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Appel à un week-end de rencontres No borders le 3 et 4 décembre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les 3 et 4 décembre se tiendront à Paris un événement avec pour but de rassembler des militant.e.s des diverses frontières et grandes villes françaises et frontalières afin de permettre des rencontres et d'actualiser les situations et pratiques de luttes qui y prennent place. L'événement s'articulera autour d'une grosse demi-journée de présentation des différents territoires de luttes suivie d'une journée de réflexions autour de thèmes transversaux aux luttes No border, le tout ponctué par une soirée en soutien à deux lieu de luttes à Calais et Cesana, ainsi que par des repas partagés.

Chaque jour, de nombreuses personnes qui n'ont pas de papiers occidentaux tentent de franchir les frontières françaises, pour entrer sur le territoire ou en sortir. A pied, en camion, en train, en bateau, en bus, en voiture, elles traversent les lignes tracées par les États occidentaux pour mieux asseoir leur domination.

Sur les routes, tout un arsenal répressif est mis en place pour tenter de bloquer ou ralentir les personnes : la PAF (Police de l'Air et des Frontières), la gendarmerie, les militaires ... autant d'agents de l'État chargés de harceler et poursuivre les personnes cherchant à passer ces frontières. Postés sur les route, les chemins, les plages, dans les montagnes et dans les gares, ils poursuivent, interpellent, gazent, frappent et intimident.

Sur les routes, se donne à voir la violence de l'administration française, les démarches incompréhensibles et sans fin qui ne mènent nulle part, les heures d'attente, les entretiens inquisitoires, les refus et refoulements.

Sur les routes se trouvent les CRA (centres de rétention administrative), les violences de l'enfermement, les jugements hâtifs et injustes, les renvois forcés en dehors du territoire français.

L'État français invente et surveille des barrières qu'il érige seulement contre certaines personnes : chaque jour, de nombreux-ses touristes, migrant-es aux « bons papiers », fréquentent sans problème les frontières et leurs flics. Le dispositif frontalier est un outil de contrôle raciste, impérialiste, colonial, violent et meurtrier, renforcée par la collaboration entre États.

Chaque jour et partout, des personnes brûlent ces frontières : en les traversant, en les attaquant frontalement ou en les contournant, en occupant des lieux de vie et d'échanges, en créant des réseaux de solidarités et en faisant vivre les routes souterraines.

Nous appelons toutes les personnes actif.ves dans des collectifs contre les frontières et/ou intéressées à se réunir pour un week-end No Border les 3 et 4 décembre à la Baudrière, un squat proche de Paris. Ce week-end de rencontres se veut être une occasion de mieux se connaître, d'échanger sur les situations frontalières et de mieux définir des axes de lutte pour les prochains temps.

Feu aux frontières, feu aux CRA, feu à l'État !

Programme :

SAMEDI 3 DECEMBRE 2022 :

La journée du samedi permettra aux différentes personnes impliquées dans chaque territoire de présenter la situation aux frontièrse et des différentes évolutions et pratiques de lutte ces dernières années aux différentes frontières. Nous avons déjà quelques objectifs en tête : rendre plus visibles, au sein du milieu militant, ce qu'il se passe aux frontières, en terme de luttes et en terme de répression, transmettre des expériences de luttes, et créer du lien entre militant.es actif.ve.s aux différentes frontières.

De 13h à 14h30 :

- Présentation de la frontière à Ventimille
- Présentation de la frontière à Césana et Briançon

De 14h30 à 15h : pause goûter

De 15h à 16h30 :

  • Présentation de la frontière calaisienne
  • Présentation de la situation des campements à Paris

De 17h à 19h :

  • Discussion sur l'accueil des personnes MINT

Nous aimerions convier des camarades de différents groupes de soutien aux personnes LGBTQIA+ en exil à se joindre au week-end et à discuter de la question spécifique de la migration et de l'accueil des personnes FLINTA.

  • Projection dans la salle ciné

À partir de 20h :
- Cantine
- Soirée dansante : Concerts et DJ jusqu'à 1h

DIMANCHE 4 DECEMBRE 2022 :

Le dimanche auront lieu 3 ateliers, auxquels nous avons réfléchi et que nous avons préparé.
Les 3 ateliers ont lieu à la suite les uns des autres.
Cependant, nous tenons à laisser le programme ouvert à d'autres discussions, si le besoin émerge.
Des espaces sont disponibles pour avoir d'autres temps en parallèle. N'hésitez pas à nous écrire si vous voulez rajouter un atelier / une discussion le dimanche !

À partir de 10h30 :

  • Discussion sur Schengen et le fonctionnement du règlement Dublin et les évolutions de son application ses dernières années : Autoformation et partage d'experiences

Sous couvert de lutte contre les terrorismes puis le Covid, la France est un des pays européens qui n'a cessé de renforcer ses contrôles aux frontières internes depuis 2015. Encore très récemment, en juillet 2022, le Conseil d'État est revenu sur une décision de la CJUE jugeant illégal le rétablissement des contrôles aux frontières systématiques de la France depuis 2017, et a validé une nouvelle fois la prolongation du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures par le gouvernement français, enterrant définitivement le principe de libre de circulation prévu par Schengen. Dans le même temps, la question des frontières se dématérialise de plus en plus, notamment par un accroissement des prises d'empreintes au sein des États membres de Schengen et d'une explosion des procédures Dublin, notamment en France.
Ce temps d'atelier sera l'occasion de revenir sur le cadre juridique du rétablissement des frontières internes, mais aussi sur l'évolution du système de prise d'empreintes dans l'espace Schengen (notamment dans les Balkans) et de l'application du règlement Dublin dans les pays de l'Ouest. On pourra également discuter des impacts du Brexit et des projets en discussion (renvois vers le Rwanda, DUBLIN 4 etc).
Ce moment est pensé comme un temps d'autoformation mais aussi d'échange concrets sur des stratégies de contournements et luttes contre le système Dublin.
Hésitez pas à venir avec du matos papier !

De 12h30 à 14h : Pause repas

De 14h à 16h :

  • Discussion sur la santé mentale et l'impact des violences institutionnelles :

Les frontières racistes, physiques ou administratives, sont des violences insidieuses, créatrices de traumatismes et impactant fortement la santé mentale des personnes qui font face à ces dispositifs. Il apparait pourtant que trop peu de ressources existent ou sont développées pour accompagner et réfléchir sur ces questions. On aimerait, en invitant des personnes qui pensent ces questions dans différents cadres, notamment dans des lieux de vie et d'organisation aux frontières, pouvoir ressortir de cette discussion avec des outils et propositions concrètes de choses à mettre en place.
On a pensé également un second temps, de discussion sur le stress vicariant [1] et le burn out militant dans des contextes de luttes aux frontières. Sans focaliser toute la discussion là dessus, on pourra ouvrir un espace de discussion sur ce sujet.

De 16h30 à 19 h :

  • Discussion sur les liens entre villes et frontières :

Ce temps de discussion sera l'occasion de refaire un point sur les outils papiers à disposition (guides, cartes interractives, listes de contacts etc) et sur la mise à jour de Welcome2Europe amorcée au TransBorderCamps de juillet 2022.
On pourra aussi amorcer une discussion sur l'accueil des personnes en transit et le lien entre les personnes présentes aux frontières et les personnes pouvant développer des espaces d'accueil et d'information dans les villes. On pourra discuter des dynamiques d'ouvertures de lieux d'accueil, notamment auto organisés, mais aussi d'une possible coordination IDF. En préparant le week-end, plusieurs questions ont émergé de la coordination de groupes d'accueil en lien avec la frontière mais aussi de penser des potentiels futurs lieux de ressources et de lutte, sur divers aspects (hébergement, soutien administratif, soutien psy/care etc)

PRIX LIBRE :
Les bénéfices des cantines du samedi soir et dimanche midi et de la soirée du samedi soir iront en partie au squat du Yallah, à Cesana, et en partie au squat rue Frederique Sauvage, à Calais.

TRADUCTIONS :
Nous essaierons d'assurer des traductions en plusieurs langues. Si vous avez des besoins spécifiques ou si vous pouvez aider à la traduction n'hésitez pas à nous contacter !

N'hésitez pas à nous contacter pour plus d'informations : weekendnoborderParis@riseup.net

ENGLISH

Call for a No Border weekend of discussions
December 3-4, in la Baudrière

Every day, many people who do not have Western papers try to cross French borders, to enter or leave the national territory. By foot, by truck, by train, by boat, by bus, by car, they cross the lines drawn by the Western states to better establish their domination.

On the roads, a whole repressive arsenal is put in place to try to block or slow down people : the PAF (Air and Border Police), the gendarmerie, the military ... many agents of the State in charge of harassing and chasing people trying to cross these borders. Posted on roads, paths, beaches, in the mountains and in train stations, they pursue, arrest, teargas, beat up and intimidate.

On the roads, we see the violence of the French administration, the incomprehensible and endless procedures which lead nowhere, the hours of waiting, the inquisitorial interviews, the refusals and pushbacks.

On the road, we see the CRAs (administrative detention centers), the violence of imprisonment, the hasty and unfair judgments, the forced expulsion from french territory.

The french State crates and monitors barriers that it erects only against certain people : every day, many tourists, migrants with « good papers », frequent the borders and their cops without any problem. The border device is a tool of racist, imperialist, colonial, violent and murderous control, reinforced by the collaboration between states.

Every day and everywhere, people burn these borders : by crossing them, by attacking them head-on or bypassing them, by occupying places of life and exchange, by creating networks of solidarity and by creating always new underground routes.

We call on all people active in anti-border collectives and/or interested to gather for a No Border weekend on December 3rd and 4th at La Baudrière, a squat near Paris. This weekend of meetings is meant to be an opportunity to get to know each other better, to exchange on the border situations and to better define the axes of struggle for the next times.

Fire to the borders, fire to the CRA, fire to the State !

PROGRAM

SATURDAY DECEMBER THE 3D, 2022 :

From 1 to 2:30 pm :

- Group from Ventimille
- Groupe from Cesana / Briancon

BREAK (30minutes)

From 3pm to 4:30 :
- Groupe from Calais
- Group from Paris

BREAK (30minutes)

From 5 to 7pm :

  • Discussion about FLINTA people on the move :

We would like to invite comrades from different LGBTQIA+ migrants groups to join the weekend and discuss the specific question of migration and welcoming of FLINTA people on the move.

  • Moovie screening

SATURDAY NIGHT :

From 8pm
- SHARED MEAL
- PARTY : Music and DJ's until midnight 1am

SUNDAY DECEMBER 4TH, 2022 :

On Sunday there will be 3 workshops that we have prepared. The 3 workshops take place all the day. However, we would like to leave the program open for further discussions, if the need comes. Spaces are available to have other workshops in parallel. Do not hesitate to write to us if you want to add a workshop / discussion on Sunday !

