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[Les Digitales saison hivernale] 3, 4 et 5 fevrier à la Baudrière !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les digitales reviennent pour se défendre. En juin dernier, le temps était à la récolte. Aujourd'hui, il est à la révolte ! Au cours d'un week-end participatif et autogéré, nous souhaitons nous rencontrer, nous retrouver pour renforcer nos solidarités et tisser des liens entre nos luttes écologistes aux horizons multiples. Nous voulons porter des écologies émancipatrices et plurielles qui résistent à l'enfumage et à la réappropriation des questions environnementales par les forces dominantes et réactionnaires.
Au programme, des ateliers sur l'écologie queer, sur les luttes contre la métropolisation, des ateliers de danse, des chorales, des zines, des projections de films, des cantines, une soirée de soutien au réseau Vérités & Justices et bien plus encore. Les Digitales auront lieu à la Baudrière, squat anarcha-féministe TransPDGouine menacé d'expulsion à partir de la fin de trêve hivernale mais où on compte bien rester !

Les digitales reviennent pour se défendre. En juin dernier, le temps était à la récolte. Aujourd'hui, il est à la révolte et les digitales sont prêtes à se déployer sur nos espaces de vie pour les protéger. Gants des sorcières et des fées, cette plante d'Europe du Nord furieusement toxique était utilisée par celles-ci pour protéger leurs maisons.

En ce mois de février, c'est la Baudrière qui est à défendre. L'heure est aux barricades car la Baudrière est expulsable théoriquement à la fin de la trêve hivernale, le 31 mars. Nous allons saisir le JEX (juge de l'exécution) pour tenter de gratter quelques délais supplémentaires. Pour autant, on compte bien rester. Pendant plus d'un an, ce lieu a accueilli de nombreux évènements politiques, moments festifs, rencontres, bouffes… et tant d'autres moments qui nous ont permis de forger des alliances précieuses. La Baudrière est une zone à défendre, un lieu d'expérimentation, de vie collective contre la métropole et contre l'habitation violente de nos milieux. Dans le contexte politique actuel, on ne peut se permettre de perdre un énième bâtiment d'organisation et de vie communautaire féministe TransPDGouine.
Les lois anti-squat, anti-immigration, islamophobes, racistes, transphobes, abolitionnistes, écocidaires… rendent l'atmosphère anxiogène et nocive. C'est pour ça que les espaces revendicatifs qui permettent l'auto-détermination et l'auto-organisation de toustes doivent se multiplier et que les solidarités doivent se renforcer.

Au cours d'un week-end participatif et autogéré, nous souhaitons ainsi nous rencontrer, nous retrouver pour renforcer ces solidarités et tisser des liens entre nos luttes écologistes aux horizons multiples. Nous voulons porter des écologies émancipatrices et plurielles qui résistent à l'enfumage et à la réappropriation des questions environnementales par les forces dominantes et réactionnaires. Au programme : des ateliers sur l'écologie queer, sur les luttes contre la métropolisation, des ateliers de danse, des chorales, des zines, des projections de films, des cantines, une soirée de soutien au réseau d'Entraide Vérité & Justice et bien plus encore.

Nous envisageons nos habitats comme écologiquement radicaux. Le squat, la ZAD, l'occupation collective s'opposent à la propriété privée, à l'appropriation des ressources, à la ville quadrillée et métropolisée, aux espaces marchands. Face aux dynamiques urbaines d'embourgeoisement qui ségrèguent, et qui justifient la bétonnisation des banlieues franciliennes, nous dessinons d'autres perspectives, celles d'un monde plus vivable avec d'autres manières d'habiter . En considérant l'habitat comme politique, nous concevons également les habitantEs comme une force revendicatrice, une puissance capable d'agir, de lutter pour une écologie politique qui va à la racine.

Les ravages écologiques impactent de mille façons différentes les dimensions inséparablement naturelles, culturelles, sociales et économiques de nos vies. Ils recoupent les autres formes d'oppressions, qu'elles soient néocoloniales et racistes, cis-hétéro-patriarcales, validistes, classistes et se manifestent ainsi sous des formes diverses. Cela nous impose de considérer nos luttes écologistes comme plurielles, complexes et multiples. C'est pour cela qu'il nous paraît essentiel de parler deS écologieS.

Faisons vivre ces écologies, nouons et renforçons les alliances entre nos luttes. Les 3, 4 et 5 février, retrouvons-nous pour discuter, chanter, danser à la Baudrière.

La Baudrière : 65bis rue Voltaire 93100 Montreuil
Site : https://labaudriere.noblogs.org/

Procès 1312 : L'éborgneur Mathieu, acquitté pour ne pas émasculer la police (et l'État)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Alexandre Mathieu est le nom du CRS qui a éborgné Laurent Théron le 15 septembre 2016 à Paris, Place de la République, en lançant dans une foule éparse une grenade à main de désencerclement (GMD). Il comparaissait aux Assises de Paris du 12 au 14 décembre 2022 pour « blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente ». Dans cet article, nous l'appellerons l'éborgneur, puisque sa responsabilité dans la mutilation de Laurent n'est pas mise en doute. Article Repris de Désarmons-les

Caliméro parmi les CRS : le CV de l'éborgneur

Au cours de la première journée d'audience, la juge procède au tirage au sort des jurés. Le seul juré au nom arabe est immédiatement récusé par l'avocat de l'éborgneur, Laurent-Franck Liénard. Puis la juge expose les faits, avant de donner la parole à l'accusé.

Debout à la barre, se tenant les mains dans le dos, le grand dadais au physique de contrôleur de gestion cache mal sa rigidité émotionnelle. Il est le portrait craché de Felonius Gru, le personnage du demi-méchant dans « Moi, moche et méchant ». Froissant son nez pour remettre en place ses lunettes, il jette régulièrement des regards sans lueur vers les bancs de la partie civile. Tentant maladroitement d'exprimer de la compassion, l'éborgneur formule des excuses hâtives et peu convaincantes, probablement motivées par la seule volonté d'attendrir la cour, dans la continuité de la lettre qu'il avait stratégiquement adressé à Laurent en octobre 2018.

