PROJET AUTOBLOG


Paris-luttes.info

Site original : Paris-luttes.info

⇐ retour index

Mise à jour

Mise à jour de la base de données, veuillez patienter...

Manifestation contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre à Montreuil

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

L'assemblée féministe de Montreuil organise une manifestation aux flambeaux contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre, le 25 novembre avec un départ à 19h au métro Mairie de Montreuil.

L'Assemblée féministe de Montreuil appelle à rejoindre la marche contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre le 25 novembre à Montreuil. Nous ne sommes pas que des victimes et nous pouvons reprendre le pouvoir sur nos corps et sur nos vies en luttant ensemble pour faire entendre nos voix et les voix de celles et ceux qui ne sont plus là. Le temps du recueillement est fini : nous voulons être vivant·es et libres !

Notre appel

Le 25 novembre est la journée internationale contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Au-delà de nos âges, nos origines sociales, culturelles, ce sont des violences que nous subissons tou·tes, sans cesse renvoyé·es à nos corps, objectifié·es partout, tout le temps.
Les regards, les jugements, les remarques, les agressions, les viols nous rappellent que nous sommes corvéables à merci, jusque dans notre chair.
Marcher contre les violences sexistes et sexuelles, c'est aussi marcher contre les violences racistes, islamophobes, LGBTQIA phobes, validistes, ou encore les violences de classe. Ces violences renforcent les violences sexistes et inversement. Les personnes trans sont discriminées constamment et niées dans leur existence sans aucun moyen pour faire reconnaître les violences subies. L'État maintient un climat islamophobe dont les premières touchées sont les personnes qui portent le voile. Les travailleureuses du sexe sont toujours fragilisé.e.s par un cadre juridique discriminatoire. L'État les maintient en situation de précarité à travers des lois répressives qui les surexposent aux violences.
L'autonomie financière est vitale pour se protéger des situations de violences, que ce soit au sein de la famille, du couple, au travail, dans l'espace public, ou encore sur nos lieux d'étude et d'éducation. La précarité maintient la dépendance économique et sociale des femmes et des minorités de genre et alimente un manque d'autonomie. Comment partir si notre salaire ne nous permet pas de payer un loyer ? Si nos allocations dépendent des revenus de nos conjoints ? Si nous ne pouvons pas payer nos propres courses ?
La seule réponse apportée par le gouvernement actuel est le durcissement du code pénal et l'emprisonnement. Déléguer nos vécus aux mains de la police et de la justice d'État, serait le seul moyen de mettre fin aux violences que nous subissons. Pourtant, nous ne pouvons que constater l'inefficacité des structures punitives violentes, où la récidive est la norme. Les hommes racisés y sont surreprésentés non pas parce qu'ils sont plus violents mais parce qu'ils sont systématiquement réprimés par la police : la justice est punitive seulement pour les plus précaires. L'arsenal répressif de l'État n'est pas juste inefficace dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles : il reproduit des schémas de violence et de domination contre lesquels on se bat.

Nous pensons que des vrais moyens pour l'éducation et la santé seront toujours la priorité pour prévenir les violences et qu'il y a urgence à y investir massivement ! Les victimes doivent avoir accès à des soins médicaux et psychologiques gratuits et accessibles, à des arrêts de travail illimités le temps d'aller mieux ainsi qu'à un accompagnement financier pour permettre de continuer sa vie dans les meilleures conditions possibles. Nous pensons qu'une augmentation significative de tous les salaires, allocations et prestations sociales, que la déconjugalisation des minimas sociaux ainsi que la baisse du temps de travail sont les conditions premières pour la réalisation d'un plan efficace de lutte contre les violences.

Pour ces raisons, nous appelons à rejoindre la marche féministe le 25 novembre à Montreuil. Nous ne sommes pas que des victimes et nous pouvons reprendre le pouvoir sur nos corps et sur nos vies en luttant ensemble pour faire entendre nos voix et les voix de celles et ceux qui ne sont plus là. Le temps du recueillement est fini : nous voulons être vivant·es et libres !

👉 Informations pratiques :
Heure : 19h
Lieu de départ : Station Mairie de Montreuil (Pl. Jean Jaurès, 93100 Montreuil)
Métro Ligne 9 / Bus : 102 115 121 122 129 322
Trajet : Mairie de Montreuil - Croix de Chavaux - Rue de Paris – Porte de Montreuil - Rue de la République - Place de la République
Événement en mixité

👉 Pour en savoir plus sur l'assemblée féministe de Montreuil ou nous contacter :
Mail : assfemmontreuil@gmail.com
Facebook : Assemblée Féministe de Montreuil
Instagram : @agfeministeMontreuil

Midinettes et grèves des ouvrières durant la Grande Guerre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Pendant la 1e guerre mondiale les femmes sont encouragées à travailler et à remplacer les hommes partis au front dans les champs, les usines, les sociétés de transport etc. Pour le même travail elles sont moins bien payées et traitées que leurs collègues masculins et peu soutenues par les syndicats qui s'inquiètent du fait que la place des ouvriers ne leur soit pas rendue à leur retour des tranchées. Elles s'organisent pourtant pendant la guerre et mènent plusieurs mouvements sociaux et grèves revendiquant la revalorisation de leurs salaires et l'amélioration de leurs conditions de travail.