From 10:30 to 12:30 am :

  • Discussion on Schengen and the functioning of the Dublin regulation and the evolution of its application in the last years : Self-training and sharing of experiences and strategies

Under the cover of the fight against terrorism and Covid, France is one of the European countries that has constantly reinforced its internal border controls since 2015. Very recently, in July 2022, the Council of State went back on a decision of the CJEU ruling that the re-establishment of systematic border controls in France since 2017 was illegal, and by doing so validated once again the extension of the re-establishment of internal border controls by the French government, definitively burying the Schengen principle of free movement. At the same time, the issue of borders is becoming increasingly dematerialized, particularly through an increase in fingerprinting within Schengen Member States and an explosion of Dublin procedures, particularly in France.
This workshop will be an opportunity to review the legal framework for the re-establishment of internal borders, but also the evolution of the fingerprinting system in the Schengen area (particularly in the Balkans) and the application of the Dublin Regulation in Western countries. We will also be able to discuss the impacts of the Brexit and the projects under discussion (Expulsions to Rwanda, Reform of Dublin 4, etc).

This moment is thought as a time of self-learning but also of concrete exchange on strategies and fight against the Dublin system. Don't hesitate to come with paper material !

From 12:30 to 2pm : LUNCH BREAK

From 2pm to 4:30pm :

  • Discussion on mental health and the impact of institutional violence :

Racist borders, whether physical or administrative, produce insidious violence, creating trauma and strongly impacting the mental health of people who face these devices. However, it appears that very few practical resources exist on these issues. We would like, by inviting people who think about these questions in different settings, especially in places of life and organizations at the borders, to be able to come out of this discussion with tools and concrete proposals of things to put in place.
We also thought of a second time of discussion on the vicarian stress and the activist burn out in contexts of struggles at the borders. Without focusing the whole discussion on this, we could open a space for discussion on this subject.

BREAK (30minutes)

From 5 to 7pm :

  • Discussion on the links between cities and borders :

This workshop will be an opportunity to review the tools available (guides, interactive maps, contact lists etc) and the update of Welcome2Europe started at the TransBorderCamps in July 2022.
We could also start a discussion on the welcoming of people in transit and the link between the people at the borders and the people who could develop welcoming and information spaces in the cities. We would like to discuss the dynamics of the opening of reception places, especially self-organized, but also a possible coordination in the region of Paris. While preparing the weekend, several questions emerged about the coordination of welcoming and working groups in connection with the border, but also about thinking of a potential future places of resources and struggle, on various aspects (accommodation, administrative support, psy/care support etc)


FREE PRICE :
The profits of the canteens of Saturday evening and Sunday noon and of the evening of Saturday evening will go partly to the squat of Yallah, in Cesana, and partly to the squat rue Frederique Sauvage, in Calais.

TRANSLATIONS :
We will try to provide translations in several languages. If you have specific needs or if you can help with the translation, don't hesitate to contact us !

Do not hesitate to contact us for more information : weekendnoborderParis@riseup.net

ITALIAN

Invito per un week-end di incontri e discussioni contro le frontiere
3-4 dicembre, la Baudrière

Ogni giorno, molte persone prive di documenti occidentali cercano ad attraversare le frontiere francesi per entrare o uscire dal territorio. A piedi, in camion, in treno, in barca, in autobus, in auto, attraversano le linee che Stati occidentali hanno tracciato per consolidare il loro dominio.

Su queste strade, un intero arsenale repressivo viene schierato per tentare di bloccare o rallentare le persone : la PAF (o DCPAF, per Direzione centrale della Polizia alle frontiere), la gendarmerie, i militari... tutti rappresentanti dello Stato incaricati di perseguitare ed inseguire le persone che tentano di attraversare queste frontiere. Postati lungo le strade, i sentieri, le spiagge, in montagna e nelle stazioni ferroviarie, rincorrono, interpellano, gasano, colpiscono e intimidiscono.

Su queste strade c'è la violenza dell'amministrazione francese, tramite procedure incomprensibili e infinite che spesso non servono a niente, le ore di attesa, gli interrogatori inquisitori, i rifiuti e respingimenti.

Su queste strade ci sono i CRA (centri di detenzione amministrativa, equivalenti ai CPR italiani), la violenza della reclusione, le sentenze affrettate e ingiuste, gli allontanamenti forzati dal territorio francese.

Lo Stato francese crea e sorveglia le barriere che erige solo contro alcune persone : ogni giorno, molti turisti, migranti con « documenti in regola », frequentano tranquillamente le frontiere e i loro sbirri. Il sistema delle frontiere è uno strumento di controllo razzista, imperialista, coloniale, violento e assassino, rafforzato dalla collaborazione tra Stati.

Ogni giorno e ovunque, ci sono delle persone che bruciano questi confini : affrontandoli, attraversandoli, attaccandoli frontalmente o aggirandoli, occupando luoghi di vita e di scambio, creando reti di solidarietà e facendo vivere percorsi alternativi sotterranei.

Chiamiamo tutte le persone attive nei collettivi no border e/o interessate ad incontrarsi per un weekend No Border il 3 e 4 dicembre alla Baudrière, uno squat vicino a Parigi. Vogliamo che questo momento di incontri sia un'occasione per conoscersi meglio, per condividere informazioni ed esperienze sulle situazioni dei confini e per definire e capire meglio gli assi portanti della lotta per i prossimi tempi.

Fuoco ai confini, fuoco ai CPR, fuoco allo Stato !

SABATO 3 DICEMBRE 2022 :

Durante questa giornata le diverse persone coinvolte in ogni territorio potranno presentare la situazione ai confini e le diverse evoluzioni e pratiche di lotta degli ultimi anni. Abbiamo già in mente alcuni obiettivi : rendere più visibile, all'interno dell'ambito militante, ciò che accade alle frontiere in termini di lotte e repressione, trasmettere le esperienze di lotta e creare legami tra gli attivisti alle diverse frontiere.

Dalle 13.00 alle 14.30 :

- Presentazione del confine a Ventimille
- Presentazione della frontiera a Césana e Briançon

PAUSA MERENDA

Dalle 15.00 alle 16.30 :

- Presentazione della frontiera di Calais

- Presentazione della situazione dei campi a Parigi

PAUSA MERENDA

Dalle 17.00 alle 19.00 :

- Discussione sull'accoglienza delle persone MINT

Vorremmo invitare i compagni di diversi gruppi di sostegno alle persone LGBTQIA+ in esilio a partecipare al fine settimana e a discutere la questione specifica della migrazione e dell'accoglienza delle persone FLINTA.

- Proiezione al cinema

SABATO SERA :

Dalle 20:00
- MENSA
- FESTA : musica e dj set fino alle 0.30/1.00

DOMENICA 4 DICEMBRE 2022 :

Domenica ci saranno 3 workshop, che abbiamo pensati e preparati.
I 3 workshop si svolgono di seguito.
Comunque, vogliamo lasciare il programma aperto a alter discussione, se c'è la necessità.
C'è spazio disponibile per avere altri momenti in parallelo. Scriveteci se volete aggiungere un workshop/discussione per la domenica !

Dalle 10:30 alle 12:30 :

  • Discussione su Schengen, sul funzionamento della procedura Dublino e sull'evoluzione della sua applicazione negli ultimi anni : Autoformazione e condivisione di esperienze e strategie

Con il pretesto di combattere il terrorismo e poi Covid, la Francia è uno dei Paesi europei che dal 2015 ha costantemente rinforzato i controlli alle frontiere interne. Molto recentemente, nel luglio 2022, il Consiglio di Stato ha ribaltato una decisione della CGUE (Corte di Giustizia dell'Unione Europea) che dichiarava illegale il ristabilimento dei controlli sistematici alle frontiere in Francia dal 2017, e ha convalidato nuovamente il prolungamento del ripristino dei controlli alle frontiere interne da parte del governo francese, seppellendo una volta per tutte il principio di libera circolazione previsto da Schengen. In parallelo, la questione delle frontiere si sta smaterializzando sempre di più, soprattutto con l'aumento delle impronte digitali negli Stati membri di Schengen l'esplosione delle procedure Dublino, in particolare in Francia.
Il workshop sarà l'occasione di capire il quadro giuridico de ripristino delle frontiere interne, ma anche l'evoluzione del sistema di rilevamento delle impronte nell'area Schengen (in particolare nei Balcani) e l'applicazione del Regolamento di Dublino nei Paesi occidentali. Potremo anche discutere degli impatti della Brexit e degli altri progetti in discussione (respingimenti verso il Ruanda, DUBLINO 4 ecc.).
Vogliamo che questo tempo possa essere un momento di autoformazione ma anche di scambi concreti sulle strategie per aggirare e combattere il sistema di Dublino.
Pensate a venire con materiale cartaceo !

Dalle 12:30 alle 14:00 : PRANZO

Dalle 14:00 alle 16:00 :

  • Discussione sulla salute mentale e sulle conseguenze della violenza istituzionale :

I confini razzisti, fisici o amministrativi sono una violenza insidiosa, che crea traumi e ha un forte impatto sulla salute mentale delle persone che affrontano questi sistemi. Tuttavia, sembra che esistano o si siano sviluppate troppo poche risorse per accompagnare e riflettere su questi temi. Voremmo invitare persone che hanno riflettuto a questi temi in contesti diversi, in particolare nei luoghi di vita e di organizzazione ai confini et poter uscire da questa discussione con strumenti e proposte concrete da mettere in pratica.
Abbiamo anche pensato a un secondo momento di discussione sullo stress vicariato (o per procura) e sul burn out militante nel contesto delle lotte no border. Senza concentrare l'intera discussione su questo aspetto, potremmo aprire uno spazio di discussione su questo tema.

Dalle 16:30 alle 19:00 :

  • Discussione sui rapporti tra città e confini :

Questo momento di discussione sarà l'occasione di ripercorrere gli strumenti cartacei disponibili (guide, mappe interattive, liste di contatti, ecc.) e l'aggiornamento di Welcome2Europe, iniziato ai TransBorderCamps nel luglio 2022.
Potremmo anche avviare una discussione sull'accoglienza delle persone in transito e sul legame tra le persone presenti alle frontiere e quelle che potrebbero sviluppare spazi di accoglienza e informazione nelle città. Potremmo discutere delle dinamiche di apertura di luoghi di accoglienza, soprattutto autogestiti, ma anche di una possibile coordinazione dell'Île-de-France. Durante la preparazione del fine settimana, sono emerse diverse interrogazioni sul coordinamento dei gruppi di accoglienza in rapporto alla frontiera, ma anche per pensare a potenziali futuri luoghi di risorse e di lotta, su vari aspetti (alloggio, supporto amministrativo, supporto psico-curativo, ecc.)

PREZZO LIBERO :
I profitti delle mense di sabato sera e domenica mezzogiorno e della serata di sabato sera andranno in parte allo squat di Yallah, a Cesana, e in parte allo squat rue Frederique Sauvage, a Calais.

TRADUZIONI :
Cercheremo di fornire traduzioni in diverse lingue. Se avete esigenze specifiche o se potete contribuire alla traduzione, non esitate a contattarci !

