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Procès des militants de Saclay le 13 janvier 2023

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Reporté en avril 2022, le procès des militants ayant déployé la banderole « SOS Stop L18 » au sommet d'une grue sur le plateau de Saclay aura lieu vendredi 13 janvier 2023.

Le 15 octobre 2021, suite à un blocage de chantier à Saclay, deux activistes avaient été menés en garde à vue puis cités à comparaître. Le procès, une première fois reporté en avril 2022, aura lieu au tribunal judiciaire d'Evry (9 rue des Mazières) le 13 janvier 2023 à 9h. Motif : « entrave à la liberté de travailler ».

L'acte reproché ? Avoir déployé une banderole « SOS STOP L18 » sur une grue dans un chantier à proximité du campus de l'ENS Paris-Saclay afin d'alerter ses occupants contre l'urbanisation du plateau de Saclay. Les activistes sont descendus de la grue de leur plein gré. Aucune dégradation n'a été commise sur site (lire l'interview d'un des militants).

Parmi les derniers territoires agricoles d'Île-de-France, le plateau de Saclay a déjà perdu 400 hectares de terres sous le béton ces dernières années et la construction de la ligne 18 du Grand Paris Express accélérerait le phénomène. Au total et à moyen terme, 2300 hectares de terres nourricières sont menacées, faisant fi de leur excellent rendement (récemment rappelé par les agriculteurs locaux).

Dans toute l'Île-de-France, les projets de la Société du Grand Paris, avec ses lignes de métro au milieu des champs (lignes 17 nord et 18 ouest), sont conçus comme des vecteurs d'urbanisation au service d'une spéculation foncière et immobilière effrénées. Un collectif de personnalités a récemment appelé à classer ces terres agricoles, parmi les plus fertiles d'Europe, au patrimoine mondial de l'Unesco. Une grande marche, Terminus Saclay, avait suivie en octobre dernier.

À l'heure de l'augmentation des tarifs du Pass Navigo et face aux dégradations du service dans les transports du quotidien pour les franciliens, il est important de rappeler le coût monstrueux (5 milliards d'euros) de la ligne 18 du Grand Paris Express, projet de métro tout automatique et grande vitesse qui ne répond pas aux besoins réels des usagers. Des milliards d'euros qui pourraient être bien mieux investis dans la rénovation des transports existants ou dans des structures plus légères et moins néfastes pour les terres agricoles et la biodiversité.

À Évry, le 8 avril 2022, une pièce de théâtre (voir la captation sur Youtube) a été jouée en soutien aux militants dont le procès venait d'être reporté, suivie d'interventions autour de la nocivité du projet de la ligne 18.

Le blocage du chantier a duré deux heures, les terres artificialisées seront perdues à jamais. Cependant c'est eux que l'on va juger.

Le procès n'a pas eu lieu le 8 avril 2022 et a été reporté au 13 janvier 2023. Le manque d'information de la « victime », c'est-à-dire la société en charge des travaux, avait été invoquée alors que la convocation des militants étaient connues depuis l'automne dernier. Le Collectif contre la ligne 18 s'insurgeait alors contre des procédures montrant le mépris pour ces militants qui, après avoir subi une garde à vue en automne 2021, ont du rester dans l'attente d'un jugement encore dix mois supplémentaire. Plus généralement, le Collectif contre la ligne 18 dénonce la criminalisation des activistes qui se généralise.

https://nonalaligne18.fr/proces-des-militants-de-saclay-le-13-janvier2023/

Ciné de la Commune : projection le 18 janvier

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Ciné de la Commune : projection de Nous ne vendrons pas notre avenir mercredi 18 janvier à 20h. Un film documentaire de Niki Velissaropoulou, et en sa présence.

Université populaire et libertaire du XIe arrdt, Commune de Paris

Le Ciné de la Commune
Vous propose
En présence de Niki VELISSAROPOULOU

NOUS NE VENDRONS PAS NOTRE AVENIR

Un projet de mine d'or à ciel ouvert dans le nord de la Grèce menace une région d'un désastre environnemental, économique et social colossal. Plongées au cœur du combat et de la crise, les habitants de la région se mobilisent pour préserver leur pays et revendiquer leur avenir. Un autre lieu, mais toujours un ZAD face à un grand projet inutile.

