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[Calais] Résumé Août 2023

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Résumé de la répression d'État à l'encontre des migrant.e.s, en août 2023, sur Calais et ses alentours

UN DRAME PRÉVISIBLE

Le samedi 12 août au large de Calais, une embarcation d'au moins 66 personnes a coulé. 6 personnes afghanes sont mortes et 2 sont portées disparues.

Pour rappel, et en ne citant que les naufrages les plus importants : 7 personnes se sont noyées en octobre 2020, 27 personnes ont péri lors du naufrage de leur bateau en novembre 2021 et en 2022, ce sont au moins 5 personnes qui sont mortes en mer et 4 disparues.

La Manche est un cimetière…. Et l'éternelle réponse du gouvernement est hors sujet : mettre toujours plus de moyens dans la sécurisation de la frontière.

Deux personnes rescapées ont été mises en examen pour « homicides et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité » et pour « aide à l'entrée irrégulière d'un étranger en bande organisée ». Deux autres personnes qui n'étaient pas sur le bateau ont également été arrêtées. Quant aux vrais responsables, inutile de chercher trop loin. Si tout le monde avait accès au ferry, le risque de faire naufrage sur un canot surchargé serait drastiquement réduit.

Un rassemblement a eu lieu le lendemain du drame au Parc Richelieu et le groupe a ensuite marché jusqu'au port.

PRISON FLOTTANTE

Le démarrage est difficile pour cette immense barge de 93 m de long et 27 de large qui peut enfermer 506 personnes pendant 3 à 6 mois. Les premières personnes embarquées le 7 août sont parties le 11 à cause d'une bactérie dans l'eau (Legionella). Il y a plusieurs recours en justice contre la barge y compris par un syndicat de pompiers, des associations s'offusquent et des pétitions tournent. Quant à la mise en place des deux autres barges, le projet a été ralenti car l'accès au port leur a été refusé à Liverpool et Edimbourg.

EXPULSIONS

Le 8 août, tous les campements informels autour de Dunkerque ont été expulsés. Les personnes ont été fouillées, palpées et contraintes de monter dans les bus. Toutes les affaires personnelles ont été jetées à la benne.

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« Queers ! Veners ! Défends la Baudrière ! » : récit collectif de la défense et de l'expulsion de la Baudrière

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

On a souhaité faire un texte suite à l'expulsion de la Baudrière le 22 août 2023 pour raconter ce qu'on a vécu et partager un récit collectif. On a pu poser en commun ce qu'il s'est déroulé avant l'expulsion, pendant et après, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment. On espère que ce texte donnera de la force à toustes les copain.es TPG qui squattent pour notre autonomie commune.

Le 16 août, on a reçu une réponse négative à la demande de délai au JEX (juge de l'exécution). La Baudrière était donc bien expulsable à partir du 21 août. On était tristes mais à partir de là tout s'est accéléré : construction des barricades, organisation des Digitales (festival d'écologies vénéneuses), déménagement de toutes les affaires et du matos qu'on ne voulait pas perdre... On en a aussi profité pour se transmettre pleins de savoirs pratiques utiles, notamment de bricolage. Les soutiens arrivent progressivement pour la période d'expulsabilité et le soir du 20/08 on était entre 20 et 30 à l'intérieur. Le dernier jour avant le début de l'expulsabilité, on a continué les barricades et enchaîné les réunions. C'était chiant et long mais ça nous a permis de discuter collectivement de nos envies et limites et de faire des points anti-répréssion pour qu'on soit toustes au clair. On a écrit un protocole pour l'expulsion, organisé l'autogestion dans la maison, les tours de guet jusqu'à 7h30... Tous les soirs (seulement le 20 et le 21, vu que l'expulsion a été ultra rapide), on se retrouvait pour se briefer et définir le protocole si l'expulsion avait lieu le lendemain matin. Ça a permis d'énormément réduire le stress collectif et d'éviter que ce soit la panique générale.