Non esitate a contattarci per ulteriori informazioni : weekendnoborderParis@riseup.net


[1] "Le traumatisme vicariant Le fait d'entendre et de vivre de façon
répétée des événements perturbants et traumatiques, par exemple subir de l'agressivité ou de la violence, ou encore être témoin d'une détresse
qui mène au suicide, peut créer un traumatisme chez l'infirmièr.e. Iel
peut réagir à ces événements comme s'ils étaient les siens et ainsi
souffrir de stress, d'anxiété, voire d'attaques de panique. S'imprégner
d'une situation traumatisante vécue par un patient provoque une
excitation psychologique chez lae soignant.e et lae maintient dans un
état d'hypervigilance avec reviviscence des événements. Lae soignant.e
peut ensuite chercher à s'isoler afin d'éviter tous les stimuli qui
raviveraient le traumatisme. La traumatisation vicariante transgresse de
façon récurrente les convictions, les valeurs et les croyances du/de la
soignant.e. Son cadre de référence personnel est attaqué et il se
modifie. Ce faisant, il s'enlise lui-même dans un état de stress
post-traumatique décrit comme un traumatisme vicariant. (Rothschild,
2006 ; Brillon, 2013)."

Appel à soutien pour le délibéré d'appel de Nordine mardi 29 à Cité

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Appel à soutien pour le délibéré d'appel de Nordine le 29/11/2022 à 13h30 à la cour d'appel de Paris, à Cité.

Le 11 octobre 2022 s'ouvrait le procès en appel de Nordine, poursuivi pour tentative d'homicide sur personnes dépositaires de l'autorité publique suite à un refus d'obtempérer lors un contrôle de police. Le 18 févier 2021, il a été condamné en première instance à deux ans de prison ferme et 15 000 euros d'amende pour refus d'obtempérer et violence avec armes, avant d'être écroué et de passer 51 jours en prison. Le 29 octobre 2022 à 13h30, le délibéré de la cour d'appel de Paris sera rendu alors que le procureur veut aggraver les peines en requérant 4 ans de prison ferme avec mandat de dépôt, interdiction de conduire pendant cinq ans et 20 000 euros d'amende.

Dans la nuit du 15 au 16 août 2021, alors qu'il rentre chez lui avec sa compagne Merryl, Nordine se fait tirer dessus par des hommes armés aux abords d'un quartier de Stains. Il apprend par la suite qu'il s'agissait de trois policiers de la BAC en civil.

La scène filmée par un témoin fait le tour des réseaux sociaux. On y distingue trois hommes habillés en civil, sans brassard, ni même gyrophare. Deux policiers tirent sur le véhicule de Nordine. Sept balles l'atteindront lui et une atteindra sa compagne.

Sur les images de la vidéo, on voit la manœuvre du véhicule de Nordine qui tente vraisemblablement de s'extirper. Une manœuvre qui appuiera la notion de « danger immédiat » invoquée par les policiers. Ces derniers, suivis par leur hiérarchie, évoquent ainsi la notion de légitime défense pour justifier ces multiples tirs.

Avec l'actualité des luttes nous pensons qu'il est important que le plus de personnes possible soient présentes à la cour d'appel ce mardi, car peu sont ceux qui survivent à ces violences policières et qu'il est certain que sa condamnation est une étape de plus dans le permis de tuer qui est octroyé à la police.

Rendez-vous mardi 29 à 13h30 à la cour d'appel de Paris, métro Cité.

Ligne 18 ou Ligne 1.8°C ? Discussion samedi 26 à Bure-sur-Yvette

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Se battre pour limiter le réchauffement à 1.5°C comme le préconise le GIEC semble déjà désespéré. Pourtant la pensée politique qui impose la ligne 18 n'est même pas compatible d'une trajectoire vers 1.8°C.

La 6e extinction de la biodiversité est en cours et ses conséquences pour les générations nouvelles sont dramatiques. Dans ce contexte, pourquoi poursuivre ce projet de train à travers les précieuses terres du Plateau de Saclay ?
Comment le développement urbain peut-il encore prévaloir sur la sécurité alimentaire et la préservation du vivant ?
Le militantisme est-il un moyen d'action pertinent face à de tels enjeux ?
Discutons-en !!!
Venez vous informer et débattre sur ces sujets avec des militants locaux d'Extinction Rebellion et du Collectif Contre la Ligne 18 et l'Artificialisation des Terres samedi 26/11 à 17h à la Maison de l'écologie et de la transition (MET) de Bures-sur-Yvette

Le débat sera suivi d'un apéro convivial au bar associatif de l'Abeille Cool.

Solidaires face à la tyrannie en Iran et ailleurs

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Grande manifestation « Solidaires face à la tyrannie en Iran et ailleurs... » en soutien au peuple iranien et aux autres peuples victimes collatérales du régime iranien et de la tyrannie. Dimanche 27 novembre à 15h à Port-Royal

Cette manifestation a été organisée par le "Collectif Femme Vie Liberté - Paris" et avec la participation de l'"Union des Ukrainiens de France", l'association afghane "Enfants d'Afghanistan et d'ailleurs » et l'association syrienne « Al Bayt ».

La régime au pouvoir en Iran s'est illustré depuis le mois de septembre 2022, suite à la mort tragique de Mahsa Jîna Amini, par la répression sanglante des manifestations pacifiques de sa population. Des centaines de femmes, d'hommes et d'enfants ont été tués. La dictature islamique a également délivré des armes à l'état Russe, armes utilisées contre les civils ukrainiens. Cet épisode est le rappel douloureux du danger que pose le régime iranien non seulement pour sa propre population, mais pour la paix dans la région, car ce régime soutient Poutine, les Talibans (qui viennent d'interdire les espaces publics aux femmes) et Bachar-Al-Assad.

Le "Collectif Femme Vie Liberté - Paris" tient à rassembler des victimes du totalitarisme du régime iranien (des Iraniens y compris des Kurdes, des Ukrainiens, des Afghans, des Syriens,...) pour illustrer la solidarité des peuples et faire entendre leurs voix en faveur des Droits Humains, de la Démocratie et de la Paix.

La manifestation se tiendra dimanche 27 novembre à Port Royal (RER), Paris de 15h à 17h. Plusieurs interventions politiques et des performances artistiques sont prévues.

Soyons leur voix
Femme Vie Liberté - Jin Jiyan Azadi - Zan Zendeghi Azadi

https://www.femme-vie-liberte.com/

#femmevieliberté #freeiran #freeukraine #freeafghanistan #womanlifefreedom

Attention, l'adresse est bien à Port-Royal et non à Champ de Mars comme annoncé initialement.

25 novembre 2007 : L'ordre sécuritaire et le soulèvement des quartiers populaires - Retours sur la bataille de Villiers-le-Bel

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Extrait de l'ouvrage collectif « Vengeance d'état - Villiers-le-Bel : des révoltes aux procès » écrit par le collectif Angles Morts. Cet extrait a été mise en page sous forme de brochure et revient sur la bataille de Villiers-le-Bel fin novembre 2007.

La mini moto des deux adolescents tués dans une collision avec la police à Villiers-le-Bel le 25 nov 2007

Brochure sur la bataille de Villers-le-Bel à télécharger en bas de page. Extrait de l'ouvrage collectif "Vengeance d'état - Villers-le-Bel : des révoltes aux procès" écrit par le collectif Angles Morts et publié aux éditions Syllepse en 2011.

L'ordre sécuritaire et le soulèvement des quartiers populaires - Retours sur la bataille de Villiers-le-Bel

Mathieu Rigouste [1]

« Que la guerre à la drogue provoque plus d'abus policiers, une répression plus puissante et la suspension des libertés civiles pour tous les habitants des quartiers ne devrait pas surprendre, étant donné la longue histoire de la police des communautés de couleur. La relation coloniale qui structurait originellement la présence policière reste pratiquement inchangée. Comme des armées d'occupation avec quasiment aucun lien organique dans le quartier auquel elles sont assignées, ces forces de police de la grande ville n'opèrent pas différemment des forces impériales d'hier : chaque sujet colonisé est suspect. Il est rare ce policier, même parmi les Noirs, les Latinos et les femmes, qui voit sa tâche principale comme le fait de travailler pour ou d'être employé par les communautés de couleur des quartiers pauvres. Au lieu de ça, la police travaille pour l'État et la municipalité, et son rôle est de garder à vue une population entièrement criminalisée, de contenir le chaos entre les murs du ghetto et de s'assurer que les plus indisciplinés restent dans le rang. »

Robin D. G. Kelley [2]

L'impérialisme occidental est entré dans une nouvelle phase d'expansion à la fin du 20e siècle. Pour se restructurer, il attaque et dépossède les derniers territoires qui résistent encore à l'accumulation illimitée du profit et de la puissance [3]. À l'intérieur même des pays dominants, les quartiers populaires concentrent celles et ceux qui pro­fitent le moins de l'ordre en place et qui ont donc le plus intérêt à s'en débarrasser. Ces quartiers sont pris entre les mâchoires de l'État et du capital : une double stratégie, politique et économique qui cherche à les encadrer et à les provoquer, à les contenir et à les attaquer, pour les soumettre, les transformer ou détruire ceux qui entravent encore l'extension des mégalopoles.

Mais les terrains de chasse du système sécuritaire ne se laissent pas écraser sans combattre. Villiers-le-Bel est une bataille importante dans cette longue campagne inachevée. Elle a permis d'expérimenter de nouvelles technologies de contrôle, de surveillance et de répression, elle a médiatisé ces savoir-faire et les matériels français sur le marché international de la sécurité intérieure. Elle a servi à criminaliser davantage la révolte des quartiers populaires. Mais elle devait aussi offrir une revanche aux policiers victimisés durant les batailles de Clichy-sous-Bois (octobre-décembre 2005). Humiliés une nouvelle fois, caillassés par des adolescents et de jeunes adultes, insultés par leurs parents, méprisés par des retraités, une partie de ces policiers est entrée dans un processus de radicalisation. Pendant la guerre d'Algérie, la contre-insurrection avait déjà débordé. Une fraction fasciste s'était alors constituée à l'intérieur de l'armée et avait tenté de prendre le pouvoir. L'ordre sécuritaire, lui, se confronte à un problème de débordement dans la police.