Le mercredi 18 janvier 2022 à 20h

Librairie Publico : 145 rue Amelot 75011 Paris

Tel : 01 48 05 34 08 Courriel : librairie-publico@sfr.fr
Métro ligne 5 : Oberkampf ou Ligne 8 : Filles du calvaire

Organisé par le groupe Commune de Paris de la Fédération Anarchiste

Début de mobilisation et grève de la faim des femmes retenues au CRA 2 du Mesnil-Amelot

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les retenues du Centre de rétention (CRA2) du Mesnil Amelot ont débuté une grève de la faim contre le harcèlement et les violences policières.

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Nous les femmes du CRA 2, souhaitons informer de nos difficultés et de nos demandes :

Le matin, les policient rentrent dans les chambres violemment, ils prennes nos affaires (serviettes toilettes, habits, etc.) pour tout mettre à la fouille. Ensuite il faut aller à la fouille pour se changer, alors que les policiers disent que la fouille n'ouvre qu'une heure le matin, et qu'ils n'ont pas le temps de voir tout le monde. Nous ne pouvsons même pas garder un rechange. Nous souhaisons pouvoir garder nos affaires dans les chambres.

Les policiers hommes fouillent nos affaires, alors qu'il s'agit d'affaires privées. Ils rentrent très violemment dans les chambres, sans toquer à la porte, comme une perquisition. Parfois les policiers jettent les affaires par terre.

Parfois lors du ménage, les polciiers rentrent dans nos chambres pedantnt que l'on n'est pas là, et fouillent nos affaires, que l'on retrouve dérangées et parfois par terre.

Lors des repas, parfois il y a des esclandres, des personnes qui crient et les policiers soit les laissent crier, soit prennent parti dans la dispute. Parfois certains polciiers parlent de nous entre eux, devant nous, assez proche pour que l'on puisse entendre.

Nous souhaitons que toutes ces violences cessent.

Parfois les personnes bilingues, notamment franco-arabe, sont sollicitées pour faire de l'interprétariat et de la médiation entre les personnes.

Lorsqu'il y a des disputes violentes, ou lorsque les personnes sont malades et tentent d'appeler à l'interphone, soit dans les bâtiments, soit depuis la grille de la cour, et personne ne nous répond.

Nous souhations que les policiers répondent aux sollicitations via l'interphone.

Ce matin le 7 janvier, on nous a annoncé que toutes les cellules allaient être resdistribuées en fonction des numéros de PV sur nos cartes. Nous souhaitons pouvoir rester dans les cellules que nous occupons déjà, pouvoir nous réunir par affinité. Le fait de partager des moments entre nous, lorsque nous parlons la même langue, c'est parfois la seule chose qui nous fait tenir psychologiquement.

Nous souhaitons pouvoir rester dans les cellules que nous occupons en ce moment.
C'est toujours les mêmes brigades avec qui nous avons des problèmes.

Nous nous mettons en grève de la faim à partir d'aujourd'hui, tant que nos demandes ne sont pas prises en compte.

Les retenues du CRA 2

Avortement sans frontières (Pologne)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

En Pologne, l'avortement a été presque complètement interdit depuis 2020. Néanmoins, un réseau d'anarchistes et d'autres féministes s'efforcent de garantir l'accès à l'avortement pour les personnes qui en ont besoin – que ce soit de manière légale ou non. Afin de savoir comment les activistes de Pologne utilisent l'action directe et l'entraide pour que l'avortement reste accessible, nous avons interviewé des participant-e-s à ce réseau. Article de Crimethinc repris par STUUT

En Pologne, l'avortement a été presque complètement interdit depuis 2020. Néanmoins, un réseau d'anarchistes et d'autres féministes s'efforcent de garantir l'accès à l'avortement pour les personnes qui en ont besoin – que ce soit de manière légale ou non. Maintenant que l'avortement a également été interdit dans de nombreux États des États-Unis d'Amérique, les personnes en Amérique du Nord ont tout à gagner à mieux connaître l'expérience de celleux qui affrontent cette situation depuis des années. Afin de savoir comment les activistes de Pologne utilisent l'action directe et l'entraide pour que l'avortement reste accessible, nous avons interviewé des participant-e-s à ce réseau.

