents pays qui collaborent depuis longtemps pour traquer les militant.e.s et contrôler leurs mouvements.

D'après ce que nous savons, et également d'après la Legal Team, il n'est pas courant qu'une IAT préventive de ce type soit appliquée en France en dehors de la lutte contre le terrorisme, pour cibler des militant.e.s politiques. Ce n'est certainement pas le premier cas depuis des années, mais ces derniers mois, il semble que cette utilisation s'intensifie et se normalise. Il semble que ce soit le début d'un nouveau « laboratoire répressif" des gouvernements, qui exploitent de manière créative les dispositifs, les procédures et les structures qui existent déjà en Europe. Cette stratégie combine l'utilisation de mesures préventives, souvent utilisées contre les militant.e.s politiques, avec des mesures de contrôle et de détention pour les immigrant.e.s irrégulier.e.s, avec des pratiques de coopération entre les gouvernements et la police dans l'espace européen, et avec des pratiques anti-terroristes. Comme souvent dans de tels cas, elle travaille dans une zone grise en marge de son propre droit, allant au-delà de la légalité ordinaire pour exercer une répression purement politique.

Il est dangereux que cette pratique soit consolidée car cela signifie qu'à tout moment, tout militant qui se trouve à l'étranger peut être arrêt.é.e, détenu.e et expuls.é.e sans avoir commis le moindre crime et sans pouvoir prévoir sa propre arrestation de quelque manière que ce soit. Il s'agit clairement d'une stratégie d'intimidation visant à décourager les déplacements en Europe. Il s'agit d'une nouvelle attaque contre la possibilité de créer des réseaux de lutte et de solidarité internationale, et contre la liberté de circulation des personnes qui devrait être si chère aux démocrates libéraux. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important de réagir.

Actuellement, les États européens expérimentent de nouvelles façons de harceler les mouvements sociaux anticapitalistes, l'antifascisme militant et les groupes écologiques, en ciblant à la fois leurs actions et leurs connexions. Rien qu'au cours des derniers mois, nous l'avons clairement constaté en France, en Italie et en Allemagne. Il s'agit d'une nouvelle étape dans la tentative d'écraser les mouvements existants et d'empêcher la création de nouveaux réseaux de relations et de solidarité. Dans ce contexte, les groupes militants sont traités comme des groupes terroristes dans les médias et par la loi. Nous refusons le parallélisme entre les actions de lutte, même conflictuelles, et les actions terroristes. Ces dernières années en Europe, les seuls attentats meurtriers à motivation politique, visant indistinctement la population et en particulier les personnes appartenant à des groupes opprimés, ont été perpétrés par des fascistes. Tout cela se déroule dans le contexte d'une bataille pour l'hégémonie culturelle que l'extrême droite européenne mène à plusieurs niveaux contre l'antifascisme et les mouvements sociaux en général, et d'une attaque continue contre l'antifascisme militant et l'anticapitalisme par les démocrates libéraux.

Dans ce contexte, il est essentiel de poursuive et entremêler nos luttes. Au delà du niveau juridique, nous pensons qu'il est crucial de développer à un niveau collectif à la fois une prise de conscience et une analyse lucide de cette situation, ainsi qu'une réponse politique.

En attendant, nous appelons à signaler aux avocats et à la Legal Team d'autres utilisations de ce type de mesures, et à les rendre publiques.

Nous réitérons également notre solidarité avec tous les camarades détenu.e.s et toutes les personnes emprisonnées dans les CRA.

Tous libres !

Darmanin, t'es une ordure : c'est pas un outrage mais une injure !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

C'est une autre forme de police de la pensée : slogans, tags, paroles ou chansons sont de plus en plus réprimées comme des outrages, entraînant gardes à vues et petit tour au tribunal, alors que ce ne sont au pire que des « insultes publiques », infractions du droit de la presse qui ne peuvent pourtant pas faire l'objet de la moindre contrainte.

