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Rassemblement reconnaissance et justice pour Amara, sa famille, et tous les morts invisibles au travail

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Amara Dioumassy, habitant d'Aubervilliers et travailleur de la construction, est mort le 16 juin 2023 sur un chantier destiné à rendre la Seine plus propre pour les JO 2024. Rassemblement samedi 27 avril au square Albert Tournaire (Paris 12e) à 14h

Amara, victime de graves manquements à la sécurité

Le 16 juin 2023, Amara Dioumassy, chef d'équipe de Darras et Jouanin, co-traitant de l'entreprise Sade, a perdu la vie, percuté par un camion de chantier qui faisait marche arrière sans bip de recul, sans homme trafic pour guider le chauffeur et sécuriser la manœuvre, sans marquage au sol de sens de la circulation, sans protection de délimitation pour les piétons et sans aucune marge de manœuvre. Ces graves manquements à la sécurité de l'employeur sont inacceptables.

Hommage à Amara

Amara est mort au pied de l'institut médico-légal lieu du chantier ou son corps a été monté à pieds, sans même faire retentir les sirènes des pompiers, et envoyé au Mali pour les funérailles sans que ses proches et ses collègues puissent le voir une dernière fois.

Nous, ses amis, ses collègues, sa famille, nous avons besoin de nous recueillir et d'honorer sa mémoire. Nous lui devons la reconnaissance pour son existence, pour son travail et pour les conditions dans lesquelles il a perdu la vie. Rendons hommage à Amara !

Les donneurs d'ordre responsables

Le chantier du bassin d'Austerlitz sur lequel Amara travaillait a pour objectif de rendre la Seine baignable pour les épreuves des Jeux Olympiques 2024. Chantier dont la Sade, Filiale du groupe Veolia, a la direction, avec la ville de Paris pour donneur d'ordre.

La mort d'Amara est une mort modeste qui contraste avec les Jeux Olympiques grandioses. Les chantiers concernant directement les JO, supervisés par la Solideo ont bénéficié d'une protection, de suivi par l'inspection du travail et les organisations syndicales à travers une charte Sociale, qui a divisé par 4 le nombre d'accidents du travail : pourquoi la charte sociale n'est-elle pas appliquée sur tous les chantiers liés aux JO et au Grand Paris ? Cela épargnerait des vies !

Justice pour Amara !

Malgré nos cris d'alerte via les media, les réseaux sociaux, et l'interpellation de la plus grande instance représentative du groupe Véolia- le comité de groupe européen- nous n'avons encore rien fait pour rendre justice à Amara.

La Sade et la ville de Paris doivent s'expliquer : Nous demandons les résultats de l'enquête de l'inspection du travail et de la gendarmerie. Les manquements à la sécurité de l'employeur doivent conduire à sa condamnation pour faute inexcusable et aboutir à une démarche au pénal.

Si les conclusions le permettent, il s‘agira de faire reconnaître pénalement la faute inexcusable de l'employeur.

Amara laisse derrière lui 5 enfants, dont un bébé. Orphelins de père, ils doivent être indemnisés. Réparation intégrale pour la famille d'Amara !

Eux ont la puissance financière, nous, nous avons la détermination et le nombre .

Pour que cesse le scandale des morts au travail

Amara n'est qu'un mort parmi tant d'autres. 1 mort par jour dans la construction, c'est inacceptable. Amara est symbolique de toutes les victimes du travail qu'on cite dans la rubrique faits divers des journaux, alors que les responsables s'en sortent souvent en toute impunité. Cela aussi doit cesser !

Le tract en pdf

Conflit de classes inversé, l'épine dans le pied des luttes sociales

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Hiver 2023, mouvement social contre la réforme des retraites. Fonctionnaires, salarié·e·s d'entreprises publiques, étudiant·e·s sont en grève et dans la rue. Caissier·ères, ouvrier·ères du bâtiment, femmes de ménage, livreurs deliveroo et autres salarié·e·s de la « deuxième ligne » sont au taf. Les classes moyennes peuvent-elles faire seules la révolution ?

