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Projection du documentaire palestinien - « Grey, Black & Blue » de Karam Abu Ali

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le samedi 8 avril prochain à 14h à la maison de la Vie Associative et Citoyenne du 13e arrondissement, venez assister à la projection du film « Grey Black and Blue » réalisé par Karam Abu Ali, un jeune réalisateur Palestinien basé aujourd'hui au Canada.

Dans ce film, 4 militantes révolutionnaires palestiniennes témoignent de leur emprisonnement dans les geôles israéliennes et de leur vie après la prison.

Un évènement organisé par les groupes locaux AFPS Paris Sud, Paris 14 - 6, Gentilly, le Collectif Boycott Apartheid Israël - Paris Banlieue et Samidoun Paris Banlieue.

https://www.facebook.com/events/911...

Violences policières, violences d'Etat, crimes d'Etat… La révolte est un droit ! Libérons Georges Abdallah !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

« Et tout le monde déteste la police ! Et tout le monde déteste la police ! ». Qui n'a pas entendu scander ce mot d'ordre en manifestations, rassemblements, occupations, lors des confrontations en tête de cortège, lors des charges aveugles des voltigeurs ou bien même lors de manifestations entières nassées par des cordons sur trois lignes de CRS surarmés et sur les dents.

Violences policières, violences d'État, crimes d'État…
La révolte est un droit ! Libérons Georges Abdallah !

« Et tout le monde déteste la police ! Et tout le monde déteste la police ! ». Qui n'a pas entendu scander ce mot d'ordre en manifestations, rassemblements, occupations, lors des confrontations en tête de cortège, lors des charges aveugles des voltigeurs ou bien même lors de manifestations entières nassées par des cordons sur trois lignes de CRS surarmés et sur les dents.

C'est que depuis toujours mais bien nettement aussi depuis les manifestations sur la loi travail, la violence policière se déchaine à tout va et a carte blanche pour aller « casser du manifestant ». Les gilets jaunes ont subi de plein fouet ce déferlement des violences policières à tout va lors de manifestations qui avaient tout l'air de terrains d'entraînement militaire des milices armés de l'État où tous les coups ont été permis, toutes les armes portées, toutes les provocations et infiltrations à la Benalla permises et où ont été justifiées, légitimées, absoutes, bénies, voire même réfutées et niées (rappelons-nous de Christophe Castaner), toutes ces violences policières conduisant jusqu'aux amputations, éborgnements, crânes fracturés, brûlures de tout à chacun. Actes après actes, s'est jouée la même partition, en crescendo, pour une violence toujours plus affirmée : à coup de matraques, de gaz lacrymo et de LBD en pleine face de 7 ans à 77 ans sur le « terrain des opérations » mais aussi de gardes à vue prolongées, de fichages, de comparutions immédiates, de sursis et de « fermes » et d'amendes assassines ; le tout accompagné naturellement d'une diffusion en boucles de « cet engrenage des violences » sur tous les plateaux du 20h non pas pour donner à voir et témoigner mais banaliser l'insoutenable, justifier l'injustifiable et condamner d'une seule voix le « recours excessif de la violence par les casseurs » à coup de « commentaires d'expert » de ces chiens de garde de la parole de leur maître que sont les médias mainstream.

Aujourd'hui encore, manif après manif, « tout le monde déteste la police » ; ce cri s'élève, tonne d'une seule voix et s'affirme avec rage et détermination jusque dans le face à face direct des têtes de cortège. Ce cri – longtemps poussé seulement par les avant-postes de la répression policière que sont les quartiers populaires – est désormais largement partagé et participe à faire bloc quand la répression s'abat. Par-là s'entend à qui veut bien l'entendre une conscience collective en germe, héritière des confrontations et des luttes passées où déjà s'affirmait que « l'union fait la force », que « la barricade n'a que deux côtés » et que la police bien loin d'être seulement « de proximité » est avant tout « la milice du capital » et le bras armé de l'État, dont la seule fonction est non pas « le maintien de l'ordre » mais le maintien d'un seul ordre d'un seul donneur d'ordre : celui des intérêts de la classe des dominants.