On en compte une centaine en 1915, 300 en 1916 et 17 depuis le début de l'année 1917 où le secteur du textile est en pointe lorsque se déclare la grève des midinettes en mai 1917. Ces ouvrières des ateliers de couture, surnommées « midinettes » du fait de leur repas de midi pris sur le pouce (contraction de midi et dînette) travaillent 10h par jour 6 jours sur 7 pour les grandes maisons de couture parisiennes.

En juillet 1915, dans la CGT, une fraction minoritaire, autour de Louise Saumoneau, Hélène Brion et Pierre Monatte, directeur du journal La Vie Ouvrière, forme un « Comité intersyndical d'action contre l'exploitation des femmes » ; cette instance encourage les ouvrières à se défendre, en particulier contre « l'avilissement des salaires ». L'écart salarial entre hommes et femmes pour un même poste est alors de 20% à 30% en défaveur des femmes. Le travail des femmes inquiète les syndicats et les propos d'Alphonse Merrheim, secrétaire des métaux CGT, en décembre 1916, sont révélateurs de l'état d'esprit dans la CGT : "Quelle que soit l'issue de la guerre, l'emploi des femmes constitue un grave danger pour la classe ouvrière. Lorsque les hommes reviendront du front, il leur faudra lutter contre ces dernières qui auront acquis une certaine habileté et toucheront des salaires différents. "

Mal payée, peu soutenues par leurs camarades syndicalistes, souvent abandonnées par leurs collègues masculin soit par mépris soit par peur d'être renvoyés au front s'ils osent contester, les femmes au travail s'organisent seules pour se défendre.

Ce sont donc les ouvrières qui, seules, déclenchent la première grève à Paris : 10 000 couturières grévistes. L'Humanité décrit ces milliers d'ouvrières, derrière leurs pancartes improvisées : « Les corsetières arborent fièrement une jarretelle en soie bleue ; une plume d'autruche indique le groupe des plumassières ; les employées de banque ont collé sur un carton l'affiche du dernier emprunt. […] Nos vingt sous ! La semaine anglaise ! Rendez-nous nos poilus, scandent les manifestants. On voit les cochers de fiacre et les chauffeurs de taxi faire monter les grévistes pour les amener à la Grange-aux-Belles, le siège de la CGT, qui n'a jamais tant mérité son nom. Des soldats en permission accompagnent leurs petites amies et les gars du bâtiment descendent de leur échafaudage pour applaudir ces jolies filles. »

Un document pdf de la Bibliothèque historique des postes et télécommunications décrit ce mouvement ainsi :
"A l'atelier Jenny, sur les Champs-Élysées, les ouvrières apprennent que leur semaine sera amputée du samedi après-midi faute de commandes. La guerre ralentissant l'activité en France, les 250 ouvrières vont ainsi perdre une demi-journée de salaire alors qu'en Grande-Bretagne les ouvrières bénéficient de leur samedi après-midi avec maintien de la rémunération. Les débrayages de couturières commencent dès le 11 mai pour protester contre les salaires de misère. Les petites apprenties commencent à 1 franc par jour ce qui leur permet seulement d'acheter un litre de lait par soir ; les autres plafonnent à entre 3 et 5 francs.
Le 12 mai, les couturières de « Jenny » débauchent leurs consœurs des autres ateliers parisiens et décident la grève. Les mots d'ordre sont : « paiement intégral du samedi » et « indemnité de vie chère de un franc par jour ». Toutes les petites mains, modistes, brodeuses, couturières, passementières, etc. scandent dans les rues de Paris « Nous voulons nos vingt sous » et réclament la semaine anglaise.

Le président de la chambre syndicale de la couture - Ainé-Montaillé, appartenant à la droite catholique et sociale - leur accorde le 19 mai, une augmentation de 0,75 franc pour la branche et le principe de la semaine anglaise. Ses collègues, apprenant ces concessions lors d'une assemblée générale, le désavouent et refusent catégoriquement le samedi après-midi chômé et payé. Ce refus provoque l'élargissement du conflit, rapidement hors de contrôle. Les patrons de la couture finissent par se soumettre le 23 mai.

