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Pour celleux qui bougent (en 2023) : rétrospective sur la genèse du cortège de tête

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La mobilisation contre la réforme des retraites constitue le plus grand mouvement social en France depuis des années. Pourtant, à hauteur de pavé, l'ambiance dans les rues paraît relativement morose, l'énergie manque et l'encadrement policier étouffe. Beaucoup regrettent 2016 et ses suites, soit l'apparition de nouvelles manières de manifester et de déborder le rituel syndical, ce qu'il est de coutume d'appeler le Cortège de Tête. Dans le texte qui suit, d'anciens lycéens participants du MILI (Mouvement Inter Luttes Indépendant) reviennent sur cette période et la genèse du fameux Cortège de Tête. Ils viennent nous rappeler que pour que s'inventent de nouvelles formes à même de créer des brèches et d'ouvrir des possibles, il faut parfois quelques « conditions objectives » mais surtout et toujours, de l'audace.

Jeudi prochain aura lieu la 5e journée de lutte organisée par les syndicats contre la réforme des retraites. La cinquième, déjà. Ces dernières semaines, des groupes aux prétentions révolutionnaires, constatant leurs difficultés à prendre pied dans les manifestations, mais aussi un manque d'ambition commun, ont commencé à écrire diverses analyses sur "le mouvement", parfois colorées de nostalgie et d'autocritique. Parmi celles-ci, on pouvait lire sur Lundi Matin, un appel à assurer la « transmission de la séquence de lutte de 2016 aux nouvelles générations ». C'est, en quelque sorte, ce que le texte qui suit vise : voir comment un récit situé du dépassement opéré en 2016 peut éclairer la situation présente. On y parlera donc de "2016". Ou plutôt, du mouvement contre La loi Travail depuis le point de vue du MILI (Mouvement Inter Luttes Indépendant. Comme la suite du texte le révèle, le MILI était à la fois une « bande » et un espace d'organisation entre lycéens parisiens et jeunes étudiants). Afin de montrer le rôle qu'ont eu certaines bandes dans cette séquence. Il s'agit de montrer l'envers d'un mouvement qui existe encore aujourd'hui dans l'imaginaire collectif, que ce soit à travers de vieilles images de riot porn, ou dans certaines formes qui persistent aujourd'hui, parfois sur le mode du folklore, en particulier le Cortège de Tête. Ces résidus de 2016 peuvent pousser à la nostalgie ou suggérer un « temps béni des manifs à Paris », faisant oublier par là que toujours, le « zbeul ça se mérite ». C'est aussi l'occasion de rappeler qu'en 2016 on a hésité, flippé et qu'on a cru à de nombreuses reprises être dans une impasse.

2010 à 2016 : l'ennui

Pour comprendre en quoi 2016 fut une rupture dans l'histoire de la contestation des quinze dernières années, il faut resituer ce mouvement dans son contexte. En dehors de la ZAD et d'une poignée d'évènements, les premières années de la décennie 2010 étaient il faut bien le dire, tout à fait déprimantes : pas de mouvements d'ampleur, la mobilisation des retraites (déjà), avait marqué le retour aux formes traditionnelles de mobilisations. La question de la violence politique semblait anachronique et réservée à des bandes de lutins-marteaux fanatiques. En dehors de quelques dates, le moindre tag ou bris de vitre déclenchait l'ire des "bons" manifestants, au comportement au moins aussi problématique que celui du SO ou des flics, tandis que la petitesse et la mollesse du milieu radical facilitait sa surveillance. Il n'était d'ailleurs pas rare de se faire insulter de « flic infiltré » et démasquer par des pacifistes. C'était dans l'ordre des choses. Personne n'osait donc imaginer la possibilité d'émergence de quelque chose comme ce qui sera appelé "Cortège de Tête", et c'est bien sagement que les radicaux défilaient en queue de manif', derrière la CNT et la FA, dans l'attente d'une éventuelle "sauvage", horizon suprême du radicool 2000 parisien. On passera sur le contexte marqué par les attentats : des milliers de gens applaudissant place de la République les flics et l'état d'urgence (et par là, les assignations à résidence et les interdictions de manifs, comme celle de la COP 21 en 2015). On trouvait quand même le moyen de rigoler un peu (big up Laffont), il y avait aussi l'horizon de la ZAD, mais lointain. Bref, une époque de merde.

