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Assembleia maintient le drapeau anarchiste en Ukraine, face à l'armée russe et au gouvernement ukrainien

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Interview du collectif Assembleia, site d'information anarchiste ukrainien, réalisée par le Comité international de la Fédération Anachiste Italienne et publié le 31 août 2022 dans le journal Umanita Nova. Traduction d'après l'italien et l'anglais : Solidarité Olga Taratuta.

CRINT-FAI : Compte tenu du manque d'information sur la situation à Kharkov auprès du public italien, pouvez-vous dire quelque chose sur l'histoire de votre groupe et votre insertion dans la dynamique politique locale ?

Assembleia : Nous sommes vraiment actifs depuis le 30 mars 2020 - dès qu'il y a eu un sentiment dans l'air que ce statu quo habituel était enfin rompu. Le début d'une pandémie mondiale nous a pris par surprise. C'était inhabituel de rester à la maison tout le temps. Sur certains lieux de travail de nos compagnons, le salaire fut réduit de 20% et il y avait une crainte de licenciements. Alors quelques semaines après le début de la quarantaine, nous avons commencé à développer notre site Web et ainsi nous avons commencé à parler de problèmes sociaux graves afin d'aider les gens à s'unir pour s'entraider directement face à une crise.

Notre raisonnement était le suivant : si au moins 10% de la population de notre ville comprend mieux, par exemple, le système de transport public que le maire et le conseil municipal, alors pourquoi avons-nous besoin de leur administration ? C'est parti de quelque chose comme ça... Le journal est rapidement devenu un lieu où le secteur pacifique de la lutte sociale et de l'auto-organisation pouvait rencontrer le secteur plus radical, et il a commencé à vraiment répondre à nos attentes. Nous avons couvert les événements de rue, les luttes sur les lieux de travail et les problèmes de développement urbain dans notre métropole. Nous avons également essayé de restaurer la mémoire historique des traditions ouvrières révolutionnaires.

Depuis le début des hostilités, notre magazine est devenu une plate-forme pour présenter et coordonner des activités humanitaires auto-organisées, ainsi que pour mettre en évidence comment la classe dirigeante locale profite de ce massacre. Et si au cours de la dernière année, nous avons eu 20 à 30 000 visites par mois, depuis le début du printemps, il est passé de 80 à 120 000.

CRINT-FAI : Vous avez réussi à maintenir en vie l'activité pendant le conflit. Comment cela est-il mis en œuvre dans le travail quotidien ?

Assembleia : Heureusement ou malheureusement, nous sommes le seul collectif anarchiste dont la renommée en Ukraine [même] a considérablement augmenté au cours de ces 6 mois terribles. Probablement, parce que nous donnons des informations utiles aux travailleurs dans leur confrontation quotidienne avec les patrons ou les fonctionnaires, et notre position impliquant notre condamnation des deux États en guerre.

L'agresseur commet un génocide ouvert contre tout ce qui est ukrainien, tandis que la « petite victime démocratique souffrante » maintient la majeure partie de la population en état d'otages pour montrer des images plus sanglantes à l'étranger pour exiger plus d'argent, volant également ses sujets par tous les moyens disponibles, alors qu'aucun missile russe n'a encore volé dans le quartier gouvernemental. Donc, l'information [que nous diffusons] est assez proche de ceux qui n'ont rien à défendre dans ce trou sombre sans avenir clair.

Le principal problème est qu'un tel soutien ne se transforme pas en désir d'étudier l'anarchisme et de diffuser ses idées – ici même les volontaires [des collectifs d'entre-aide] base et des autres parties actives de la société sont désidéologisés au maximum ici ...

CRINT-FAI : Qu'en est-il du gouvernement de Zelensky ? Nous avons pris lu des informations sur la nouvelle législation du travail [La loi 5371, entrée en vigueur le 23 août dernier]. Quelles sont les implications de l'état d'urgence sur la vie quotidienne ?