Les violences policières qui se déploient au quotidien dans les quartiers populaires et ponctuellement lors des luttes sociales et revendicatives ne sont pas des « dérapages ponctuels » mais elles participent bien au maintien du système en place quand les contradictions s'aiguisent et que les révoltes grondent. Elles sont une des expressions visibles et manifestes des violences qu'exerce l'État au quotidien dans cette lutte des classes qui se joue pour maintenir le pouvoir en place et préserver les intérêts de la classe bourgeoise qu'il représente. Elles sont une des expressions visibles et manifestes de cette violence d'État intrinsèque au capitalisme qui, de par la nature même du système, ne peut conduire qu'à toujours plus d'exploitation du camp du travail au profit de celui du capital.

Or qui dit oppression, dit résistance. Souvenons-nous : « qui sème la misère récolte la colère ! » Cette résistance est un droit dont les peuples en lutte se sont saisis à chaque grand jalon émancipateur de l'Histoire contre la barbarie du colonialisme, de l'impérialisme, du capitalisme et de toutes les formes de fascisme. Et aujourd'hui encore, face à toutes ces oppressions qui perdurent, « on a raison de se révolter » de Paris à Gaza, d'Athènes à Jénine, de Londres à Lima, de Turin à Santiago, de Beyrouth à Khartoum, d'Alger à Quito et partout ailleurs dans le monde contre l'occupation coloniale, le repartage du monde et le pillage des ressources ; contre les diktats du FMI, la casse des acquis sociaux et des services publics au profit des capitalisations et des privatisations ; contre l'augmentation du coût de la vie et des superprofits, des inégalités sociales et de la misère ; contre leurs guerres et nos morts…

Cette résistance a et aura à affronter de plein fouet toutes les violences d'État : politique, économique, sociale, militaire, policière et judiciaire ; mais elle devra aussi tôt ou tard réclamer des comptes pour tous les crimes d'État commis lors d'interpellations, de manifestations, de soulèvements, de révoltes et aussi pour tous ceux qui, pour fuir ces barbaries, sont chaque jour poussés sur les routes de l'exode et n'en réchappent pas ou sont jetés en pâture sur le marché du travail des sans-papiers, sans droit ni loi, et corvéables à merci de cet esclavage moderne.
Aujourd'hui partout dans le monde et aussi en France, les lignes se durcissent et les contradictions s'aiguisent. Les fascismes de tous ordres, certes, montent en puissance et sont au cœur même du pouvoir mais en même temps, dans et par la lutte, les consciences d'un autre monde nécessaire se forgent. Face aux violences d'État est désormais opposée une violence de classe, révolutionnaire clamée dans tous les cortèges : « La bourgeoisie ne comprend qu'un seul langage : grève, blocage et sabotage ! » et cette violence s'applique désormais dans tous les secteurs de la société : des luttes écologistes jusqu'aux luttes autonomes d'autogestion en passant par les luttes des travailleurs. La lutte des classes est révolutionnaire : le peuple, les peuples en lutte le savent tout comme l'État qui, pour tenir, durcit son oppression et sa répression.

« Le Capitalisme n'est plus que barbarie, honneur à toutes celles et ceux qui s'y opposent dans la diversité de leurs expressions ! ». Cette citation est celle de l'un d'entre nous, celle d'un résistant combattant qui a engagé toute sa vie dans cette lutte contre l'impérialisme et le capitalisme, pour la juste et héroïque lutte de libération nationale du peuple palestinien contre l'occupant sioniste et en soutien à l'émancipation de tous les peuples et nations opprimées : ce résistant révolutionnaire, internationaliste est Georges Abdallah. Et tout comme son engagement conjugue en lui toutes les luttes de résistance, Georges Abdallah est aussi un symbole de ce qu'est la violence d'État, de ce que sont les crimes d'État. Ce combattant communiste, notre camarade, est aux mains de l'ennemi, de l'État français, depuis maintenant plus de 38 ans : il est incarcéré en France depuis 1984 et pourtant libérable depuis 1999. Et alors que les tribunaux français ont ordonné à deux reprises sa libération, l'État continue à le maintenir en détention en refusant, par l'entremise de son ministre de l'intérieur, de signer l'avis d'expulsion qui conditionne sa libération. Et pour autant, Georges Abdallah fait face : il n'a jamais rien renié de ses engagements et démontre jour après jour que l'important est de ne pas se rendre mais de résister !