Le grand vainqueur

13 avril 2023, 6h30 du matin, en périphérie d'une agglomération française. Un petit groupe de syndicalistes et de militant·e·s mobilisé·e·s contre la réforme des retraites s'est réuni pour bloquer l'une des principales entrées de la ville. Un embouteillage s'est formé, qui s'allonge de minute en minute. Au bout d'un quart d'heure, le chauffeur d'une camionnette de livraison sort brusquement de son véhicule et se dirige en gesticulant et en hurlant vers les bloqueurs. Il est hors de lui. Seul le rapport de force déséquilibré le retient de frapper le premier bloqueur qui lui tombe sous la main. « Mais c'est pour vous aussi qu'on fait ça », essaient les militant·e·s pour le calmer. Au contraire, ça redouble sa colère : il est en période d'essai ; à cause d'eux, il va perdre son job ! Qu'est-ce qu'il va faire ? Il a une femme et des gosses à nourrir ! Les militant·e·s échangent des regards gênés, ne savent plus quoi dire. Finalement, l'un d'eux lui dit de ne pas s'en faire, qu'ils vont bientôt lever le barrage. Le livreur retourne à sa camionnette en gesticulant et en maugréant toujours. Du côté de la mini-barricade de poubelles et de palettes qui barre la chaussée, l'ambiance est plombée.

Pourtant, les sondages publiés par les médias montrent semaine après semaine que la population est massivement opposée à la réforme, notamment au relèvement à 64 ans de l'âge de départ à la retraite. Environ les deux tiers des personnes interrogées sont contre. Ce chiffre est même beaucoup plus élevé chez les actifs, où l'on parle parfois de plus de 90 % de rejet. Et une majorité des personnes sondées soutient également le mouvement syndical de grèves et de manifestations.

Alors les militant·e·s s'interrogent : pourquoi ce livreur qui, a priori, devrait être du côté des opposant·e·s à la réforme, est-il aussi remonté contre celles et ceux qui bloquent la route pour « bloquer l'économie » ? Certains avancent une explication : « C'est peut-être un facho ?... » Il est vrai que tout le monde a lu ou entendu ces derniers temps dans les médias que le Rassemblement national était « le grand vainqueur de la contestation sociale » : « Selon une étude de la fondation Jean-Jaurès (...), le RN est le seul parti politique qui sort renforcé de la crise autour de la réforme des retraites. Si de nouvelles élections législatives avaient lieu, il gagnerait 7 points par rapport à son score de juin 2022 et obtiendrait 26 % des voix. » (tf1info.fr, 4 avril 2023).

Certes, on peut penser, comme l'association de critique des médias Acrimed, que l'éditocratie médiatique fait preuve de complaisance à l'égard du RN [1] : « Diabolisation de la gauche ; normalisation de l'extrême droite : deux faces d'un même discours qui, loin d'être cantonné à la télé-comptoir de Vincent Bolloré, est rabâché par l'intégralité des professionnels du commentaire. » Mais tout de même. Il y a assez longtemps que le parti d'extrême-droite monte régulièrement dans les urnes pour qu'on se demande sérieusement si, de la même manière que tous les reculs sociaux semblent lui profiter depuis 40 ans, cette réforme impopulaire ne lui profite pas aussi. Lors de l'élection présidentielle de 1988, 4,4 millions d'électeurs appartenant principalement aux classes moyennes et supérieures avaient glissé un bulletin dans l'urne pour Jean-Marie Le Pen, unique représentant de l'extrême-droite. En 2022, ce sont 11 millions de personnes qui ont voté pour le RN et Reconquête réunis. Mais ce qui est peut-être plus inquiétant encore que cette progression fulgurante, c'est que la base électorale de l'extrême-droite a glissé peu à peu. Aujourd'hui, ce sont principalement les travailleurs et travailleuses les plus modestes qui la constituent : alors qu'en 1981, 72 % des ouvrier·ère·s et 62 % des employé·e·s auraient voté à gauche [2], en 2022, respectivement 65 % et 57 % d'entre eux ont déclaré voter Le Pen au 2e tour de la présidentielle [3].