Assembleia : Si pour la Russie la défaite dans la guerre signifierait quelques changements politiques (au moins un coup d'État de palais, et une éventuelle désintégration en parties ou perte partielle de souveraineté), l'avenir de l'Ukraine semble être très triste dans tous les cas. Bien avant la guerre, Zelensky a souvent été comparé à un jeune Poutine non sans raison, et à la suite de la victoire, nous pourrions obtenir un régime non moins dictatorial que le régime russe. Un exemple très significatif est venu ce mois-ci quand il a déclaré que les frontières pour les hommes ne seraient pas ouvertes jusqu'à la fin de la loi martiale, sans se soucier que cela est le sujet de pétition le plus populaire dans son site Web.

En ce qui concerne la législation du travail, il est très révélateur que nous ne voyions que seuls les Européens sont préoccupés par ce sujet. Parce qu'en Ukraine au moins la moitié des personnes employées travaillent dans le secteur informel [donc en dehors de toute législation], et même les personnes officiellement employées entendent rarement parler du respect des droits et des garanties du travail - tout dépend d'accords individuels.

Surtout, la classe ouvrière s'inquiète maintenant d'autres choses : d'une part les rafles [policières] de rue pour délivrer les lettres de mobilisation / recrutement militaire (particulièrement fréquent dans les régions frontalières de l'Est et de l'Ouest) et d'autre part la nécessité d'autoriser l'expatriation de ceux qui sont soumis au service militaire. Certes, ces revendications restent à un niveau « théorique », mais ce sont les premières tentatives des travailleurs ukrainiens de notre mémoire pour exprimer leur propre agenda à l'échelle nationale. Les actions de rue étant désormais impossibles, ils ont recours au seul moyen qui leur reste de communication avec les autorités.

Nous ne pouvons qu'imaginer comment les Ukrainiens seraient heureux si l'État desserrait son étau à la suite de la campagne du mouvement anarchiste international. Si ce mouvement avait pris ses déclarations anti-guerre comme plus que de simples mots, nous aurions vu ses rassemblements massifs près des ambassades ukrainiennes pour l'ouverture des frontières il y a plusieurs mois. De quoi parler, si même lors [des manifs du] Premier mai, vous trouviez des choses plus importantes à faire ? Il nous semble qu'il y ait nulle part d'où attendre de l'aide, et on ne peut que deviner combien d'autres familles ukrainiennes mourront parce qu'elles ne veulent pas se séparer. En quoi vous différenciez-vous des politiciens si vous déclarez des choses que vous n'allez pas réaliser réellement ?

La seule structure libertaire de masse dont les paroles n'ont pas différé de leurs actes a été l'EZLN [au Mexique]. Peu de temps après l'invasion [russe], ils ont envahi les rues de leurs municipalités, condamnant inconditionnellement cette agression, appelant au retrait immédiat de l'armée russe, tout en ne considérant pas l'État bourgeois ukrainien comme quelque chose de meilleur. Cette manifestation était symbolique, presque personne au Kremlin ne l'a même vue, mais il semble qu'ils aient fait le maximum possible dans leur jungle de montagne...

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Nous ne serons pas radioactif.ve.s !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Retour sur une action chantée devant le siège de l'ANDRA (Agence Nationale de gestion des Déchets RAdioactifs) lors des RENCONTRES NOMADES 2022 (rencontres nationales des chorales révolutionnaires) à Bure.

Du 15 au 21 août dernier ont eu lieu à la gare de Luméville près de Bure, les Rencontres nomades, rassemblement annuel des chorales révolutionnaires de toute la France. Des rencontres qui ont lieu chaque année dans un lieu de lutte et qui ont réuni cette année près de 400 personnes.
Durant cette semaine, organisée en auto-gestion, des chants sont transmis, des ateliers et activités diverses sont proposées par les participant.e.s et des temps sont dédiés à la lutte du territoire, en l'occurrence cette année, la lutte contre le projet de poubelle nucléaire CIGEO. Parmi ces temps, une action chantée devant le siège de L'ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) dont j'ai réalisé un petit film (Nous ne serons pas radioactif.ves ! visible ici https://vimeo.com/759115559)