Cependant l'exemple des couturières s'étend à de nombreuses autres professions, débordant syndicats et pouvoirs publics. Après les modistes, les ouvrières du caoutchouc, du corset, de la plume, de la lingerie, de la soierie, de l'équipement militaire, les employées de banque, les vendeuses de l'épicerie Félix Potin, les filles de salle, les bijoutières, les dactylographes… emboîtent le pas. La grève n'est pas générale mais « généralisée », fonctionnant par vagues ininterrompues d'inégale ampleur. Ainsi on compte 41 000 grévistes dans l'habillement, 7 000 dans le commerce, une cinquantaine dans le gaz et l'électricité et seulement 178 dans les Postes. Sur 197 grèves, 5 seulement sont à l'initiative des syndicats et dans 20 % des cas, peu d'hommes suivent le mouvement ; en effet, les ouvriers mobilisés dans les usines ont trop peur d'être envoyés sur le front s'ils osent contester quoi que ce soit.
Les cortèges sont presque entièrement féminins et se déroulent dans la joie et la bonne humeur. Les femmes arborent des rubans tricolores à leur corsage et chantent « On s'en fout / On aura la semaine anglaise / On s'en fout / On aura nos vingt sous ». Il n'y a pas d'incidents et dès le début, l'opinion est favorable aux femmes ou du moins indulgente. Les grévistes sont déclarées « charmantes » et leur combat « sympathique ». Même l'Action française qui n'aime pas les mouvements sociaux, parle d'une « jolie » grève ; on comprend et on approuve les couturières, leur révolte contre les trop maigres salaires et les patrons rapaces. Qualifiées de « midinettes » les grévistes ne font pas peur, la censure n'ayant pas bougé.
Le tournant a lieu le 29 mai où, pour la première fois, le mouvement déborde dans les usines de guerre. Les débrayages commencent à Billancourt, chez les fabricants d'avions et dans l'entreprise Renault qui produit obus, camions et chars d'assaut. Le mouvement ne dure pas. Les 2 500 ouvrières de Renault quittent leur travail le 30 mai pour réintégrer leurs postes le lendemain avec la satisfaction d'avoir obtenu 10 centimes d'augmentation par heure. Ce jour-là, le mouvement est à son apogée avec 26 350 grévistes recensées.
Un rapport des renseignements généraux sonne l'alerte affirmant que le mouvement pourrait prendre « un caractère grave suite à l'adhésion générale du personnel féminin des usines de guerre - les munitionnettes » En effet, la grève se propage et les autorités s'inquiètent, redoutant que la situation dérape et rende impossible la poursuite de la guerre.

Le ministre de l'Intérieur, Jean Malvy, avec son habileté traditionnelle, enraye le mécontentement en réunissant patrons et déléguées des grévistes dans son bureau. Lorsque le patronat refuse de céder, il menace de réquisitionner les entreprises, un argument qui fait mouche et fait ainsi ouvrir le porte-monnaie des plus réticents. Toutes n'ont pas obtenu leur 1 franc, mais au moins 50 centimes. Malvy fait également voter la semaine anglaise à la Chambre le 11 juin. Dès lors, le mouvement reflue et le travail reprend."

La syndicalisation féminine était restée très faible jusqu'alors, au début de la grève des midinettes les syndicats sont totalement absents. Bientôt, les grévistes se réunissent à la Bourse du travail et des délégués syndicaux négocient.

Les effectifs féminins de la CGT connaissent une flambée après cette grève. Ainsi, en fin d'année 1917, la fédération des Métaux CGT compte 37,5 % de femmes syndiquées dans ses rangs.

Par ses revendications défensives (refus de perdre une demi-journée de travail) et offensives (week-end payé d'une journée et demie ; indemnité de vie chère de 1 franc pour les ouvrières et de 0,50 franc pour les apprenties.). Mais aussi par ses manifestations régulières qui gagnent un écho public, cassant la censure habituelle concernant les conflits du travail. Et grâce à la victoire obtenue ce mouvement de femmes reste un exemple et un signal du réveil ouvrier au début du XXe siècle. En effet, le patronat du secteur lâche l'indemnité de vie chère et s'engage, en attendant le vote d'une loi, à faire un « essai loyal » de semaine anglaise.

Mais c'est surtout par son rôle de détonateur des luttes ouvrières féminines que la grève des midinettes est essentielle : les unes après les autres, toutes les professions féminines de Paris reprennent les revendications des midinettes. Les confectionneuses, les caoutchoutières, les brodeuses, les lingères, les ouvrières de l'usine de lampes Iris, à Issy-les-Moulineaux, les fleuristes-plumassières, puis les employées des Établissements militaires, les employées des banques, notamment celles de la Société générale, les confectionneuses de la Belle jardinière et les ouvrières de Renault qui fabriquent alors des obus et des chars pour le gouvernement français.

Elle a également touché à deux points décisifs dans l'histoire des revendications ouvrières : celui du repos en week-end, celui des accords de branche qui plus tard donneront les conventions collectives

Durant l'année 1917, 694 grèves affectent l'économie de guerre ; elles sont menées essentiellement par des femmes et des jeunes hommes : 300 000 grévistes en 1917, 565 succès ou accords collectifs et en 1918, le nombre de grèves dépasse celui de 1906 et de 1910.

Super-bulletin n°48 d'infokiosques.net

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Quelques nouvelles du site infokiosques.net.

Salut !

Depuis le précédent super-bulletin, en janvier dernier, la version SPIP du site a enfin été mise à jour, et quelques changements sont à signaler :

  • L'onglet de recherche interne du site est de retour ! Il est situé en haut à droite sur la page d'accueil, et s'il n'est pas totalement efficace, il nous a semblé suffisamment bon pour être remis sur le site.
  • Les classements des brochures proposent désormais cinq possibilités d'entrées fonctionnelles !

Par infokiosque/distro, les quatre premières brochures de chaque infokiosque/distro sont listées, pour les découvrir toutes il faut cliquer sur l'infokiosque/distro voulu·e.

Par date.

Par ordre alphabétique des titres.

Par ordre alphabétique des auteur·es.