Une assistante sociale et deux psychologues se succéderont d'ailleurs à la barre pour renforcer le trait, en présentant l'éborgneur comme un tendre humaniste, volant au secours de son prochain, ayant même sauvé une collègue du suicide et recueilli chez lui un enfant handicapé. On sait avec qui roulent les experts judiciaires. Avec ce cynisme qui lui est propre, l'avocat Liénard commentera même :

Dans la salle derrière l'éborgneur, toute la partie droite de l'auditoire est constituée de ses proches, ainsi que de ses collègues, alignés comme autant de cubes de béton, avec mines patibulaires et mâchoires serrées. L'un d'eux, celui qui ressemble le plus à un taureau gonflé aux protéines, porte un gros tatouage Viking sur le cou. Autant dire que cette moitié du public respire davantage la testostérone et l'esprit de corps que la sensibilité et l'empathie, qui caractérise plutôt le reste de l'auditoire venu en soutien à Laurent. Parmi les flics, on identifie rapidement Linda Kebbab et Grégory Joron, délégués syndicaux de Unité SGP, ce même syndicat qui s'est choisi comme délégué syndical l'assassin d'Amine Bentounsi suite à sa condamnation, mais aussi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance. L'acteur Samuel Le Bihan passe aussi s'asseoir parmi les policiers : à force de trop jouer des flics au cinéma, on peut se demander s'il n'aurait pas raté une vocation…

En 1995, qui est aussi l'année où la grenade à main « de désencerclement » DMP/95 est inventée, l'éborgneur Mathieu passe une première fois le concours de police, cherchant « un peu plus d'action dans sa vie » tout en souhaitant « contribuer au vivre ensemble ». « J'aime le contact avec les gens”, dit-il, et « dans la police, on est des acteurs sociaux » (sic). Il obtient la note médiocre de 4,25/20 à l'oral, ce qui lui vaut d'être recalé au concours, qu'il obtient néanmoins l'année suivante. Sa vivacité intellectuelle ayant semble-t-il été reconnue, il servira ensuite 19 ans dans la BAC, unité à la réputation peu reluisante dont il ne prononcera jamais le sigle, préfèrant parler de « brigade nuit » et de « police secours ».

Le 1er septembre 2016, il rejoint les rangs de la CRS 07 de Deuil-la-Barre. La motivation de cette mutation : un meilleur salaire. Mathieu participe d'abord à des missions de sécurisation de foires, avant de faire une journée de mise en condition à Calais, terrain bien connu de la chasse républicaine aux migrant-e-s. Là, de ses propres mots, il apprend tout juste à chausser ses jambières et sa cuirasse avant d'être propulsé chef de groupe, et alors même qu'il n'a eu aucune formation au maintien de l'ordre. L'un de ses collègues, qui passera à la barre comme témoin au deuxième jour du procès, dira que cette journée à Calais « s'est bien passée », alors même que Mathieu prétend que leur unité y aurait été attaquée par des migrants pendant sa pause déjeuner. La police harcelée par les migrants, on aura tout entendu…

A lire en entier sur Désarmons-les

La rente et la merde : brochure antispéciste matérialiste et transféministe marxiste

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Toi aussi tu en as marre des antispécistes moralistes qui considèrent que la solution à nos problèmes est la lutte culturelle par la consommation et la passivité idéologique ? Mais c'est génial ! Dans cette brochure, on va réintroduire les bases d'un antispécisme en lien avec les théories marxistes. Ici on ne perd pas de temps et on reprend depuis le début.

Il me semble important de revenir sur la construction de l'humanisme avant que vous ne consultiez ma brochure, afin de comprendre pourquoi j'utilise le terme controversé d'antihumanisme qui reste encore quasi inexistant dans le mouvement antispéciste. Je l'utilise par provocation, mais aussi parce que je me sens épuisée par cette spéculation théorique toujours plus importante de la part d'intellectuel·les organiques libéraux. Il s'agit certes d'une critique contre l'humanisme du corps normé capacitiste, mais qui ironiquement finit par être menaçante envers les personnes n'appartenant pas à une catégorie normative. Étant trans', je considère ce qui va suivre comme une réaction épistémique de survie face à ce qui me semble être une théorisation de phraséologistes apolitiques et antirévolutionnaires. Pour ce faire, je vais me répertorier à l'ouvrage Solidarité animale, de Yves Bonnardel et Axelle Playoust-Braure [1]. Bien-sûr il existe d'autres références que nous verrons tout au long de la brochure.