Le 22 août, un peu avant 7h, les 2 personnes sur le toit voient 5 voitures de sécurité qui arrivent devant la Baudrière. 7 vigiles sortent des voitures. Des personnes commencent à se réveiller en les entendant, et restent vigilant.es. Il y a un petit moment de déni, à se dire que c'est bizarre parce qu'il est un peu tard pour une expulsion et qu'il n'y a pas encore les flics. À 7h, les camions de police arrivent peu à peu et là, il n'y a plus de doute. Beaucoup sont déjà réveillé.es quand on vient toquer à leurs portes. Des feux d'artifice sont tirés depuis le toit, ça réveille le quartier et marque le début de l'expulsion. À l'intérieur, on est plutôt calmes, on est prêt.es, le protocole est lancé. L'équipe du toit monte et commence à danser sur du Wejdene.

C'est une opération d'ampleur qui commence. Le quartier est bouclé, le préfet de Seine-Saint-Denis est lui-même présent, plusieurs unités de police sont mobilisées : une quinzaine de keufs de la brigade d'intervention (BI), un demi-peloton de gendarmerie mobile, une compagnie républicaine de sécurité (CRS), une compagnie de sécurisation et d'intervention (CSI), la brigade anti criminalité (BAC) de Montreuil, très potentiellement des renseignements territoriaux (RT). Il y avait aussi 3 drones (on a vu, après coup, un arrêté préfectoral paru la veille, autorisant l'utilisation de drones pour l'expulsion d'un squat à Montreuil), des agents Enedis, des pompiers et des gens de la préfecture (on sait pas trop pourquoi). Ça fait à peu près 200 personnes sous nos fenêtres et dans les rues alentours. C'est le début de 4h passées à voir les keufs galérer sur nos super barricades !

À l'extérieur, les soutiens arrivent mais les flics les empêchent de s'approcher du bâtiment et iels sont relégué.es au fond de la place de la République. Iels voient quand même les gens sur le toit de la Baudrière qui crient « Défends ton squat, barricade-toi ! Les Trans PD Gouines se barricadent ! ». Des messages commencent à circuler sur les réseaux sociaux et des soutiens continuent à arriver.

À l'intérieur, tout le monde s'active : certain.es lancent des confettis, des feuilles de papier ou de l'eau, d'autres chantent des slogans super stylés comme « Queers ! Veners ! Défends la Baudrière ! ». Dès le début, la playlist prévue pour l'expulsion est lancée et des musiques iconiques résonnent à travers le bât.

Les flics s'activent sur les portes extérieures des rues Voltaire et République : deux portes rue Voltaire et une porte rue République. Rue Voltaire, iels travaillent au calme car personne n'est dans ce bâtiment. Iels galèrent quand même un bon bout de temps parce qu'on avait mis 3 plaques anti-squat et une plaque en bois avec des étais appuyés contre un escalier. Rue de la République, la police commence à s'attaquer à la porte d'entrée avec un bélier à main (lol) et se rend bien compte que ça va être compliqué, la porte étant un volet roulant baissé avec des radiateurs en fonte dans 40 cm de béton derrière. Une fois parvenu.es à entrer dans le bât côté Voltaire, iels progressent jusqu'à la cour qui relie les deux bâtiments et commencent à s'attaquer à la porte menant au bâtiment d'habitation rue de la République. En même temps, des gendarmes pénètrent dans la cour de la parcelle d'à côté (la parcelle appartient au même propriétaire que la Baudrière et est louée par les Midis du MIE, une asso aidant des mineur.es isolé.es étranger.es), les keufs en profitent pour interpeller 3 personnes y habitant. Dans la cour des voisin.es, il y a un escalier extérieur qui monte sur 3 étages et qui arrive presque au niveau du toit de la Baudrière. Des gendarmes mobiles montent mais redescendent car l'accès est barricadé et nécessite tout de même un peu d'escalade. Iels ressortent de la cour et retournent avec leurs collègues dans la rue. Les flics continuent à s'acharner sur la porte de la cour. Iels installent un verrin hydraulique puis s'arrètent car iels reçoivent de la poudre d'extincteur. La porte tient toujours. Iels sortent une meuleuse et tout en se protégeant avec leurs boucliers, iels meulent les gonds de la porte. Loupé, on avait prévu ça et la porte reste maintenue à son encadrure même sans les gonds (spoiler : y'a 4 barres en fer qui retiennent la porte à l'intérieur et 2 étais qui l'empêchent d'être enfoncée). Iels tentent ensuite de découper la porte mais elle est vachement solide avec plusieurs couches de matériaux différents maintenus ensemble. La Baud c'est un CHÂTEAU FORT !!! C'est comme dans un film, on voit rien à l'intérieur parce que tout est barricadé, et y'a des gens qui crient « Ils attaquent la chambre de X sur des échelles, faut jeter de l'eau !!! », une vibe un peu siège du Moyen-âge.