A lire en entier sur Lundi.am

L'Actu des Oublié.es • Saison III • Episode 10 • Kurdistan, Troisième Partie

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

L'Actu des Oublié.es entame 2023 avec une trilogie sur la lutte du peuple kurde. Cette semaine, nous revenons sur la révolution iranienne.

L'Actu des Oublié.es commence l'année 2023 en consacrant trois épisodes aux luttes du peuple kurde.

Le troisième épisode se concentre sur le Rojhelat, en revenant notamment sur la révolution iranienne actuelle. Comment a t-elle été nourrie par la luttes des Kurdes au Bakur et au Rojava, comment l'Iran a reconnu le Kurdistan comme inspirateur de perspectives vers une société émancipatrice et multiculturelle ?

Avec Ewin, militante kurde et doctorante en économie à Paris.Retour ligne automatique
Doublage : Camille et Edwige.

Si le player ne fonctionne pas, écoutez ici !!

SOURCES
Revue Periferias.
Kurdistan au féminin
Rojinfo.com
Orient XXI
Lundi Matin
Riseup4Rojava.org

MUSIQUE
4'19 Edlayé de Şefîqê Tembûrvan
12'51 In Dafe de 21G
23' El pueblo unido en version perse par l'Iran Choir Group
28'48 Hunergeha Welat du groupe Rewanê Resen.

VISUEL WikiCommons
Salar Arkan - Femmes kurdes qui assistent aux célébrations de Norouz dans un village du Kurdistan iranien. *Norouz : Fête traditionnelle aussi appelée « Nouvel An persan », célèbre l'équinoxe de mars et le début du printemps.

Pour le classement des sols de Gonesse et Saclay au patrimoine mondial de l'Unesco

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Rendez-vous samedi 18 mars à 11h devant le siège de l'Unesco à Paris pour le classement des sols de Gonesse et de Saclay au patrimoine mondial de l'humanité

Nos terres sont exceptionnelles. En formation depuis 100 000 ans, les limons fertiles de Saclay et Gonesse sont situés au-dessus d'une couche d'argile qui assure une réserve d'eau en profondeur pour les cultures. Des rendements en céréales élevés, sans irrigation : ce n'est pas un hasard si Paris et sa région ont pu se développer sur le plan à la fois démographique, économique et culturel.

Nos terres sont en danger. Le Triangle de Gonesse et le Plateau de Saclay sont menacées par la construction imminente de deux lignes de métro du Grand Paris Express : le tronçon nord de la ligne 17, entre Gonesse et Le Mesnil-Amelot, et la ligne 18 ouest, de Saclay à Versailles. A moyen terme, ces projets détruiraient plus de 3000 hectares de terres agricoles. Ce serait aussi la fuite en avant vers encore plus d'étalement urbain et de pollution.

Classons-les au patrimoine de l'humanité. Parce que ces terres sont un bien commun appelé à jouer un rôle vital dans la résilience de la métropole parisienne face aux chocs climatiques, les sols de Gonesse et de Saclay ont fait l'objet d'un appel d'un collectif de chercheurs et d'artistes publié dans Le Monde le 14 septembre 2022. Alors que la baguette de pain vient d'être classée sur la liste du patrimoine immatériel de l'Unesco, comment accepter que l'on bétonne les dernières terres à céréales autour de Paris ? Exigeons ensemble que le gouvernement défende ce patrimoine d'une valeur universelle et protège les sols de Gonesse et de Saclay.