La critique de l'humanisme répondait au besoin de structuration théorique de l'antispécisme à ses débuts : « Qu'est-ce que la société spéciste ? Elle est à la fois une organisation sociale, fondée sur un système politique et économique d'exploitation des animaux, et une idéologie, se traduisant en particulier par le dogme humaniste, cette croyance en la suprématie humaine. L'ensemble forme un fait social transversal à l'ensemble de la société, qui en influence toutes les strates. » David Olivier tente de donner une définition large de l'humanisme en caractérisant cette idéologie comme une croyance totalement hégémonique dans notre société : « Ce que j'appelle ici « humanisme » [est] l'ensemble de ces éléments culturels et idéologiques, omniprésents dans nos sociétés, qui bâtissent et vénèrent cet objet imaginaire appelé « l'Homme », censé représenter ce que chaque humain-e est, et en même temps doit s'efforcer d'être. La difficulté est déjà de percevoir l'humanisme. C'est que le martèlement idéologique est incessant, obsessif, au point de devenir subliminal […]. Il faut un effort particulier d'attention pour relever chaque référence à la supériorité de l'Homme, à sa dignité toute particulière, à sa beauté et à sa bonté sans pareilles. » [2] […] ; « David Olivier mais aussi Jean-Jacques Kupiec ont développé une critique radicale de la notion d'espèce. Tous deux expliquent que l'espèce est une catégorie de pensée qui a une histoire, au même titre que la race, et donnent quelques éléments sur l'origine et la construction idéologique de ce concept. » [3] Le concept d'espèce analysé dans la biologie d'aujourd'hui trouve ses sources avec le courant nominaliste au tournant du XIIIe-XIVe siècle qui abandonne la croyance d'une essence naturelle qui fonderait l'espèce, mais au contraire parce que l'espèce est antérieure à l'individu et permet la reproduction ( bref, un regroupement d'individus interféconds). L'espèce est entre autre un terme historiquement situable (donc non naturel), qui sert à regrouper et classifier des individus. Cependant je reste très sceptique quand unE antispéciste me dit que la notion « d'espèce » n'est pas naturelle. C'est souvent un argument d'autorité pour invalider le spécisme, mais malgré tout, cela va de soi qu'on ira pas batifoler ou construire des sociétés avec n'importe qui. Cependant, il est indéniable qu'un discours sur la nature sert à légitimer l'appropriation d'un groupe par un autre (Colette Guillaumin). C'est donc la consubstantialité de Nature et espèce comme outil taxonomique qui pose problème ! Et c'est en effet un problème que pointe très justement l'antispécisme en montrant théoriquement et pratiquement que la naturalité de la notion d'espèce crée un imaginaire farfelu où tous nos comportements seraient dictés par l'espèce (les instincts). Ce serait naturel pour un chien maltraité d'être agressif comme ce serait naturel pour une personne qui a été prédestinée à devenir un homme de violer des gens. Cela ferait du monde de la Nature un univers mécanique, en dehors de nous qui pourrions nous en soustraire. Cette idée de séparation entre un nous humain et la Nature est instaurée par Descartes qui affirme la supériorité naturelle de l'humanité sur le reste du vivant : l'animalité. Mais des individus à travers l'histoire – avant et après cette affirmation suprématiste – ont été rejetés de la définition suprême qu'on peut accorder à la catégorie « être humain » : les personnes non blanches, les personnes handicapées, les femmes, les personnes non cis, les personnes non hétéros. On peut penser aux zoos humains qui exposaient des personnes non blanches ou encore aux expérimentations sur des personnes juives. Quoiqu'il s'agisse de faire là une distinction qui me tient à cœur (car je fais partie du peuple élu, sorry not sorry) : la shoah était un évènement motivé par une haine irrationnelle, contrairement au spécisme. Je ne crois pas qu'une personne ai pu dire dans l'histoire : « je pense que l'espèce des goélands est une ignominie qui menace notre supériorité raciale ». Mais il m'arrive de me tromper. Ce qui compte, c'est de bien voir que l'animalisation découle de l'idéologie humaniste qui crée une strate morale du vivant, l'humanisation étant le graal de cette classification. En bref, « Animaliser un individu, c'est le rabaisser socialement. C'est se préparer à le traiter « comme un chien ». Les premiers à être animalisés sont évidemment les animaux (non humains). L'animalisation est une opération idéologique et, comme telle, elle peut fort bien s'exercer également à l'encontre d'humains : on parlera alors aussi de déshumanisation. C'est ainsi que le spécisme est omniprésent en ce qu'il organise et détermine nos rapports aux autres animaux, mais tout autant les rapports entre humains. »
C'est de tout ce bagage historique que se forme le dogme humaniste. C'est ainsi que Yves Bonnardel et Axelle Playoust-Braure concluent sur le fait de requestionner l'idéologie humaniste : « Il nous faut viser l'abandon de la référence à l'humanisme de la part des mouvements animalistes, écologistes et de « justice sociale », et l'abandon concomitant de toute référence à la nature comme essence ou principe ordonnateur. Car l'inclusion des animaux dans notre champ de considération morale et politique ne pourra se faire sans une remise en question de l'humanisme comme monopole illégitime de l'universel. Les antispécistes refusent d'inscrire l'« animalisation des animaux » dans l'ordre des choses. Non, nous ne sommes pas « tous humains ». Oui, certains d'entre nous sont, en ce moment même, du bétail. On parle de milliers de milliards d'individus, chaque année, qui sont animalisés, c'est-à-dire élevés, pêchés, tués comme si de rien n'était, et comme s'ils n'étaient rien. » [4]

L'antihumanisme comme notion qui requestionne l'humanisme a été réutilisé par des médias réactionnaires afin de discréditer le courant antispéciste [5]. Très peu d'antispécistes se disent antihumanistes, mais il convient de rappeler que cette approche ne vient pas de l'antispécisme mais du courant structuraliste des sciences humaines et sociales. Le structuralisme, qui s'est développé dans les années soixante, nous invite à repenser l'analyse des humainEs depuis un regard extérieur. C'est notamment quelque chose que l'on retrouve énormément en anthropologie. Cette approche a été depuis dénoncée par la seconde vague du féminisme qui parle du « point de vue » de la recherche, et par l'approche intersectionnelle qui pointe du doigt la consubstantialité des oppressions dans un seul corps (être une femme non blanche, une femme trans', une personne trans' féminine, etc.). Ce que l'on vit et ce que l'on ressent va apporter énormément de choses contrairement à ce qu'affirmaient beaucoup de chercheurs comme Weber qui sacralisaient la « neutralité axiologique » (tendre vers la neutralité totale, ce qui est impossible et foncièrement limité intellectuellement).

Bien que l'antihumanisme dénonce en partie un héritage trop subjectiviste de la science, je pense qu'il n'est pas non plus utile de se le réapproprier. Et cela pour une raison qui concerne mon expérience militante au sein de l'antispécisme, qui parlera je le pense à beaucoup d'antispécistes. Vis-à-vis de mon expérience militante, j'ai souvent été amenée à me confronter à des militantEs qui avaient une sincère répugnance pour l'espèce humaine. Il y aurait deux camps : les antispécistes qui seraient des gens dignes d'intérêts, et les spécistes, des gens monstrueuxSES, abominables et qui peuvent bien mourir. Ce genre de séparation laisse tout le champ libre pour une vague de croyances racistes vis-à-vis de rituels religieux, des japonaisES qui tuent des dauphins, des requins et des baleines, des chinois qui mangent « du chien et du chat », etc. En fait, on se pense sincèrement comme la morale absolue en tant qu'antispéciste. C'est donc pour cela que l'utilisation du terme d'antihumanisme me semble périlleux si à l'avenir il venait à se démocratiser dans la science antispéciste, car les gens pourraient extrapoler leurs croyances irrationnelles en un mot.

Enfin, la critique de l'humanisme, qui montre la menace de l'animalisation à travers l'histoire, amène des théoricienNEs à penser qu'il faudrait tendre dans la lutte antispéciste vers la fin de l'humanisme (car cette idéologie serait le socle moral de la suprématie humaine). Cependant, j'y vois une menace pour tous les mouvements de libération. Depuis 1848 jusqu'à nos jours, passant des programmatismes aux socialismes révolutionnaires tels que nous les connaissons aujourd'hui, la question a toujours été de savoir comment conscientiser son rapport antagonique avec la classe exploitante. Comment insuffler la conscience de classe qui est le sens logique d'un développement de plus en plus méprisable d'une exploitation ? La conscience de classe étant en fait la conscience révolutionnaire amenant à la chute des systèmes de domination. La critique de l'humanisme que je préfère – par facilité – qualifier d'antihumanisme (appelons un chat un chat), ne prend pas en compte la stratégie pour construire un mouvement révolutionnaire. Plutôt que de penser les rapports de domination répondant à certains impératifs sociaux et économiques, historiquement situés, on se contente de penser que c'est toute une idéologie qui permet la domination humaine. Mais si la lutte antispéciste est une lutte de morale, et non pas (aussi) d'intérêt, alors comment gagner ? L'utilisation du terme d'antihumanisme pour moi est donc quelque chose de stratégique qui cherche à poser une seule question : celle de la stratégie. Et par la même occasion montrer qu'une analyse matérialiste est préférable pour construire un mouvement avec des outils théoriques aux motivations révolutionnaires.