À l'extérieur, les soutiens se sont fait.es virer de la place de la République. Arrivé.es rue de Paris, il y a eu une tentative de bloquer la rue pour faire dévier les voitures vers le dispositif policier. Ça marche pas trop et en apprenant que la BI a atteint le toit, iels tentent de revenir vers la Baudrière en chantant, les slogans résonnent fort pendant quelques minutes. Iels parlent avec les voisin.es interloqué.es aux abords de la place et expliquent que ce dispositif démesuré ne sert qu'à mettre à la rue des gens qui ne paient pas de loyer. Mais une ligne de keufs s'approche et les empêche d'approcher plus, une colonne remonte rapidement le petit rassemblement et la panique se propage. Certain.es se font arrêter, d'autres courent jusqu'à la place de la Fraternité où la police les rattrape et interpelle d'autres personnes. Au total, 15 personnes sont arrêtées vers 9h, elles attendront 2h en plein soleil et sans eau, sur la place de la République avant de partir dans un camion surchargé pour 10h de garde-à-vue. Comme c'est les flics de Montreuil qui procèdent aux arrestations, iels sont hyper énervé.es et y'a des copaines qu'iels connaissent déjà et qui prennent grave cher à ce moment-là (plaquage, menottes et serflex serrés au max, insultes LGBTQIAphobes, menaces de violences sexistes et sexuelles). Au talkie des keufs qui les ont nassé.es, iels ont pu les entendre paniquer « toutes les issues sont barricadées, tout est bétonné, c'est impossible d'expulser le squat » et « on va devoir passer au moyen intermédiaire on arrive pas à rentrer », du coup iels ont bien rigolé et en ont profité pour les charrier un peu.

De nouveau, les flics rentrent dans la cour des voisin.es, mais cette fois-ci avec des grimpeurs de la BI (brigade d'intervention). Iels montent les escaliers suivi.es d'une dizaine de gendarmes mobiles. En haut de l'escalier, iels s'encordent et commencent à grimper sur le toit du manoir pour ensuite accéder à celui de la Baud. C'est un toit super pentu en ardoise du coup iels dérapent. Iels finissent par monter dans une gouttière qui relie l'escalier du manoir à notre toit. L'opération n'est pas très compliquée en soi mais comme iels doivent s'encorder et se sécuriser pour descendre d'une hauteur de 1m avec des barreaux d'échelle, ça prend au moins une heure. En bas, la porte tient toujours.
Côté République, c'est les pompiers qui se mettent à meuler nos barricades (comme si y'avait pas déjà assez de flics pour faire ça). Iels meulent le béton de la porte mais ça sert à rien, y'a trop d'épaisseur. Iels meulent les barreaux des fenêtres du rez-de-chaussée mais derrière les vitres y'a plusieurs couches de barricades. Toujours pas découragé.es, iels montent aux fenêtres du 1er étage avec une échelle télescopique mais redescendent vite car iels reçoivent de l'eau et ne peuvent pas travailler tout en se protégeant perché.es sur une échelle. De l'intérieur, des gens installent une barricade d'urgence sur la fenêtre attaquée par les pompiers, au cas où. Les pompiers sont des collabos, fuck le 18 aussi.