Pour résumer le projet d'enfouissement des déchets à Bure, l'état français tente de faire sortir de terre et rentrer sous terre un centre d'enfouissement des déchets radioactifs (en tous les cas les plus radioactifs). Il a choisi pour cela le site de Bure dans la Meuse. Depuis 1998, année durant laquelle le choix du lieu a été officialisé, une grosse mobilisation s'est développée sur place contre le projet. Une mobilisation qui a pris de de multiples formes de la simple pétition aux recours juridiques et administratifs en passant par l'achat de lieux collectifs mais aussi des occupations comme celle du bois Lejus en 2019.
Les opposant.e.s pointent du doigt la technique peu sûre d'enfouissement irréversible, son impact sur les ressources en eau, l'absence de débat démocratique. Elle demande en outre et avant tout l'arrêt de la production de déchets nucélaires et donc l'arrêt des centrales.

Où en est on sur place ? Au mois de juillet dernier, malgré moultes avis négatifs lors de la consultation, Cigéo a été classé parmi les opérations d'intérêt national (OIN) et déclaré d'utilité publique (DUP), ce qui permettra à l'État d'exproprier les propriétaires des parcelles nécessaires à la construction du projet. Par le biais des SAFER (Sociétés d'Aménagement du Foncier et d'Établissement Rural), l'Andra s'est progressivement accaparée plus de 3000 ha de terrains, dont 1000 ha de terres agricoles et 2000 ha de forêts, harcelant de nombreux·ses paysan·nes, augmentant le prix du foncier et compliquant les installations agricoles. Concrètement, il manque encore à l'ANDRA 5% des terres nécessaires à la réalisation du projet. Le site de la gare, où les Rencontres ont eu lieu, en fait partie. Ce site, acheté par un groupe de militant.e.s et d'opposant.e.s en 2000, est un espace de 8ha faisant office de lieu de ressource, d'organisation et d'accueil. De nombreux événements y ont été et y sont organisés. La DUP et l'OIN permettent à l'Andra de racheter le lieu.

Loin de s'affaiblir, la résistance sur place est repartie de plus belle après le passage difficile qu'a constitué la mise en examen de 7 militant.e.s pour association de malfaiteurs. Après près de 4 ans d'instructions, de milliers d'heures d'écoutes, de plusieurs perquisitions, de restrictions comme l'interdiction de se voir et de se parler pour les accusé.e.s pendant plus de deux ans et l'interdiction de présence en Meuse et en Haute-Marne et après plus d'1 million d'euros dépensés, les 7 prévenus ont tous été relaxés en juin 2021 de l'accusation (d'association de malfaiteurs). Les avocats estimaient alors que l'accusation n'avait été qu'un « prétexte » pour « réprimer le mouvement antinucléaire d'opposition à Cigéo », « pour les écouter, les perquisitionner, les surveiller, les contrôler et les éloigner de la Meuse et de la Haute-Marne » [1].

Comme j'ai pu le constater lors des rencontres et des temps d'infos, de discussions, la résistance a repris du poil de la bête et s'organise notamment dans les lieux collectifs, la gare mais aussi la maison de la résistance à Bure, l'augustine à Mandres en barrois [2]... Elle doit cependant faire face à une énergie et des moyens massifs mis en place par l'État pour étouffer la contestation.
Lors d'une soirée de témoignages des personnes en lutte habitants la zone de Bure, on a par exemple appris que l'ANDRA, non contente de racheter des maisons en vente sur le territoire, avait décidé aussi d'en détruire quelques-unes pour éviter que des opposant.e.s ne les rachètent.
On a aussi constaté comment de grandes quantités d'argent étaient dédiés à l'achat des consciences des citoyen,.ne.s et des décideurs politiques. On a par exemple appris que certaines banques conditionnaient l'octroi de prêts à l'acceptation d'un fond d'aide, le GIP (Groupement d'Intérêt Public Haute-Marne [3]), financé par l'ANDRA. Ainsi, un opposant historique, qui voulait monter un projet de fromagerie, n'a pas pu avoir son prêt puisqu'il refusait l'argent de l'ANDRA !...
Concrêtement, on a aussi pu vivre la surveillance policière, que ce soit par des contrôles sur les routes, par des survols du site de la gare, par l'encadrement policier massif de notre sortie dans les lavoirs du coin pour aller chanter à la rencontre de la population. On a pu aussi constater les moyens financiers mis au service des municipalités pour refaire leur route, leur éclairage, leur salle des fêtes... Sans parler des sorties organisées par les écoles, collèges, lycée pour visiter le laboratoire de l'ANDRA et les expos qu'il monte. Il faut se pincer pour le croire, lors des rencontres nomades, l'expo proposée s'intitulait « Secrets d'abeilles » ! [4].