Il faut montrer que les révoltes des quartiers populaires s'inscrivent dans la longue histoire des résistances à la domination impérialiste. Analyser l'influence des techniques de guerre coloniale sur les nouvelles méthodes de répression, le rôle des marchés politiques et économiques de la sécurité, décrire les contradictions et les failles dans la police. La bataille de Villiers-le-Bel nous parle des transformations à l'oeuvre dans les stratégies et les armes, les forces et les faiblesses de l'oppresseur.
Impérialisme, ségrégation et répression

Les inégalités sociales, économiques et politiques produites par le capitalisme provoquent inévitablement de l'indiscipline et des révoltes dans les classes populaires. Il existe ainsi un phénomène de « crises » cycliques lorsque l'État ne dispose plus de la puissance nécessaire pour soumettre des masses révoltées et que les exploiteurs font face à une baisse importante de leurs taux de profit. L'État et le capital doivent alors restructurer leur alliance. L'impérialisme est un processus d'expansion qui émerge pour faire remonter les taux de profit et empêcher l'autonomisation des classes dominées [4]. A travers la conquête coloniale et la soumission de nouveaux territoires et de nouvelles « populations » (de la main d'oeuvre et des consommateurs), l'État met de nouveaux marchés à disposition de la bourgeoisie, il développe ainsi énormément ses capacités militaires et policières et peut déporter une partie de ses classes dangereuses aux colonies pour qu'elles y assurent les couches inférieures de l'encadrement. La colonie constitue dès lors un laboratoire où s'expérimente une forme de gouvernement des vaincus basé sur une domination blanche et militaro-policière. De là reviennent une culture, des techniques, des matériels et des personnels qui influencent la transformation du contrôle en métropole, en particulier la police des pauvres, des ouvriers et des étrangers. Le système impérialiste entretient ainsi un lien constant entre les méthodes d'encadrement des colonisés et la manière de tenir les quartiers populaires.

À la fin du 19e siècle, un premier problème s'est posé sur le front intérieur de l'État français et des grands pays impérialistes. Les masses ouvrières se sont organisées et les expériences insurrectionnelles se succèdent (1848, 1871). Confronté à l'emploi de méthodes militaires et de troupes rapatriées d'Algérie, le phénomène révolutionnaire a pourtant continué à se propager. Il est devenu très risqué pour l'État d'écraser militairement les grèves et les révoltes. Il faut éviter de provoquer des insurrections, cesser de massacrer les foules en colère, inventer des matériels, des techniques et des doctrines de basse intensité. On cherche dès lors à développer les moyens de disperser les attroupements et à repousser l'emploi du contact physique. Tout en conservant la capacité de haute intensité, au cas où. C'est le début de ce que la police appelle le « maintien de l'ordre » [5], une première hybridation militaro-policière, l'origine des CRS ou de la gendarmerie mobile.

Un second problème s'est posé sur le front colonial dans la seconde partie du 20e siècle. Le degré d'inégalités y était tel que malgré le déploiement de l'armée puis l'envoi des appelés, l'insurrection se généralisait et qu'un autre mouvement révolutionnaire s'y développait à grande vitesse. En Indochine, l'armée française a inventé sa doctrine de « contre-insurrection », un système de terreur militaro-policière qu'elle finit de tester en Algérie, où l'État lui confie tous les pouvoirs. En 1957, Alger a servi de premier grand laboratoire pour l'application de cette nouvelle doctrine sur la population d'une grande ville.

Le néocolonialisme et la société postcoloniale

Malgré la fin de l'Empire, l'impérialisme français se perpétue aujourd'hui à travers la domination néocoloniale de territoires extra-nationaux en Afrique notamment et à l'intérieur du territoire national par certaines formes de ségrégation et de subordination : en Euskadi, Gwada, Corsica, Breizh... et dans certains quartiers populaires. Dans ce nouvel impérialisme, la guerre dans la population et le contrôle des pauvres forment un continuum de « Défense et de sécurité intérieure ».
Le prototype du néocolonialisme a émergé à travers la fabrication de l'État « indépendant » du Maroc en 1956, la formation de sa police, de son armée et de ses administrations par l'État français. Durant les dernières années de la guerre d'Algérie, le gouvernement du général de Gaulle a mis en place cette nouvelle forme de subordination indirecte, plus proche du modèle colonial anglo-saxon, dans la majeure partie de son pré-carré africain. Des cadres étaient sélectionnés dans la bourgeoisie colonisée s'ils s'engageaient à conserver une partie des intérêts économiques, stratégiques et politiques de la France. Ils recevaient alors en échange les manettes de l' « État indépendant ». Ceux qui continuaient de lutter pour des sociétés égalitaires furent éliminés.
En France, malgré les « indépendances », la culture dominante n'a pas été décolonisée et une société « postcoloniale » a vu le jour. Les générations qui ont pris les commandes avaient été formées durant les guerres d'Indochine, du Maroc et d'Algérie. Dans l'administration, la police, l'armée, les médias, la classe dirigeante, le patronat, une partie des idées, des techniques et des pratiques ont perduré, certaines ont été reconduites et rénovées pour être appliquées en particulier aux non-blancs puis, sous des formes dérivées, aux classes populaires. Le répertoire colonial est resté ouvert et disponible, il fournit encore aujourd'hui, l'une des grandes boîtes à outils de la société sécuritaire.

De la bataille d'Alger à la bataille de Villiers-le-Bel

Doté des pleins pouvoirs civils et militaires le 4 janvier 1957, le Général Massu est chargé de pacifier Alger, de démanteler les réseaux du Front de Libération Nationale (FLN), de paralyser et de soumettre l'ensemble de la population colonisée de la ville. Il va tester la contre-insurrection en contexte urbain. Pour cela, il met en marche plusieurs régiments, des forces de police, de gendarmerie et des CRS, des unités de la DST, du contre-espionnage (SDECE) et des commandos du 11e Choc. La combinaison de ces forces doit permettre de terroriser les insurgés et leur « milieu de prolifération » en quadrillant la Casbah de manière rationnelle et intensive. Le Colonel Roger Trinquier, théoricien de cette « guerre moderne », fut chargé de concevoir l'opération qu'il nomma Dispositif de Protection Urbaine (DPU). Le principe consiste à encadrer les quartiers musulmans avec des troupes de maintien de l'ordre tout en envoyant des unités d'intervention à l'intérieur pour se saisir des suspects. Cette conquête virile, combinaison de quadrillage et de pénétration, développe une tension énorme à l'intérieur de la zone bouclée. Les rues sont réorganisées par des couloirs de barbelés, des contrôles d'identité filtrent et étranglent la vie sociale, les maisons sont numérotées, les familles fichées et tous les suspects embarqués pour être « interrogés ». C'est un mélange d' opérations « coup de poing » et « coup de filet ». La généralisation de la torture, des meurtres et des disparitions va affaiblir et désorganiser profondément le Front de Libération Nationale à Alger. Mais la violence de la répression radicalise la majorité des colonisés. Le FLN se reconstitue en quelques mois puis se renforce.

La contre-insurrection est une technique de guerre longue qui alimente constamment les rangs de la rébellion, une méthode qui oblige l'État à financer un véritable marché public de la guerre intérieure. Les promoteurs de cette doctrine n'ont pas insisté sur ce fait particulièrement problématique, ils ont fait de « la bataille d'Alger » une vitrine de l'« excellence » française dans le domaine de la contre-révolution et l'ont vendue à qui voulait bien y croire. La violence d'État servait jusqu'alors à maintenir les rapports de domination ; l'influence des gigantesques complexes militaro-industriels sortis des deux guerres mondiales transforme progressivement la guerre et le contrôle en des marchés très profitables. La contre-insurrection sera l'un des secteurs importants de ce commerce international de la violence d'État qui ne cesse de se développer depuis lors.

En exportant le modèle de la « bataille d'Alger », la France a diffusé sa méthode de contre-insurrection durant toute la guerre froide. Les armées des États-Unis, de nombreux pays latino-américains ou africains y ont été formées et ont expérimenté chaque fois une version particulière adaptée au type de « population » à pacifier et à la figure de « l'ennemi intérieur » à écraser. Chaque fois on a vu se développer la militarisation de la société et du pouvoir, une industrie étatique de la torture et du meurtre, la privatisation des services publics et la réduction de l'État à ses fonctions répressives. Presque partout où la contre-insurrection a été réemployée, des États et des bourgeoisies ont pu se rétablir à travers des guerres intérieures de basse intensité et de longue durée. La contre-insurrection connaît une sorte de premier apogée international autour de 1968, lorsque les États du « monde libre » affrontent de larges révoltes sociales et des mouvements révolutionnaires.

Dans tous les grands États impérialistes, l'emploi de la contre-insurrection en contexte colonial a eu une influence importante sur la transformation des mécaniques répressives à l'intérieur du territoire national. Aux États-Unis, la contre-insurrection a été employée contre les révolutionnaires du Black Panther Party puis elle a sédimenté dans la police des ghettos à travers la « guerre contre le crime et la drogue » [6]. L'expérimentation de la guerre contre-révolutionnaire en Irlande du Nord a transformé la répression des révoltes ouvrières en Angleterre. En France, la réouverture du répertoire anti-subversif en mai 1968 a nécessité d'inventer une forme de contre-insurrection applicable à l'intérieur de la métropole impérialiste.

C'est en essayant de l'employer, non plus pour immuniser « les populations » (les colonisés) mais « la population en général » (les classes populaires), que s'est forgée la mécanique sécuritaire. Au croisement des deux problèmes fondateurs du maintien de l'ordre, la société sécuritaire se confronte à de nouvelles contradictions : Elle doit développer toujours plus de puissance répressive, ce qui provoque un coût important pour l'État. Ce dernier cesse d'investir dans la pacification sociale et tente de contenir les indisciplines populaires dans des espaces clos. Pour entretenir ses nouvelles forces particulièrement offensives, il doit leur trouver des occasions de servir. Elles assureront l'enfermement des quartiers populaires. Toutes ces restructurations favorisent le développement de phénomènes insurrectionnels ainsi que les contradictions entre les agents de la répression et le bloc de pouvoir.

La solution sécuritaire se déploie dans l'après-1968. Elle consiste à développer les moyens de faire du profit à partir de la répression des « désordres », à favoriser les marchés privés de la sécurisation et à réduire le coût du contrôle en impliquant « la population » dans son propre encadrement. Il reste toujours à éviter d'engendrer des débordements incontrôlables. Mais dès lors, la possibilité de provoquer des « désordres gérables » devient extrêmement profitable.

Dès le début des années 1970, l'offensive néo-libérale et la restructuration industrielle engendrent un chômage de masse et de nouvelles formes de précarité dans les quartiers populaires. Dans le même temps, le maintien de l'ordre et la police des pauvres se modernisent et se transforment, notamment en référence à l'expérience algérienne. Des matériels et des techniques de protection et de contrôle des foules sont importées dans les CRS et des unités policières de type « commando » sont créées pour pénétrer les milieux populaires. C'est l'origine des BAC. La génération d'officiers qui prend les commandes de cette police modernisée a été formée durant la guerre d'Algérie, parmi eux, certains essaient de « démocratiser l'institution » mais la plupart a eu très peur des révoltes de mai 1968 et tente d'appliquer aux quartiers ouvriers en général et aux non-blancs en particulier, des techniques et des logiques issues de la pacification coloniale. Cet étau de misère et d'oppression déclenche des révoltes dès la fin des années 1970, à Vaulx-en-Velin, notamment, en septembre 1979 et à Villeurbanne en 1980, où le maire, Charles Hernu, décide de « raser ce vivier à délinquance ».