Revenons sur le toit. Les flics de la BI y arrivent, et là on fait pas grand chose à part jeter des feuilles et des confettis en l'air tout en continuant a danser et chanter au rythme de la musique car y'a toujours les 3 drones qui nous filment en permanence. Iels complimentent notre ligne de vie (la corde où on a attaché nos baudriers pour ne pas tomber du toit) et installent la leur au même endroit. Iels sont 6 ou 7 sur le toit et appellent en renfort leurs collègues resté.es en bas. Il fait chaud, iels tentent de nous gratter de l'eau sans succès. Iels hésitent à nous descendre tout de suite en rappel, accroché.es à elleux, mais décident finalement de nous faire rentrer dans la Baudrière par une fenêtre du dernier étage pour qu'on descende par les escaliers et qu'on sorte tout simplement par la porte côté cour (qu'iels n'ont toujours pas réussi à ouvrir). Avec un chassé, iels ouvrent la fenêtre puis font rentrer au 3e étage quelques personnes du toit. On se dit que ça aurait été galère pour elleux s'il y avait eu une barricade sur les fenètres du 3e vu qu'iels n'avaient aucun équipement.

Là, c'est moins marrant. Autant sur le toit on faisait le show, on dansait, on voyait tous les keufs qui galéraient des heures sur les barricades, on gueulait des slogans et on voyait tous les soutiens. À l'intérieur, on peut plus rien faire, on se fait fouiller puis mettre dans une chambre où on nous surveille, les flics sont trop deg d'avoir galéré aussi longtemps et iels puent la pisse du coup iels se vengent. Iels arrachent nos cagoules, confisquent les baudriers, quand on essaie de prévenir les potes en bas que les flics descendent, iels nous chopent et nous balancent violemment dans les chambres (on tombe sur des matelas du coup ça va). On essaie d'ouvrir les fenêtres pour crier encore mais les flics les referment. Là, leur plan c'est de descendre et d'ouvrir la porte de l'intérieur pour nous faire sortir par en bas. C'était pas une si mauvaise idée en soi mais les équipes à l'intérieur ont tellement encombré les escaliers entre le 1er étage et le rez-de-chaussée et attaché tout ce qu'iels trouvaient avec des fils en cuivre qu'iels finissent par remonter véner pour prévenir leur chef que ça prendra encore 2 heures à tout déblayer. Y'en a quand même un qui se faufile jusqu'en bas pour ouvrir notre barricade de l'intérieur. Iels félicitent les potes dans la cuisine « franchement c'est super bien fait vos barricades, les étais ça tient super bien ». Quand les flics arrivent, les copaines sont posé.es ensemble tranquille dans la cuisine et prennent un thé, en essayant de récupérer des trucs qui restent dans la cuisine pour pas les perdre (lampe, poêle, économe...).

Comme l'accès intérieur est encombré, les keufs n'ont pas eu d'autre choix que de faire sortir un.e à un.e les gens du 1er étage par une fenêtre à l'aide d'une échelle et les gens du toit avec une nacelle (bras élévateur automatique, merci les pompiers). Trop classe la nacelle d'ailleurs.

De l'extérieur, on a pu voir les dernières personnes sur le toit être descendues par les keufs, on a pu leur crier « On vous aime !! » et les entendre répondre « Bisous ! » c'était vraiment cool.

Après, pour les personnes de l'intérieur, on est fouillé.es un.e par un.e par les flics, y'a des types des renseignements qui essaient de prendre des photos de tout le monde et qui filment chaque personne avec une caméra (comme si les drones c'était pas suffisant). On est toustes menotté.es et emmené.es dans des camions direction le comico de Montreuil. Là-bas, c'est la pagaille, les flics mélangent toutes les affaires et se perdent dans la paperasse, iels savent pas qui mettre dans quelle cellule car y'a plein de personnes trans. La cis-confusion est palpable, ça sort des « hermaphrodite », ne sachant pas comment genrer une personne. En vrai, les keufs s'attendaient pas à ce qu'on soit aussi nombreuxses, jeunes et TPG. Iels remplissent une cellule avec 11 personnes, une autre avec 14 et isolent les mineur.es. Là, on n'a pas le droit de manger, de boire, ni de pisser. Il fait super chaud, et on reste 8 heures entassé.es dans des cellules où on peut s'allonger que si y'a 10 personnes assises et 4 en position debout. Mais on chante et on entend les copaines qui répondent dans la cellule d'à côté. On essaie comme on peut de prendre soin les un.es des autres, de se donner des derniers conseils et de se rassurer ensemble. On finit par être toustes transféré.es dans d'autres comicos (personne ne reste seul.e), peut-être à cause du rassemblement à 18 heures à Montreuil prévu en cas d'expulsion de la Baudrière. C'est reparti pour un trajet dans des camions où il fait tellement chaud qu'on respire mal. À moins d'être trop serrés, les serflex glissent à cause de la sueur, les keufs roulent super vite et comme on n'a pas mangé ni bu depuis l'expulsion, on n'est vraiment pas bien.

