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Grève générale : rendez-vous de la semaine du 10 avril au 16 avril

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Rendez-vous, assemblées, manifs, occupations... tous les rendez-vous de la semaine en région parisienne à partir du 10 avril !

Rendez-vous mis à jour régulièrement

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Caisses de grève contre la réforme des retraites !

« Ça ne sert à rien que je fasse grève, je ne bloque rien »… Avec celle-ci, il y a mille raisons pour lesquelles on peut ne pas souhaiter se mettre en grève. Pendant ce temps, les secteurs à forte capacité de (...)

Envoyez vos infos à paris-luttes-infos@riseup.net ou en commentaires sous l'article, ou venez publier directement

Les rendez-vous

Manifestation interpro à l'appel de l'intersyndicale, jeudi 13 avril au départ d'Opéra à 14h.
Trajet : infos à venir

Pour se rendre aux manifestations parisiennes en bus, n'hésitez pas à vous rapprocher des différents contacts établis lors des manifestations du mois de janvier/février via cet article : https://paris-luttes.info/departs-en-bus-en-ile-de-france-16562

Paris

Mardi 11 avril
Jeudi 13 avril
  • 12e arrondissement 11h - AG interpro et action basket, à la Gare de Lyon, à l'ex centre de tri au bout de la voie 23 [visuel]
  • Manifestation départ 14h Opéra
Vendredi 14 avril
  • Rassemblement à Concorde lors de la décision du Conseil constitutionnel plus d'infos à venir
Samedi 15 avril
  • 20e arrondissement 12h - Repas de soutien aux caisses de grève, à la Cantine des Pyrénées, 77 rue de la Mare [visuel]
Dimanche 16 avril

77 - Seine-et-Marne

Jeudi 13 avril
  • Melun : 12h, parking du Conforama, départ en bus (CGT), inscriptions sur ulcgtmelun.fr
  • Meaux : 9h30, manifestation, départ place de la Mairie
Vendredi 14 avril
  • Meaux : 18h30, rassemblement place de la Mairie (ramener de quoi faire beaucoup de bruit)

78 - Yvelines

Samedi 15 avril
  • Mantes : 10h - Manifestation tous les samedi jusqu'à la victoire, devant la Collégiale

91 - Essonne

Lundi 10 avril
  • Bretigny-sur-Orge 18h30, AG interpro, Parc Bois Badeau (sous l'estrade extérieure), rue Georges Charpak [visuel]
Mardi 11 avril
  • Saclay : 12h, rassemblement interpro place Marguerite Perey à l'appel du Comité de mobilisation du plateau de Saclay [visuel]
  • Etampes : 19h, AG, café du départ (en face de la gare)

92 - Hauts-de-Seine

Mardi 11 avril
  • Bagneux : 18h, AG, foyer Cosson
  • Fontenay-aux-Roses : 19h, manifestation, place de la mairie
Jeudi 13 avril
  • Nanterre : 10h, AG, Bourse du Travail

93 - Seine-Saint-Denis

Mardi 11 avril
  • Aubervilliers 5h15 - Blocage du garage des véhicules de ramassage des déchets, 33 rue du Port [visuel]
Mercredi 12 avril
  • Les Lilas : 16h30, rassemblement festif de printemps devant l'école Romain Rolland et le parc Lucie Aubrac. Discussions, musique, buvette et buffet participatif en soutien aux grévistes. A l'initiative de l'AG Romainville, Les Lilas et le Pré-Saint-Gervais.
  • Montreuil 12h30, Cantine de grève, à l'AERI, 57 rue Erienne Marcel, métro Croix de Chavaux
Vendredi 14 avril
  • Bagnolet : soirée de soutien aux grévistes (détails à venir).
  • Saint-Denis : soirée de soutien aux grévistes à l'université Paris-8 (détails à venir)