Depuis la révolte du quartier des Minguettes à Vénissieux, en 1981, les médias dominants accompagnent la répression policière en élaborant des dispositifs de légitimation (criminalisation, bestialisation et dépolitisation) par l'image et le discours. Ils alimentent le terreau de l'expansion policière et de la « rénovation urbaine ». Un cycle s'est établi : l'occupation policière provoque des révoltes, leur répression et sa médiatisation permettent de justifier la transformation d'une partie du quartier ou sa destruction.

Tout au long des années 1980, cette offensive médiatique contre les quartiers populaires et les descendants de la colonisation se renforce. Il faut trouver des boucs émissaires pour justifier la précarisation de masse et l'expansion sécuritaire. Les révoltes commencent à se multiplier, les révoltés à s'observer puis à se découvrir une condition et des pratiques communes. C'est à cette époque que se forge la « politique de la ville » et ses grands projets immobiliers de « rénovation urbaine » (réhabilitation, réorganisation, destruction et reconstruction) qui permettront à certains grands entrepreneurs de devenir de véritables profiteurs d'émeutes.

Au milieu des années 1990, alors que la criminalisation, le contrôle, la répression et la précarisation s'accentuent, les révoltes continuent de se multiplier, dans le temps et dans l'espace. Une culture et une conscience des quartiers ségrégués se renforcent.

Avec la fin de la guerre froide et la réduction des marchés publics de l'armement, les complexes militaro-industriels s'investissent davantage dans la sécurité intérieure. La multiplication de polices antibandes (notamment les unités d'intervention type BAC) qui agressent et provoquent des révoltes va permettre le développement des polices antiémeutes. Ce cercle de provocation/répression devient un marché politique et économique fondamental. Les matériels et la formation aux techniques antibandes, antiterroristes et antiémeutes génèrent des sommes colossales en termes de recherche et développement, de maintien en condition opérationnelle ou d'audits et conseils, aussi bien dans le cadre de marchés publics que privés, nationaux et internationaux.

Mais la dynamique du capitalisme sécuritaire continue sa course effrénée en étendant les inégalités, la ségrégation et la pression policière. Elle multiplie les risques d'insurrections massives et de débordements incontrôlables. L'État doit absolument maîtriser la fabrication de « désordres gérables », c'est-à-dire tenir mieux ses milices et mieux encadrer les conditions de développement de l'émeute. Cette nouvelle « immunisation du milieu à risque » passe par l'architecture et l'urbanisme (la prévention situationnelle), la collaboration de l'ensemble des institutions publiques, des acteurs privés et de la population elle-même (la coproduction de sécurité), par la séparation et l'individualisation des modes de vie, la propagande et la publicité (diffuser l'esprit de sécurité).

Depuis la fin des années 1990, un nouvel impérialisme se traduit aussi dans le développement des mégalopoles. Celles-ci cherchent à soumettre et/ou détruire les territoires qui entravent leur extension. La présence continue d'une police particulièrement agressive provoque immanquablement des affrontements qui permettent de justifier la « rénovation urbaine ». Ce phénomène se développe durant les années 2000. Selon une étude sur les révoltes de 2005, 66% des communes urbaines dont certains quartiers sont classés en « zone urbaine sensible » ont connu des soulèvements tandis que ce « taux d'émeutes » est monté à plus de 85% dans celles qui appartiennent à la première vague de conventions signées avec l'Agence Nationale de la Rénovation Urbaine [7]. Une autre enquête rapporte que les municipalités qui reçoivent le plus d'argent de cette ANRU sont celles qui détruisent le plus de cités [8]. Autrement dit, la rénovation urbaine multiplie les révoltes et promeut les destructions. Ces chantiers de démolition/reconstruction fournissent des marchés aux géants du bâtiment et libèrent de l'espace pour l'avancée de la très grande ville bourgeoise et de ses dépendances petite-bourgeoises [9]. Quadriller des cités avec des unités de maintien de l'ordre et les attaquer avec des unités d'intervention devient ainsi un autre moyen de préparer l'extension des nouvelles mégalopoles impérialistes (Grand Paris, Grand Lyon, Grand Toulouse...) Les quartiers et les classes populaires qui gênent le développement de ces villes sont étiquetés « criminogènes » et deviennent alors des terrains de chasse et de défoulement policier. Les cités de Villiers-le-Bel sont sur cette longue liste.

Une contre-insurrection médiatico-policière

Le 25 novembre 2007, Moushin Sehhouli, 15 ans, et Lakhamy Samoura, 16 ans, sont tués à Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise. Leur moto a été percutée par une voiture de police.

Les habitants des quartiers désignés par l'État comme des « zones criminogènes » sont habitués aux chasses policières. Peu de gens imaginent alors que les deux adolescents se seraient jetés d'eux-mêmes, sans casques, sous les roues des forces de l'ordre. C'est pourtant la version de la police et des médias dominants. Selon plusieurs récits récupérés sur les blogs d'habitants de Villiers-le-Bel, le véhicule de police se serait plutôt mis en travers de la moto pour stopper sa course. Cette pratique n'a rien d'inhabituel. Le fait de percuter un deux-roues pour pouvoir capturer son conducteur porte même un nom, le parechocage. C'est une technique à létalité très aléatoire qui a progressivement été intégrée au répertoire des pratiques réelles de la police des quartiers populaires [10].

Les chasses policières sont en effet très ritualisées et les habitants en connaissent rigoureusement les mécanismes. À pied ou en voiture, les fonctionnaires qui pénètrent dans le quartier viennent pour « faire une affaire », c'est-à-dire capturer quelqu'un pour l'amener au commissariat. La « mise à disposition » (MAD) de l'interpellé auprès de la Justice vaut un bâton, un point dans la notation du commissariat, une gratification pour l'agent. Le fait de faire du zèle à ce niveau porte aussi un nom, la « bâtonnite ». Il suffit pour obtenir ce « bon point » de pénétrer en « zone criminogène » et, selon le « flair » du policier, de désigner un « suspect » du regard ou verbalement. Le fait d'interpeller à répétition ou d'insulter suffit généralement pour obtenir un geste ou une parole de la personne contrôlée qui permet de l'embarquer pour « outrage et rébellion ». Il arrive aussi régulièrement que cette peine serve à couvrir la violence policière sans reposer sur aucune réalité. Elle est soutenue par l'assermentation du fonctionnaire et il est ensuite quasiment impossible de démontrer que l'on a été victime d'un enlèvement policier. Les agents qui s'engagent dans les « interventions en zone sensible » sont des policiers volontaires et particulièrement motivés par l'idée d'être le dernier rempart face aux barbares. Ils rejoignent des unités d'intervention féroces, qui circulent en bandes, parfois masquées, employant des indics, la brutalité, la tromperie et l'intimidation. « En se déplaçant par petits groupes, très mobiles, exactement comme les auteurs de violence » explique Eric Le Douaron, directeur central de la sécurité publique (DCSP). Ces polices commando harcèlent et insultent, emploient des propos racistes et sexistes, provoquent, font du chantage, menacent et brutalisent... Chargées de faire du flagrant-délit, elles ont tendance à laisser faire, voire à pousser, le passage à l'acte pour mieux s'en saisir. Nombreux sont les habitants qui les fuient pour éviter même leurs vexations quotidiennes. Mais celui qui s'échappe est automatiquement pris en chasse, et s'il est attrapé, se voit souvent passé à tabac. En moyenne depuis 30 ans, près d'une dizaine de personnes meurent par an en France, en croisant la police dans un quartier populaire. Des milliers de personnes sont « enlevées » par des fonctionnaires carriéristes, frustrés, apeurés ou fascinés qui les font disparaître selon leur bon vouloir, pour quelques heures ou quelques jours de GAV, quelques mois ou quelques années de prison. Parfois à tout jamais. La police des quartiers populaires est structurée sur le mode de la domination virile, la pacification des cités reproduisant les archétypes de la soumission des corps féminins dans l'imaginaire patriarcal. La conquête coloniale avait été soutenue par une idéologie de la pénétration du territoire vierge, de sa prise par la force pour l'ensemencer. La colonie, la plantation et la cité sont conçues comme des territoires féminins et infirmes pour mieux justifier leur soumission et leur domestication [11].

À Villiers-le-Bel, selon plusieurs récits, les policiers ont vaguement tenté un massage cardiaque, puis, à mesure que des groupes de passants en colère approchaient, ils se seraient enfuis. Une opération médiatico-policière de dernier cri a été automatiquement déployée, en prévision de l'émeute. Alors que la couverture médiatique soutient, de manière assez classique, la thèse de la mort accidentelle et criminalise les deux adolescents tués, ce sont des nouveaux dispositifs policiers, élaborés après les batailles de l'automne 2005, qui sont mis en oeuvre dans et autour de Villiers-le-Bel. Comme souvent, c'est le déploiement policier et la chape de contre-vérités médiatiques qui étouffent la douleur des habitants et motivent les passages à l'acte.

Pendant quelques jours, des forces de maintien de l'ordre ont bouclé et tenté de paralyser plusieurs quartiers de la ville puis des environs avec des forces de maintien de l'ordre (CRS, Gendarmerie mobile). Des unités d'intervention (BAC notamment) ont été envoyées pour pénétrer les zones clôturées, pour y traquer et capturer des « suspects ». Une véritable combinaison d'étranglement et de provocation, de « coup de poing » et de « coup de filet ». Des techniques, des matériels et des troupes ont été testés contre les quartiers populaires de Villiers-le-Bel. Notamment la combinaison d'unités spécialisées et classiques, policières et militaires, antibandes, antiémeutes et antiterroristes (BAC, RAID, GIGN...). Un lieutenant d'une compagnie de sécurisation – une « force d'intervention rapide » à l'intérieur – est un ancien militaire, formé au contrôle des foules au Kosovo. Sa fonction à Villiers-le-Bel symbolise bien la manière dont les techniques de guerre coloniale peuvent revenir influencer la police des pauvres en société impérialiste.

Sur un principe comparable au DPU de la bataille d'Alger, Villiers-le-Bel a subi une tactique de pacification militaro-policière basée sur des formes de quadrillage et d'action commando de basse intensité. Les cités de la ville ont été soumises au principe de la punition collective, un principe directement hérité du droit colonial et qui a structuré toute la répression jusque dans sa partie judiciaire. Elles ont été recouvertes sous des nuages de gaz lacrymogènes, transpercées par des tirs de Flash-Balls et les viseurs infra-rouge de troupes d'élites héliportées, balayées pendant plusieurs nuits par les projecteurs et le vacarme des hélicoptères.

Deux ans, presque jour pour jour, après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, la révolte de Villiers-le-Bel est restée localisée et n'a duré que quelques jours mais son intensité a frappé les esprits aussi fort que les nuits de l'automne 2005. Elle a pris des formes imprévues. Des habitants de plusieurs quartiers de Villiers-le-Bel et des environs (Goussainville, Sarcelles, Cergy, Garges-lès-Gonnesse) ont saboté la mécanique policière. Ils ont déstabilisé l'appareil répressif et de nouvelles fissures sont apparues. Les « experts des violences urbaines » dénoncent à la fois l'« organisation des émeutiers » et leur « sauvagerie ».