Certainement vous n'êtes pas sans savoir que réfléchir ensemble Camarades, dans la diversité de l'engagement, aux initiatives appropriées au changement du rapport de force en faveur de la libération des prisonniers révolutionnaires, ici en France ou ailleurs, ne prend son plein sens que dans la mesure où on amorce la réflexion quant à la dynamique globale de la lutte en cours, cette lutte que l'on voit fleurir un peu partout ces derniers temps, à travers des mouvements de masses populaires d'une ampleur sans précédent. (…) C'est dans le processus de la lutte que se construit l'identité de la classe et que se précise son rôle politique. (Georges Abdallah)

Georges Abdallah est de nos luttes ! Nous sommes de son combat ! Et parce que Georges Abdallah n'est plus seulement un symbole pour les révolutionnaires à travers le monde mais bien un symbole de la résistance unanimement reconnu, nous appelons tous ceux qui s'inscrivent dans ce camp de la résistance à s'emparer aussi du combat de sa libération pour intensifier le rapport de force politique et faire en sorte que son incarcération commence à peser plus lourd que les possibles menaces inhérentes à sa libération.

La solidarité, toute la solidarité avec les prolétaires en lutte !

Honneur aux martyrs et aux masses populaires en lutte !

A bas l'impérialisme et ses chiens de garde sionistes et autres réactionnaires arabes !

On a raison de se révolter ! Libérez Georges Abdallah !

Paris, le 15 mars 2023

Campagne Unitaire pour la Libération de Georges Abdallah

Campagne.unitaire.gabdallah@gmail.com

Facebook : pour la libération de Georges Abdallah

Instagram : cuplgia

Tweeter : CUpLGIA

Fréquence Paris Plurielle fête ses 30 ans !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Radio libre et militante, Fréquence Paris Plurielle émet 24h/24, 7jours/7, sans publicité et grâce à ses bénévoles. Sur le terrain culturel, musical, politique et social, de proximité ou à l'international, FPP fait entendre des voix que l'on n'entend jamais sur les médias dominants.
Venez fêter avec nous nos 30 ans de radio à la Parole Errante le samedi 15 avril !

Radio libre et militante, Fréquence Paris Plurielle émet 24h/24, 7jours/7, sans publicité et grâce à ses bénévoles. Sur le terrain culturel, musical, politique et social, de proximité ou à l'international, FPP fait entendre des voix que l'on n'entend jamais sur les médias dominants.

Venez fêter avec nous nos 30 ans de radio à la Parole Errante le samedi 15 avril :

À partir de 14h, émissions en direct et en public :

  • Histoires de radios libres et militantes
  • Échanges autour de la liberté d'expression, de la censure, de l'exil
  • FPP en direct du mouvement social
  • Libre-antenne : la parole est à vous !

À partir de 19h, concerts (dont artistes made in FPP) :

  • Jeff Lagoutte (chansons)
  • Sitou Koudadjé (rap)
  • The Rabblers (punk garage)
  • Stepper Allianz (dub)
  • Alkally DanceHall City (DJ set dancehall)
  • Toxyp Riposte (DJ set dancehall)

Repas proposé par une cantine militante, buvette, stands associatifs, musique...
Entrée à prix libre en soutien à Fréquence Paris Plurielle, la voix des sans-voix sur les ondes franciliennes depuis 1992.