Est-ce que ce changement dans les urnes se reflète dans les mobilisations sociales comme ce mouvement contre la réforme des retraites ? En ce qui concerne la grève, si des prolétaires la font aujourd'hui, c'est essentiellement dans les services publics (les éboueurs, par exemple). Mais dans le privé, selon le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, il y a très peu de grévistes [4]. Une estimation qu'on pourrait penser partisane, mais qui correspond malheureusement à ce qu'on observe sur le terrain : les personnels de supermarché, les travailleurs du bâtiment et les employé·e·s des PME ne semblent pas faire grève, à quelques rares exceptions près. Quant aux personnes en CDD, aux intérimaires, aux sous-traitants à leur compte (du type livreurs deliveroo), qui constituent le sous-prolétariat moderne, leur précarité est telle que la question ne se pose même pas.

Lors des manifestations, dans les grandes villes, on a donc un peu l'impression de défiler dans des cortèges principalement constitués de gens appartenant aux catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+). Il est vrai que dans les plus petites, les interviews de manifestant·e·s réalisées au hasard des cortèges ont montré qu'on y retrouvait aussi des personnes de classe sociale moins favorisée. Par exemple, un reporter a trouvé aux côtés d'un prof d'histoire un jardinier, une femme de ménage et une infirmière à domicile [5]. Pour autant, le fait qu'ils et elles participent aux manifestations contre la réforme signifie-t-il leur adhésion à des idéaux de gauche ? Rien n'est moins sûr. Dans un reportage de RTL au sein d'une manif, le journaliste dit avoir « surtout rencontré des électeurs de gauche, des étudiants… » mais aussi « Ingrid, [qui] elle, ne votera même plus à gauche. Aide soignante, 58 ans, avec pourtant un drapeau syndical dans la main », elle déclare qu'elle « opterait pour Mme Le Pen » [6]. Sympathie éditoriale, ou glissement réel ?

La gauche [7] et les classes populaires

Il faut dire que si les milieux populaires se détournent aujourd'hui des organisations politiques de la gauche électoraliste (comme le montre le vote ouvrier), ils ont de bonnes raisons : lorsqu'en 1981, le Parti socialiste de François Mitterrand, allié au Parti communiste, est arrivé au pouvoir en France grâce, comme indiqué plus haut, aux votes des ouvrier·ère·s et des employé·e·s, ces derniers étaient remplis d'espoir. L'annonce des résultats a entraîné des scènes de liesse populaire dans les rues de tout le pays. Mais ils ont vite déchanté.

Dès l'été 1981, le gouvernement décidait, plutôt que de nationaliser les banques pour que l'État puisse s'endetter sans risque et mener une politique sociale, de fixer arbitrairement le déficit public maximal à 3 % du PIB, choisissant de s'inféoder à la politique monétaire de rigueur imposée par la Communauté européenne. En 1982, il mettait fin à l'indexation des salaires sur les prix. Des décisions de nature à favoriser les profits des grandes entreprises au détriment des travailleurs et travailleuses [8].

Au cours des deux mandats de Mitterrand (81-88 et 88-95), une part importante des classes populaires comprendront qu'elles n'ont rien à attendre de cette gauche de gouvernement. Et les derniers espoirs que beaucoup de prolétaires français plaçaient dans la gauche ont semblé s'éteindre en 1990, avec la chute des régimes soviétiques du bloc de l'Est. Puisque le changement de société promis par la gauche révolutionnaire avait débouché sur une dictature et que les promesses réformistes de la gauche de gouvernement n'étaient qu'un leurre, les classes populaires se sont rabattues sur leurs chances limitées de réussite individuelle, c'est-à-dire de parvenir à un minimum de bien-être matériel.