Vous avez écrit un slogan sur une banderole, fait un collage de rue qui cible un agresseur, et vous finissez en garde à vue ? Des bleus viennent vous arrêter à votre domicile pour un tweet ou un commentaire posté sur un forum public ? Voilà la dernière dinguerie des autorités pour étouffer toute parole contestataire.

La justice profite à fond d'un flou juridique en faisant passer une « injure publique » pour un « outrage à agent public ». La première infraction est un « délit de presse » et relève du droit à la libre expression (loi sur la liberté de la presse de 1881) et la seconde un délit réprimé par le code pénal. Juridiquement il existe pourtant une distinction fondamentale : l'injure (comme sa variante accusatrice, la diffamation) doit viser une personne en particulier, mais doit avoir été proférée en public, ou affichée à la vue de toustes ; alors que l'outrage doit s'adresser à une personne en particulier lors d'altercations directes, en face à face ou par correspondance, que les propos aient été rendus publics ou non.

En termes de privation de liberté, on n'est pas du tout traité-e de la même manière :

  • La diffamation ou l'injure sont des délits d'opinion (art. 23, 29, 30, 21 et 33 de la loi sur la presse de 1881), passible de contraventions, et à ce titre ne pouvant pas faire l'objet d'une arrestation de plus de 4 heures (vérification d'identité), ni d'une garde à vue ou d'une comparution immédiate [1]. Si le parquet décide d'engager des poursuites, la personne doit être convoquée, par courrier, devant une chambre spécialisée (à Paris c'est la 17e chambre correctionnelle) ; en bout de course les sanctions se limitent à devoir payer une amende (peine maxi : 12.000€), en aucun cas d'être condamné·e à une peine de prison, même avec sursis. Et surtout la prescription est très courte : impossible d'être poursuivi-e 3 mois après la première publication ou diffusion des propos.
  • L'« outrage à agent public » est un délit pénal (art. 433-5 du Code pénal) qui doit viser une personne « chargée d'une mission de service public » (puni de 7 500€ d'amende, plus 6 mois de prison si faits commis « en réunion ») ou « dépositaire de l'autorité publique » (puni de 1 an et 15.000 €, le double si « en réunion »). Cette infraction peut donc entraîner une garde à vue et une condamnation pénale devant une chambre correctionnelle. Et la prescription est beaucoup plus longue : plusieurs années.

Le terme ancien régime de « crime de lèse-majesté » s'est traduit au fil du temps par « offense à chef d'État », un délit qui n'a été aboli qu'en 2013 (suite à l'affaire du panneau « Casse toi pov con » qui avait tant ébranlé Sarkozy). Depuis, un seul terme persiste : « outrage à agent public ». C'est cette cartouche qui peut être utilisée n'importe comment pour museler l'expression contestataire qui s'exprime par des chansons, slogans ou tags. Si les propos visent une personne directement en affichant son nom en public, cela ne devrait pas suffire à les considérer comme des outrages et donc entraîner arrestation, garde à vue, sanction pénale, etc.

Les plus hautes autorités judiciaires savent très bien la différence entre ces deux infractions — et surtout entre ces deux formes de traitement répressif. Elles savent très bien que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a constamment invalidé le recours à la contrainte pénale pour juger des délits d'opinion. Sans trop forcer, on peut même trouver un arrêt récent de la toute puissante Cour de cass (n° 16-82, 29/03/2017) qui ne dit pas autre chose :

« les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement par l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi susvisée sur la liberté de la presse [2], contre une personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique à raison de ses fonctions ou à l'occasion de leur exercice, sans être directement adressées à l'intéressé, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 433-5 du code pénal incriminant l'outrage ».