Maintenir un large accès – légal ou non – à l'avortement est crucial pour sauver des vies et pour que les personnes ciblées par les structures de pouvoir patriarcales conservent leur autonomie. C'est aussi une composante essentielle de la lutte pour la légalisation de l'avortement. Comme nous l'avions développé en juin, après que la Cour Suprême ait invalidé Roe v. Wade,

« La décision de l'arrêt Roe v. Wade n'a pas été due au fait qu'une majorité de la population états-unienne de 1973 était favorable à l'accès à l'avortement. Vu la mobilisation de groupes tels que le Jane collective – qui a selon les estimations pratiqué 11.000 avortements illégaux, nous pouvons plutôt conclure que cette loi a été une réponse à l'intensité avec laquelle une partie spécifique de la population luttait pour l'accès à l'avortement, et à leur réussite à remettre en question le monopole du pouvoir détenu par l'État en maintenant la possibilité d'avorter malgré les efforts de la police et des juges pour l'empêcher. »

Nous voici une fois de plus à l'époque à laquelle le Jane collective a fait face – avec en plus la possibilité de la pilule abortive. Comme les gens en Pologne l'ont prouvé, il est possible de maintenir un large accès à l'avortement quelles que soient les lois en vigueur.

Une des possibilités pour soutenir l'accès à l'avortement en Pologne est de faire un don à Ciocia Basia.

Avortement Sans Frontières

En Pologne, on trouve sur des autocollants largement diffusés un numéro de téléphone qui permet aux personnes ayant besoin d'un avortement d'entrer en contact avec la ligne d'aide téléphonique d'un réseau d'associations connu sous le nom collectif d'Abortion Without Borders (AWB). La loi polonaise sur l'avortement étant une des plus répressives d'Europe, ce réseau démontre le pouvoir de la solidarité internationale en défense de la liberté reproductive. Les groupes suivants font partie du réseau Abortion Without Borders : Abortion Dream Team (ADT) et Kobiety W Sieci en Pologne, Ciocia Basia en Allemagne, Abortion Network Amsterdam (ANA) et Women Help Women (WHW) aux Pays-Bas, et Abortion Support Network (ASN) au Royaume-Uni.

Asia, un-e activiste anarchiste de Pologne qui s'est installée à Amsterdam pour travailler avec Women Help Women, se rappelle comment ces groupes se sont rencontrés en 2018 à l'initiative d'une personne du Royaume-Uni, qui les voyait faire un travail similaire chacun-e de leur côté et qui suggéra qu'ielles unissent leur forces. « L'idée était de trouver des solutions pour pouvoir accéder à des avortements tardifs, particulièrement pour les personnes vivant dans des endroits où il n'y avait pas d'accès facile à des services d'avortement, et aussi de diffuser de l'information, » raconte Asia.

La ligne d'aide téléphonique d'AWB est assurée par Kobiety W Sieci, qui conseille les appelant-e-s sur leurs différentes possibilités et les met en contact avec d'autres groupes du réseau, en fonction de leurs besoins. Si une personne qui se trouve en Pologne veut partir à l'étranger pour interrompre une grossesse, les conseiller-e-s la redirigent vers Ciocia Basia, une collective militante queer féministe basée à Berlin qui s'occupe de monter des structures de soutien pour les personnes y venant dans le but d'avorter. Les personnes qui préfèrent opter pour un avortement médicamenteux à la maison peuvent commander les pilules nécessaires auprès du service international de télésanté de WHW. Asia souligne le fait qu'il est capital pour les activistes et conseiller-e-s d'utiliser un vocabulaire spécifique pour parler de ce sujet car, bien que la loi polonaise ne criminalise pas les personnes qui interrompent leur grossesse, c'est devenu de plus en plus dangereux d'aider quelqu'un-e à obtenir un avortement en Pologne.

Lire en entier sur STUUT.info

Childfree – Un jeu de rôle pro-choix

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Childfree est un jeu qui traite de la liberté de disposer de son corps, de faire des choix relatifs à sa propre vie et de poursuivre ses rêves et ses projets.

Article original en français
Version anglaise du jeu
Commandez le jeu ou téléchargez sa version PDF sur notre site internet
Pour aider à la diffusion-traduction de ce jeu, contactez-nous à evasions@riseup.net

C'est avec plaisir qu'en ce début d'année 2023 nous vous présentons notre édition du jeu de rôle d'Axiel Cazeneuve « Childfree »,illustré par Nemo.
La possibilité de disposer librement de se corps est encore et toujours un terrain de lutte – et le restera probablement aussi longtemps que des personnes, institutions ou nations s'arrogeront un pouvoir sur autrui. Avec cette ré-édition nous souhaitons nous solidariser avec toutes les personnes en lutte pour un libre accès à l'avortement, qu'il s'agisse de défier les lois anti-avortement en Pologne ou en développant des outils de sécurité informatique pour protéger les activistes pro-choix au Brésil.