La brochure :

Brochure : La rente et la merde
Zosha

[1] Bonnardel, Yves, et Axelle Playoust-Braure. « 5. Le dogme humaniste », , Solidarité animale. Défaire la société

[2] Olivier David, « Pour un radicalisme réaliste », Cahiers antispécistes, n° 17, avril 1999.

[3] Bonnardel, Yves, et Axelle Playoust-Braure. « Le dogme humaniste », Solidarité animale

[4] Bonnardel, Yves, et Axelle Playoust-Braure. « Conclusion. Un monde sans humanisme », Solidarité animale.
Défaire la société spéciste, sous la direction de Playoust-Braure Axelle, Bonnardel Yves. La Découverte, 2020,
pp. 187-190.

J'aurais pu améliorer, enlever des parties maladroites, travailler encore et encore ... Mais taffer à Mcdo m'enlève toute énergie et je veux en finir avec cette brochure. Cependant n'hésitez pas à me contacter à cette adresse pour tout retour ouinouineske : retourdelarme@protonmail.com

Synthèse critique d'une inclusion.

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

C'est donc ça, la bourgeoisie internationale veut désormais sauver ce monde qu'elle a si minutieusement dépecé. Elle vient répéter ses promesses qu'elle nous fait au besoin des cycles, démocratie, égalité, liberté, justice…

(Rédigé en Novembre 2022)

Cette série de texte poursuit les réflexions avancées dans l'article « Synthèse critique des parties prenantes. » :

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Synthèse critique d'une inclusion.

Objectif de développement durable numéro 8 : Promouvoir une croissance économique inclusive et durable, l'emploi et un travail décent pour tous.

« Nous mobilisons le secteur privé pour créer un système économique plus inclusif, plus durable et plus fiable :

Le capitalisme permet de sortir les gens de la pauvreté et favorise l'innovation et la croissance mondiale. Mais pour faire face aux inégalités croissantes et au changement climatique du XXIe siècle, le capitalisme doit s'adapter. Le Conseil pour le capitalisme inclusif est un mouvement mondial de leaders qui opèrent dans le domaine des affaires commerciales d'une façon qui puisse profiter aux populations, à nos communautés et à la planète. Nous invitons les chefs d'entreprise du monde entier - qu'il s'agisse d'une petite entreprise locale ou d'un conglomérat international - à nous rejoindre et à s'engager à prendre des mesures commerciales éclairées, nécessaires à la mise en place des économies et des sociétés plus équitables et plus dynamiques dont nous avons besoin. » [1]

Hélas, cette farce n'en est pas une. Le Conseil pour le capitalisme inclusif existe bel et bien, et mériterait sa propre échelle de valeurs pour qu'on puisse en évaluer l'audace. Afin d'amplifier un peu plus le malaise, disons que c'est le Vatican qui en est à l'origine.

Sur le site du « mouvement », de riches préceptes en aumône :

« Égalité des chances pour tous, de rechercher la prospérité et la qualité de vie, quels que soient le milieu socio-économique, le sexe, l'origine ethnique, la religion ou l'âge. » [2]

Amen.

Les prises de positions de la bourgeoisie ressemblent de plus en plus à des interventions psychosociales. On ne sait plus comment se référer à la réalité tant elle a été corrigée à d'innombrables niveaux, tant les gestes et les principes qui hier nous étaient encore familiers trahissent désormais ceux de l'encadrement. Un verbiage complaisant est venu envelopper la réalité sociale jusqu'à la contrefaire, la parodier, nous perdre. On ne sait plus si l'on nous gaslighte [3] sans interruption ou si vraiment, il se pourrait que ce monde ait changé.

« le capitalisme doit évoluer pour promouvoir un système plus durable, plus fiable, plus équitable et plus inclusif qui fonctionne pour tout le monde. » [4]

« durable », « inclusif », « équitable » et « digne de confiance », les mots d'ordre de l'ennemi brodés sur ses gilets pare-balles, ses bottes et ses treillis disponibles en couleurs pastels.

Insolite et pourtant, ce soft-power affectueux s'entête à nous apprivoiser, nous conditionne donc à la joie d'un marché libre, égalitaire, où nous pourrions tous être frères, toutes êtres sœurs, tous nous rapprocher du pouvoir, peut-être même y accéder.

Nous aimerions nous en convaincre, pouvoir nous réjouir de cela, nous offrir à tous leurs sourires qui rappellent porcelaine de chiottes.

« Le capitalisme inclusif ou le capitalisme des parties prenantes - quelle que soit votre terminologie pour décrire un capitalisme qui produit une large création de valeur - ne se limite pas à faire le bien. Il s'agit avant tout de répondre aux attentes du marché et de favoriser l'excellence commerciale. Les entreprises qui pratiquent un capitalisme inclusif et durable renforcent l'économie et la société en tant que sous-produit de leur recherche de profit, ce qui rend leur exemple important à observer et dont on se doit de tirer des leçons. » [5]

Parmi ces exemples, de prestigieux ambassadeurs de bienfaisance :

La société pharmaceutique et agrochimique Bayer, la compagnie pétrolière BP, le géant de l'industrie chimique DuPont, l'entreprise agroalimentaire Nestlé, le groupe pétrolier Eni, la société multinationale de technologie IBM, l'entreprise pharmaceutique Johnson & Johnson, Visa, PayPal, Mastercard, ainsi que des organisations telles que l'OCDE, la Banque Africaine de Développement et la Fondation Rockefeller. [6]

C'est donc ça, la bourgeoisie internationale veut désormais sauver ce monde qu'elle a si minutieusement dépecé. Elle vient répéter ses promesses qu'elle nous fait au besoin des cycles, démocratie, égalité, liberté, justice…
Les mêmes promesses, et ce depuis la fin du féodalisme.
Promesses fanées depuis plus de deux siècles, que nous cherchons seulement pour nous noircir les ongles.