Pour soutenir FPP en plus de la soirée, notre cagnotte est ici

Comment la boue devient claire

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Mégabassines, liberté de tuer et fétichisme de la marchandise.

Si l'histoire a parfois les allures d'un bourbier, il faut en guetter les clarifications. Qu'est-ce que la théorie, sinon la vérification permanente d'un édifice logique dans l'immédiateté historique ? Ainsi lui devient-il possible de dégager les possibilités de dépassement d'une époque, par-delà la boue épaisse et sombre qui obstrue son horizon.

Les Gilets Jaunes ont été l'une de ces clarifications. Après de si longues années de résignation, ils ont démontré avec fracas qu'une révolte populaire, spontanée et déterminée était encore possible. Sans doute aura-t-il été absurde d'en douter, tant l'espérance révolutionnaire est indissociable de la société marchande. Mais au-delà de cette seule possibilité, les Gilets Jaunes ont signifié au pouvoir, comme aux désespérés de l'émancipation, que la fuite en avant néolibérale, rendue nécessaire par les limites auxquelles se heurtent aujourd'hui l'accumulation capitaliste et accélérée si ouvertement en France par Emmanuel Macron, ne se ferait pas sans opposition.

Malgré une répression dont la brutalité ne s'était plus vue depuis Mai 68, malgré les emprisonnements, les mutilations, l'État s'est bien gardé de prendre la responsabilité d'un ou de plusieurs morts parmi les émeutiers fluos. Les gouvernants actuels, qui brillent surtout pour leur connerie spectaculaire et leur inculture historique, semblent bien avoir une vague idée du nombre de révolutions qui se sont élancées au cri de « On a tiré sur le peuple ! ». Si la révolte des Gilets Jaunes a connu des situations qui aurait pu aboutir à une telle montée aux extrêmes — un flic encerclé sortant son arme de service, l'Élysée pratiquement dégarni de chiens de garde au cours d'une émeute parisienne —, elle n'a pas connu de mort dans une quelconque prise de la Bastille et aucun flic n'a tué pour empêcher la prise du Fouquet's.

Il était donc permis de se demander si l'État bourgeois, confronté à un conflit encore supérieur, assumerait à nouveau de tuer pour remplir sa tâche. Toute observation lucide de l'époque, et par suite toute théorie un tant soit peu conséquente, mène depuis quelques années au moins à ce constat : le triomphe incontesté du néolibéralisme est terminé et une nouvelle phase historique s'est ouverte, qui implique sa fuite en avant et son raidissement autoritaire. Ces points de tension extrême vont se multiplier — ils se multiplient déjà. Mais le même État a aussi bâti sa légitimité sur la pacification de la société qui, bien que toute relative, a rendu inacceptable le tir au fusil dans la foule, encore si courant au début du vingtième siècle. Que ferait-il alors au pied du mur ? Autrement dit : face à la réintensification du conflit de classe qu'implique la décomposition de la société marchande, l'État bourgeois serait-il de nouveau prêt à tuer s'il venait à être menacé, alors même qu'il mettrait ainsi en jeu l'un des piliers de sa stabilité ?

La manifestation du 24 mars 2023 à Sainte-Soline vient de donner la réponse : c'est oui.

Le pronostic vital de deux camarades blessés par la gendarmerie, qui a délibérément retardé l'arrivée des secours, a dû être engagé.

En vérité, cette réponse était déjà incluse dans la compréhension de ce qu'est l'État bourgeois. Rien de nouveau : elle n'est pas surprenante. Et pourtant, l'entendre n'a rien de plaisant. On peut être légitimement abasourdi devant le tableau grotesque de dirigeants si aveuglés par la tâche qui est la leur qu'ils y sacrifient tout le reste. Leur horizon est à ce point restreint au présent le plus immédiat qu'ils compromettent leur propre avenir : les réprimés d'aujourd'hui sont les révolutionnaires de demain. C'est l'unique sens de la posture choisie par le gouvernement actuel, composé de gestionnaires de choses incapables de connaître les individus : il ne comprend pas. Pas plus que tous les autres sujets de la société marchande, les dirigeants ne savent ce qu'ils font. Cette perte de contrôle est la condition de l'État dans la décomposition : lorsque même la fuite en avant échoue, il n'y a plus qu'à sauver les meubles.