Et grande nouvelle, par langue ! Les deux premières brochures de chaque langue sont listées, pour les découvrir toutes il faut cliquer sur la langue voulue.
En l'occurrence, voilà la répartition des brochures disponibles en autres langues sur infokiosques.net :
Allemand (11 brochures)
Anglais (59)
Arabe (1)
Basque (1)
Danois (1)
Espagnol (18)
Géorgien (1)
Italien (21)
Lituanien (2)
Néerlandais (1)
Portugais (5)
Roumain (1)
Suédois (1)
Turc (1)

Parmi les textes disponibles sur infokiosques.net, si vous avez des traductions en d'autres langues, écrivez-nous, que vous les ayez au format brochure ou pas. On essaiera de les ajouter, et au fur et à mesure, de constituer une base de données plus importante de brochures non-francophones.

Si vous pouvez/voulez donner des coups de main pour des traductions, du français vers d'autres langues, ou d'autres langues vers le français, écrivez-nous aussi, votre aide sera utile !

Pour tout contact : discutaille@@@infokiosques.net


Dernièrement, plusieurs brochures disponibles sur le site depuis de longues années ont vu leur page mise à jour, la plupart du temps avec l'arrivée de PDF mieux foutus.

Notamment :

  • Class Wars
    Le CUL (première parution : mai 2005)
    Mis en ligne le 3 juin 2005

La dernière brochure publiée sur le site, le 9 novembre 2022, est un texte du collectif amérindien Indigenous Action à propos de l'injonction au vote :

- Le vote n'est pas une réduction des risques — Une perspective autochtone
Indigenous Action (première parution : 5 février 2020)
Mis en ligne le 9 novembre 2022

Sur la thématique des luttes amérindiennes, se trouvent également sur infokiosques.net :

Quant à la question du vote, en avril 2017, à l'approche des élections présidentielles en France, on avait proposé sur Paris-Luttes.info une sélection de brochures critiques de l'électoralisme disponibles sur infokiosques.net. C'est là :


Depuis le précédent super-bulletin, quarante-cinq nouvelles brochures ont
été mises en ligne. Il y a maintenant 869 brochures, trouvables ainsi :

par date de publication sur le site :
https://infokiosques.net/pardate

par titre
https://infokiosques.net/partitre

par auteur·e
https://infokiosques.net/parauteur

par infokiosque/distro
https://infokiosques.net/parinfodistro

par langue
https://infokiosques.net/parlangue

ou par l'onglet « thèmes » de la page d'accueil.


Infokiosques.net est contactable par mail (discutaille@@@infokiosques.net) et par IRC (chan #infokiosques.net sur le réseau d'Indymedia).

On peut aussi nous « suivre » sur SeenThis.


Pour être au courant :
- des nouvelles publications parues sur le site et/ou diffusées par les distros et infokiosques présents sur le site
- des nouvelles ouvertures/fermetures d'infokiosques
- etc.

Abonnez-vous à notre Super-Bulletin en vous rendant ici.

Pour voir les bulletins précédents, c'est .


https://infokiosques.net/

Bilan et perspectives de 6 mois de lutte contre le racisme et pour l'égalité organisés à l'Ambassade des immigrés

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Communiqué du collectif La Chapelle debout ! suite à 6 mois de lutte au sein de l'Ambassade des immigrés, une occupation au coeur de Paris, lieu d'organisation de la lutte des immigrés pour l'égalité et la dignité, contre le racisme. L'occupation a été expulsée le 19 octobre 2022.

Ce texte est un bilan de ces 6 mois, ce qui a été fait et gagné dans et hors de l'Ambassade, de nos revendications, de notre analyse et de nos perspectives.

Texte lu lors du meeting contre le racisme et pour l'égalité du 3 novembre 2022.

Le 19 octobre 2022 à 6h du matin, 180 policiers et gendarmes entrent de force dans un immeuble occupé du 17 rue Saulnier à Paris, appartenant à la Société Générale et renommé « Ambassade des Immigrés » par ses occupants et occupantes. Ils arrêtent une personne qui gardait la porte, défoncent les portes des chambres au bélier, retournent les affaires et les lits, forcent une femme nue à se rhabiller devant eux. Tous les habitants sont triés arbitrairement : 7 sont arrêtés, certains sont mis dehors et chassés jusqu'au bout de la rue, certains sont mis dans des bus, d'autres encore en sont descendus de force. La police, gantée et casquée, leur fait mettre des masques, on refuse de leur dire où ils sont emmenés. Deux des bus arrivent au milieu de nulle part, dans la forêt, à côté d'une aire de stationnement de poids lourds. On menace les gens sans papiers. Beaucoup refusent collectivement de descendre du bus, « ici il n'y a rien, on préfère être à la rue que de devenir fou ici ».

Ce jour-là, les habitants et habitantes de l'Ambassade, qui négociaient collectivement avec la préfecture de région (responsable des logements et de l'hébergement en IDF) pour des logements dignes pour toutes et tous, sont sortis de force et par surprise par cette même préfecture de région, avec le soutien de la préfecture de police. 30 personnes sont laissées sur le carreau, 7 personnes sont arrêtées : une est relâchée immédiatement car mineure, 5 sont libérées dans la journée grâce à la mobilisation (dont 3 avec OQTF) et une est enfermée au centre de rétention administrative de Vincennes et risque la déportation au Soudan.