Dispersé.e.s dans les comicos, pour la plupart dans des cellules individuelles, on continue de chanter, on dort beaucoup et surtout on attend de savoir si on est prolongé.es. En audition, on nous dit qu'on est mis.es en GAV (garde-à-vue) pour violence avec arme (eau ?) sur personne dépositaire de l'autorité publique (=les flics) et violation de domicile (chez nous ?) puis on nous rajoute une supplétive pour refus de signalétique (refus de donner ses empreintes digitales et d'être pris.es en photo). Personne n'avait ses papiers mais la signalétique n'a pas été prise de force. Tout le monde est sorti de GAV entre midi et 18h le 23 août. Iels ont même laissé sortir une personne sous X. Cependant, on n'oublie pas les violences physiques, transphobes qui ont visé plusieurs d'entre nous. C'était aussi un moment stressant et éprouvant, d'autant plus que c'était la première garde-à-vue de pas mal de monde. Pour l'instant, une enquête préliminaire a été ouverte et les personnes sont sorties sans rien des comicos mais les keufs ont bien rappelé qu'iels pouvaient être reconvoqué.es.

Le jour même, les soutiens se réunissent vers 14h pour : organiser la manif de 18h, le soutien des 44 personnes en garde-à-vue (26 de la Baudrière, 3 des Midis du MIE, 15 soutiens), les Digitales et écrire un premier communiqué sur ce qui s'est passé. C'était un peu la panique, on s'attendait pas vraiment à ce que 15 soutiens soient embarqué.es. Au final, y'avait quand même plein de solidarité, venant parfois de personnes qu'on n'avait jamais vues et ça fait chaud au coeur. Des gens ramènent même de la bouffe, et proposent de l'aide pour l'anti-répression. 18h arrive très vite et au rassemblement, on retrouve des copaines, y'a des prises de parole et de la musique. À peu près au même moment, la quinzaine de soutiens partie en garde-à-vue sort.
Le lendemain, vers 11h, des personnes qui étaient à l'intérieur de la Baudrière pendant l'expulsion commencent à sortir des comicos. On se retrouve et on arrive vite à recouper les infos et à établir une liste de qui a été envoyé dans quel commissariat. Tout le monde a été dispersé de Montreuil à Clichy-sous-bois, Livry-Gargan, Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-grand, Le Raincy et Gagny. On s'organise et des personnes vont attendre devant les comicos pour que personne ne sorte seul.e, ce qu'on a plus ou moins réussi. C'était trop cool de retrouver tout le monde et de manger ensemble !

C'est drôle de voir tout ce qu'il y a dans les média, y'a même des articles qui ont étés lus par les OPJ (officiers de police judiciaire) pendant la GAV, c'était un peu la surprise de voir l'ampleur que ça prenait. On constate vite que la mairie continue de mentir, notamment sur la possibilité d'un dialogue pour un relogement. La réunion dont le maire parle est une réunion qui a été organisée dans le dos de la Baudrière avec la commissaire, une adjointe de la mairie et quelques voisin.es hostiles où iels donnent des conseils pour faire accélérer l'expulsion, porter plainte et criminaliser les habitant.es. Qu'on soit bien clair, la mairie ne s'engage jamais à reloger les squatteureuses, pour la Baudrière elle affirme devant les voisin.es mettre la pression à la préfecture pour que l'expulsion ait lieu le plus rapidement possible. Par ailleurs, le maire certifie qu'il n'y a pas de permis de construire alors qu'il est signé par la mairie et affiché sur le bât rue Voltaire depuis cet hiver. Parfois ce qui est dit dans la presse est un peu cringe, mais ça fait plaisir de voir que l'info tourne partout.