Certes, l'État ne s'était jamais arrêté de tuer. Dans les cités ou dans le « maintien de l'ordre », il n'a jamais été gêné par quelques meurtres occasionnels pour préserver sa paix publique. Et la mémoire de ces morts résonne encore dans les cortèges. Mais contrairement à ceux de la Commune, du massacre de Fourmies ou de la répression des vignerons du Midi, l'État a pu les présenter comme des accidents ponctuels, de fait considérablement moins nombreux, des dommage collatéraux, « en marge » d'une stratégie qui n'aurait jamais accepté la possibilité de tuer, puisque ses victimes ne menaçaient pas directement le monde marchand.

La dernière manifestation à Sainte-Soline, à l'inverse, a démontré par les faits que l'État est prêt à repousser tout assaut contre les marchandises au prix potentiel de vies humaines. La forme qu'y a pris la répression n'est pas un accident mais une volonté planifiée, assurée et menée jusqu'à son terme. Voilà son importance historique. La puissance des images qui en sont issues n'est pas seulement symbolique : elles apportent également une clarification éloquente de ce qu'est réellement la société marchande.

Ici, la configuration même de l'affrontement, cet ordre de bataille relevant du siège, avec sa forteresse plantée en rase campagne, ses défenseurs et ses assaillants, a créé l'exemple le plus éclatant de ce principe au cœur de la société marchande, que le vieux Marx avait appelé fétichisme de la marchandise.

Pour trouver une analogie, nous devons nous échapper vers les zones nébuleuses du monde religieux. Dans ce monde-là, les produits du cerveau humain semblent être des figures autonomes, douées d'une vie propre, entretenant des rapports les unes avec les autres et avec les humains. Ainsi en va-t-il dans le monde marchand des produits de la main humaine. J'appelle cela le fétichisme, fétichisme qui adhère aux produits du travail dès lors qu'ils sont produits comme marchandises, et qui, partant, est inséparable de la production marchande.

Au ciel surplombant le monde matériel, dans lequel les individus plaçaient des divinités qui venaient les piétiner en retour, a succédé le monde « réellement renversé » des marchandises : si le monde matériel a gagné la primauté sur celui des esprits, la matière s'est gonflée d'esprit, et les formes spécifiques de la production marchande ont élevé leurs produits dans un nouveau ciel d'où ils peuvent encore écraser les individus. Parce qu'elles ne sont pas réellement animées, les marchandises ne dominent pas directement : elles ont besoin d'intermédiaires. La bourgeoisie est à leur service, elle est la classe qui doit répondre dans la réalité sociale à leur besoin de croissance. De là l'État bourgeois, sa police, bras armé de la marchandise, militia christi des temps modernes, comme il y a eu des ordres militaires, des moines-soldats, autant d'armées au service d'une idole.

Ainsi les mégabassines peuvent engloutir des vies. Comme au temps du fétichisme religieux, des choses inanimées continuent d'opprimer des individus vivants. Ce n'est bien sûr pas la bassine en elle-même qui est l'objet d'un culte, mais son rôle dans l'économie, celle de support d'une agriculture intensive dédiée à l'exportation. Et c'est elle qui explique un tel déploiement policier.

Cette disposition si spécifique a fourni des images d'une clarté qu'aucun discours n'aurait pu espérer atteindre : devant, une masse d'individus se battant pour une ressource vitale ; au milieu, une troupe armée prête à tuer pour leur barrer le passage ; derrière, une grosse levée de terre qui met en jeu beaucoup d'argent.