Le 27 octobre à La Chapelle, les mêmes préfectures de région et de police organisent l'évacuation des centaines de personnes qui dormaient depuis plusieurs mois sous le pont du métro aérien entre la Chapelle et Barbès, à porte de la Villette, à porte des Lilas, à porte de la Chapelle. La moitié des présents sont empêchés de monter dans les bus, refoulés sur le trottoir, sommés par la police de se disperser.

Pendant 3 jours, les personnes immigrées encore présentes résistent, refusent de partir, se rassemblent, tiennent des assemblées générales dans la rue, lancent des slogans en dari, en arabe et en pashto. Ils seront gazés, frappés à nouveau dès le lendemain, 2 d'entre eux au moins seront embarqués. Mais ils tiennent et réussissent à se réinstaller sous le pont, malgré la pression et la violence policière. A l'heure actuelle le campement est toujours gardé jour et nuit par des policiers qui empêchent toute personne munie d'une tente, d'une couverture ou même d'un bout de carton d'y accéder.

Depuis plus de 7 ans l'État français, ses préfectures, ses mairies ont muré des rues et grillagé des parcs pour empêcher des gens d'y dormir, ils ont fermé des toilettes et des bains publics, organisé la surveillance policière systématique de certains quartiers, promulgué une dizaine de lois sur l'immigration, mais ce qu'ils appellent aujourd'hui « mise à l'abri humanitaire » a été et sera toujours une opération de police, de tri et de rafle.

C'est contre ce monde, contre la ségrégation, contre la gestion des immigrés par la rue et par l'attente, pour l'égalité ou rien et pour ne plus accepter de se laisser diviser, que nous avons décidé d'ouvrir l'Ambassade des immigrés.

Nous l'avons ouverte le 18 avril 2022, entre les deux tours de l'élection présidentielle, comme une proposition concrète face à la situation des personnes immigrées à Paris et en proche banlieue :
la fin des campements comme espace de survie collective et d'organisation pour défendre ses droits, l'éparpillement forcé des immigrés dans des lieux toujours plus isolés et cachés,
la centralité du débat raciste sur l'immigration dans le débat présidentiel, sans aucune possibilité de participation des immigrés eux-mêmes,
l'absence de proposition organisationnelle des partis, groupes, collectifs et associations de solidarité face à la violence toujours plus raciste de la police dans la rue et contre les immigrés en général

Ouvrir cette « ambassade » c'était donc affirmer la nécessité de s'organiser contre le racisme et offrir une base matérielle et un cadre depuis lesquels français et immigrés pourraient lutter ensemble contre les politiques racistes de l'État.

C'était affirmer qu'il fallait, si l'on prétendait lutter contre l'extrême droite, s'organiser avec ceux et celles qui en subissent la violence et contre celles et ceux qui la produisent, quelle que soit leur étiquette politique ; qu'il fallait dépasser le cadre électoral et s'organiser concrètement pour remettre l'égalité à l'ordre du jour.

Entre le 18 avril et le 19 octobre 2022, nous avons été une centaine de camarades à investir un immeuble de bureaux vide appartenant à la Société générale, bâtiment vide parmi des milliers d'autres à Paris. Nous étions une centaine de personnes immigrées, soudanaises, somaliennes, éthiopiennes, érythréennes, maliennes, mauritaniennes, marocaines, algériennes, tchadiennes, iraniennes, françaises, avec ou sans papiers.

Dans les rue de La Chapelle et Stalingrad puis dans le 9e arrondissement lisse et bourgeois de Paris, nous avons fait des assemblées générales en 5 langues, nous nous sommes organisés, nous avons lancé des manifestations et des actions contre les institutions responsables des politiques racistes.
Etre présent dans le coeur de Paris, c'était revendiquer de sortir du ghetto auquel sont confinés les immigrés et tenir face à tous ceux que cela dérangent : la police et son harcèlement quotidien, les fascistes qui nous ont attaqué et tenté de forcer l'entrée du bâtiment.

L'Ambassade des immigrés fut un lieu de pratiques, de formation et d'apprentissage collectifs contre le racisme administratif, qui individualise les démarches et isole toujours plus les personnes par catégorie administrative et par nationalité, leur faisant croire qu'ils sont traités en individus alors que c'est toujours en tant que groupe qu'ils sont attaqués.

Ce fut un espace où des personnes solidaires, des militants, des assistants sociaux, des agents de la préfecture ou de l'OFII, des avocats, des médecins, assumèrent une position de défiance et de sécession vis-à-vis des institutions et participèrent à créer une solidarité politique et matérielle.