Les choses ont continué à aller très vite, c'était difficile de se dire que dès le lendemain c'était déjà les Digitales. C'était le rush de partout mais ça a été cool de revoir tout le monde sur un temps plus long, d'avoir pu danser, chanter ensemble... Ne pas se lâcher après l'expulsion et la sortie de GAV a été important, c'était essentiel de pouvoir être là pour celleux qui en avaient besoin, et plus encore de pouvoir partager des moments de joie ensemble. Juste revoir les sourires sur les visages fatigués de tout le monde permet de faire redescendre le stress accumulé et de se redonner de la force pour la suite.

Faut quand même dire que maintenant la Baudrière est murée, des vigiles et des chiens gardiennent le bât et l'huissier refuse que les affaires soient récupérées prétextant que ce serait insalubre et qu'il ne reste pas d'affaires à l'intérieur. Franchement, l'huissier il n'a même pas quitté le rez-de-chaussée vu comment l'escalier était encombré. Ce bât on l'a défendu, on l'a pas offert aux keufs, à la mairie ou au proprio, ils ont du venir le chercher, et avec beaucoup de moyens. Ça fait plaisir et un peu bizarre de repasser devant la Baudrière et voir toutes nos banderoles encores attachées et les barricades du rez-de-chaussée encore en place et à peine abîmées. Pour l'autonomie TPG et contre la gentrification et la propriété privée, on se défend, et ça c'est stylé.

Merci les totos queeros et bien joué les PD et les femmes trans !!

Pour plus d'infos :

La férocité et la colonialité du pouvoir - Interview de Mathieu Rigouste

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Cette interview a été réalisée le 23 juin 2023 soit quatre jours avant le meurtre de Nahel par la police à Nanterre et le début des révoltes. Elle a été complétée par Mathieu Rigouste le 2 juillet.

Ces derniers mois ont encore été marqués par la brutalité policière, dans les manifestations et les piquets de grève, comme quotidiennement dans les quartiers populaires, les prisons ou aux frontières. Face aux mobilisations contre la réforme des retraites, les armements - flashballs, grenades explosives, etc – des forces de l'ordre de Darmanin ont à nouveau charrié leur lot de blessé·es graves et de mutilé·es. Les moyens de surveillance continuent leur développement avec l'usage des drones lors des manifs. Les arrestations et gardes à vue par centaines comme les poursuites judiciaires immédiates ou à suivre, révèlent un macronisme qui décide ouvertement de faire taire par la force un mouvement massif, pourtant soutenu par l'ensemble des syndicats du pays.

Retour sur cette séquence de lutte avec le chercheur Mathieu Rigouste.

Est-ce que la répression contre le dernier mouvement social a encore montré un durcissement des moyens et des méthodes policières ?

Cette répression s'inscrit dans un long processus d'intensification et de généralisation de la surveillance, du contrôle et de la répression. Cette dynamique frappe principalement les franges offensives et auto-organisées des mouvements sociaux. Elle s'appuie aussi sur la montée en puissance des logiques préventives, des arrestations en amont, sur présomption, sur le simple fait d'appartenir à une lutte ou de porter des idées. Cela va continuer et a déjà commencé à s'articuler avec une forme d'automatisation du pouvoir, basée sur le développement des algorithmes et de l'intelligence artificielle dans les technologies de contrôle. Ce processus est connecté avec la globalisation continue de l'antiterrorisme comme forme de gouvernement.

Cela confirme-t-il cette militarisation progressive de la police que tu mets en évidence depuis quelques années ?

En fait, il y a une militarisation de certains régimes de police. Si on prend le système capitaliste, raciste et patriarcal de manière globale et dans sa longue durée, en réalité l'aspect militaire et l'utilisation de la guerre est constant dans les espaces coloniaux. Et l'exception c'est plutôt la séparation du policier et du militaire, du temps de guerre et du temps de paix, qu'on retrouve surtout dans les centres impérialistes, mais qui concerne les strates de la population considérées comme légitimes et non sacrifiables (en dehors des processus révolutionnaires). De ce point de vue, il y a un élargissement de la férocité et de la colonialité du pouvoir depuis les périphéries vers ce qui monte en radicalité dans les centres.