94 - Val-de-Marne

Mardi 11 avril
  • Champigny-sur-Marne : 17h30, AG du comité de luttes. Bourse du Travail ??
Vendredi 14 avril
  • Champigny-sur-Marne : soirée de soutien aux grévistes, avec projection du film « Un pays qui se tient sage » (en attente d'une salle).
Samedi 15 avril

95 - Val-d'Oise

Logo de l'article : Théo Garnier-Greuez via formesdesluttes.org

Plutôt chômeurs & chômeurs que contrôleurs

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Nous avons distribué ce tract mercredi 5 avril, au cours de la session de recrutement organisée par la préfecture de police de Paris dans les locaux de l'agence Pôle emploi Daviel (Paris 13).
Cette action est dédiée aux personnes blessées de Sainte-Soline.

Lors de cette intervention, un cadre de l'agence a cru bon de demander sa « pièce d'identité » à une des personnes présentes avant de guider la police jusque dans la rue pour faciliter ses recherches, rendant ainsi manifestes, s'il en était besoin, les affinités entre les logiques de contrôle de Pôle emploi et celles de la police. Nous nous opposons à l'injonction au travail en général, dans les secteurs en tension en particulier, et a fortiori dans les métiers de la sécurité. Nous nous opposons également à l'intensification des logiques de répression, à la police qui frappe tout ce qui bouge et à la vidéo-surveillance algorithmique qui est précisément conçue à cette fin.

La Préfecture de police de Paris est en train d'organiser un recrutement à l'agence Pôle emploi Daviel, dans le 13e : « Un emploi pour tous a la préfecture de police ». Il s'agit de recruter en CDD des candidats - plus ou moins volontaires - dans des métiers liés au numérique : dans les renseignements généraux, à la police judiciaire, au laboratoire central, ainsi qu'à « la direction de l'innovation, de la logistique et des technologies ». La loi sur la vidéosurveillance automatisée (VSA) vient de passer, la police recrute ! Comme annoncé dans le Livre blanc du ministère de l'Intérieur (2019), l'État prend prétexte des J.O. de 2024 pour faire franchir plusieurs seuils au flicage généralisé. Le nouveau dispositif sécuritaire systématise donc une surveillance en amont « des corps, des attributs physiques, des gestes, des silhouettes, des démarches » pour faire le tri de ceux jugés « suspects » selon les critères policiers (La Quadrature du net, « La France, premier pays d'Europe à légaliser la surveillance biométrique »).

Le maillage resserré des logiques sécuritaires et de remise au travail à tout prix

L'État accroît les moyens de l'armée et des flics, et s'appuie massivement sur des sociétés privées pour développer des outils informatiques et recruter des agents de sécurité. Pôle emploi, dont les directions se font les leviers dociles de cette politique, organise des « marathons de la sécurité », finance avec la région des formations accélérées à ces métiers – tout en restreignant l'accès à d'autres formations –, et plus généralement met la pression aux chômeurs pour mieux grossir le contingent policier. Si nous sommes tributaires - bien qu'à des degrés divers - des multiples logiques de contrôle de la police et de Pôle emploi, et qu'il nous est difficile de nous y soustraire, nous pouvons aussi faire obstacle à leur politique par notre présence concrète, comme aujourd'hui, dans cette agence.

Police Emploi n'aura jamais si bien porté son nom

Il est rare que les relations entre l'intensification de l'exploitation des travailleurs, la remise au travail contrainte et les politiques sécuritaires soient aussi lisibles que dans la séquence présente, qui est marquée par les tentatives de passage en force de la réforme des retraites, la promulgation plus discrète de la loi Kasbarian (dite anti-squat), et bientôt la loi Darmanin, le RSA contre activité puis la future loi Travail.
Au chômage, dans l'emploi, dans la rue, contre les logiques sécuritaires et d'automatisation du contrôle, contre les logiques de remise au travail à tout prix, organisons-nous, et multiplions les initiatives !