Ce fut un espace où l'on s'organisait entre toutes les nationalités, dans toutes les langues. Où l'on partageait des pratiques légales et illégales. Où les anciens partageaient leurs savoirs aux nouveaux, où les nouveaux mettaient à jour le savoir des anciens. Où un sans papier expliquait l'esclavage de la régularisation par le travail à des demandeurs d'asile arrivés en France la veille. Où l'on parlait de comment éviter de donner ses empreintes en arrivant en Europe pour ne pas être dubliné ; de comment voyager sans risque vers l'Angleterre ; où l'on comparait les pratiques des préfectures pour mieux les combattre ; où l'on apprenait les détails du règlement de Dublin pour mieux s'en défendre ; où l'on décidait de prendre ou de ne pas prendre un vol de déportation vers l'Italie ; où l'on apprenait quels aéroports italiens étaient plus ou moins fliqués à l'arrivée après une déportation et comment refuser une nouvelle prise d'empreinte ; où l'on s'organisait concrètement pour l'accès à la santé et évitait les refus de soins de l'hôpital public ; où l'on apprenait parfois à mentir à l'OFPRA, parfois à comment y présenter la vérité ; où l'on apprenait à ne pas se faire contrôler dans la rue et que faire en cas de problème avec la police. Où l'on passait ses premières nuits en France en arrivant de Libye et où l'on apprenait quoi dire à son premier rendez-vous à la préfecture. Où l'on apprenait à ne pas parler français au commissariat et où, en même temps, on s'apprenait des mots de français pour mieux se défendre face aux administrations racistes.

Ce fut un espace où l'on organisait des rencontres et des meetings. Où la diaspora afghane pouvait venir s'organiser pour aider à la lutte au pays contre les talibans et le boycott américain. Où les enfants d'immigrés du Front uni des quartiers populaires et de l'immigration tenaient ses réunions. Où les écologistes se réunissaient pour lutter contre le massacre des ouvriers immigrés au Qatar. Où l'on a organisé des rencontres à distance avec des résistants de Melilla suite aux meurtres perpétrés par les polices marocaines et espagnoles cet été. Où on parlait de l'impérialisme, de comment la France et les États occidentaux étaient responsables de la situation des pays d'origine, de l'Ouest à l'Est de l'Afrique et jusqu'en Afghanistan.
Grâce à cet espace d'organisation, de solidarité et d'apprentissage collectif, 16 personnes ont pu déposer l'asile en France en faisant annuler leur procédure Dublin, 23 personnes ont pu rétablir leurs droits aux Conditions matérielles d'accueil (hébergement et allocation pour demandeurs d'asile), 22 personnes ont pu accéder à un hébergement au cours de l'occupation, de nombreuses personnes ont pu se préparer à leur entretien OFPRA, 7 personnes ont pu s'organiser pour voyager sans danger et ont rejoint l'Angleterre.
Ce fut aussi une base matérielle d'organisation d'actions qui visaient à imposer des rapports de force avec des institutions et des revendications collectives face aux problèmes de chacun :

Le 1er Mai nous manifestions de la Chapelle à République, aux cris de “la li l-unsuriyya, musawwa” - Non au racisme, égalité !
Le 17 juillet nous occupions à 500 personnes le centre d'accueil des Ukrainiens de Porte de Versailles, centre d'hébergement quasiment vide, réservé exclusivement aux détenteurs d'un passeport ukrainien et interdit aux autres nationalités. Nous y avons fait accourir le sous-préfet de région, Christophe Aumônier, car il s'inquiétait d'une « guerre ethnique » entre bons et mauvais migrants. Nous étions reçus avec une délégation 3 jours plus tard pour exiger des logements pour tous les habitants et habitantes de l'Ambassade.
Le 27 septembre, sans nouvelles de la Préfecture de région, nous envahissions le siège de la Direction des affaires culturelle qui en dépend, et obtenions en 3h un RDV deux jours plus tard avec Cécile Guilhem, sous-préfète et cheffe de cabinet du préfet, Agnès Arabeyre-Nalon, cheffe de service des urgences sociales et Clément Chevalier, chargé de mission « Plan migrants ».
Le 7 octobre, nous occupions la cour de l'Hôtel de ville de Paris pour exiger de la Mairie qu'elle prenne ses responsabilités et soit un minimum à la hauteur de « l'accueil » dont elle se targue. Nous y étions reçus par Ian Brossat, adjoint à la protection des réfugiés, le cabinet d'Anne Hidalgo, le cabinet de Léa Filoche, adjointe à la solidarité, et Pierre-Charles Hardouin, directeur de la mission d'urgence sociale de la Ville de Paris.

Des habitants de l'Ambassade des immigrés ont ainsi négocié directement avec des chefs et des institutions, dans leur langue, et en tant que représentants d'un groupe luttant pour sa dignité face à un État raciste. Au cours de l'occupation, nous avons eu 6 rendez-vous de négociations, 3 avec la préfecture de région et 3 avec la Ville de Paris. Une vingtaine d'habitants de l'Ambassade ont participé à ces négociations, en arabe, en tigrinya, en soninké, en amharique, en anglais et en français.

La Mairie de Paris a fait beaucoup de discours et de promesses en s'étonnant que des réfugiés soient à la rue et en pleurant sur son impuissance face à la préfecture. On a surtout retenu de nos échanges qu'elle avait peur de la presse, qu'elle se complaisait dans l'inertie et qu'elle avait le pouvoir de préempter des bâtiments mais ne le faisait qu'en période électorale.
La préfecture de région s'est engagée à “l'orientation” -pour reprendre leur vocabulaire gestionnaire- de près des deux-tiers de la liste des habitants de l'Ambassade. Elle nous a assuré qu'elle n'était pas « une machine à faire monter dans des bus » et que les gens ne seraient pas remis à la rue. Suite à l'expulsion du bâtiment, sur les 79 personnes présentes, 26 ont eu un hébergement.