Comme toutes nos autres productions, le jeu peut être commandé à prix libre et une version PDF est disponible librement sur notre site internet. De plus, il sera disponible dans la plupart de nos points de distributions.

***

Childfree est un jeu de rôle grandeur nature – c'est-à-dire que les participant·e·s incarnent physiquement des rôles pour (se) raconter ensemble une histoire, sans public – pour 5 à 7 personnes, qui se joue en quatre heures tout compris. Il traite d'avortement, ou plus exactement d'interruption volontaire de grossesse, en proposant aux jouaires d'incarner d'une part les injonctions sociales associées à la grossesse ou l'avortement, d'autre part l'individualité de la personne enceinte. Le cadre du jeu, souple et non dirigiste, permet d'imaginer et de projeter des situations variées : le genre de la personne enceinte, les détails de sa vie, le contexte législatif… sont entièrement laissés aux personnes qui jouent ensemble, soutenues en cela par les documents de jeu, qui se veulent les plus clairs et simples possible. La décision d'avorter ou de poursuivre la grossesse est également, bien entendu, laissée au personnage enceint (et donc à la personne qui l'incarne). En proposant une expérience entièrement co-créée par les participant·e·s, je voulais partager un peu de ce qu'avoir recours à une IVG (interruption volontaire de grossesse) m'a appris, et le sentiment de libération qui s'en est suivi.

J'ai écrit ce jeu en 2018 : à l'occasion de la sortie de l'édition par le Projet-Évasions, je vous propose de revenir sur mon expérience personnelle et ce qui a motivé l'écriture.

un jeu magnifiquement illustré par Nemo

Une expérience de l'IVG en France en 2017

Début 2017, j'ai eu une semaine de retard dans mes règles. Comme ça n'était pas habituel, et que par ailleurs je ressentais d'importantes douleurs au bas du dos et à la poitrine, je suis allé·e acheter un test de grossesse. (Sur le chemin, j'ai fait un détour par le Carrefour du coin de la rue parce que j'avais terriblement envie de pâtes de fruits. En regardant la boîte en carton avancer seule sur le tapis roulant, je me suis demandé si c'était vraiment la peine que je le fasse, ce test.)

Évidemment, il est ressorti positif. En voyant les deux barres s'afficher, j'ai tenté de pleurer. Hum… Non, ça ne fonctionne pas. J'ai essayé de rire. Non plus. Alors j'ai décroché le téléphone – c'était un lundi, je crois, aux environs de midi – et j'ai appelé le Planning Familial. Voici le verbatim.

« — Bonjour, je me suis fait poser un stérilet chez vous il y a neuf mois, je viens de faire un test de grossesse et il est positif.

Silence interloqué.

— Ah merde. Vous pouvez venir dans vingt minutes ? »

J'ai sauté dans ma voiture, que le partenaire qui était avec moi a conduite, et dans la demi-heure nous étions dans les locaux du Planning Familial 31. Une kyrielle d'examens et moins de dix jours plus tard, j'avortais médicalement chez moi, entouré·e dudit partenaire et de mes colocs. Aussi simple que ça.

*

Ce que cette IVG m'a appris, c'est d'abord que tout ce que je m'étais imaginé, tout ce que j'avais craint dans le fait de tomber enceint·e était faux.

Mon pire cauchemar était littéralement (j'en avais véritablement rêvé, et ça reste à ce jour un des rêves les plus réalistes et terrifiants de ma vie) de faire un déni de grossesse. De me rendre compte trop tard que j'étais enceint·e et de ne pas pouvoir avorter. J'étais terrifié·e d'être contraint·e d'avoir un enfant. Et malgré ça, j'avais peur de devoir faire le choix de l'avortement ; peur de ne pas y parvenir, si jamais une grossesse advenait effectivement ; peur de me sentir coupable, de souffrir, de perdre quelque chose. Mais quand le moment s'est effectivement présenté, je n'ai pas eu une seconde d'hésitation. Pas une seconde de doute. Même mon dégoût et mon rejet vis-à-vis des examens gynécologiques s'est effacé devant cet impératif nouveau. Il fallait que « ça » soit fait.