Avec le temps, plutôt que d'essayer de reconquérir leur cœur, le Parti socialiste français assumera : en 2012, juste avant l'élection présidentielle, une note du think-tank socialiste Terra Nova estimait que le parti devait prendre « acte du divorce entre le PS et la classe ouvrière (…). Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel (…). En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière (...) donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine ». Arrivé au pouvoir, François Hollande apportera sa pierre à l'édifice avec la « loi travail », qui détricote le code du travail au détriment des plus vulnérables.

Les preneurs d'otages mal aimés

Une autre cheville ouvrière de la gauche, les syndicats, souffrent eux aussi d'un désamour qui a été croissant au cours de la deuxième moitié du siècle dernier : la confédération générale du travail (CGT) comptait 5 millions d'adhérents à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, elle n'en compte plus que 650 000 à l'heure actuelle. Mais surtout, sa base ouvrière s'est effilochée avec le temps, et c'est dans le public que la cégète reste majoritaire. Si les renoncements des centrales syndicales et l'abus de pouvoir de certains potentats syndicaux ont pu participer à discréditer les syndicats, le rouleau compresseur de la propagande de droite est probablement le principal responsable de cette désertion : à l'image du livreur du début de ce texte, les travailleurs·euses se sentent aujourd'hui moins protégé·e·s par les syndicats que « pris·es en otage » par les grèves et les tentatives de blocage de l'économie – et peu importe si la métaphore est totalement hors de propos. Dans le privé, l'immense majorité des salarié·e·s est désormais persuadée qu'il est juste de faire corps avec le patronat face à la prétendue crise économique, qui n'empêche pourtant pas les plus riches de s'enrichir de manière exponentielle. Incapables de s'adapter à cette évolution et de contrer cette propagande, les syndicats se retranchent derrière des modes d'action qui les coupent toujours davantage des classes populaires.

De la coopération à l'économie sociale et solidaire

La prise de pouvoir par des partis et la grève n'ont pas toujours été les seules perspectives de progrès social de la gauche. Historiquement, les valeurs du camp anticapitaliste se sont aussi incarnées dans le mouvement coopératif et autogestionnaire. Celui-ci était à l'origine fortement implanté dans la classe ouvrière. Il permettait aux prolétaires d'envisager un meilleur sort que celui que leur réservait le travail dans les usines des grands industriels.

Mais au XXe siècle, certaines coopératives grandiront au point de devenir des mastodontes économiques de mieux en mieux accordés au grand concert du capitalisme (cf Lactalis, bien sûr), et de plus en plus éloignés des principes du socialisme utopique. Même le mouvement des Scop (sociétés coopératives ouvrières de production), le plus anticapitaliste dans son esprit, s'éloignera peu à peu de sa base ouvrière pour se tourner vers les classes moyennes supérieures. En 2010, la confédération générale des Scop a d'ailleurs décidé de changer la signification de l'acronyme, qui veut désormais dire « société coopérative et participative » – exit les ouvriers. Et de fait, la majorité des Scop exerce aujourd'hui une activité dans le domaine des services, leurs coopérateurs appartenant aux CSP+, la principale catégorie sociale visée par la note de Terra Nova.

Radicaux vs prolos

Si la gauche de gouvernement, les syndicats et le mouvement coopératif ont pris leurs distances avec les classes populaires de manière plus ou moins assumée, qu'en est-il des mouvements de la gauche radicale et anti-autoritaire, qui continuent de se réclamer de la lutte contre le classisme [9] ? Force est de constater qu'il est loin, le temps des « établis », qui se faisaient embaucher dans les usines pour y pousser les ouvriers à se révolter [10]. Aujourd'hui, les milieux révolutionnaires et anarchistes sont composés de personnes très majoritairement issues de la classe moyenne supérieure, et qui y appartiennent pour ainsi dire toutes [11]. Leurs liens avec les milieux prolétaires sont devenus ténus, et souvent compliqués. Depuis les années 60 et 70, les militant·e·s radicaux, peu ou pas concerné·e·s par les problèmes sociaux, la précarité, le manque d'instruction, les emplois pénibles et la pauvreté, se sont tourné·e·s vers des questions qui les touchent davantage, et qui présentent aussi de plus importantes perspectives de victoires, telles que les luttes contre les discriminations sexiste et LGBTQI-phobes. Si ces combats ont toute leur place dans les mouvements de gauche, qui visent à l'émancipation, ils se sont malheureusement souvent accompagnés d'un délaissement des luttes contre la structure socio-économique capitaliste et contre l'exploitation, ce qui a pu donner aux classes populaires l'impression que cette gauche-là non plus ne souciait pas de leurs problèmes.