Y a-t-il une plus forte détermination de nos cortèges, un durcissement des moyens d'actions ? On pense à Sainte-Soline, mais aussi aux cortèges de tête dans les grandes villes ou à la défense des blocages dans les ports et des raffineries...

Il y a une créativité intense des luttes populaires contemporaines dont nous devrions mieux rendre compte, partager les traces et conserver les expériences. Durant la séquence de lutte contre la réforme des retraites et ces jours-ci à travers la révolte contre l'exécution de Nahel [abattu par balle à Nanterre le 27 juin] et contre l'oppression policière, continuent à s'inventer des modes d'autodéfense populaire dans la rue et dans les manifestations mais aussi et surtout en dehors. On a vu émerger toutes sortes de types d'actions directes collectives consistant à occuper, bloquer ou perturber les lieux de pouvoir, mais aussi les hubs logistiques, les lieux d'échange de marchandises et les territoires quotidiens des classes dominantes, aussi bien leurs entreprises et commerces que leurs lieux de vie et de loisirs. Dans le mouvement social, on voit une compréhension de plus en plus large de la nécessité de se protéger dans la rue face à la férocité policière et d'inventer des chemins pour contourner, ruser ou saboter les espaces-temps où l'on n'a pas le rapport de force, les situations où le pouvoir est capable d'entrer en contact avec nos corps et nos formes de vies en nous empêchant de nous défendre. Dans la révolte de ces jours-ci, toutes sortes d'institutions officielles (commissariats, mairies, préfectures, prisons...) sont attaquées directement, des commerces sont vidés, notamment pour récupérer des biens de première nécessité comme des pâtes, du riz ou des produits ménagers. On observe à la fois une explosion de colère, une conscientisation politique profonde et des formes d'auto-organisation pour survivre et contre-attaquer face à la politique de ségrégation, d'oppression systémique et de précarité généralisée.

Sur la répression et les violences policières en France, les luttes de ces dernières années pour mettre en évidence ce corps répressif et raciste ne sont pas parvenues à inverser la tendance. Cela révèle-t-il la stratégie de la bourgeoisie macroniste décidée à ne rien céder pour poursuivre son projet de néolibéralisme autoritaire, ou cela est-il le signe d'une forme de fascisation rampante ?

Je crois qu'il faut voir la connexion entre les deux. Le macronisme est une forme du régime actuel de pouvoir et d'accumulation. Il fonctionne au sein d'un système global, le capitalisme racial et patriarcal. Ce dernier abrite en permanence les structures socio-historiques de la fascisation, certaines formes du fascisme qui sont instituées dans la longue durée de l'impérialisme : à travers la politique des frontières et les conditions faites aux exilé·es, dans les guerres coloniales et néocoloniales, dans les prisons, les camps et les lieux d'enfermement en général, dans la ségrégation raciale, les féminicides et la continuité des guerres contre les peuples...
Cette structure impérialiste entretient l'extrême-droite comme réserve de dispositifs, de réseaux, de moyens, d'idées ou de pratiques, mais elle prépare aussi la possibilité d'un fascisme de contre-révolution. Pour passer de l'un à l'autre, le système des dominations recherche une assise de masse, notamment à travers une politique des affects racistes, patriarcaux et bourgeois. Il cherche à redresser son hégémonie en faisant participer les franges les plus larges des classes dominées à la contre-révolution.

À partir de là, comment faire avancer l'idée d'un « désarmement » voire d'une abolition de la police dans la population ? Quelles sont les stratégies qui peuvent être payantes d'après toi et quels types de discours peuvent aller dans ce sens ?