Communiqué #2 du SISME : « 100 000€, le prix de la liberté »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le 18 janvier à 6 heures du matin, quatre personnes ont été arrêtées, leurs lieux de vie perquisitionnés, une partie de leurs biens saisis. Elles sont accusées de sabotages de mâts de mesure de projets d'éoliennes industrielles en Haute-Vienne, entre juillet et octobre 2022.
Un comité de soutien s'est créé. Article paru sur La Bogue.

Le récit :

Pendant la garde à vue de l'une d'entre elles, dès le deuxième interrogatoire, les enquêteurs alignent le montant des dégâts.

Les prédateurs, SAS WPD ONSHORE FRANCE, ENGIE GREEN S.A. et RPGLOBAL FRANCE qui ont porté plainte n'ont pas perdu de temps, et ont déjà fourni des factures de réparation des dommages (même si d'après leurs déclarations ils n'ont pas la ferme intention de reconstruire ces mâts) pour un montant total de 350 000 euros.

Après 38 heures de garde à vue et une heure passée dans la souricière du tribunal de Limoges, la personne passe devant la juge d'instruction. Il est 20 heures, la juge énumère les chefs d'inculpations. En résumé : « Destruction de biens d'autrui », participation à « association de malfaiteurs en vue de préparation d'un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement, commis en réunion par une ou plusieurs personnes dissimulant volontairement leur visage afin de ne pas être identifiées » ; « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques ».

Vient ensuite la réquisition sur le contrôle judiciaire :

Interdiction de sortir de la Dordogne ; Pointage chaque semaine à la gendarmerie ; Interdiction de rentrer en contact avec les autres inculpées et paiement d'une caution de 180 000 euros !

L'avocate commise d'office sollicitée par la juge sur le montant de la caution, rétorque qu'il s'agit-là d'une mesure pré-sentencielle et propose « moins de 50 000 euros ». L'avocate et l'inculpée sortent. La juge délibère avec elle-même et au bout de 5 minutes propose finalement 100 000 euros : 20 000 euros pour amende et 80 000 pour indemnisation des dégâts.

Cette discussion de marchand de tapis n'aura pas duré plus de quelques minutes.

Total demande aux 4 inculpées = 120 000 euros

Les autres inculpées se partagent le solde de 20 000 euros

Fin de la comptabilité.

Deux jours plus tard la demi-page dans Sud-Ouest consacrée à l'affaire affirme que le montant des dégâts est de 500 000 euros.

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Communiqué #2 en format A4 recto-verso :

Communiqués #1 et #2 en format page par page A4 (à agrapher) :

Communiqués #1 et #2 en format brochure A3 (à plier) :

Samedi 22/04 à Ivry : Evénement de soutien en lien avec la journée internationale des luttes paysannes

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Evénement de soutien à l'agriculture bio et paysanne en lien avec la Journée internationale des luttes paysannes du 17 avril,
Repas, projection et discussions à la Pagaille, Samedi 22 avril à partir de 12h

Agricultures paysannes et collectives :
Événement de soutien à l'agriculture bio et paysanne en lien avec la journée internationale des luttes paysannes du 17 avril,
Repas, projection et discussions à la Pagaille, Samedi 22 avril à partir de 12h

Les bénéfices de la journée seront destinés à soutenir l'agriculture bio et paysanne.

Programme

  • 12h : Repas de soutien 100 % bio et paysan, concocté par la cantine Chaud bouillon
  • 14h30 : Écoute du documentaire sur la ferme collective de la Bargerie – réalisé par la Voie.x du collectif, 2021
    Dissimulé dans les châtaigneraies des Cévennes gardoises, se trouve un collectif d'une douzaine de personnes, la Bargerie. Implanté depuis dix ans, le groupe a beaucoup évolué et les activités pratiquées aujourd'hui ont progressivement vu le jour. Ce sont des activités collectives, comme le maraîchage, la production et transformation de la châtaigne, la production de bois, ou l'animation culturelle ; mais aussi des activités individuelles, comme la boulangerie, la brasserie, la traction animale, le chant ou le théâtre.
  • 15h30 : Projection D'égal à égal – Documentaire du voyage d'enquête de l'association A4, Association accueil en Agriculture et en Artisanat, en présence du collectif
    A4 est une association formée par des personnes avec un parcours migratoire, par des paysans et des paysannes bien enraciné.es ou qui voudraient le devenir, par des artisans et des artisanes à la recherche d'espaces, d'outils et de mains solidaires pour construire et partager leurs ateliers, par des gens à la fois engagés et concernés par la reprise de leurs moyens de subsistance. 