Pourtant, curieusement, l'inclusion - qui ressemble de très près à un programme économique d'assimilation totale - est un des engagements auquel se tient la bourgeoisie.

Pourquoi ?

« Le gâchis de potentiel humain et économique est immense. Un rapport d'Out Now estime que l'économie américaine pourrait ajouter 9 milliards de dollars supplémentaires par an si les entreprises amélioraient leur capacité à retenir les talents LGBT grâce à la mise en œuvre de politiques inclusives. Les pays où de telles politiques n'existent pas sont perdants : la Banque mondiale estime que l'Inde perd 32 milliards de dollars par an en production économique, précisément à cause de la discrimination généralisée à l'encontre des personnes LGBT. Au contraire, les entreprises qui défendent ouvertement les droits des LGBT en récoltent les bénéfices. Les clients LGBT sont parmi les plus fidèles : ils récompensent les entreprises qui les ont soutenus, quitte à dépenser plus pour leur panier de consommation. Un gros panier, si l'on considère qu'aux États-Unis seulement, le pouvoir d'achat de la communauté LGBT est évalué à environ 800 milliards de dollars par an. (…) Les chiffres sont clairs : il existe un argument économique en faveur de l'inclusion des LGBT, et il est solide. Les entreprises ayant de fortes politiques LGBT ont tendance à innover le plus, à avoir des employés fidèles et à connaître beaucoup moins de cas de poursuites judiciaires pour discrimination. En plus de cela, ils sont également perçus positivement par leurs clients. C'est du gagnant-gagnant. » [7]

Pour le dire autrement :

« L'inclusion LGBT+ est bonne pour les affaires et pour la croissance économique. » [8]

Comportement d'achat et d'usage, marketing cible, secteurs stratégiques et fidélisation, on connait.

Les « causes », sont devenues des marchepieds,
des sous-catégories de consommateurs,
« l'identité », un simple argument de vente.

Toutes les minorités nommables sont devenues les faire-valoir d'agendas dont la délicatesse et la sensibilité nous évoque celle d'une moissonneuse.

« Avec des revenus en hausse de 28 %, le doublement du résultat net, 30 % de marges bénéficiaires supplémentaires et une acquisition et une rétention efficaces des talents de la prochaine génération, une stratégie commerciale inclusive du handicap promet un retour sur investissement significatif. » [9]

« Pourtant, l'exclusion des personnes handicapées coûte aux pays de l'OCDE 7 % de leur PIB, et les personnes handicapées, ainsi que leurs amis et leur famille, disposent d'un pouvoir d'achat de 8 000 milliards de dollars. (…) Nous savons déjà que les entreprises passent à côté d'énormes opportunités d'atteindre des publics en raison du manque d'accessibilité. En 2016, l'enquête britannique Click-Away Pound a révélé que plus de 4 millions de personnes ont abandonné un site internet de vente au détail en raison des obstacles qu'elles ont rencontrés, emportant avec elles des dépenses estimées à 11,75 milliards de livres sterling. En 2019, cette perte d'activité est passée à 17,1 milliards de livres sterling. Il est tout à fait logique, sur le plan commercial, de changer cette situation, et c'est maintenant qu'il faut le faire. » [10]

Libérer « la valeur commerciale » des handicapé.e.s, des noir.e.s, des femmes, des pauvres, de tous les « gisements de croissance » encore sous-exploités.

« Si les écarts raciaux en matière de salaires aux États-Unis avaient été comblés il y a vingt ans, la croissance du PIB réel aurait pu être augmentée de 0,2 point de pourcentage par an. Un accès adéquat au crédit immobilier aurait aussi pu permettre à 770 000 noirs de devenir de nouveaux propriétaires. Un plus grand nombre d'étudiants noirs titulaires d'un diplôme universitaire ou d'un diplôme d'études supérieures aurait pu générer un revenu supplémentaire de 90 à 113 milliards de dollars qui aurait pu contribuer à la consommation. Plus de 6 millions d'emplois par an auraient pu être créés et 13 000 milliards de dollars de revenus cumulés auraient pu être gagnés si les entreprises appartenant à des noirs avaient eu un accès équitable au crédit. Les implications mondiales sont également évidentes étant donné que les États-Unis contribuent pour un tiers à la croissance de l'économie mondiale. » [11]

« Parce qu'il empêche les gens de tirer le meilleur parti de leur potentiel économique, le racisme systémique entraîne des coûts économiques importants. Une société moins raciste peut être économiquement plus forte. Par exemple, l'écart de richesse entre les blancs et les noirs américains devrait coûter à l'économie américaine entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars en consommation et en investissement perdus entre 2019 et 2028. Cela se traduit par une pénalité du PIB projetée de 4 à 6 % en 2028. » [12]

L'antiracisme du capital : la « performance », le « mesurable », au service de logiques toujours plus déshumanisantes. Réductions statistiques et contrôle gestionnaire, l'idéologie managériale est l'horizon du progrès.

L'égalité des chances, seulement celles d'être réifié.e.s.

« L'Inde, la grande économie à la croissance la plus rapide du monde, pourrait faire beaucoup mieux si elle traitait mieux ses femmes (sic). Selon un rapport publié le 23 avril (2018) par le McKinsey Global Institute, le pays pourrait ajouter jusqu'à 770 milliards de dollars - soit plus de 18 % - à son PIB d'ici 2025 simplement en donnant des chances égales aux femmes. McKinsey estime qu'une participation accrue des femmes à la main-d'œuvre, l'augmentation du nombre d'heures qu'elles passent au travail et leur intégration dans des secteurs à plus forte productivité contribueront à stimuler cette croissance économique. La contribution des femmes au PIB du pays n'étant actuellement que de 18 %, soit l'une des plus faibles au monde, et la main-d'œuvre indienne n'étant composée que de 25 % de femmes, l'économie indienne dispose également du deuxième plus grand potentiel de la région Asie-Pacifique (APAC) en matière d'amélioration de la parité hommes-femmes, indique le rapport. La région APAC elle-même pourrait ajouter 4,5 billions de dollars à son PIB commun chaque année en 2025 si cette voie est suivie, a noté l'institut McKinsey. » [13]