L'impossible révolte des classes moyennes supérieures

Ce divorce n'est pas sans conséquences sur la capacité de la « gauche » à amener un changement social, sans parler de révolution. Le fait que, comme ça a été évoqué plus haut, les personnes engagées à gauche aujourd'hui appartiennent à des catégories de la population avantagées socialement [12] a une conséquence : quoi que nous pensions du système socio-économique, quelle que soit l'indignation qu'il soulève en nous et notre conviction qu'il est néfaste, il ne nous atteint pas physiquement. Si nous sommes donc prêt·e·s à nous engager dans la lutte contre ce système, et parfois à prendre certains risques, nous sommes tout de même rarement prêt·e·s à perdre notre situation financière, matérielle et sociale, ou encore notre liberté. Si bien que nos actions restent logiquement le plus souvent symboliques.

C'est très vraisemblablement en grande partie la raison pour laquelle la Macronie a eu beaucoup plus peur du mouvement des Gilets jaunes que, par exemple, des manifs sauvages contre la réforme des retraites. Les GJ étaient, pour beaucoup, des galérien·ne·s, des gens qui n'avaient pas grand-chose à perdre, et ne luttaient pas avant tout par désaccord idéologique, mais parce que leur vie était rendue invivable par la politique de favoritisme classiste du pouvoir. Ils n'avaient rien à perdre, et étaient donc plus imprévisibles que nous. De plus, ils et elles étaient aussi potentiellement plus sympathiques aux yeux d'une part importante de la population.

Or, aucun mouvement social ne peut être victorieux s'il n'est composé que de personnes qui ne souffrent pas dans leur chair du système économique et social. Pour que des révoltes soient suffisamment larges et combatives pour entraîner une transformation sociale, elles doivent se faire avec les précaires des villes et des campagnes, comme l'étaient beaucoup de Gilets jaunes. C'est ce qu'ont bien compris certains politiciens de la gauche de pouvoir, qui s'attellent à ramener vers eux les brebis égarées des classes populaires. Avec plus ou moins de bonheur, comme Fabien Roussel, le nouveau boss du PCF depuis 2018, dont le leitmotiv semble être : « faire revenir les prolos au Parti communiste en leur tenant des discours d'extrême-droite », ou comme François Ruffin qui, même s'il ne s'égare pas autant, est empêtré dans la « valeur travail », dont il voudrait faire une valeur de gauche pour plaire aux prolos parce qu'il appartient à un courant politique qui a renoncé depuis longtemps à proposer une alternative à l'exploitation capitaliste.

Conclusion

Nous ne vivons pas une période révolutionnaire. Ou si on est, comme certain·e·s le pensent, dans une période pré-insurrectionnelle, ce sont plutôt les nervis fascistes qui menacent de se soulever. Eux s'arment, s'entraînent, se préparent. Un groupe armé proche des mouvements néonazis a même été arrêté en France en 2021 alors qu'il préparait un coup d'État sous le nom de code d'« opération Azur » [13]. Mais même ce rocambolesque complot ne serait pas aussi inquiétant si les idées réactionnaires ne s'étaient pas répandues bien au-delà du RN et de ce genre de groupuscule. Car si le gouvernement macroniste a osé proposer une loi immigration qui satisfaisait l'extrême-droite et son électorat, c'est qu'il savait qu'une telle politique recevrait le soutien d'une grande partie des classes populaires blanches, dont le vote lui fait cruellement défaut.