C'est cette disparité entre mes craintes fantasmées et mon expérience réelle qu'illustre ma réaction au moment du test : j'ai essayé d'avoir une émotion forte. J'ai essayé de pleurer parce que je m'attendais à avoir envie de pleurer. J'ai essayé de rire parce que je pensais devoir une réaction forte – une émotion, n'importe quelle émotion au fond, mais une émotion. À cet instant inaugural, j'ai pris conscience du poids que les représentations et les normes sociales avaient fait peser sur mes épaules depuis ma naissance.

Childfree – choisis ton personnage et le jeu commence

Un GN feel-good pour sortir de la rhétorique de la souffrance

Durant cette semaine, j'ai commencé à écrire un jeu de rôle grandeur nature (GN). J'y mettais en parallèle trois couples, avec des compositions, des désirs et des histoires contrastés ; dans la salle d'attente d'un cabinet d'obstétrique, puis avec le médecin, puis dans des interactions familiales variées. Les trois couples étaient composés de deux jeunes hétéros sans enfants en grossesse non désirée, deux hétéros de quarante ans en famille recomposée avec une grossesse également non désirée, et un couple gay, saphique et/ou trans cherchant à recourir à une PMA (selon le casting, les genres des personnages variaient ainsi que les méthodes de PMA – rendues légales dans l'univers fictif du jeu). Le GN visait, je crois, à mettre en valeur les disparités de vécus, les jugements portés par les autres et la famille, les ressentis individuels et l'importance des relations sociales. Quoi qu'il en soit, une fois mon IVG passée, le moment d'écrire l'était aussi, et j'ai laissé ce projet de GN de côté. (J'ai tenté de le reprendre relativement récemment, mais l'angle ne me convenait de toute façon plus, même s'il avait des qualités.)

Presque deux ans plus tard, cependant, je suis tombé·e coup sur coup sur deux propositions de GN sur l'avortement qui m'ont frappé·e par ce qu'elles véhiculaient, visiblement sans même le savoir. Écrits par des personnes dont je ne doutais pas qu'elles soient pro-choix, les deux jeux centraient l'expérience – celle d'un couple hétérosexuel faisant face à une grossesse non désirée – sur… « les futurs possibles » de « l'enfant ».

Je ne peux même pas dire que ça m'ait énervé·e. J'étais juste sur le cul. Comment des personnes favorables à l'avortement peuvent-elles centrer leur propos sur la souffrance générée par l'interruption d'une vie potentielle ? Merde, y a vraiment quelque chose de culturellement central à déraciner.

En commentaire Facebook sous l'une des publications qui m'avait mené·e à ces jeux, j'ai juré que j'écrirais en réaction un GN feel-good – dont on sort en se sentant bien – sur l'avortement. Bon, Childfree n'est pas à proprement parler feel-good – il ne cherche pas spécifiquement à provoquer des émotions positives. Néanmoins, il est feel-free : et c'est sans doute encore mieux, car ce qu'a été l'IVG pour moi, c'est en premier lieu l'expérience d'une libération – de l'émancipation des normes sociales qui régissaient jusqu'alors à mon insu mes représentations.

C'est de cette libération dont Childfree tente de vous faire faire l'expérience.

Retour aux conditions matérielles d'existence

Je ne peux pas vous laisser sans propos social. Évidemment, si mon expérience est dans les faits si positive, c'est parce que je n'ai rencontré absolument aucun obstacle, j'ai été accompagné·e adéquatement, efficacement et de façon bienveillante par des personnes compétentes et disponibles avec qui j'ai pu discuter ouvertement et qui n'ont émis absolument aucun jugement, à aucun moment. Si mon expérience est si positive, c'est parce que j'habitais dans une grande ville française, à deux pas d'une antenne du Planning Familial libre de l'influence des anti-avortement. Si mon expérience est si positive, c'est parce que j'ai été accompagné·e et soutenu·e par mes ami·e·s – et dans une certaine mesure ma famille – et que je bénéficiais d'un environnement où il était matériellement possible pour moi de recourir à une IVG médicamenteuse dans de bonnes conditions. Si mon expérience a été positive, c'est parce que j'étais majeur·e et pouvais me déplacer de façon autonome, et parce que je ne travaillais pas et que ma fac n'était pas regardante sur les absences et que je n'avais donc pas besoin d'obtenir un arrêt de travail ou d'en parler à mon employaire ou mon université. Si mon expérience est si positive, c'est parce que la France était à ce moment-là le pays au monde où l'accès à l'avortement et aux autres contraceptions était le plus facile. C'est probablement encore un des meilleurs aujourd'hui, mais que ça le reste alors que des départements entiers sont dépourvus de praticien·ne·s réalisant des IVG en dit long sur l'état du monde et le recul global des droits reproductifs. À ce sujet, je vous conseille une série de La Série Documentaire (LSD) sur France Culture, «  Avortement, le pouvoir du médecin  », qui traite de l'évolution des droits, des pratiques et des représentations de l'IVG, notamment au regard des personnes qui la pratiquent (attention, ça m'a personnellement mis super mal).