Parce qu'elles démontrent au profit de quoi il s'exerce, de telles images contribuent à la décomposition de l'illusion du pouvoir. Du simple appareil de répression qu'il était à l'origine, l'État bourgeois s'est transformé au cours de ses deux siècles d'existence, et sous la pression des luttes de classe, en un vaste édifice de législation, de redistribution, en un mot de compensation de la misère marchande, qui a permis de la réguler plus efficacement, en réduisant les confrontations directes, armes contre armes. Mais maintenant que ces confrontations se multiplient à nouveau, sous l'effet de la raréfaction des ressources et de leur accaparement, l'État tend à se délester de tout cet édifice de régulation pacifique pour revenir à sa fonction première. Il ne change pas de nature — seule tombe une illusion, qui est pourtant aussi un secours matériel dont dépendent les sociétés économiquement avancées. L'État bourgeois, dans le langage des philosophes, « réalise son concept », lui qui a pu s'en éloigner plus ou moins dans l'histoire, au gré de la lutte des classes, mais qui ne peut évidemment pas s'en détacher. Il n'y a pas de radicalisation de l'État : seulement un retour à ses fondamentaux.

Peut-être y aurait-il quelques leçons de tactique à tirer, face à des gendarmes qui, selon les commentaires admiratifs des médias bourgeois, s'étaient entraînés toute une semaine pour cette opération. Si les cortèges se sont judicieusement placés dans le sens le plus favorables du vent, qui a pu retourner le gaz à l'envoyeur, la présence d'un canon à eau au coin le plus saillant de la bassine, la formation rapide d'une double ligne de défense sur son versant attaqué, ainsi que quelques autres dispositions du même esprit, prouvent une certaine connaissance de l'art désuet de la poliorcétique [1] chez les défenseurs qui, en s'ajoutant à leur apparente liberté de mutiler et de tuer, ne laissait guère de chances aux assaillants d'atteindre leur objectif. Le plus illustre connaisseur de la guerre de siège formulait ce principe : « ne jamais faire à découvert et par la force ce que l'on peut faire par industrie ». Vauban avait ainsi proscrit l'assaut frontal pour lui préférer une approche par le creusement méthodique de tranchées. Si leur utilité aurait été ici limitées par les nombreuses armes à tir courbe à disposition des gendarmes et par le gaz lacrymogène, une ligne de circonvallation [2] aurait au moins tempéré les ardeurs de la flicaille à quads. Le nombre ne manquait pas pour la creuser, les pelles si, et peut-être aussi la volonté de retourner un champ de la sorte. L'absence de tracteurs comme engins de rupture, qui auraient pu protéger l'approche d'une colonne, s'est faite sentir autant qu'elle se comprend, tant matériellement que par le risque d'escalade. Bref, il n'y a guère de sens à soulever de telles considérations autrement que collectivement.

La plus immédiate des batailles est celle de ces deux blessés contre la mort, puis, il faut l'espérer, celle de leur convalescence. Se livrera ensuite celle des procès et des réparations, pour ces camarades comme pour tous les autres blessés ou poursuivis, et sans doute faut-il employer tous les leviers pour soutenir la défense juridique, faire condamner les flics, mettre en cause l'État. Si le sort des blessés ne tient probablement plus qu'aux soignants, davantage de personnes peuvent déjà s'engager en ce sens.

Mais il est une chose que chacune et que chacun peut d'ores et déjà faire : c'est prendre acte de ce qui vient d'être si clairement démontré. Pour protéger des marchandises, l'État est encore prêt à tuer. Il faut regarder en face le gouffre dans lequel cet État a choisi de plonger, du haut de la muraille d'une retenue d'eau dans les Deux-Sèvres. Ce gouffre n'est autre que celui où s'enfonce la société marchande en décomposition, qui nous y emporte toutes et tous avec elle.