C'est pourtant bien le degré d'oppression, le mensonge médiatico-politique et la profondeur des inégalités qui ont déterminé l'auto-défense collective puis la contre-attaque. Le commissaire Jean-François Illy, dépêché sur place peu après le drame a été roué de coups par des passants. Plusieurs centaines de personnes ont affronté, avec de simples pierres, des boulons ou des cocktails Molotov, les compagnies de maintien de l'ordre de la 5e puissance mondiale. Il est difficile de saisir sans l'avoir vécu, la manière dont ceux qui ne prennent pas la rue peuvent soutenir la révolte. Cela passe parfois par le simple fait de ne pas collaborer avec la police, de ne pas empêcher ceux qui le veulent de sortir, d'ouvrir sa porte pour abriter une personne poursuivie, de jeter des projectiles par les fenêtres, de filmer, d'interpeller les uniformes, de repérer leurs manoeuvres et d'alerter ceux qui sont en bas.

Dans la rue, malgré les dimensions du dispositif, des groupes mobiles de quelques individus ont mis en fuite des unités professionnelles et ont incendié leurs véhicules. Des commerces et des établissements publics ont été dévastés, dont une école, les impôts et une antenne de police. Selon les déclarations des journalistes, des politiciens ou des policiers, sur 650 policiers déployés chaque journée, le nombre de blessés a navigué entre une soixantaine et près de 120, c'est-à-dire du simple au double. Cinq auraient été « gravement » blessés mais près d'une soixantaine auraient été touchés par « armes à feu ». Ces incohérences trahissent une stratégie politique de criminalisation qui ne s'inquiète pas de vraisemblance. Les commentateurs ont généralement omis de signaler que les armes employées étaient des carabines à plombs et des chevrotines, rien à voir avec des « armes de guerre ». Ils ont masqué le fait que depuis le milieu des années 1990, il arrive régulièrement que la colère pousse des révoltés à tirer sur la police et que des parpaings, bien plus dangereux qu'un grenaille, dévalent sur les voitures de police. Aucun rapport officiel n'a fait mention des dizaines d'habitants blessés, gazés, frappés, ou choqués par des « armes à létalité réduite », l'occupation policière et le harcèlement médiatique, simplement parce qu'ils ont eu le malheur de vivre dans une des réserves où la police chasse. Mais la répression est rentrée bredouille et blessée, certains de ces éléments humiliés et ivres de vengeance.

Il faut sacrifier des boucs émissaires

Le 29 novembre 2007, le chef de l'État annonçait à ses troupes le commencement d'une deuxième phase : « Mettez les moyens que vous voulez, ça ne peut pas rester impuni, c'est une priorité absolue. » Pour soigner et consoler ses agents, il doit se saisir de « coupables ». Leur « exécution juridique » devra dissuader les prochaines révoltes. Malgré l'emploi de caméras, la recherche d'ADN sur les canettes de bière ou en récoltant les crachats de la rue, aucune preuve n'avait permis d'engager des arrestations. Pour pouvoir les justifier, une campagne de délation rémunérée est organisée selon les anciennes méthodes d'action psychologique issues des pacifications coloniales. Des milliers de tracts incitant à dénoncer des « tireurs » et des « leadeurs » sont distribués dans les immeubles. L'assurance de l'anonymat et plusieurs milliers d'euros de rémunération sont promis aux délateurs. Les poubelles de certains immeubles se sont remplies de ces tracts. Mais, alors qu'il est particulièrement improbable de distinguer des individus cagoulés, de nuit et sous un déluge de gaz, certains « voisins », attirés par la perspective de rémunérations ou quelque désir de vengeance ont transmis les noms de coupables de convenance. Ils n'ont officiellement jamais été payés et une liste d'une quarantaine de boucs émissaires a finalement été adoptée.

Parallèlement, d'autres dispositifs visant à dissocier les habitants ont été mis en oeuvre. Des « représentants des jeunes » ont rapidement été désignés par le ministère de l'Intérieur et mis en scène par quelques grands médias. Un rappeur « citoyen » a été reçu à l'Élysée et des « jeunes bien intégrés » ont été propulsés par les médias et les partis politiques. Décrits comme le « bon grain » à bien dissocier de l'ivraie, ces personnages qui appelaient au « retour au calme » ont été mis en scène en opposition avec le « reste des voyous et des tueurs ». Mais nombreux parmi les habitants les ont désignés comme des « Khoubzistes » [12], ceux qu'on achète pour une bouchée de pain. Malcom X employait la notion de « nègres domestiques ». Eric, un habitant de Villiers-le-Bel, membre du comité de soutien aux inculpés, résumait la position du collectif à ce sujet : « Pour nous c'est clair : Fuck les partis politiques ! Droite ou gauche, c'est la même salade, on va pas s'allier avec des gens qui travaillent contre nous. Nous, on avance avec le peuple, avec les gens, c'est comme ça qu'on a toujours été. On n'a jamais eu besoin d'eux. Et puis ils auraient du mal avec nous, parce qu'on est quasiment ingérables ! »

Pendant les trois mois qui suivirent, une seconde opération de grande ampleur a été préparée pour interpeller ceux qui ont été sélectionnés. L'opération est déclenchée le 18 février 2008. Pendant quelques jours, plus de mille policiers du RAID, de l'Office central de répression du banditisme (OCRB), de la PJ de Versailles et d'Ile-de-France, couverts par de nombreux médias embarqués, ont ratissé les quartiers à la manière de battues, afin d'empêcher toute circulation, pour frapper les esprits et saturer les rues pendant les perquisitions. En deux « vagues », à six heures du matin, la Police Judiciaire, protégée de CRS et de membres du Raid, a ainsi pu boucler une dizaine d'immeubles à Villiers-le-Bel, monter et emporter plusieurs dizaines de personnes sélectionnées par les policiers dans la région et jusqu'en Seine-Saint-Denis. Cette « très belle opération » selon les mots de la ministre de l'Intérieur Michelle Alliot-Marie [13], a été organisée sur le principe des rafles antiterroristes, ces autres manières de faire disparaître un groupe qui se banalisent depuis les chasses aux islamistes des années 1990. « J'espère que les habitants comprendront que nous sommes là pour restaurer l'ordre et la paix » avait pris le temps de préciser Marie-Thérèse de Givry, la procureure de Pontoise. Qu Xing, numéro deux de l'ambassade chinoise à Paris, comparait la répression de Villiers-le-Bel et celle menée au Tibet, en raillant un journaliste : « Est-ce que vous laisseriez une mission des Nations unies pour voir ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel » ? [14] Jean-Marie Le Pen souligna pour sa part que cette opération lui rappelait celle d'un « bataillon » en Indochine, lorsqu'il était lieutenant dans la Légion étrangère [15].

Expérimentation, démonstration et commerce des techniques de provocation/répression

Villiers-le-Bel est alors sélectionné comme terrain d'entraînement pour tester et développer de nouveaux dispositifs d'occupation, les Unités territoriales de quartier (Uteq) qui auront en charge de quadriller la circulation et la vie sociale sur la « place publique » des « Zones urbaines sensibles » et de faciliter la délation anonyme. « Nous n'allons pas faire de l'îlotage pacifique » assure Valérie Moulin, commissaire responsable de l'unité. Les Uteq doivent assurer le « renseignement opérationnel », favoriser le signalement de délits. « C'est sûr qu'on va déranger, mais c'est le but : l'Uteq est une police offensive » ajoute-t-elle. « L'objectif est de rentrer gentiment dans les quartiers, accompagnés par des renforts, mais juste au cas où. [16] » Ces unités auront la charge de maintenir la pression jusqu'aux procès.

Elles mêlent les principes du quadrillage et de la pénétration, sorte de fusion entre le groupe mobile de harcèlement type BAC et le groupe de maintien de l'ordre type CRS. Maka Kanté raconte : « ils sont là, ils peuvent passer à six ou sept, armés jusqu'aux dents, ils marchent dans la ville, en faisant les cowboys. Ils arrivent, nous on est assis en train de discuter de tout et de rien, on tue le temps. Tu vois huit policiers qui passent et les huit vont s'arrêter en face de nous, j'comprends pas. On m'a souvent parlé des UTEQ, mais quand je suis sorti et quand j'ai vu ça, ça m'a étonné. Les gens du quartier y m'ont dit, les huit ils bloquent tout le périmètre. Ils sont là à marcher comme des cow-boys, à regarder à droite à gauche. Pourquoi ? La question que je veux leur poser, c'est pourquoi. Ils sont là alors qu'il ne se passe rien de particulier. [17] »

Au cours d'une discussion, un après-midi de juin 2009 à Villiers-le-Bel, T. expliquait à propos des Uteq : « Ici c'est pas l'Irak, en Irak c'est la guerre, ici c'est comme en 1941, c'est l'occupation. » Maka Kanté, lui, fait référence à l'apartheid [18].

Testées à Villiers, les Uteq ont par la suite été étendues à d'autres « zones criminogènes », à Grenoble notamment, où elles déploient le même système de contention et où une révolte puissante a suivi le meurtre de Karim Boudouda, tué d'une balle de la BAC en pleine tête en juillet 2010. Depuis janvier 2011, des Brigades Spécialisées de Terrain remplacent les Uteq. Elles sont organisées sur le même principe.

Terrains de chasse et terrains d'entraînement de la police, les quartiers populaires sont aussi considérés par l'État comme des laboratoires et des vitrines pour les marchés internationaux de la répression (conseil, audit, techniques, doctrines et matériels). De nombreuses révoltes de quartiers passent largement inaperçues lorsqu'elles ne sont pas médiatisées [19]. Les experts antiémeutes s'intéressent d'ailleurs particulièrement aux moyens de bien contrôler des médias qu'ils considèrent, lorsqu'ils ne reproduisent pas exactement les versions officielles, comme des « propagateurs d'émeutes ». En revanche, les opérations médiatico-policières comme celles qui ont été menées à Villiers-le-Bel servent de vitrines internationales pour marteler le concept publicitaire d'« excellence française dans le domaine du maintien de l'ordre ». Celui-ci permet de faire fonctionner des réseaux de « coopération technique » auprès des ministères de l'Intérieur étrangers partout autour de la planète. Ces réseaux vendent du conseil, des techniques, des doctrines, des matériels et des interventions dans le domaine de l'antiterrorisme, de l'antibande et de l'antiémeute. En France, c'est un « service public » qui s'en occupe, le Service de Coopération Technique International de Police (SCTIP), renommé Direction de la Coopération Internationale (DCI) en septembre 2010. Implanté dans une centaine de pays « alliés » et en couvrant plus de 150, le SCTIP a été créé en 1961 par le général-président de Gaulle pour former les polices des néo-colonies et s'assurer qu'elle dépendront bien de la France à l'égard de leurs techniques et de leurs matériels de répression. Il organise, pour le compte des industries françaises publiques et privées, un vaste marché international. Grâce à l'implantation d' « assistants de sécurité intérieure » dans les ambassades françaises, il est possible de récupérer du renseignement et d'influencer, mais aussi de promouvoir l' « excellence répressive française » et de favoriser l'achat de formations et de matériels par les ministères de l'Intérieur et les grandes entreprises des pays « alliés ».