L'avortement, moyen de contraception

Ça vous aura peut-être étonné que je classe l'IVG comme moyen de contraception, alors qu'elle est généralement mise à part, présentée comme un acte quasiment isolé, à nul autre pareil. Pourtant, l'IVG fait bien partie de la contraception : c'est une technique destinée à contrôler le fait d'avoir (ou non) des enfants, à permettre à une personne fertile de ne pas subir une grossesse. C'est la dernière contraception disponible, celle à laquelle on évite au maximum d'avoir à recourir, mais son existence est absolument cruciale et s'inscrit pleinement dans le parcours de contraception. D'ailleurs, plus de 70 % des personnes ayant recours à une IVG utilisaient une contraception physique ou hormonale : c'est bien que l'accès à celle-ci ne justifie en rien l'opposition à l'avortement, car aucune contraception n'est 100 % fiable et efficace, et ce même en cas d'observance stricte (qui, rappelons-le, est extrêmement compliquée, et qui ne devient bizarrement un argument moral et culpabilisant que pour les « femmes » qui prennent la pilule et pas pour n'importe quelle personne sous traitement). Et ciels qui s'opposent à l'IVG le savent bien, puisque ce sont les mêmes qui tiennent à conditionner l'accès à la contraception, faute d'arguments culturellement entendables pour le supprimer…

Sortir du débat sur la vie ou la non-vie

En outre, afin de comprendre comment l'IVG s'inscrit dans le continuum de la contraception, il peut être utile de savoir répondre – ne serait-ce qu'à soi-même, afin de déconstruire ses représentations – à l'argument sur la « vie » de l'embryon ou du fœtus. En effet, les termes du débat sont – comme souvent – imposés par les conservateurs : rendre ou non l'accès à l'avortement légal, définir la durée de grossesse maximale, contrôler son accès… tout ceci tourne autour de la question « quand commence la vie ? », et nous nous laissons prendre au piège de tenter d'y répondre.

Cependant, la réponse à une telle question ne peut qu'être philosophique, voire théologique : nulle réponse scientifique n'est à même de clôturer le débat. La question est morale. À l'argument du violoniste substitue une autre question : non plus « quand commence une vie ? » mais « peut-on contraindre une personne à préserver la vie d'une autre à ses dépends ? ». L'argument du violoniste est une expérience de pensée issue d'un article de Judith Jarvis Thomson paru en 1971 intitulé « A Defense of Abortion » dans lequel elle imagine une situation où le meilleur violoniste du monde, victime d'un grave dysfonctionnement du rein, aurait besoin d'être branché à vous pendant neuf mois pour survivre. Accepteriez-vous ?… et pour neuf ans, accepteriez-vous toujours ? Où tracerez-vous la ligne ? Après tout, la vie du meilleur violoniste du monde est en jeu… Cette expérience de pensée invite à dépasser le débat sur le caractère vivant ou non de l'embryon, puis du fœtus : la « vie » (potentielle ou actuelle) de l'embryon ou du fœtus n'est pas pertinente dans le débat sur l'avortement. Que ce soit ou non une vie, qu'importe : ce qu'il faut se demander, c'est « Peut-on contraindre une personne à aliéner son corps et donner son temps de vie au profit d'une autre ? ». La réponse est bien évidemment : non. « Personne n'a le devoir moral de faire un sacrifice important, de sa santé, de tous autres intérêts et préoccupations, de tous autres devoirs et engagements, pour neuf ans, ou même pour neuf mois, afin de garder une autre personne en vie.  » (ma traduction).

Si vous souhaitez en apprendre plus sur cette expérience, voici le lien vers l'article en anglais, ou une super vidéo dePhilosophyTube qui met l'expérience en scène et l'ancre dans les débats contemporains, entièrement sous-titrée en français.

Bon jeu !

Axiel Cazeneuve

Un article du projet-evasions