Depuis les Rencontres nomades, 32 organisations opposées au projet ont déposé en septembre des recours à la Déclaration d'Utilité publique du projet auprès du conseil d'État. Côté politique, un front parlementaire Anti Cigéo a vu le jour réunissant plus de 100 députés [5]. Et... Jean-Marc Jancovici, ingénieur et enseignant, a carte blanche dans les médias pour promouvoir le nucléaire avec son costume faussement écolo (je vous conseille la lecture de ces articles à ce sujet [6] [7]).

En tous les cas, la lutte a besoin de nous toustes que ce soit :

  • En allant sur place pour s'impliquer sur un chantier, pour participer à un événement, pour y vivre, pour y organiser un événement à la manière des rencontres nomades
  • En faisant un don financier pour améliorer le quotidien sur place, pour financer la lutte juridique
  • En se mobilisant dans votre territoire contre l'Andra ou ses sous-traitants.
  • En parlant du projet autour de vous, en le faisant connaître, en organisant des événements d'infos et de soutien

Bref, de multiples moyens de se mobiliser et d'empêcher ce projet de se réaliser !

Nous ne serons pas radioactif.ve.s !

Stéphane

Pour aller plus loin :

Les sites internet :

Les brochures :

Les films :

Le lire aussi et trouver plus d'articles sur Bure bure bure

Meeting contre le racisme et pour l'égalité

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Suite à l'expulsion de l'Ambassade des immigrés et à la rafle survenue à La Chapelle, réunissons-nous pour faire face à ces attaques.

Ce jeudi 03/11 à 18h au local de Solidaires (31, rue de la Grange aux belles)
Mercredi 19 octobre, 180 gendarmes expulsent violemment l'Ambassade des Immigrés, bâtiment de la Société Générale occupé depuis 6 mois par un groupe de 80 immigrés, raflant au passage 6 habitants.

Jeudi 27 octobre, un immense dispositif policier rafle La Chapelle, laissant 500 personnes sur le carreau. Depuis, 200 immigrés de La Chapelle résiste au harcèlement policier et tiennent la rue.

Face à ces attaques toujours plus violentes de l'État et de ses préfectures contre les immigrés, il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire de s'organiser contre les politiques racistes. ✊

Contre la politique de la rue, contre la politique par la rue.
Pour des logements et des papiers pour tous !
Pour la liberté de circulation et d'installation !
Pour remettre l'égalité à l'ordre du jour !

Nous vous invitions à participer à un meeting contre le racisme et pour l'égalité le jeudi 3/11 à 18h au 31 rue de la Grange aux Belles (métro Colonel Fabien). ✊

Intervenants :
▪️Des membres du collectif La Chapelle debout !
▪️Des habitants de l'Ambassade des immigrés
▪️Nicolas De Sa-Pallix, président du Syndicat des Avocats de France Paris
▪️Médecins du monde
▪️Des élus de La France insoumise

Cagnotte anti-répression de l'Ambassade des immigrés : https://www.okpal.com/solidarite-avec-l-ambassade-des-immigres-expulsa/

Assemblée féministe pour le 25 novembre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Retrouvons nous le 2/11 au 24, rue de l'Eglise à Montreuil pour organiser une manifestation le 25 novembre, date de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, à Montreuil.