Mais quand le droit fondamental ne convient pas au prince ou à ses sbires, autant changer la loi. Enfin, changer la loi c'est bien trop voyant. En septembre 2020, suivant une précédente de novembre 2019, une circulaire ministérielle, degré zéro de l'acte réglementaire, a été pondue en ce sens par le ministre de la justice Super-Dupont-Moretti, prenant prétexte de propos visant des « personnes investies d'un mandat électif » (parlementaires, maires, élus locaux) :

« S'agissant d'insultes, il conviendra de retenir la qualification d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public plutôt que celle d'injures.
Une réponse pénale systématique et rapide doit être apportée par les parquets, qui éviteront les simples rappels à loi et privilégieront le défèrement, notamment en cas de réitération de comportements qui pourraient apparaître, pris isolément, de faible intensité.
S'agissant des faits les plus graves, sauf nécessité d'investigations complémentaires, la comparution immédiate m'apparaît la procédure la plus indiquée.
En outre, les peines d'interdiction de paraître ou de séjour sur le territoire de la commune ainsi que l'affichage de la décision peuvent être utilement requises pour réprimer ces comportements et prévenir leur renouvellement. »

Attention : la distinction n'est pas si nette pour un « outrage oral », quand on insulte un ou une troupe de flics en public : même en présence de témoins, toutes « paroles, gestes ou menaces » peuvent tomber sous le coup du code pénal (art 433-5). Comme quand un groupe de personnes lâche des mots de rage devant une colonne de CRS. Même si c'est aux uniformes que les insultes s'adressent, le parquet va bien évidemment considérer que les agents présents se sont sentis outragés personnellement.

En revanche, concernant des propos insultants formulés par écrit, affichées à la vue de toustes, tout comme des commentaires publiés sur internet et visibles par n'importe qui, l'esprit de la loi est très clair : cela ne devrait pas être poursuivi pour outrage et entraîner les contraintes punitives de la procédure pénale (gardav, prises d'empreintes de force, saisie du téléphone, défèrement, risque de détention provisoire si demande de délai de sa comparution immédiate, etc.)

Le problème, c'est que les keufs sont domptés pour interpeller et mettre en garde à vue pour le moindre tag un peu déter. Parfois le parquet décide de « requalifier » les faits en « dégradation », oubliant qu'une « dégradation légère » (art. 322-1 al.2 Code pénal), passible aussi d'une contravention, ne peut toujours pas valoir arrestation et garde à vue. Le problème est bien connu : c'est une fois au tribunal – donc après les 24h ou plus en cellule – que la gravité de cette dégradation sera appréciée…

Dans les comicos, il arrive que des flics zélés se croient malins en inventant des infractions. Des tags ou des pancartes « ACAB » seraient ainsi des « outrages à l'institution policière ». Une qualification inexistante dans le code pénal ! [3]

Preuve que la haute magistrature est au courant, le parquet de Paris s'est acharnée en 2021 sur deux manifestantes pour avoir commenté une vidéo montrant une policière procéder à une interpellation ridicule. Le parquet s'est fait bouler au final, mais l'objectif était bien d'humilier et de casser.

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Une troupe de collage politique a subi le même traitement de choc au printemps 2022, pour avoir affiché, sur les murs du siège du parti En Marche, des slogans dénonçant l'incurie des ministres dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Une pancarte « Macron on t'emmerde », affichée dans un pavillon, a valu à un retraité de l'Eure d'être condamné à un « stage de citoyenneté » ; il n'a subi qu'une audition libre, mais c'est bien pour outrage qu'il a été poursuivi. Pareil pour une petite affiche dénonçant les agissements d'un maire ou une réponse jugée offensante à un tweet visant Darmanin : tous les coups sont permis pour réprimer pénalement des délits d'opinion.

Si, finalement, le parquet vous poursuit pour injure, attention tout de même aux juges du droit de la presse. Ces tribunaux sont tout aussi réacs et peuvent condamner sans complexes. Et tout dépend de la personne injuriée : les peines sont plus lourdes si la cible est un-e représentant·e de l'autorité ou une « personne investie d'un mandat électif »…

Pour résumer, ce n'est donc pas la personne visée qui devrait compter, c'est la forme et le contexte du propos. S'en prendre aux chefs, aux puissants, bref aux représentants de l'autorité de l'État, peut tout autant être qualifié d'outrage ou d'injure. Mais quand gueuses et gueux osent placarder leur haine du pouvoir sur des murs ou des pancartes, pas de quartier : l'État se venge et envoie sa police de la pensée. Ne leur faisons pas ce plaisir : injures ou outrages, peu importe, lançons partout de grands concours de zbeul poétiques et littéraires !