Bien sûr, il ne faut rien épargner en colère à nos ennemis et en compassion à nos amis. Mais épargnons-nous au moins la stupeur. La haine nous ancre dans la réalité et l'espoir nous projette par-delà elle : elles sont les conditions de la révolte. La stupeur paralyse. Restons toujours aussi déterminés face à de telles formes de répression, mais n'en soyons plus surpris. Si elles doivent continuer à être exposées comme ce qu'elles sont — inacceptables dans un monde à l'endroit — afin qu'aucune force d'habitude ne fasse accepter la barbarie qui se profile, les enfants de la crise savent au fond d'eux que la décomposition de la société marchande les verra se généraliser à nouveau. Ils savent ainsi devoir s'y préparer.

Le camp révolutionnaire aujourd'hui en gestation, qui existe en France à l'état potentiel mais encore sans projet explicite ni organisation, ne peut présager de son avenir dans les troubles actuels. Mais l'État ne pourra encore moins prévoir les conséquences de son choix d'assumer de tuer — ou, pire, d'avoir effectivement causé les premiers morts de la première guerre de l'eau.


[1] « Art, technique d'assiéger les villes. » (CNTRL)

[2] « Ligne de défense matérialisée par une tranchée avec palissades ou parapets, établie par l'assiégeant d'une place pour se protéger contre les attaques extérieures et couper à la place assiégée toute communication. » (CNTRL)

Mise à jour du 28/03/2023 : au cours de la rédaction de ce texte a été annoncé que le pronostic vital du second camarade n'était plus engagé. Si celui du premier l'est encore, son état semblerait plus encourageant qu'hier. Nous leur souhaitons de sortir du coma au plus vite et sans séquelles, ainsi que le meilleur rétablissement.

La revanche du rêve

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

« Il y a signe de vitalité - donc raison d'être du rêve - dans toute lutte de rupture » L.Laugier

Peut on monter d'un cran le mouvement en cours ? Quelques idées.

La revanche du rêve.

"Il y a signe de vitalité - donc raison d'être du rêve - dans toute lutte de rupture" L.Laugier

Depuis l'usage de l'article 49.3, des centaines de rassemblements spontanés ont eu lieu en France ces derniers jours. Jeudi dernier, avec un nombre record de manifestants, un grand nombre d'entre eux sont restés dans les rues de la capitale jusqu'à minuit, voire au-delà, défiant la police et brûlant des tas d'immondices. Les syndicats cherchent à avoir la main sur le mouvement : de peur qu'il leur échappe, ils ont donné rapidement une nouvelle date, ne pas attendre plus d'une semaine. Même s'ils sont unis, on sent déjà poindre une fêlure. Berger évoque la possibilité de parler avec Macron si une pause est faite sur l'application de la réforme, Macron évoque la possibilité de parler avec les syndicalistes sur tout ce qui concerne le travail même s'il ne veut pas parler de sa réforme. Un dialogue de sourd, pour l'instant.

Une question demeure donc : comment monter d'un cran ? Car ne pas monter c'est risquer une défaite dont on peinerait à se remettre. Nous sommes à un moment crucial, sur un plateau, qui peut tantôt être l'apogée du mouvement annonçant sa chute, tantôt être une étape parmi d'autres. À court terme, le prochain chantier du gouvernement a été annoncé : ce sera une nouvelle loi travail, avec dans le viseur les plus précaires, ceci assorti d'une répression toujours plus grande. À moyen terme, ce que risque de provoquer la défaite ce n'est plus de la colère et de la révolte, mais ce ressentiment banal qui mène au fascisme. La réussite du gouvernement a de grande chance d'aboutir à celle du rassemblement national aux prochaines élections.