« Pour le secteur financier, certaines études suggèrent que les entreprises dont le conseil d'administration est composé d'un plus grand nombre de femmes ont une meilleure rentabilité et une meilleure performance boursière. (…) Les acquisitions et les émissions de dette réalisées par les entreprises dont les dirigeants sont des femmes ont des rendements d'annonce plus élevés que celles réalisées par les dirigeants masculins. (…) Les études expérimentales sur les différences de choix et de préférences entre les hommes et les femmes tendent à montrer que les femmes ont une plus grande aversion au risque que les hommes. Les études neuroéconomiques attribuent ces différences d'aversion au risque en grande partie à des différences entre les sexes dans les niveaux de testostérone : par exemple, Sapienza, Zingales et Maestripieri (2009) ne trouvent aucune différence d'aversion au risque entre les hommes et les femmes ayant des niveaux comparables de testostérone. » [14]

Le déterminisme biologique, c'est le féminisme. L'extraction, la meilleure amie du « peuple », la captation de valeurs, la recherche de profit, le potentiel commercial des groupes et des individu.e.s, présenté en éthique, en sens moral, en libération. Toutes les conceptions vivent un brutal renversement, et ce sans que rien ne change jamais.

« La nouvelle économie des services ne repose pas sur la force physique, mais sur des compétences qui sont facilement accessibles aux femmes, telles que la détermination, le souci du détail et la réflexion mesurée. Le cerveau féminin est naturellement programmé à la vision stratégique à long terme et à la création de communautés. » [15]

L'entrecroisement des champs de connaissances, le perfectionnement de la psychologie sociale et de l'économie comportementale fonde sur le pouvoir mobilisateur des émotions des dispositifs de persuasion qui donnent à la « propagande » du siècle dernier des allures de plaisanterie. Dans un contexte économique où l'optimisation de la performance et la maximisation des profits rationalisent de façon toujours plus scientifique l'organisation de la production, l'affectation des « aptitudes » vers les secteurs qui leurs sont « naturellement fixées » ne doit plus représenter la sombreur surannée de la division sexuelle du travail, mais plutôt incarner une forme d'émancipation sociale, l'empowerment.

Nous sommes loin des petites expériences de Bernays, qui avait déjà cerné dans les vœux de libération l'occasion du marché. Il suffit de coordonner le désir pour pouvoir le recruter. Il suffit de projeter sur une saine affirmation de soi, les objets ambitieux de la reconnaissance.

Éloge méritocrate vers quelques visées dérisoires - Carrière, Argent, Succès.

Consécration - coopérer.

Un camarade américain nous l'expliquait il y a plus de vingt ans [16], la réponse ne sera pas entrepreneuriale :

« je ne suis pas opposé à ce qu'une personne se lance dans le commerce, dans la création d'une petite entreprise, d'une coopérative de crédit ou dans n'importe quel effort capable de lui faire gagner sa vie et de subvenir aux besoins de sa famille. Je m'oppose par contre à ce que les nôtres se fassent escroquer par ceux qui présentent cette solution comme la seule capable de nous libérer. À mon sens, ce genre d'argument nous enchaîne encore plus à la plantation politique, et nous entraîne à nous faire exploiter par une nouvelle classe de maîtres qui nous endorment avec leurs conneries de richesses économiques. (…) Jamais nous ne serons libres dans ce système, que ce soit par l'intermédiaire de l'économie ou de la politique conventionnelle, et il est important que nous le comprenions. » [17]

Derrière les bannières de l'égalité, de la solidarité et de la justice se planquent en vain les vieilles sangsues du numéraire. L'étude sur « le Coût de la faim » dirigée par la Commission de l'Union africaine est à cet égard fascinante :

« Le capital humain est le fondement du développement social et économique tel qu'il est défini dans l'Agenda 2063 de l'Afrique et les Objectifs de développement durable (ODD). L'amélioration de l'état nutritionnel de la population a un impact direct sur les performances économiques (…) La sous-nutrition chez l'enfant affecte le capital humain et la productivité à plusieurs égards. Les enfants qui ont souffert de sous-nutrition risquent davantage d'atteindre des niveaux d'éducation inférieurs à ceux des enfants en bonne santé. Le faible niveau d'éducation qu'ils ont atteint les rend souvent moins qualifiés pour le travail, ce qui réduit leur potentiel de revenu pour le travail non manuel. Les adultes qui ont souffert d'un retard de croissance dans leur enfance ont tendance à avoir une masse corporelle maigre moins importante et sont donc plus susceptibles d'être moins productifs dans les activités manuelles intensives que ceux qui n'ont pas été affectés par un retard de croissance. En outre, la population perdue en raison de la mortalité infantile entrave la croissance économique, car ces personnes auraient pu être des membres de la société, productifs et en bonne santé. » [18]

Nous en sommes là, à calculer « l'impact de la sous-nutrition sur la productivité nationale » [19].

Cette « défense des pauvres » est, comme tout le reste, assez déconcertante. Ce « progrès », si spécifique, ne souhaite visiblement plus nous sortir de la barbarie mais seulement la moderniser.

On nous rétorquerait sans mal que « l'angle économique » est en sous-main la manœuvre de quelques « soviétiques » affairés à « changer le système de l'intérieur ». De quoi nous convaincre de la vaste conspiration du « marxisme culturel », de l'école de Francfort à la « French theory ». C'est l'obsession « wokiste » de quelques saltimbanques qui pensent sincèrement que l'entrisme peut survivre à l'embourgeoisement.

Les capitalistes ont leurs promesses, l'extrême droite a ses hantises, ses complots, son folklore. L'inventivité des réactionnaires est décidément étourdissante.

Soit, le segment le plus progressiste de la bourgeoisie internationale promouvrait les enjeux financiers pour parvenir à ses fins. Mais quelles seraient-elles alors ?

La « parité » dans les conseils d'administration ? La représentation de la « diversité » dans le secteur de l'audiovisuel ? Les quotas ? L'évolution des droits des « minorités » ? Quoi d'autre ? L'égalitarisme bourgeois ? En faveur de la consommation ? Et donc ?

Il faut être salement tourmenté pour s'offusquer de si peu, et craindre le pire en toisant la période. Notre problème ne vient pas de la « décadence », d'ajustements cosmétiques dont ma foi nous pourrions bien profiter, mais du sentiment de satisfaction qu'ils peuvent - dans cette période de transition - engendrer chez quelques-un.e.s.

Certes, il nous est dès à présent permis d'incriminer les normes, repenser l'évidence, remettre en perspective l'histoire, la sexualité, les relations. Nous pouvons redéfinir le genre, le subjectif, la chose privée, et nous nous devons de le faire. Mais tant que ces efforts ne seront pas accompagnés d'implications plus larges, relatives à l'organisation du travail, à la répartition et à la distribution des biens, bref, au capitalisme lui-même, nos tentatives resteront des transformations internes à son propre mode de production.