De toute évidence, l'ensemble de la « gauche » a fait fausse route ces 40 ou 50 dernières années en s'éloignant de sa base historique, les milieux ouvriers, et en les laissant basculer à la droite de la droite. Au point qu'aujourd'hui, le conflit de classes s'est en quelque sorte inversé : tandis qu'une majorité de celles et ceux qui se trouvent au bas de l'échelle sociale adhèrent aux idées de droite favorables aux classes supérieures, ce sont des personnes plutôt bien placées dans la hiérarchie sociale qui constituent les forces vives de la gauche égalitariste. Avec pour corollaire le fait que, comble des combles pour les secondes, elles sont souvent assimilées par les premiers au camp macroniste, c'est-à-dire à des « bobos » éduqués, aisés financièrement, cultivés, qui ne connaissent ni leurs modes de vie ni leurs problèmes, et les méprisent. [14]

S'il est vrai, comme les statuts de l'AIT rédigés par Karl Marx l'affirmaient, que « l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes », alors la gauche de classe moyenne supérieure du XXIe siècle n'a aucune chance de vaincre le capitalisme, et le monde se dirige inexorablement vers une nouvelle période d'autoritarisme, de repli sur soi xénophobe et de guerres mondialisées, qui pourrait aller plus loin encore dans l'horreur que les précédentes du fait des moyens financiers et technologiques inédits dont disposent les puissants.

Cette évolution est-elle inéluctable ? Quelle que soit la force des grandes tendances qui traversent une société, rien n'est jamais joué à l'avance. On peut se mettre un peu de baume au cœur en se rappelant que l'Internationale n'était pas elle-même constituée que de prolétaires : elle comptait de nombreux intellectuels dans ses rangs (dont Marx, qui était fils d'avocat, et Bakounine, issu d'une famille aristocratique). Or, si ces différences d'origine sociale ont parfois provoqué des conflits, elles ne l'ont pas empêchée d'être à l'origine d'un mouvement révolutionnaire qui a, dans la première moitié du XXe siècle, renversé les tsars et fait vaciller la bourgeoisie à plusieurs reprises en différents points du globe.

Pour inverser la tendance actuelle et pouvoir espérer un avenir à la hauteur de ce passé, la « gauche » d'aujourd'hui n'a pas d'autre choix que de faire son autocritique et de s'atteler au plus vite à combler le fossé qui la sépare des classes populaires. Ce qui suppose de questionner nos modes d'organisation relevant d'habitus ou de codes sociaux excluants (omniprésence de l'écrit, réunionnite, etc.) ainsi que notre idéalisme et notre dogmatisme, qui sont des postures intellectuelles marquées socialement, pour renouer avec le pragmatisme dans les luttes (les plus précaires ont besoin de manger et de se loger, très concrètement) et porter en actes une critique du capitalisme susceptible d'emporter l'adhésion de ses laissés pour compte. Le défi est considérable, mais il constitue peut-être notre seul espoir.

Un transclasse inquiet mais résolu


[2] Selon Bruno Amable dans l'article Majorité sociale, minorité politique du Monde diplomatique (mars 2017).

[7] Dans ce texte, le mot « gauche » est délibérément employé dans un sens historique qui diffère de son utilisation habituelle dans le contexte de la politique politicienne française : ici, on désigne par ce terme l'opposition au capitalisme industriel qui s'est incarnée au XIXe siècle dans les mouvements syndicaux, mutualistes, coopératifs et autogestionnaires anglais, français, suisse, allemand et italien notamment, fédérés en 1864 au sein de l'association internationale des travailleurs (AIT, ou « Internationale ») dans l'objectif d'instaurer une société socialiste égalitaire et émancipatrice. Cette gauche a ensuite scissionné en trois grandes familles : les réformistes (électoralistes), les communistes (révolutionnaires et étatistes, emmenés par Marx) et les anarchistes (révolutionnaires et anti-autoritaires, emmenés par Bakounine).

[8] Pour l'analyse détaillée de la politique antisociale du gouvernement socialiste-communiste dès 1981, voir la bande dessinée Le Choix du chômage de Benoît Collombat et Damien Cuvillier.

[9] La discrimination basée sur l'appartenance à une classe sociale supposément inférieure.