https://www.helloasso.com/associations/a4-association-d-accueil-en-agriculture-et-en-artisanat

Contre l'antifascisme d'État

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Quelques commentaires sur le fascisme, la démocratie, l'État moderne et la révolution.

« La provocation est une façon de remettre la réalité sur ses pieds. »
Bertolt Brecht, Remarques sur Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, 1955

I. Misère de l'antifascisme militant

« Comment dire la vérité sur le fascisme, dont on se déclare l'adversaire, si l'on ne veut rien dire contre le capitalisme, qui l'engendre ? Comment une telle vérité pourrait-elle revêtir une portée pratique ? Ceux qui sont contre le fascisme sans être contre le capitalisme, qui se lamentent sur la barbarie issue de la barbarie, ressemblent à ces gens qui veulent manger leur part du rôti de veau, mais ne veulent pas qu'on tue le veau. »

Bertolt Brecht, Cinq difficultés pour écrire la vérité, 1934

1. Au-delà d'un déchaînement de violence étatique et paramilitaire au service des classes dominantes et du grand capital, le fascisme s'est présenté comme l'unification économique et politique du capital. Né dans la rue, le fascisme a diffusé le désordre pour renforcer l'ordre, a contesté à l'État son monopole légitime de la violence pour le lui rendre en meilleur état. Dès lors, il est impossible de penser le fascisme, et encore moins de le combattre, sans se confronter au rôle et au poids de l'État dans tous les aspects de la vie.

2. Là où la bourgeoisie se trouvait désunie et incapable d'administrer la crise, le fascisme incarnait une possibilité de surmonter les contradictions qui déchiraient la société. Pour rendre possible la domination totale du Capital sur la société, il fallait moderniser l'appareil d'État. D'urgence, ou pas : dans les sociétés de l'entre-deux-guerres « épargnées » par le fascisme, la modernisation étatique a pris une forme moins spectaculaire, mais pas moins efficace. Il n'était pas question d'intégration forcée des salarié·es dans des organes corporatistes, de mobilisation totale de la population dans des organisations de jeunesse ou d'après-travail, ni de fuite en avant militariste permanente. Au contraire, la modernisation « démocratique » de l'État et de son emprise sur la vie sociale est passée par un ensemble de politiques redistributives (partage du temps de travail, congés payés, allocations et protections sociales, New Deal, etc.). Après la Libération, ce processus s'est accéléré avec la reconstruction de l'État-providence et l'affirmation du courant technocratique (fusion de la DGEN [1] dans le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, création du Commissariat au plan et de la DATAR [2], recours aux « experts », émergence de la figure du « spécialiste », etc.)

3. Ces mesures ont eu pour conséquence de neutraliser les organisations syndicales sans les anéantir – contrairement au fascisme –, et de finir de soumettre la gauche parlementaire aux logiques étatiques et économiques – qui imposeront le « tournant de la rigueur » à Mitterrand en à peine deux ans. Elles ont réussi là où le fascisme a historiquement échoué en créant l'adhésion pacifique de la population à un système jugé, sinon perfectible, du moins préférable, et disposant d'au moins autant de moyens de contrôle sur la société qu'aucun régime dictatorial auparavant. L'autonomisation de l'exécutif vis-à-vis des instances parlementaires, le développement des techniques de surveillance mises au service du fichage généralisé de la population, l'instauration d'allocations et de minimas sociaux rendant directement dépendant·es de l'État des millions d'habitant·es, comptent parmi les manifestations les plus évidents de l'unification sociale réalisée par l'État moderne. Le fascisme n'était pas la cause l'unification sociale amorcée sous ses régimes dictatoriaux, mais le moyen de cette dernière.