[1] Depuis la loi « séparatisme » de 2021, des délits de presse peuvent mener a des arrestations et comparutions immédiates : provocations et apologies de crimes et de délits, provocations à la haine raciale, propos négationnistes ; mais aussi injures publiques visant des personnes « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ou « à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ».

[2] « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique »

[3] Il n'y a pas non plus d'infraction pour « port de symbole revendicatif en dehors du parcours d'une manifestation ». Gros mytho ! Pourtant, c'est devenu très courant de voir des CRS ou simples flics exiger que vous retiriez autocollants, drapeaux ou pancartes revendicatives en quittant un cortège de manifestation.

Viry-Châtillon : emprisonnés à tort pendant des années, des jeunes demandent réparation

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Mépris de classe et racisme assumés de la justice. Article de Contre-Attaque

En 2016, six jeunes sont accusés à tort d'avoir attaqué une voiture de police au cocktail Molotov à Viry-Châtillon dans l'Essonne, sur la base de faux procès verbaux, d'intimidations et de mensonges policiers. À l'époque, c'est l'emballement. La classe politique réclame des peines exemplaires. Des jeunes sont arrêtés au hasard, des policiers leur extorquent des aveux trafiqués avec la complicité d'avocats véreux. Ils sont condamnés et emprisonnés à tort pendant plusieurs années, avant d'être enfin innocentés et libérés. « Certains avaient à peine 15 ans quand ils ont été incarcérés, restant jusqu'à quatre années en détention provisoire » précise l'Humanité.

En début juin 2023, la Cour d'appel de Paris leur accorde le droit d'être indemnisés pour avoir été incarcérés alors qu'ils étaient reconnus innocents. Des indemnisations qui vont de « 25.000 à 150.000 euros en réparation du préjudice moral et entre 13.000 et 94.000 euros en compensation du préjudice matériel ».

L'indemnisation ne pourra jamais prétendre à réparer les préjudices psychologiques, physiques, ou encore matériels. L'un des jeunes, âgé de 16 ans au moment des faits, déclare ainsi « La liberté n'a pas de prix. Vous pouvez me donner 1 million d'euros, ça n'effacera rien aux trois années de prison que j'ai passées ».

Ce 19 juin, les magistrats débattent du montant à accorder à Foued, l'un des jeunes injustement accusé et détenu pendant quatre années, alors qu'il n'avait que 18 ans au moment de son arrestation. Son avocate dénonce la proposition d'indemnisation de l'État, bien en-deçà de la réalité des préjudices subis par ces jeunes dont les vies sont marquées, sans retour possible, par la violence de l'État, de sa police et de sa justice.

Le procureur général, dans un mépris le plus total, a d'ores et déjà annoncé qu'il conteste la reconnaissance d'un préjudice matériel, estimant que « la prison n'aurait pas représenté une perte de chance sérieuse et effectivement réparable pour ce jeune homme dont les résultats scolaires ne le prédestinaient pas à un avenir brillant ». L'État évalue le préjudice moral de Foued pour avoir passé quatre années de sa jeune vie d'adulte en prison à 130.000 euros. Une somme qui ne pourra réparer les conséquences dramatiques sur la vie du jeune homme, qui souffre encore aujourd'hui de nombreuses pathologies physiques liées à sa période de détention mais également au stress post-traumatique et toutes les conséquences que celui-ci peut avoir, des années après et parfois même, toute une vie. Sans parler des conséquences matérielles d'être incarcéré à la sortie du lycée, dans l'insertion professionnelle, les études, et l'ensemble de sa vie privée. Son avocate estime, quant à elle, le préjudice de Foued à 619.600 euros.