L'assemblée féministe de Montreuil souhaite organiser une manifestation le 25 novembre à Montreuil contre les violences sexistes et sexuelles et plus largement contre toutes les violences faites aux femmes : sociales, racistes, homophobes, et transphobes. Si tu es intéressé.e, que tu as envie de t'investir, viens organiser la manifestation avec nous !! RDV pour préparer la manifestation le mercredi 2 novembre à 18h30 à la Maison des femmes de Montreuil, au 24, rue de l'Eglise. L'assemblée se fait en non mixité, entre femmes et minorités de genre, sans mecs cis ( CIS : personne qui se reconnait dans le genre qu'on lui a assigné à la naissance).

L'assemblée féministe existe depuis fin novembre de l'année dernière et notre activité principale est la construction de la grève du 8 mars : tractages sur la grève, piquet de grève sur la place du marché. L'assemblée est un cadre ouvert. Ainsi, toutes nos activités sont ouvertes à toutes les femmes et minorités de genre. Nous nous organisons politiquement dans les assemblées et nous nous retrouvons également autour de « cafés féministes » ; moments qui nous permettent d'approfondir des thématiques politiques (ce mois-ci : café autour de l'avortement et des droits reproductifs). Notre volonté est d'avoir un cadre souple afin de permettre à toustes de s'en saisir à la hauteur de ses moyens et de ses envies. Nous tenons à ce que chaque assemblée se fasse dans des lieux différents, afin de faire du lien ou renforcer ceux qui existent déjà avec des lieux militants qui existent à Montreuil : la maison des femmes, la parole errante, l'AERI, la Baudrière.

Hâte de vous rencontrer le 2 novembre à la Maison des femmes.

Zarzis 18/18, la grève générale et le scandale du Jardin d'Afrique

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le 18 Octobre 2022, une grève générale a traversé la ville de Zarzis en signe de protestation suite à la disparition de 17 personnes parties harraga le 21 septembre. La semaine dernière, les corps de 3 personnes ayant fait partie de ce groupe ont été retrouvés dans le Jardin d'Afrique, où ils avaient été enterrés sans test ADN. Les mobilisations demandent la vérité et des explications à la Garde Maritime, la Mairie, l'hôpital et le procureur. Article publié par MIA

Pour lire la première partie de la lutte à Zarzis : Zarzis 18/18 : en Tunisie, une mobilisation qui exige la vérité.
"Après trois semaines, on ne trouve que des restes... on a trouvé tellement de corps dans la mer ! De loin, on peut voir une nuée d'oiseaux blancs comme formant un cercle ; au milieu, un corps gonflé et une tache comme de l'huile tout autour... Et on sent déjà de loin une odeur insupportable", raconte Oussine, pêcheur et membre de l'association de pêcheurs de Zarzis au cours d'une opération de recherche en mer. En revanche, c'est un corps quasi intact qui est retrouvé le dimanche 16 octobre (soit 25 jours après la disparition du bateau) sur une plage de Zarzis. Il s'agit de celui de l'un des disparus : Aymen Mcherek. Presque inodore, son corps est retrouvé avec sa chemise encore attachée à la tête. D'où le soupçon parmi les proches qu'il provenait non pas de la mer mais d'une chambre froide. Dans l'espoir de dissiper ce doute, huit bateaux de pêcheurs sont sortis en mer le lendemain pour une autre opération de recherche. En vain.
Depuis un mois, l'association des pêcheurs est l'épaule à laquelle les familles peuvent se raccrocher pour éviter l'abîme du désespoir. C'est à ses côtés qu'Abd al-Salam al-Aoudi, père de Ryan (jeune de 15 ans encore porté disparu) a ouvert l'interminable cortège de mardi 18, transformant ainsi son cauchemar en cris de revendication :

« Cha3b yourid aouled el mafk9oudin !
Le peuple veut les fils/filles disparu.es ! »