4. « Tout dans l'État, rien contre l'État, rien en dehors de l'État » : la formule est sans doute plus vraie aujourd'hui qu'au moment de sa formulation, il y a bientôt cent ans. Qui, aujourd'hui, peut prétendre exister sans ou en-dehors de l'État ? Si nous pouvons facilement nous passer de sa police, expression la plus explicite de son pouvoir, nous ne pouvons pas en dire autant des services publics, de l'impôt, de la CAF, de la voirie, et même de ce qu'il reste de droit du travail. Dès lors, qui peut prétendre exister contre l'État ? Certainement pas la gauche, qui a depuis trop longtemps fini d'assumer sa vocation à administrer les rapports sociaux et économiques existants en vue de leur reproduction. Tout ce qui prétend conserver, renforcer ou réformer l'État moderne n'aspire finalement qu'à prolonger le supplice de sa domination politique. Le fascisme n'a pas le monopole du totalitarisme : ce dernier est une tendance inhérente de la modernité.

II. Fausse conscience et critique tronquée

« On peut affirmer avec certitude qu'aucune réelle contestation ne saurait être portée par des individus qui, en l'exhibant, sont devenus quelque peu plus élevés socialement qu'ils ne l'auraient été en s'en abstenant. Tout cela ne fait qu'imiter l'exemple bien connu de ce florissant personnel syndical et politique, toujours prêt à prolonger d'un millénaire la plainte du prolétaire, à la seule fin de lui conserver un défenseur. »

Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni, 1981

5. La radicalisation de la domination étatique est aujourd'hui portée par un « extrême centre », par des politiciens professionnels et des technocrates – purs produits des institutions républicaines. Pourtant, l'antifascisme continue presque pathologiquement de réduire le fascisme à l'extrême droite. Même quand la notion de fascisation est mobilisée pour décrire les évolutions de l'État, elle vise la plupart du temps à pointer la dimension lepéno-compatible des politiques gouvernementales. « L'extrême droite en rêvait, [insérer nom de ministre ou de président] l'a fait » : la fascisation serait finalement une concession permanente à l'extrême droite, liée à la droitisation du débat politique et à la course électorale. Que ce soit par opportunisme ou par indigence théorique, l'antifascisme – comme mouvement et comme milieu – reste tributaire de la gauche parlementaire pour affronter le phénomène. En fin de compte, il se réduit grosso modo à la défense d'un modèle capitaliste et étatique plus redistributif, moins militariste et autoritaire, moins misogyne, moins raciste, moins homophobe, moins polluant, etc. En somme, d'un capitalisme plus moderne, plus viable, plus... capitaliste.

6. On touche ici aux limites du mouvement ouvrier légal : la social-démocratie et les organisations ouvrières n'ont de sens qu'aux côtés de la bourgeoisie et de l'État ; leur rôle est d'administrer le réseau politique, associatif, culturel, mutuelliste de la classe ouvrière. Si l'État décide d'assumer seul cette fonction, de réaliser seul l'unification sociale, il ne peut alors plus tolérer l'existence d'organisations médiatrices des rapports entre travail et capital hors de lui-même. Il dispose alors de tout l'arsenal répressif démocratique disponible, et de toute sa légitimité : après tout, ces lois ont été pensées, votées et appliquées en conformité avec la Constitution. Dans un État démocratique, la raison d'État l'emporte toujours sur les formes démocratiques. Dans un État de droit, c'est toujours le droit qui plie et se met au service de l'État.

7. L'antifascisme retrouve ici sa raison d'être historique : la défense de la démocratie face au fascisme – c'est-à-dire des formes politiques du Capital (qu'elles soient parlementaires, constitutionnelles, républicaines) contre leur tendance inhérente au totalitarisme. Toute « victoire » antifasciste s'impose comme la conservation de formes « raisonnables » de l'État et de l'économie capitaliste, ayant renoncé bon gré mal gré à se faire totalitaires.