Les médias ont actuellement un étrange rapport à la police et aux manifestants. Disons qu'ils jouent un double jeu : ils relaient avec peu de critiques les paroles du gouvernement et participent à distinguer le bon du mauvais manifestant, mais aussi celle des syndicats et des divers groupes de gauches qui dénoncent la violence policière, sans jamais prôner officiellement sa réappropriation par les corps asservis. Chacun de ceux dont ils rapportent la parole se complaisent dans le rôle d'une victime qui n'espère qu'une reconnaissance sur l'écran social où elle pourra désormais exister pleinement. Policiers, députés, journalistes, syndicalistes, étudiants, retraités, tous victimes bataillant à l'être plus que l'autre. Chacun est à sa place, il serait bien absurde de s'en offusquer. Toutefois, au détour d'un flash info se laisse parfois entendre, dans certaines interviews hasardeuses, un refus, un désir de faire autrement, offensif, qui détonne avec le ton cloîtré des communicants.

À défaut de coordination, le nombre est la force qui rend difficile le maintien de l'ordre. Y aura-t-il plus de monde dans les prochaines manifestations ? Difficile à croire, les révoltés qui se sont rajoutés à la masse des ennuyés après l'usage du 49.3 risquent de ne pas s'accroître. Espérons être surpris. Certains partisans de l'ennui transformeront peut être leur marche en quelque chose de plus énergique. Le rapport de force établi ce week end entre manifestants et policiers à Sainte Solline peut peut-être peser dans la balance et montrer un exemple à suivre. Et, la potentielle mort d'un jeune sous les feux d'une grenade de police ce week-end sera-t-elle utilisée à des fins politiciennes ou sera-t-elle le catalyseur d'une juste colère ?

Certains veulent des lieux ; on sait ce que cela donne : les occupations sont généralement des espaces de glauquerie malgré la joyeuse effervescence qui peut s'y jouer dans les premiers jours. On souhaite rencontrer des gens, alors que nous sommes nous mêmes incapable de toutes rencontres. Normal : pas de confiance aveugle, la répression nous l'a appris. Et puis avons-nous réellement le temps de prendre le temps ? Nous n'avons pas la maîtrise de l'agenda politique, arrêtons de croire une telle fable.

D'autres veulent rester dans la rue : comment ne pas imaginer un épuisement ? Déjà au bout d'une semaine l'énergie dans les manifestations sauvages diminue (hormis un rebond jeudi dernier).

De quoi ce mouvement est-il alors le nom ? Certes, il est porté par de nombreuses manifs ou rassemblements sauvages, mais ce n'est pas tout car elles ne se contentent pas de déambuler tranquillement dans les rues : saccage de permanence de députés et menaces de mort, commissariat et portes des mairies brûlées, plein affrontement avec les forces de l'ordre. Voilà peut être la ligne de conduite à prendre. Plus que l'explosion de violence sociale qui contraste avec ces cinq années de résignation conformiste ; plus que l'insolent défi au sinistre socialisme reconditionné d'une France Insoumise et plus même que la prétention à obtenir tout tout de suite, le signe essentiel de ces actes fut la légitimation, et donc la résurrection des aspirations jusque-là refoulées au nom de la rationalité politicienne. La revanche du rêve.
Non pas la rue pour la rue, mais la rue comme une direction vers des buts précis et désormais possibles. Mairies, assemblée nationale, ministères, hôtel de police, siège social d'entreprises, de banques ou de médias, Sénat, Élysée, palais de justice… voilà des cibles évidentes, diverses, présentes aux alentours de chaque manifestations, dans chaque ville.

Ne plus accepter le chantage de l'humanisme « républicain ». Ne plus s'y reconnaître. Car nous ne le comprenons plus. Détruire les lieux d'exercice du pouvoir d'une démocratie qui masque toujours le capital. Ne plus se contenter des vitrines, mais attaquer ce qui et ceux qui protègent – avec fierté – les marchandises et qui se moquent de nos vies, les aplatissent.

Il ne s'agit donc plus de se donner poliment rendez vous sur le parvis de la mairie la plus proche, pour espérer se faire entendre, mais bien de se demander : comment cramer ce lieu sans me faire prendre, puis, le faire.

Si la démocratie a bel et bien tué le communisme, alors vengeons-le.

Coco de Colchyde