De grandes firmes implantées en France se gavent de ces marchés, elles sont souvent représentées par des députés au parlement et de hauts fonctionnaires dans les grands corps d'État (les Ingénieurs de l'armement en particulier) où se négocient les budgets publics. Les nouveaux marchés identifiés à Villiers-le-Bel ont été distribués en quelques semaines : drones, boucliers, lunettes de visées, lanceurs 40 (super Flash-Balls), Tasers (pistolets électriques), caméras embarquées ou personnelles, hélicoptères spécialisés et véhicules de pénétration, grenades de désencerclement. « On arrive à l'équipement militaire » remarquait judicieusement Philippe Capon, responsable du secteur CRS à l'UNSA-Police. [20]

Ces matériels sont vendus à l'international, souvent liés à des packs techniques. Il s'agit donc de faire la promotion d'une méthode pour marchander les outils, la formation et l'entretien. Devant des responsables policiers des pays européens, l'état major de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) présentait ainsi en octobre 2008 son « nouveau modèle de maintien de l'ordre dans les quartiers difficiles », élaboré dans la continuité de la bataille de Villiers-le-Bel. En première ligne seront désormais disposés des escadrons de CRS, de gendarmerie mobile et des compagnies de sécurisation. [21] Les effectifs en civil doivent être multipliés pour atteindre un tiers des personnels engagés. Ils seront principalement affectés aux BAC pour procéder aux interpellations. « Au cours du colloque, de nombreux responsables policiers européens ont salué le haut niveau de performance française en matière de maintien de l'ordre » expliquent les journalistes qui couvrent « la banlieue » pour Le Monde [22].

La contre-insurrection et l'ordre sécuritaire sont des machineries violentes qui alimentent leur propre extension en propageant les conditions de la révolte. Elle ne sont pas capables de soumettre complètement un « milieu de population », elles ont plutôt tendance à enliser les dimensions du conflit et à étendre les champs de bataille. Elles ont cet intérêt particulier de générer les vastes marchés publics et privés de la guerre de basse intensité, dans le temps et dans l'espace.

Les points de rupture de la machinerie sécuritaire

Les signes se sont multipliés qui montraient des risques de dissociation dans la police. « On se sert d'une opération de police à des fins politiques » se permettait un secrétaire de l'UNSA-Police après la rafle de février 2008. Le responsable du syndicat Alliance Police Nationale déclarait à son tour dans le Figaro du 15 mars 2009 : « La violence monte crescendo depuis les événements de Villiers-le-Bel et les événements d'outre-mer. On n'hésite pas à tirer sur des policiers. Si on ne sanctionne pas plus durement les agresseurs de nos collègues, nous allons à la catastrophe et on ne s'en sortira pas. »

L'institution judiciaire remplit une fonction décisive dans la distribution de la violence d'État. Elle délivre l'impunité à la brutalité policière et trie, parmi les capturés, ceux qui échapperont à la punition et à l'enfermement. La manière dont des officiers ont pris position publiquement face à la Justice et au gouvernement est un signe évident que des contradictions se renforcent dans les polices de combat et que ce phénomène est clairement lié au développement de l'ordre sécuritaire et de sa grammaire contre-insurrectionnelle. Tout au long de la procédure judiciaire, des affrontements se sont renouvelés entre ces nouvelles unités d'occupation des quartiers et ceux qui ont décidé de ne pas subir le harcèlement quotidien. La volonté de maintenir la pression sur le temps long avec des troupes offensives a exacerbé la férocité des policiers.

Au printemps 2009, juste avant le procès des « caillasseurs », ils se sont livrés à une série de provocations : des tirs aux fenêtres de grenades lacrymogènes jusque dans des appartements ; en mai une unité de CRS a déchargé ses Flash-Balls sur la place du quartier et crevé l'oeil de deux habitants. Des dizaines de douilles ont été récoltées le lendemain par les habitants. « Villiers-le-Bel, c'est plus possible, la police est postée à tous les ronds-points, à partir d'une certaine heure, ce n'est plus la peine de rouler. Ils t'arrêtent à chaque coin de rue, l'occupation policière de Villiers-le-Bel est un fait que personne ne peut nier, elle est là » raconte Maka Kanté.

Ces provocations ont été mêlées, quelques semaines avant le premier procès, à une surenchère dans la criminalisation médiatique. Des peines très lourdes ont été rendues. Un à trois ans fermes pour avoir jeté des pierres contre des unités sur-armées et sur-protégées, dont les collègues avaient tué quelques heures plus tôt deux adolescents.

Le second procès se déroule aux assises pour « tentative de meurtre en bande organisée sur des fonctionnaires de police ». Alors que les inculpés encourent la perpétuité, une ordonnance de non-lieu est rendue pour les policiers impliqués dans la mort de Moushin et Lakhamy.

Vécue comme une nouvelle provocation par les familles des victimes, cette décision doit apaiser les policiers. Elle révèle cependant un peu plus la nécessité pour l'État de venger ses agents humiliés. Dans l'appareil répressif et les médias dominants, des franges se sont radicalisées et d'autres s'interrogent alors sur les manières dont l'État tente de s'assurer le monopole de la violence.

La qualité de la couverture médiatique a suscité de nombreuses critiques dans la police car certains médias pourtant bien domestiqués ont cherché à nuancer le montage. Sans pourtant mettre en doute la grille de lecture policière qu'ils reconduisaient consciencieusement, certains journalistes ont tenté de vacciner leurs récits en reconnaissant l'existence d'une brutalité policière qu'ils situaient pourtant à la marge. Il leur fallait notamment répondre à de nombreuses prises de position de personnalités publiques ou d'anonymes, de chercheurs et de comités de soutien se déclarant solidaires des inculpés et des révoltes des quartiers populaires ; des solidarités qui se sont multipliées tout au long de la bataille et qui se sont mobilisées énergiquement autour du deuxième procès. Ces dégradations de la couverture médiatique ont dévoilé un peu plus la mécanique du montage. L'idée qu'on sacrifiait des résistants s'est répandue. Dans la police et les médias, un sentiment de trahison s'est mêlé au désir de vengeance.

De nouveaux montages médiatiques ont alors été organisés pour atténuer les risques de rupture dans les rangs de la répression. Sur la chaîne de télévision ARTE par exemple, une dizaine de jours avant le début du second procès, une soirée entière a été consacrée aux malheurs des forces de l'ordre, déconsidérées et mal-traitées. [23] La parole est donnée à la fraction de la police qui critique l'État parce que ce dernier lui demande d'éviter de tuer. L'émission s'attarde sur la bataille de Villiers-le-Bel pour dénoncer « la violence barbare de certains habitants » des quartiers populaires. Elle aborde longuement la radicalisation d'un groupe de policiers, tournant le dos au chef de l'État durant l'enterrement d'un des leurs, mort en service quelques semaines plus tôt. Les signes annonçant les débordements s'accumulent. Un policier y admet que certains de ses collègues ont commencé à se faire justice eux-mêmes depuis les émeutes de 2005.

Durant le mois précédent le procès pour « tentative de meurtre », le comité « Justice et vérité pour Villiers-le-Bel » organisa une tournée de solidarité dans quelques grandes villes françaises. Il s'agissait de porter la parole des habitants en contournant la médiatisation policière puis de récolter de l'argent pour soutenir les inculpés. Cette initiative a été automatiquement dénoncée par des fractions de policiers et de journalistes exaltés. Dans Le Figaro et sur des sites d'extrême droite, on accusait l'État de tolérer des « tueurs de flics ». La section rouennaise du syndicat Unité SGP police FO interpella la hiérarchie préfectorale et la mairie de Rouen par voie de presse. « Ce comité appelle clairement à casser du flic, cela n'est pas tolérable dans un État de droit. [...] Nous avons écrit à Mme le maire de Rouen et à M. le préfet pour les alerter. Il est clair que certains troubles à l'ordre peuvent exister avec la tenue de tels événements. C'est à eux de prendre leur responsabilité. L'État est censé protéger les fonctionnaires de police » [24]. Le syndicat avait aussi créé un groupe sur Facebook où se déversaient les commentaires d'injures et les menaces de représailles policières. Il avait même menacé qu'une manifestation de policiers se déroule aux abords de la salle durant le concert de soutien.

Le procès aux assises commence le 21 juin 2010 au Tribunal de Pontoise. Le chef de l'État précise clairement la scénographie : « Les policiers ont fait face à des voyous armés qui, s'ils ont tiré, avaient l'intention de blesser ou de tuer ».

Mais l'élan de solidarité avec les inculpés a poussé certains journalistes à mettre en question plusieurs aspects du procès : le choix d'une petite salle d'audience et la réservation d'un très grand nombre de places aux policiers, le déploiement des forces de l'ordre autour du Palais de justice, le système de délation rémunérée, la non-comparution des témoins anonymes, le traitement injurieux de la défense par les magistrats, le non-respect de la présomption d'innocence... Organisé comme un lynchage, le second procès va pourtant révéler les fractures qui traversent l'ordre sécuritaire. Le mercredi 23 juin, le chef de l'État retournait discrètement – sans caméra et sans s'annoncer – dans la cité des 4000 à La Courneuve qu'il disait vouloir nettoyer au karcher en 2005. Excité par la soumission des territoires pauvres, il est venu contempler la destruction d'une barre HLM. Comme souvent lors de ses déplacement publics, il est insulté par un passant. L'individu est mis au sol et blessé par le service d'ordre du président. Le seul journaliste présent sur les lieux, « par hasard » raconte-t-il, est frappé pour l'empêcher de filmer la scène. Le récit officiel du déplacement présidentiel sera rédigé par l'Élysée et directement transmis aux agences de presse [25]. France Télévision annonce qu'elle pense porter plainte. C'est un nouveau risque de rupture, sur la gauche cette fois et dans l'appareil médiatique, où enfle la critique contre les démarches présidentielles visant à domestiquer la moindre résistance journalistique. Mais le Prince amadoue ses porte-voix et les courroies de transmission ne cèdent pas.

D'autres événements vont multiplier les contradictions : la comparution de témoins de l'accusation trop peu crédibles, les invraisemblances dans les récits des agents de police, l'inexistence de preuves formelles en particulier, l'aveu de déclarations mensongères ou la mise en cause de l'interrogatoire par plusieurs « témoins » fournis par la police. Mathieu Bozor, par exemple (j'ai assisté physiquement à la scène) finit par avouer devant le juge, le jury et toute la salle, que l'Officier de Police Judiciaire qui l'a auditionné et vient de parler avant lui, a menti. Que pendant plusieurs jours, alors qu'il était inculpé pour jets de pierre, cet OPJ l'a menacé de le faire passer aux assises pour « tentative de meurtre » s'il ne coopérait pas. Expliquant qu'il avait une famille et qu'il ne voulait pas retourner en prison, il avait fini, épuisé, par accepter de dénoncer n'importe qui, c'est-à-dire ceux que les policiers avaient présélectionnés et lui demandaient de reconnaître.