Derrière ces calculs d'épiciers qui paraissent indécents, la justice démontre que, pour elle, certaines vies valent donc moins que d'autres. Et le procureur général, soit disant représentant de la société, l'assume pleinement, ne tentant même pas d'essayer de dissimuler le racisme et le mépris de classe qu'il exprime impunément.

Foued confie ainsi à Médiapart son indignation : « C'est une nouvelle violence. L'État me considère de nouveau comme un sous-citoyen. Ma vie ne vaut rien. Est-ce parce que je suis de banlieue ? Parce que je suis de milieu modeste ? Que je suis noir ? ».

Revenons au début de l'année 2017 : il est arrêté et conduit au commissariat où il subit plus de huit heures d'auditions où il clame son innocence. Rien n'y fait, il est mis en examen pour « tentative de meurtre aggravée sur personnes dépositaire de l'autorité publique, commise en bande organisée ». Il est conduit sans procès à la prison de Fleury-Mérogis. Son jugement interviendra deux ans plus tard. En 2019, il est ainsi condamné à 18 ans de réclusion criminelle. En 2021, en appel, il est finalement acquitté après 4 ans et trois mois d'emprisonnement indignes. Sur la base des enregistrements de gardes à vue, une enquête de Médiapart révèle alors que les « enquêteurs ont rédigé des procès-verbaux truqués, ne correspondant pas aux déclarations de plusieurs mis en cause et d'un témoin central » et que les policiers ont usés de techniques d'intimidation et de violences verbales lors de leurs interrogatoires. Des plaintes dénonçant notamment des faits de « faux en écriture publique » ont été déposées à l'encontre des policiers . Malgré ces révélations accablantes, leur hiérarchie assure son soutien aux policiers. Rappelons qu'à l'époque, sous la direction de Bernaud Cazeneuve à la tête du ministère de l'intérieur, celui-ci avait déclaré publiquement que « la bande de sauvageons sera rattrapée ! »

Notre système policier et judiciaire n'a pas besoin du moindre élément de preuves pour arrêter et emprisonner arbitrairement celles et ceux qu'ils méprisent et dont la vie ne vaut rien à leurs yeux. Une réalité qui interpelle à entendre le taux de classements sans suite impressionnant concernant les plaintes pour violences sexuelles lorsque les mis en cause sont blancs et issus de la bourgeoise, ou encore concernant les faits de violences policières, pour lesquels l'impunité règne encore et toujours. Deux poids, deux mesures. La présomption d'innocence ne vaut pas pour tout le monde.

Deux ans après leur libération, et la reconnaissance de leur innocence, la lumière n'a toujours pas été faite sur la responsabilité de la police quand à cette erreur judiciaire gravissime. C'est une affaire d'État, entourée d'un silence coupable.

Une information judiciaire a été ouverte en juillet 2021 par le parquet de Créteil pour « faux en écriture publique », « violences et escroquerie au jugement », avec la circonstance aggravante que les auteurs sont des personnes dépositaires de l'autorité publique. Deux ans après, les policiers n'ont toujours pas été inquiétés. La justice sait ne pas être expéditive quand cela l'arrange, notamment quand il s'agit de protéger les manœuvres criminelles de sa police.

Malgré donc la libération et la reconnaissance de l'innocence de ces jeunes, dont la vie s'est vue bouleverser par la violence de l'État, l'ensemble des institutions policières et judiciaires est gangrenée par un héritage colonialiste et raciste, le mépris de l'État ne cesse pas.

Ce 19 juin, devant la Cour d'appel de Paris, l'avocate de Foued, Yaël Scemama, promet de faire « entendre les cris d'innocence qui ont résonné dans sa cellule pendant plus de quatre ans, ceux que les policiers ont enterrés, ceux que la justice a ignorés jusqu'à lui ôter sa jeunesse et hypothéquer son avenir ».

Nous leur apportons tout notre soutien.

Article publié par Contre-Attaque