L'émotion d'Abd al-Salam avait déjà fait irruption à l'occasion de la réunion avec les syndicats UGTT, UTICA et UTAP précédant la journée de grève du 18. Alors que l'association des pêcheurs, les familles et les militants de la ville souhaitaient appeler à la grève générale, les syndicats avaient demandé un délai supplémentaire pour organiser une telle mobilisation. Face à cette impasse, Abd al-Salam s'était levé pour exprimer sa détresse, s'écriant "vous êtes mon président, vous devez m'aider à retrouver mon fils, vous devez m'aider à retrouver mon fils !", le doigt pointé vers Chamseddine Bourassine. Après un court moment, la réunion se dissout sans aucune promesse des syndicats. Le lendemain, ils déclareront une grève générale pour le mardi 18 octobre.
Chamseddine Bourassine, président de l'association des pêcheurs, est le pivot politique des mobilisations de Zarzis [1]. C'est en effet autour de lui que se sont multipliées les assemblées ouvertes au local des pêcheurs sur la route de Ben Gardane, les communiqués de presse, et les prises de paroles dans les rues et dans les rassemblements spontanés. Et c'est au fil de ces mobilisations que s'est progressivement esquissée une certaine posture collective face aux institutions étatiques là où la colère et le désespoir n'auraient pu suffire à eux seuls. Dans son discours tenu à l'occasion de la gréve du 18 Octobre, il déclara :

La raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui dans le cas de cette catastrophe : aucune autorité en Tunisie n'a voulu s'occuper de notre cause. [...] Nous avons trouvé que les déclarations municipales ne correspondent pas aux tombes qui sont au cimetière des Inconnus. Nous avons trouvé des permis d'enterrement qui ne correspondent pas aux tombes qui sont au cimetière. Aucun responsable n'a voulu nous dire la vérité.
Ces dernières semaines, aucun organisme d'État ne s'est exprimé publiquement : les hôpitaux, les morgues, le cimetière, la municipalité de Zarzis, le procureur. Ce n'est que grâce à l'obstination acharnée des familles et des militants que les innombrables contradictions des discours officiels ont pu être mises en lumière. Le dimanche 16, après la reconnaissance des trois corps enterrés au Jardin d'Afrique et les funérailles de quatre personnes, la pression de Zarzisouis.es a permis d'ouvrir les registres de l'hôpital et découvrir que, au cours de la semaine écoulée, certains corps avaient quitté l'hôpital sans test ADN et sans destination officielle. Le lendemain, alors qu'il comptait faire une demande officielle pour savoir combien de corps étaient en attente de tests ADN à l'hôpital de Gabès, Ali Kniss, chercheur et citoyen de Zarzis, a été brusquement expulsé du tribunal de Médenine parce qu'il portait un short et Abd al-Salam al-Aoudi a été violemment plaqué au sol et malmené.

L'objectif premier des mobilisations de Zarzis est la vérité et la recherche des disparu.e.s. D'autres motivations d'ordre psychologique, social, politique et économique contribuent évidemment à élargir la mobilisation de la ville et de la région. Mais il est important de ne pas confondre l'objectif avec les motivations ; le mouvement à Zarzis "ne demande pas ni a manger ni a boire" selon le President de l'association des Pêcheurs. Se mobiliser en Tunisie en ce moment signifie devoir se défendre contre l'accusation de vouloir déstabiliser le président. La protestation est vue et attaquée en tant que "cheval de Troie" de forces complotant dans l'ombre pour soi-disant influencer l'agenda politique. Dans un tel contexte [2], les mots de Bourassine ne laissent aucune équivoque :

“Garder vos chaises et vos postes, mais laissez-nous nos causes [3]
Nous ne sommes pas avec les personnes qui veulent gouverner. Ni avec ceux qui ont des agendas avec les étrangers.[...] je pense qu'ils vous donnent de mauvaises informations.

Lire en entier et écouter l'interview sur MIA

[1] Chamseddine Bourassine n'est pas le leader des mobilisations de Zarzis ; multiples sont les personnes qui se sont exposées au cours de ces semaines et dont l'action a été déterminante pour le déroulement des événements et la recherche de la vérité.

[2] Manifestations et affrontements dans le quartier d'Ettadhamen à Tunis après la mort d'un jeune homme de 24 ans aux mains de la police le 14 octobre, manifestation anti-Kaïs Saied dans l'avenue Bourghiba le 15 octobre, grève des transports publics le 21 octobre, grève des fourneaux le 19 octobre.

[3] Chanson populaire de Lotfi Bouchnak : https://www.youtube.com/watch?v=J33P6oG-jfA&ab_channel=ImadBandak