8. Dans l'incapacité d'analyser l'État et le Capital pour ce qu'ils sont, nous abandonnons l'antagonisme de classe (prolétariat-capital, communisme-salariat, prolétariat-État) au profit de fausses dichotomies (démocratie-fascisme, travail-capital) présentées comme la quintessence de la perspective révolutionnaire. À trop séparer le processus de fascisation du système qui le produit, on finit inéluctablement par défendre sa conservation contre sa « dégénérescence ». Quand la critique de la totalité laisse place à la critique tronquée, les concepts fondamentaux du combat pour l'émancipation humaine se confondent : le communisme devient la démocratie totale, la révolution l'extension des prérogatives positives du régime, la liberté la participation à la domination politique. Mais le communisme n'est pas l'avenir de la société de classes : il est sa négation.

9. Pour sauver les apparences, la critique tronquée et la contestation intégrée peuvent compter sur un siècle de falsifications historiques visant à présenter l'arrivée au pouvoir du fascisme comme le point culminant des combats de rue entre nervis et prolétaires, et faire reposer l'échec de ces derniers dans l'incapacité des forces de gauche à s'unir contre l'ennemi. Cette réécriture de l'histoire occulte la responsabilité de la gauche en feignant de la condamner, posant finalement l'union de cette même gauche comme seul espoir face au danger fasciste. Mais qui a véritablement vaincu le prolétariat ? En Allemagne, la social-démocratie a écrasé les insurrections ouvrières 14 ans avant la nomination d'Hitler au poste de Chancelier. En Italie, la gauche a appelé au désarmement des ouvriers et cherché des garanties auprès du Roi avant que Mussolini ne mette en scène sa marche sur Rome, deux mois après une grève générale insurrectionnelle annulée par les directions syndicales voyant leurs bases reprendre en main leurs affaires. Dans les deux cas, les syndicats se sont déclarés apolitiques après l'arrivée au pouvoir des fascistes, espérant préserver leurs appareils sous le nouveau régime. Après tant de décennies de mythomanie, pas étonnant que l'antifascisme se trouve aussi impuissant à analyser les mythes de transition démocratique ou les tendances totalitaires à l'œuvre derrière les dynamiques de modernisation de l'appareil État.

III. L'antifascisme démocratique, pire produit du fascisme ?

« Nous estimons que l'État est incapable de bien. Dans le domaine international aussi bien que dans celui des rapports individuels il ne peut combattre l'agression qu'en se faisant lui-même agresseur ; il ne peut empêcher le crime qu'en organisant et commettant toujours un plus grand crime. [...] Plus que jamais nous devons éviter les compromis, creuser le fossé entre les capitalistes et les serfs du salariat, entre les gouvernants et les gouvernés ; prêcher l'expropriation de la propriété individuelle et la destruction des États, comme les seuls moyens de garantir la fraternité entre les peuples et la justice et la liberté pour tous ; et nous devons nous préparer à accomplir ces choses. »

Errico Malatesta, Réponse au Manifeste des Seize, 1916

10. On l'aura compris, la question n'est plus de subvertir la société bourgeoise ni de renverser l'ordre existant, mais d'imposer un rapport de force avec l'État, soudainement devenu interlocuteur respectable, pour obtenir l'extension infinie des droits démocratiques. Et que sont ces droits sinon autant de prérogatives juridiques de l'État sur une société qui, de pourrissante et appelée à disparaître, est miraculeusement devenue perfectible. Voilà qui n'est pas sans rappeler la logique mécaniste et apaisante qui voyait le communisme au bout du capitalisme, la socialisation au bout de l'accumulation. Le danger fasciste nous impose de faire triompher la démocratie totale en germe dans les contradictions de l'État moderne. Enterrons la tendance totalitaire, et que l'unification sociale soit douce... Mort à la démocratie.