Comme si ces mots n'avaient pas été prononcés, malgré l'évidence de l'arbitraire, la juge acheva le procès en saluant le travail et le mérite des policiers. Les inculpés écopèrent de peines de prisons allant de 3 à 15 ans fermes. Leurs corps ont été enfermés pour étouffer les révoltes. C'est un message fort en direction de la police qui signifie que le souverain est prêt à payer cher la domesticité de ses milices. Mais la hoggra laisse des traces [26].

En octobre 2011, un procès en appel aura lieu au Tribunal de Nanterre. La justice bourgeoise devra décider si elle veut continuer à faire semblant d'être équitable ou si elle assume désormais sa fonction d'écrasement. Associons nos voix et nos forces pour obtenir la libération de tous les prisonniers.

Un édit du roi de France, transmis aux administrateurs de Guyane en 1776, résume bien le problème qui occupe l'État moderne, de Cayenne à Villiers-le-Bel : « Il serait d'ailleurs dangereux de donner aux nègres le spectacle d'un maître puni pour des violences commises contre son esclave. »

Maintenant il faut s'organiser

L'État impérialiste n'a jamais assez de légitimité pour se passer de chiens de garde nombreux, féroces et impitoyables. Ces polices de choc sont responsables de la plupart des violences mises en accusation lors des révoltes des quartiers populaires. Elles s'imposent comme le principal rempart de l'État face à des mutineries qu'elles génèrent elles-mêmes. Elles le tiennent en quelque sorte en joug. Il apparaît qu'à force d'emploi, elles se radicalisent et entrent en opposition avec leur hiérarchie et le sommet de l'État. Elles s'autonomisent. Les unités offensives de l'ordre sécuritaire sont aussi l'un de ses points faibles. Pour les garder bien groupées autour de lui, il doit régulièrement leur sacrifier des insurgés, assouvir leur désir de vengeance. Casamayor, un juge perturbateur, habitué à observer de près la police, a conçu une hypothèse forte à ce sujet [27]. Il pense que le bloc de pouvoir a intérêt à laisser proliférer les pratiques brutales des policiers ainsi que la haine et les injures à leur égard pour mieux les tenir groupés autour de lui, pour s'assurer qu'ils ne penseront jamais à le trahir, à rompre les rangs pour rejoindre le peuple.

La campagne sécuritaire contre les quartiers et les classes populaires renforce les contradictions à l'intérieur des appareils répressifs. La bataille de Villiers-le-Bel montre la nécessité de plus en plus forte pour l'État impérialiste de sacrifier des insoumis. Il lui faut à tout prix éviter « la crosse en l'air » et « le canon retourné ».

Les gardiens de l'ordre devraient se méfier de la manière dont leurs chefs les manipulent, car la répression ne fait que ralentir le processus de soulèvement des quartiers populaires., tandis que l'oppression l'alimente. Ceux qui ne veulent pas rejoindre les luttes pour l'émancipation, doivent donc se préparer à tirer sur le peuple ou à se faire tirer dessus.

Il y a exactement cinquante ans, alors qu'il expérimentait la contre-insurrection en métropole, le 17 octobre 1961, l'État sacrifiait à la police une manifestation pacifique de 20 000 colonisés. Plus de 200 parmi eux ont été assassinés cette nuit-là par des fonctionnaires assermentés et jamais punis. À peu près autant de personnes, généralement des descendants de la colonisation, ont été tuées par d'autres policiers dans les quartiers populaires depuis l'émergence du système sécuritaire au début des années 1970.
C'est un autre massacre, à petit feu.

Il faut opposer à ce carnage un front uni contre la violence d'État. Dans les années 1960, les militants révolutionnaires du Black Panther Party ont ouvert des voies dans les ghettos des États-Unis. Ils ont formé des groupes pour surveiller la police et s'opposer à leurs agressions. Conscients que la police protégeait les privilèges des riches et des blancs, ils avaient commencé à créer des formes d'auto-organisation : petits déjeuners gratuits pour les enfants à l'entrée des écoles, une presse autonome, des caisses de solidarité, des librairies et des centres d'éducation populaire. Ils ont essayé de s'organiser entre oppriméEs pour abolir la domination raciste, sexiste et capitaliste.

Leurs chefs ont été tués par la contre-insurrection mais pas leurs idées.

Ce qui effraie l'État à Villiers-le-Bel comme dans d'autres révoltes, c'est qu'il n'y ait pas de chefs. Il lui faut en fabriquer pour mieux les faire tomber. Aux États-Unis, un ancien membre du Black Panther Party et de la Black Liberation Army symbolise la continuité et l'évolution des combats pour l'émancipation des ghettos. Ashanti Alston appelle toutes et tous les opprimés à s'unir et s'auto-organiser, désormais au-delà de la couleur de peau, par et pour l'égalité et l'autogestion. Les hiérarchies nous divisent et sont injustes, nous n'en avons pas besoin pour nous organiser, mais certaines lignes tracées par les révolutionnaires du Black Panther Party devraient continuer de nous éclairer.

Face la répression, ils criaient d'une seule voix : « Tout le pouvoir au peuple ! ».

Depuis le début des années 2000, des comités anti-répression réapparaissent en France, aux États-Unis, au Canada, en Grèce... Réunis autour de l'idée que l'ordre sécuritaire impose de se doter d'outils d'auto-défense permanents, ils font de la formation politique et juridique, montent des caisses de solidarité pour soutenir les inculpés et payer les avocats, ils inventent des médias alternatifs pour contourner la presse dominante et porter la voix des victimes, ils essaient de s'opposer à la violence policière en la rendant visible (« cop-watching »), en la dénonçant publiquement (tracts, sites internet, manifestations).
Depuis l'automne 2010, un « appel de Poitiers », émis par plusieurs de ces comités (Toulouse, Bordeaux, Périgueux, Saint-Nazaire, Tours, Blois, Poitiers et Paris) invite à coordonner et à fédérer les forces qui luttent contre la répression, les violences racistes et sécuritaires en France . Au printemps 2011, de Grasse, le comité Vérité et Justice pour Hakim Ajimi (tué en 2008 par la BAC) a émis un autre appel. Avec les comités Vérité et Justice pour Lamine Dieng, Mamadou Marega, Abou Bakari Tandia, Ali Ziri et Ümüt, ils répondent à « Poitiers » et appellent à constituer « une assemblée de coordination nationale réunissant les proches de victimes et les militant-e-s de base travaillant contre les violences d'État » . Elle devait se tenir en octobre 2011, au moment du dernier procès de Villiers-le-Bel.

Mathieu Rigouste


[1] J'ai vécu 25 ans à Gennevilliers, banlieue populaire de Paris où quel­ques cités servent de terrains de chasse à la police. J'y ai vu l'oppression quotidienne, la misère et la ségrégation. J'y ai aussi appris l'entraide, la solidarité et l'espoir. Depuis dix ans j'enquête sur les méthodes de répres­sion et le développement du système sécuritaire, je recueille aussi la pa­role de ceux qui s'y affrontent. J'ai vu les Uteq à Villiers-le-Bel quelques après-midi de juin 2009, j'y ai écouté ce qu'on voulait bien me raconter de la bataille, j'ai assisté au procès exactement un an plus tard et recueilli toutes les sources qui pouvaient permettre de décortiquer la mécanique qui s'est abattue sur celles et ceux de Villiers-le-Bel.

[2] « Slangin' Rocks, Palestinian Style », in Jill Nelson, Police Brutality. An Anthology, Norton, NY, 2000, p.49.
Robin D. G. Kelley est professeur d'histoire dans plusieurs universités des États-Unis. Il est le premier Africain-Américain à avoir obtenu, en 2010 la chaire d'histoire américaine à l'Université d'Oxford. Il s'est lui-même décrit comme un « Marxiste surréaliste féministe qui n'est pas juste contre quelque chose mais pour l'émancipation, pour la libération ».

[3] David Harvey, Le nouvel impérialisme, Les Prairies ordinaires, 2010.

[4] Hannah Arendt, L'impérialisme, Les origines du totalitarisme, tome 2, (1951) Seuil, 1982.

[5] Patrick Bruneteaux, Maintenir l'ordre, Les transformations de la vio­lence d'État en régime démocratique, Presses de Sciences Po, 1996.

[6] Sur la continuation des programmes de contre-insurrection issus des années 1960 (CointelPro) dans le Patriot Act des années 2000, voir les écrits d'Ashanti Alston, historien, ancien membre du Black Panther Party et de la Black Liberation Army et notamment le zine qu'il publie, Anarchist Panther.

[7] Hugues Lagrange, « La structure et l'accident », in Hugues Lagrange, Marc Oberti, Emeutes urbaines et protestation, une singularité française, Presses de Sciences Po, 2006.

[8] Hacène Belmessous, Opération Banlieues. Comment l'État prépare la guerre dans les banlieues, La Découverte, 2010.

[9] Voir Jean-Pierre Garnier, Une violence éminemment contemporaine. Essais sur la ville, la petite-bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires, Agone, mars 2010.

[10] Quelques mois plus tard, en septembre 2008, à Romans-sur-Isère dans le sud de la France, un jeune homme de 15 ans meurt, percuté, par une voiture de la BAC. Celle-ci était lancée à sa poursuite « pare-choc contre pare-choc » racontent les témoins. Une centaine de personnes a attaqué le commissariat et tenté d'y pénétrer.

[11] Elsa Dorlin, La matrice de la race. Généalogie coloniale et sexuelle de la nation française, La Découverte, 2006.

[12] « Khoubz » désigne le pain en arabe dialectal

[13] AFP, 18 février 2008.

[14] Cité dans Alain Bertho, Le temps des émeutes, Bayard, 2009, p. 90.

[15] AFP, 20 février 2008.

[16] 20 minutes, 9 juin 2009.

[17] Voir entretien avec Maka Kanté dans le volume d'où est tiré ce texte.

[18] Ibid.

[19] Voir par exemple Alain Bertho, Le temps des émeutes, Bayard, 2009.

[20] Le Monde, 22 mars 2008

[21] Un budget est alors attribué pour créer neuf compagnies de sécurisa­tion à déployer sur le territoire hexagonal. Le Monde, 18 octobre 2008.

[22] Ibid.

[23] « La police et Sarko » , Thema « Que fait la police ? », Arte, 8 juin 2010. Ce document a été coproduit par Doc en Stock la boîte de produc­tion du très sarkozyste et néo-conservateur Daniel Leconte.

[24] Paris-Normandie, samedi 15 mai 2010.

[25] L'AFP sélectionne l'information et la redirige vers « les grands mé­dias ». Son directoire est nommé par le chef de l'État.

[26] La « hoggra » désigne l'humiliation, le mépris et la violence de l'État en arabe dialectal.

[27] Casamayor, La police, Gallimard, 1973.

Texte publié en 2012 sur bboykonsian.