Je parle à différents endroits d'un cheminement révolutionnaire. C'est à dire réussir à considérer qu'on peut lutter pour arracher des droits et désarmer les classes dominantes – pour protéger les vies des classes dominées – tout en continuant à construire une pensée et une pratique révolutionnaire qui vise l'abolition de tous les rapports sociaux de domination, dont la police est l'une des garantes. La discussion sur l'abolition est intéressante aussi parce qu'elle permet de parler avec les gens d'une transformation générale du monde et de discuter de la société qu'on voudrait créer à la place. Mais il me semble évident que l'État n'acceptera jamais d'abolir la police parce qu'elle le protège et défend les classes dominantes au quotidien. Le seul moyen de s'en débarrasser c'est en renversant l'ensemble de la société pour en faire autre chose. Pas d'abolition de la police sans une révolution sociale générale. D'ailleurs la situation contemporaine montre que même le désarmement de la police ou la dissolution de certaines unités reste absolument impensable pour le régime néolibéral autoritaire. Et donc, comme pour toutes les luttes, il faut que nous arrivions à construire des formes de vie en commun dans lesquelles on est capable de produire une analyse critique de tout et des pratiques basées sur l'entraide, l'autonomie, l'auto-organisation pour tout remplacer. C'est en construction dans les interstices des rapports de domination, dans des bases arrières militantes, mais il s'agit de le déployer à l'échelle des classes populaires, en refondant ces idées et ces pratiques directement avec la masse des exploité·es et des opprimé·es.

Et une pensée et une stratégie révolutionnaires ne sont entendables par les classes populaires que si elles sont connectées à une pratique quotidienne qui transforme collectivement, ici et maintenant, les conditions matérielles d'existence. Cela concerne aussi bien la manière de se nourrir, de se loger, l'éducation et la culture que les moyens de se protéger de la police, de la prison et des frontières. Pour avancer vers l'émancipation, nous devrons certainement construire un mouvement massif et auto-organisé des dominé·es capable de désarmer la répression pour réussir à faire tomber tout ce qui nous empêche de nous libérer.

Mathieu Rigouste mène des recherches indépendantes en sciences sociales depuis les luttes. Il est membre du reseau Enquête Critique et l'auteur de La domination policière : Une violence industrielle, (La Fabrique, 2012) ou de Un seul héros, le peuple (PMN Editions 2021), un film et un livre à retrouver sur unseulheroslepeuple.org.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHISPA & ÉMILE PROGEAULT

Vérité pour Adama : rassemblement mardi 18h à République

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Noueau rassemblement suite au non-lieu

Le 19 juillet 2016, jour de ses 24 ans, Adama Traoré trouvait la mort dans la cour de la gendarmerie de Persan (95) à la suite de son interpellation. Mort entre les mains des forces de l'ordre dans des circonstances troubles, la famille et les proches réclament encore et toujours vérité et justice.

Via une vidéo, Assa Traoré a appelé à un rassemblement ce mardi 5 septembre à 18 heures sur la place de la République suite la prononciation d'un non-lieu dans cette affaire

Mardi 5/09 à 18h à République

Récolte du potager de Zaclay « Dernières moissons »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Pour la 3e fois, nous allons nous rassembler pour une dernière moisson a zaclay un peu particulière...

Les deux années passées, à Zaclay, le Collectif Contre le Ligne 18 (CCL18) organisait un festival nomé dernières moissons. Cette année, puisque le camp a été démantelé au début de l'été, ce rassemblement festif ne pourra pas avoir lieu. En revanche le potager de Zaclay à amené quelques légumes a pousser sur le champ. Le CCL18 invite donc toute personne intéressée de venir le Samedi 2 septembre récolter le potager avec nous !

Au programme de la récolte, patate, topinambour, menthe et bien d'autres… Rendez-vous donc a 14h le long de la RD36 entre le CEA et Villiers-le-Bâcle à l'endroit ou était Zaclay (il reste une partie de la barricade et la parcelle n'est pas entièrement labourée). Vous êtes tous.tes encouragé.es à ramener les outils dont vous disposez notamment des fourches, bêches et crocs pour le potager mais aussi des visseuses et pieds de biche pour finir de démonter la barricade. Ramenez des caisses et cagettes si vous envisagez d'emporter une partie de la récolte à la maison ;)

Si le coeur vous en dit, vous pourrez aussi rester avec nous pour un pique nique tiré du sac en soirée !