Nous n'avons jamais eu confiance en ces institutions. Ces places d'hébergement ont été arrachées à l'État par plusieurs mois de lutte et de mobilisation des habitants. Un de nos camarades a ainsi pu accéder à un hébergement pérenne après 8 ans de rue ! Plusieurs personnes, sans droit à l'hébergement à leur arrivée à l'Ambassade et pour lesquelles nous nous sommes battus pour le rétablir, ont aujourd'hui un toît.
Nous avons lutté, ensemble, jusqu'au bout, pour obtenir des logements et la libération de nos camarades arrêtés lors de l'expulsion de l'Ambassade. Notre camarade Khaled a été enfermé au CRA pendant 3 semaines et menacé de déportation au Soudan. Enfermé parce que l'État français qui a prétendument examiné sa demande d'asile, a toujours collaboré avec le régime dictatorial et génocidaire soudanais avant et contre la révolution de 2018 [1]. Nous avons organisé sa défense, occupé le parvis du commissariat, les parloirs du CRA, les salles d'audience des tribunaux… Et obtenu sa libération ! A 2 jours de sa déportation programmée par la préfecture de police vers le Soudan, grâce à la mobilisation collective.

Parce que la lutte, la mobilisation et l'organisation collective sont le chemin vers l'égalité et la dignité, et nous permettent d'exister et de résister ensemble contre le racisme : nous luttons et continuerons à lutter !

Nous luttons parce que nous avons eu en face de nous la loi, l'administration, incarnés par des personnes qui pensent les autres comme des places de bus et des quotas, pour qui c'est pareil de mettre quelqu'un dans un bus, de lui donner une OQTF, de le mettre en CRA ou de lui donner des papiers.

Nous luttons parce que nous avons eu en face de nous un juge qui nous a condamné à verser 9000 euros à la Société générale pour la dédommager de l'occupation de son immeuble.

Nous luttons pour pouvoir tenir tête à des institutions et leurs chiens de garde qui travaillent à rendre normal que des gens vivent des mois ou des années, en fuite ou dubliné, à attendre qu'on « traite leur dossier », qu'ils aillent à la préfecture la boule au ventre ou aient à prouver à un guichet qu'ils sont suffisamment malade pour avoir droit à un hébergement.

Nous luttons pour que personne n'ait à choisir entre un squat, un hangar-dortoir où il faut pointer, et un carton sous le périph et pour que personne n'ait à dépendre d'associations, de mendicité ou de charité.

Nous luttons contre Darmanin, ses idées, ses larbins et son monde, dans lequel, après la précédente loi de 2018 (réduction des délais impartis pour déposer un dossier de demande d'asile ou pour un recours contentieux contre une décision de rejet, allongement de la durée maximale d'emprisonnement à 90 jours au lieu de 45), après celle sur le séparatisme en 2021, après la mise en scène l'année dernière des dissolutions en chaîne d'associations, le fichage et le lynchage politique et judiciaire d'individus lambdas et de personnalités, on assiste au spectacle du lissage des discours racistes officiels au nom de la rationalité économique, à la propagande de l'État et des médias sur l'ennemi intérieur, à la répression croissante de celles et ceux qui sont de plus en plus associés à des sous-catégories de personnes et de citoyens, celles et ceux à qui il s'agit de faire comprendre que « citoyens », ils ne le seront jamais.

Le droit soi-disant trop « complexe » comme le prétendait il y a quelques jours Darmanin, pour pouvoir permettre d'arrêter, de réprimer, d'enfermer et d'expulser les immigrés, est celui-là même qui précarise leur vie, les empêche d'avoir une vie de famille, une vie intime, de travailler, de se déplacer, de se soigner et de décider de ce qu'ils feront demain ou dans 10 ans.
En France, des milliers de personnes vivent en suspension, suspendus à une circulaire, à un arrêté de transfert, à un contrôle de police, à un juge ou à un officier de « protection » de l'OFPRA.
En France, la double peine n'a jamais cessé d'exister : au premier janvier 2020, 23,2% des détenus en France étaient étrangers. Ils et elles sont ceux qui subissent le plus la justice de classe, jugés à la chaîne, jugés à la tête ou au CV, jugés sans traducteur. Ils et elles sont celles et ceux qui sont le plus expulsés, le plus réprimés, celles et ceux qu'on met de force dans un avion, menottés, sanglés, casqués, drogués, traités de "clandestins".

Nous luttons pour des logements dignes pour toutes et tous, pour la fin des visas qui tuent, pour la liberté de circulation et d'installation.

Nous luttons parce qu'on a toujours raison de s'organiser contre le racisme et pour l'égalité. Que face à l'État raciste seule l'organisation des immigrés et de tous les partisans de l'égalité peuvent imposer le respect et faire valoir la dignité.

Parce que, comme le montre l'expérience de l'Ambassade, la seule manière d'obtenir un logement sans attendre 8 ans, c'est d'occuper des bâtiments et des administrations. Que lutter et faire groupe est la seule manière de faire respecter le droit de vivre avec sa famille. Qu'aujourd'hui même pour avoir un rendez-vous en préfecture sans payer il faut s'organiser et occuper la préfecture. Que la seule manière de parler aux chefs c'est de les attaquer en groupe et de bloquer leurs administrations. Que l'Ambassade, même expulsée, reste l'expérience d'une organisation collective contre le racisme des institutions françaises et montre la possibilité d'arracher des victoires collectives contre ces institutions.