À moins que ne surviennent des disruptions majeures, le « progrès » individuel ne semble plus être inconciliable à la trajectoire des économies avancées telles qu'elles se présentent, il y est pour ainsi dire corrélé.

En 1966, un membre de l'Internationale situationniste disait de la société spectaculaire-marchande : « En échange du seul possible, c'est-à-dire une autre société, elle nous accorde généreusement toutes les possibilités d'être autre dans cette société. »

C'est de ces « possibilités », qui se multiplieront toujours plus, de cette liberté « en-soi » et jamais étendue au monde, qu'il nous revient de clarifier ; avant l'accommodement, avant que « la culture », unie à « la technique », ne devienne l'utopie du siècle, le refuge attitré de la détresse et de la frustration.

1) La communauté LGBTQ + présente une « oPpoRTunIté de cRoiSsaNCe daNs lE SEcTeUr du jEU-viDéo » [20]

2) Dans l'industrie du sport « l'ÉcaRT eNTre LEs seXEs Est UNe oppOrtuniTÉ comMErciAle » [21]

3) Un « puBLic de pluS eN PLus diVersIFié prÉSente unE opPOrtunIté dE cRoiSsanCE » [22]

L'intelligence stratégique sur l'étendard du « progrès ». Algèbre et classification, calculs, rentabilité, bénéfices, intérêts, prospectives, rendements, gestion des risques, tendances, marchés, secteurs, profits, les armoiries du camp d'en face.

« Les entreprises qui gagnent le cœur et l'esprit des différentes communautés peuvent s'attendre à une plus grande confiance et à des rendements financiers plus élevés, et certains des groupes de la société dont la croissance est la plus rapide et la valeur la plus élevée sont encore négligés. » [23]

« Une industrie de confiance est une industrie qui à la fois gagne la confiance des consommateurs et maintient un environnement de marque fiable pour les annonceurs. » [24]

« En définitive, dans un monde où les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux problèmes, la création de programmes de diversité, d'équité et d'inclusion réussis n'est pas seulement la bonne chose à faire - c'est un bon business. » [25]

Sur le plan affectif, l'industrie culturelle est devenue un objet transitionnel, une source de réconfort contre laquelle l'audience peut enfin trouver le sommeil. Si la culture procure un apaisement indiscutable, réduit les angoisses existentielles du siècle en engendrant des formes de consolations immédiates, elle peut, par l'effet d'un dédoublement, approfondir la fuite et avec elle amplifier des processus de déréalisation déjà à l'œuvre.

Entre une réalité qui s'appauvrit à tous les niveaux et une offre culturelle de mieux en mieux adaptée aux attentes et aux inclinations des groupes et des individu.e.s, nous nous risquons au déchirement, à l'exode. L'éloignement entre une quotidienneté - en crise totale - et une abondance de représentations toujours plus rassurantes pourrait bien mener le dégoût, l'anxiété et l'exaspération déjà diffuse, à un abandon progressif du réel, à une authentique sécession.

L'essor des plateformes de streaming, la diversification de l'économie de service et de l'économie de l'abonnement, la montée de l'industrie vidéoludique, sont autant de facteurs et de signes de « repli sur la sphère privée » qui ne sont pas sans importance. Toutefois cette seule interprétation s'avère être insuffisante. Ces phénomènes traduisent probablement aussi le besoin pressant de rejoindre des espace-temps insulaires, dépêtrés d'un monde pétri de désillusions. Une migration de l'expérience psycho-émotionnelle vers des territoires conçus et aménagés selon les protocoles du plaisir, du confort et de la satisfaction. Des espaces de consommation stables, ergonomiques et « inclusifs », des espaces d'emprunt et de soulagement, des espaces de substitution.

Si les évolutions « sociétales » peuvent jusqu'à un certain point épauler nos ébauches, les évolutions techno-culturelles peuvent comme elles représenter un potentiel émancipateur. L'avancement des systèmes collaboratifs, des organisations autonomes décentralisées, peuvent autant représenter de chances qu'ils peuvent se limiter à rénover de façon tout à fait superficielle des pratiques et des conceptions fondamentalement capitalistes. Pour être plus pessimiste encore, disons que ces technologies « participatives » et « affinitaires », adaptées à l'émergence de l'économie de la création et au modèle commercial de la « Community », font craindre des compatibilités toujours plus organiques entre « consommateurs » et « produits », « usagers » et « services », « publics » et « créations ».

L'adaptation de « l'offre » - des représentations et des représentants - « à la demande », n'est pas un progrès en soi, c'est une stratégie commerciale.

Tout ce qui remporte un engouement devient de fait rentable.

Il suffit de constater le nombre de divertissements qui s'appuient sur un sentiment de révolte, le nombre de contenus « irrévérencieux », de productions « subversives », d'objets « provocants » de toutes sortes, pour admettre que la nouvelle distraction mobilise un logiciel « contestataire » au profit d'une véritable économie de la compensation.

Le besoin de révolution se solde, se binge, se joue, mais la révolution n'advient nulle part et son héritage se perd en phantasme, en esthétique, en narration, et nous voyons, dans notre camp, un certain contentement poindre et s'épanouir dans la fiction.

Le besoin de changement reflète le changement des besoins, et cette société se donne justement la capacité de se représenter des changements qui lui sont inaccessibles, les vend. C'est l'objectif même de ses images et de son vocabulaire, transformer l'apparence des choses, afin de tenter de nous convaincre qu'elles ont véritablement changé.

La nouvelle hégémonie culturelle, aussi inclusive soit-elle, reste immanquablement celle du pouvoir.

Pour être plus prosaïque, disons que la révolution culturelle des classes dirigeantes est un lieu commun. Nous assistons, au mieux, à du paternalisme, le développement moral d'une forme de prépondérance farcie aux bonnes mœurs. Au pire, à un cynisme inépuisable, à une adaptation stratégique doublée d'un projet lucratif. Dans les deux cas, l'autorité.

En conséquence rien à cirer des motifs présumés de ce dit « progressisme », il ne pointe pas le renversement de sa propre nature, ne renonce pas à la tension concurrentielle des royaumes, ne renie pas la toute-puissance des marchés, des États, des drapeaux, des armées. Il ne tend ni à nous affranchir de la marchandisation des échanges, ni à nous libérer de la société de classe ou du salariat, en revanche, tout porte à croire qu'il tend à rendre l'exploitation capitaliste plus universelle encore, s'applique à la régénérer.