11. En abandonnant toute perspective communiste, la critique radicale de la société capitaliste finit par intégrer la totalité qu'elle est supposée attaquer. Elle dissout l'idée-même de révolution dans un gradualisme réformiste, et finit de faire passer pour « réaliste » et « efficace » la limitation de la lutte à la prévention des possibles mutations dictatoriales de la société. Il n'est plus question de transformation radicale de la société, de nouveau monde à bâtir sur les ruines du vieux : tous ces slogans sont mis au service de la conservation du régime. On mesure la régression.

12. La démocratie bourgeoise n'est qu'une étape de la prise du pouvoir du capital. Les institutions républicaines dont nous avons hérité et qui nous sont présentées comme un progrès du genre humain sur la voie de sa dignité et de son bien-être, n'ont rien fait d'autre que parachever notre isolement, notre dépendance vis-à-vis de l'État et l'affirmation de son monopole dans la gestion des rapports humains. Oui, l'État-providence et la République « sociale » font partie du problème dont ils se prétendent la solution : chaque fois que la démocratie « crée » du « lien social », elle resserre en réalité les mailles du filet étatique qui pèse les rapports sociaux. Du reste, les régimes fascistes aussi prétendaient régénérer le lien social au moment d'appliquer leurs mesures « sociales ». Rappelons, à toute fin utile, que c'est Vichy qui a posé les bases de la retraite par répartition. Les antifascistes devraient s'interroger sur l'évolution « démocratique » et « sociale » de la société sous les rapports capitalistes : qu'est-ce qui empêchera un État omniprésent, seul garant de protection et d'assistance, de faire « le mal » le jour où les compromis de classe, les concessions de la bourgeoisie et la conflictualité révolutionnaire imposeront le retour de l'ordre à tout prix ? Les antifascistes ? Et que vaut une hausse du pouvoir d'achat dans un monde qui voit l'ensemble des rapports humais médiés par l'argent et la consommation ? Quelques bières de plus pour refaire le monde, une nouvelle parka, une cotisation supplémentaire pour une organisation groupusculaire ou un parti inoffensif...

13. En dernière analyse, là où le fascisme se présente comme « adulation du monstre étatique », l'antifascisme, lui, en fait la « plus subtile apologie ». Et, aussi déplaisant soit-il, la lutte pour l'extension des prérogatives « positives » d'un État démocratique, au lieu d'extirper les racines du totalitarisme, revient toujours à aiguiser les griffes qu'il projette sur la société. Voilà ce que nous dénonçons ici comme un « antifascisme d'État », et que d'autres avant nous ont pu appeler « antifascisme démocratique ». Cet antifascisme, qui est loin de se limiter aux organisations ouvertement et honnêtement favorables à la gauche parlementaire, présente le fascisme et la démocratie comme deux systèmes politiques opposés, oubliant que leur nature de classe est identique. Nous pensons au contraire qu'il s'agit là de deux formes politiques interchangeables, plus ou moins désirables selon les époques et les intérêts de la bourgeoisie en vue de la conservation de sa domination. En conséquence, nous dénonçons toute concession faite à l'idéologie démocratique – position qui, loin de constituer une posture puriste et théoricienne, s'impose à nos yeux comme une exigence pratique indispensable à la lutte ouvrière et à la défense de l'indépendance de notre classe. Se faire le chantre de la démocratie, ce n'est pas seulement verser dans le crétinisme électoral et se mettre au service de la reproduction des institutions représentatives : c'est au mieux être aveugle devant son blindage et son armement répressif croissant, et au pire être complice des crimes (commis à domicile comme à l'extérieur) sur lesquels elle repose. L'antifascisme d'État peut bien se parer de tout le lexique marxiste : la réalité reste la même.


[1] délégation générale à l'Équipement national, créée sous Vichy

[2] Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale : administration française chargée, de 1963 à 2014, de préparer les orientations et de mettre en œuvre la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire. (Wikipedia)

Cet article a été rédigé par le Groupe Révolutionnaire Charlatan

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