Nous appelons à faire fleurir les Ambassades, à occuper et réoccuper Paris, s'y installer et le revendiquer, occuper ses multinationales, ses lieux bourgeois, de prestige et de pouvoir.

Nous appelons à occuper tous les lieux de l'État, à les empêcher de fonctionner et à surtout, à partir de tous ces lieux, créer des espaces de rencontres, d'organisations et de solidarité depuis lesquels il sera possible d'instituer des rapports de force avec l'État.

Nous appelons à s'organiser avec toutes les personnes et organisations antiracistes, antiimpérialistes et anticapitalistes, nous appelons à l'organisation de personnes françaises et immigrées, avec ou sans papiers pour la constitution d'un mouvement immigré de masse.

"Awrak, sakan, houria" / “Papiers, logements, liberté”
"La li l-3unsuriyya, musawa"/ “Non au racisme, égalité !”


[1] Le 23/10/2022, l'ambassadrice de France au Soudan, Raja Rabia, a rencontré le général Hemmetti, responsable du génocide au Darfour et chef des Forces de Soutien Rapide/Janjawid.

Traduction en arabe, farsi, anglais, italien et espagnol à venir.

Qui sont les Black Blocs ? Où sont les Black Blocs ?

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Traduction du texte d'un collectif universitaire italien, en réaction à la campagne de presse des médias italiens sur de prétendus « Black Blocs » pendant les émeutes à Rome le mardi 14 décembre 2010.

Cette ques­tion réap­pa­rais­sant dans la plu­part des jour­naux après chaque émeute, comme celle à Rome le 14 décem­bre, elle mérite une réponse. Est-ce que vous voulez-vous voir à quoi res­sem­blent nos visa­ges quand ils ne sont pas mas­qués par des fou­lards, des cas­ques ou des cagou­les ?

Ce sont les mêmes visa­ges qui paient un loyer pour vos appar­te­ments pour­ris, les visa­ges de ceux à qui vous offrez des stages non rému­né­rés ou des jobs à plein temps pour 1000 euros. Ce sont les visa­ges qui paient des mil­liers d'euros pour assis­ter à vos cours. Ce sont les visa­ges des gamins que vous frap­pez quand vous les chopez avec un peu d'herbe dans leurs poches. Ce sont les visa­ges de celles et ceux qui doi­vent s'enfuir du bus quand les contrô­leurs appa­rais­sent, ne pou­vant pas se payer le voyage.

Ce sont les gens qui cui­si­nent vos faux-filets à point dans les res­tau­rants chics, et reçoi­vent pour ça 60 euros la soirée, au black. Ce sont celles et ceux qui vous pré­pa­rent vos cafés serrés à Starbucks. Ce sont ceux qui répon­dent à vos appels en disant « 118 118, puis-je vous aider ? », ceux qui achè­tent de la nour­ri­ture à Lidl par­ce ­que celle des autres super­mar­chés est trop chère. Ceux qui ani­ment vos camps de vacan­ces pour 600 euros par mois, ceux qui ran­gent les étalages des maga­sins où vous ache­tez vos légu­mes bios. Ce sont ceux à qui la pré­ca­rité bouffe toute l'énergie vitale, ceux qui ont une vie de merde, mais ont décidé qu'ils en avaient assez d'accep­ter tout ça.

Nous fai­sons partie d'une géné­ra­tion, qui, pour un jour, a arrêté de s'empoi­son­ner le sang avec la névrose d'une vie passée dans la pré­ca­rité, et qui a sou­tenu les émeutes. Nous sommes le futur que vous devez écouter, et la seule partie saine d'une société cou­verte de métas­ta­ses. Ce qu'il est en train de se passer à Londres, Athènes et Rome est d'une impor­tance his­to­ri­que. Des places rem­plies à cra­quer de gens explo­sent de joie quand les cars de police pren­nent feu. Notre exis­tence même est dans ces cris : l'exis­tence de celles et ceux qui ne peu­vent pas croire que des gou­ver­ne­ments élus se retour­ne­raient contre leurs citoyens et leur feraient payer des dizai­nes d'années d'erreurs com­mi­ses par le sec­teur finan­cier et les mul­ti­na­tio­na­les ; l'exis­tence de ceux qui main­te­nant com­men­cent à penser que tous ensem­ble nous pou­vons com­men­cer à leur faire peur. Ces excla­ma­tions étaient furieu­ses et joyeu­ses, explo­sant depuis la partie saine de la société, pen­dant que celle empoi­son­née se cachait dans la Chambre des Députés.

Les Black Blocs ont encore frappé. Vous feriez mieux de regar­der autour de vous main­te­nant. Des rumeurs disent que vous pour­riez en ren­contrer cer­tains pen­dant vos cours, à la biblio­thè­que, à la machine à café, au pub, sur la plage, voire même dans le bus.

Collettivo Universitario Autonomo de Torino, 16 décembre.