Dans ce cas peu importe la stratégie de cette charité si poignante. Qu'ils s'échinent dès lors à stabiliser leur monde, par un verbiage précautionneux, une imagerie compatissante, des négociations diplomates, grotesque. Plus rien de ce qu'on nous proposera ne pourra plus nous envoûter, nos convictions sont hors d'atteinte, notre innocence évaporée.

De toute façon, l'aplomb avec lequel la période dégénère est sans doute plus révélateur que ce pathos auquel on s'abandonne.

Un jeune milliardaire végétalien, engagé dans la protection animale, partisan de l'« altruisme efficace », adepte de la redistribution et défenseur de l'investissement socialement responsable, en bref, une « partie prenante » engagée « au bien », avouera après avoir entrainé l'effondrement d'une des plus influentes plateformes crypto, qu'il ne s'agissait que de « relations publiques », d'un « jeu », qu'il suffisait de « dire les bons shibolet » [26] pour se faire apprécier des gens, bâtir une « réputation ». [27]

Merci, de rien.

Les leaders du capitalisme 4.0 ont d'abord siphonné le champ lexical de l'altermondialisme, invitant à leur table ONGs « de confiance », intellectuels « hétérodoxes », aux ambitions citoyennistes sûrement sincères, tellement crédules. Et puis, au gauchisme universitaire - bien occupé à débarrasser de son héritage intellectuel les notions encombrantes de classe et de révolution - de se laisser naturellement absorber. L'invariable fonction de l'intelligentsia : renouveler l'imaginaire du pouvoir.

Voilà donc la promotion du « progrès social » faite par ceux qui depuis toujours nous rançonnent, et il faudrait, plein d'une louable bonhommie nous suffire de cela.

Alors bsahtek, nous avons perdu notre histoire mais nous avons gagné des H&M aux logos arc-en-ciel, des Black Panther sur Disney+ et une femme à la tête de la BCE.

C'est une victoire, Hallelujah !

Historiquement, les beaux gestes peuvent avoir d'hideuses origines. N'est-ce pas, entre autres, dans une démarche anti-socialiste que Bismarck a fait de l'Allemagne un État-providence ?

Pour le dire comme un ancien, « les bourgeois ont très bien compris les avantages du communisme partiel » [28], qui leur ont depuis un siècle permis d'affermir leur domination.

Ne nous laissons pas duper. Si l'on nous donne A, c'est pour mieux nous déposséder de B. Au fond, tout est toujours fait pour que rien n'advienne, ou tout du moins, pour laisser advenir l'infime et pouvoir le superviser.

Dévitaliser les revendications avant la propagation des possibles, préserver l'impression de « cohésion ». La proposition, la réforme, le compromis, plutôt que la révolution sociale.

Aucun complot, le pragmatisme, ses ruses, rien d'autre.

« L'assimilation est l'outil privilégié de la classe dirigeante libérale. » [29]

À notre échelle d'observateur, nous voyons l'unification. La tentative désespérée de recréer de la confiance, de haut en bas.

La bourgeoisie est un organisme comme un autre, elle a pris connaissance de ses besoins, de ses troubles, de ses carences. Elle sait gérer les appétits qui lui conviennent, rejeter ceux qui lui sont nuisibles. Ingurgiter, trier, assimiler puis évacuer. Le récit aristocratique est obsolète, il n'y a plus de lignée, de sexe ou de « race » supérieure, cette bourgeoisie sait que le cerveau d'une enfant au fin fond de la jungle indienne peut faire partie de sa réponse, qu'il faut donc pouvoir la trouver, lui « donner sa chance », c'est dire l'exploiter. L'église de la méritocratie est engageante. Sur mille tentatives, une pépite de croissance, éventuellement, une start-up prometteuse, un concept à la con, de quoi réenclencher la machine et s'obstiner. Tout est prétexte, tout est matière, tout est opportunité. Tout est bon à prendre, toutes et tous aussi.

L'inclusion est la création des conditions d'une pleine participation de chacun.e.s à l'entreprise capitaliste. Étendre à tous les secteurs de la vie sociale, à toutes les contre-cultures naissantes, toutes les « communautés », tous les individu.e.s, toutes les contrées - aussi reculées soient-elles - les convenances du marché.

Incorporer - méthodiquement - déterminer - le genre humain.

Si « l'inclusion » est la nouvelle pulsation du mercantilisme, sur le terrain du développement, c'est le concept de « croissance inclusive » qui prédomine.

(La suite du texte accessible prochainement)


[3] Tromper quelqu'un de telle sorte qu'il doute de sa propre mémoire, de sa perception de la réalité ou de sa santé mentale - https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaslighting

[26] Un shibolet est un mot dont la seule prononciation permet de déterminer l'appartenance sociale d'un.e individu.e ou d'un groupe, par extension, un shibolet est un mot de passe, une formule idéologique, une expression vide de sens

Assemblée publique contre les CRA

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La prochaine réunion de l'assemblée contre les CRA d'IDF aura lieu le mercredi 11 janvier 19h au CICP au 21 ter rue Voltaire, 75 011 Paris. L'assemblée est publique, n'hésitez pas à nous rejoindre !

L'assemblée contre les CRA cherche à visibiliser et soutenir les luttes des personnes qui y sont enfermées. Pour nous, s'organiser contre les CRA c'est à la fois s'inscrire dans une lutte anti-carcérale et s'attaquer aux frontières.

L'assemblée relaye les paroles, les révoltes et les revendications des personnes enfermées en CRA. L'assemblée organise aussi des formes d'actions en solidarité et en coordination avec l'intérieur, notamment lors des moments de lutte. En parallèle, nous avons publié des conseils juridiques à destination des personnes qui n'ont pas les bons papiers, des personnes enfermées et de leurs proches. Nous apportons également un éclairage sur le fonctionnement des CRA et les acteurs qui les créent et les font tourner.Retour ligne automatique
La lutte contre les CRA se construit de part et d'autre des murs et des barbelés !

L'assemblée contre les CRA est publique et ouverte à toustes celleux qui veulent lutter contre les CRA et les expulsions : n'hésitez pas à passer !!

Pour être tenu-es au courant des prochaines AG vous pouvez nous contacter par mail à cette adresse : anticra@riseup.net