[10] Voir entre autres le livre L'Établi, de Robert Linhart.

[11] D'après la thèse de Simon Luck La Sociologie de l'engagement libertaire dans la France contemporaine, environ 70 % des militants de la gauche anti-autoritaire viennent de familles de la classe moyenne (avec une importante prédominance des enfants de profs et de fonctionnaires), et près de 99 % y appartiennent.

[12] Y compris l'auteur de ce texte : quoi qu'ayant grandi dans un milieu ouvrier (d'où sans doute mon souci de les voir exclus des luttes « de gauche »), mes études m'ont permis d'accéder à la classe moyenne supérieure, dont j'ai adopté les codes.

[14] Pour une analyse plus élaborée de cette inversion sociale gauche-droite, il est intéressant de lire Pourquoi les pauvres votent à droite de Thomas Franck, même s'il parle des États-unis, car beaucoup de ses constats sont transposables en France ; et en ce qui concerne la France, on ne saurait trop conseiller la lecture de Retour à Reims de Didier Eribon.

Projection du film « Les mains invisibles »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Projection du film « Les mains invisibles » le 21 avril de 15h à 17h à la MJC des Hauts de Belleville, suivie d'une discussion avec le réalisateur et le personnage principal du film.

Présentation du film « Les mains invisibles » de Hugo Dos Santos

Le 21 avril de 15h à 17h à la MJC Les Hauts de Belleville, rue du Borrégo, dans le XXe.

La projection sera suivie d'une discussion avec le réalisateur et le personnage principal du film.

Entrée libre et gratuite.

Résumé :
Dans les années 1970, une maison à Paris a accueilli des dizaines de déserteurs portugais qui échappaient à la guerre coloniale. Aujourd'hui, seules les archives de la police politique portugaise témoignent de leurs activités anticoloniales. De personnage en personnage, à partir de témoignages et d'images amateurs, je reconstitue cette mémoire clandestine.

Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=Ui4mzYkhphQ

Contre le colonialisme, le racisme et le fascisme : déambulation pour la solidarité dans le 20e !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Rendez-vous samedi 20 avril à 15h devant la maison des Métallos (94 rue Jean-Pierre Timbaud) pour une manifestation dans le 20e. Appel du réseau d'alerte antifasciste du 20e arrondissement et d'urgence Palestine Paris 20e

L'heure est grave

Depuis 6 mois, un génocide en Palestine se déroule sous nos yeux, avec la complicité de l'État français et ses alliés.

Avec la loi immigration de Darmanin, l'État s'attaque à nouveau aux étranger.es et aux sans papiers, et à l'approche des JO, les expulsions se multiplient.

Le RN est donné 1er aux élections européennes, les fascistes tractent dans nos quartiers et les discours politiques et médiatiques racistes sont de plus en plus décomplexés.

Contre le racisme, notre lutte est commune

Le racisme fait le lien entre toutes ces attaques. Le racisme légitime les politiques coloniales de la France, d'hier à aujourd'hui. L'État français soutient des guerres et des dictatures en Afrique, pillant les richesses du continent et entraînant le départ de milliers de personnes. Ce même racisme continue à justifier le soutien et la vente d'armes à l'État génocidaire israélien, dernier avatar du colonialisme européen. La décolonisation n'est pas finie comme le prouvent aussi les politiques racistes du gouvernement dans les Outre-Mer, notamment à Mayotte.

Le racisme légitime la violence contre les étranger.es en France, leur exploitation et les politiques de plus en plus répressives qui les visent. Les JO qui se dérouleront cet été sont une nouvelle excuse pour poursuivre les expulsions des foyers, des hôtels sociaux et des CROUS. Parallèlement, l'exploitation des travailleuses et des travailleurs étrangers s'intensifie partout, notamment sur les chantiers des JO. La violence policière dans les quartiers populaires et contre les sans papiers, la répression des libertés publiques et du mouvement social, notamment des défenseurs de la cause palestinienne, se nourrissent également de ce racisme d'État.

La montée de discours publics nauséabonds désignant des boucs émissaires, pauvres, étrangers ou musulmans, prépare le terrain pour l'élection du RN et de Reconquête. Elle couvre les actions de milices d'extrême-droite (souvent liées à ces partis) qui n'ont pas peur de descendre dans les rues pour commettre leurs agressions violentes. Aujourd'hui totalement normalisé aux yeux de nos dirigeants, leur arrivée au pouvoir est envisageable, ce qui représente un réel danger pour nous toutes et tous.

Ensemble, nous sommes plus forts !

Aujourd'hui, dans le 20e et partout en France, nous devons nous unir :

  • Contre les politiques impérialistes de la France en Afrique et sa complicité dans le génocide, le nettoyage ethnique et la colonisation du peuple palestinien. Nous appelons à l'arrêt des ventes d'armes, au boycott des entreprises complices de l'apartheid et à la présence d'Israël aux JO.
  • Pour la régularisation des sans papiers, pour le droit à la santé et l'éducation pour toutes et tous. Dans le 20e, nous soutenons le collectif des jeunes du parc de Belleville qui occupent la maison des métallos pour réclamer un logement digne, ainsi que la lutte des foyers, notamment le foyer Bisson, contre les expulsions. Pas de papiers, pas de JO ! Pas de logement, pas de JO !
  • Contre la présence des fascistes qui s'organisent en milices, qui collent leur propagande sur nos murs, tractent sur les marchés du 20e, et tentent d'imposer leur vision raciste du monde. Pas de fachos dans nos quartiers !

Contre le colonialisme, le racisme et le fascisme, organisons la solidarité et la lutte dans le 20e !

Contacts : palestine.paris20@gmail.com, 20emeantifasciste@proton.me
Instagram : @belleville.mobilisation, @paris20solidaire, @urgence_palesine_paris20

Communiqué de revendication du GIEC suite au sabotage de machines NGE

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Il y a quelques jours, nous avons enrayé les moteurs de toutes les machines sur le chantier NGE du Pont et du Barreau de Camélat reliant Brax à Colayrac-Saint-Cirq près d'Agen. Publié sur IAATA

À l'appel du GIEC de Haute-vienne, et à la suite de la section girondine du GIEC, nous avons voulu montrer notre soutien à la lutte contre l'A69, en sabotant les jouets dévastateurs de cette entreprise. Il nous a semblé opportun de viser ce chantier qui devrait être inauguré en grande pompe en mai prochain, pour montrer que les monstres du BTP ne sont en rien intouchables. Nous avons apprécié introduire des produits abrasifs dans tous les réservoirs d'huile et de carburant des machines présentes sur la zone. Cela permet à l'entreprise de participer à son autodestruction et ce n'est pas sans nous faire rire : plus NGE continuera les travaux, plus ses machines en fonctionnant se détruiront de l'intérieur, plus elle perdra de l'argent en cherchant à en gagner.

Ce désarmement intervient après des mois de lutte acharnée à la Crem'Arbre contre la brutalité du pouvoir. Ces derniers jours, une des branches de ce pouvoir (ici l'Office Français de la Biodiversité) a reconnu l'illégalité des abattages des arbres occupés par les écureuils. Il aura fallu une petite mésange en train de nidifier pour que l'OFB se prononce sur l'illégalité déjà flagrante des actions de la mafiA69. L'État frappe pendant des mois, puis un beau jour de printemps vient accorder cinq mois de répit, sous prétexte d'illégalité – temporaire bien sûr. Rien ne nous surprend plus dans l'absurdité de ce système et c'est pourquoi nous répondons aussi bien par les mots que par l'action.

Nous avons vu les vilaines ruses de la flicaille pour attraper les écureuil.le.s, usant des besoins de première nécessité pour en faire des proies, nous avons vu le harcèlement psychologique pour les empêcher de dormir, de manger, d'être entendu.e.s. Il est pour l'instant trop risqué pour nous de rendre la pareille, mais qu'ils ne dorment pas sur leurs deux oreilles, cela arrivera à point nommé.

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