Rendez-vous le 18 mars 2023 à 11h devant le siège de l'Unesco à Paris (125 avenue de Suffren, Paris 7e)

Signez et faites signer la pétition pour classer les terres de Saclay et Gonesse à l'Unesco : Sauvons les dernières terres agricoles d'Ile-de-France (monmouvement.ong)

Rassemblement Festif et Déterminé

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les 13-14 mai, rassemblement festif et déterminé pour la défense des terres agricoles.

Sur le plateau de Saclay, au sud de l'Île de France, l'État est en train de détruire les terres les plus fertiles d'Europe.

Zaclay, le campement qui s'est installé dans les champs pour sauver ces terres, fête ses 2 ans.

Rejoins-nous du 13 au 21 mai pour une semaine paysanne :
Construction d'une grange paysanne, AG interlude des luttes d'île-de-France, élaboration d'un projet d'installation collective sur le plateau, cantine à prix libres et autres joyeusetés...

Ramène tente, frontale, gants, outils et parapluie pour venir défendre et faire vivre les terres du Plateau de Saclay !

Depuis les années 50, 1400 ha de terres, dans les plus fertiles d'Europe, ont été bétonnées sur le Plateau de Saclay. Nous avons tracté, marché, bloqué des chantiers. Malgré l'écho grandissant, force est de constater que les travaux ne sont pas stoppés…

Parce que nous observons tous les jours cette destruction,

Parce que nous réalisons de jour en jour que ce qui se joue sur le Plateau de Saclay c'est aussi une bataille globale pour le monde dans lequel on vivra demain,

Nous appelons à défendre et à faire vivre les terres du Plateau de Saclay.

Nous appelons dans ce sens à un rassemblement festif et déterminé le 13- 14 mai suivi d'une semaine paysanne jusqu'au 21 mai.

Paris Saclay est une Opération d'Intérêt National. Une OIN est un statut juridique autoritaire français (il en existe une quinzaine en France) qui permet de passer à travers les démarches pseudo démocratiques qu'il reste, faisant ainsi des seuls décideurs/responsables du projet la première ministre et le président de la République. Ces mêmes personnes qui dans leur discours nous parle d'écologie et de préservation de l'agriculture, détruisent dans la vraie vie l'agriculture et les écosystèmes. Depuis la déclaration de l'OIN en 2006 c'est 400 ha de terres bétonnées en 10 ans, c'est des agriculteurs expropriés et si la ligne 18, ligne de métro à travers champs, voit le jour, ça sera une impossibilité pour les engins agricoles de passer simplement d'un champ à un autre, ça sera une dissuasion massive pour des personnes cherchant à s'installer en agriculture paysanne.

On le voit aujourd'hui. Un couple d'agriculteur va partir à la retraite et a donc commencé à chercher des repreneur.se.s pour qu'iels reprennent la terre collectivement. Mais les témoignages sont toujours les mêmes : les potentiels repreneur.se.s sont systématiquement dissuadés à la perspective de récupérer une terre traversée par une ligne de métro…

L'arrivée de la ligne sur le tronçon ouest est maintenant imminente, les travaux préliminaires ont commencé, ce sont les deniers moments pour infléchir ce projet et il est vital de le faire.

En effet ce qui se joue est plus large, c'est une bataille globale pour le monde dans lequel on vivra demain. Paris Saclay est aujourd'hui l'outil pour consolider le modèle capitaliste mais cela n'est pas inéluctable. Le plateau de Saclay a le potentiel d'être une passerelle entre la ville et la campagne, entre des modes de vies, entre des mondes.

Mais veut-on que cette passerelle qui doit « rayonner à l'internationale » montre à voir un modèle individualiste, homogène et imposé d'en haut où la compétition est la marque de fabrique et l'exploitation la condition inévitable. Ou veut-on laisser à voir un modèle où le partage, la diversité et l'auto-organisation sont de mises, où l'entraide et le respect de l'Autres (humains comme non humains) sont les principes de base.

Le Plateau de Saclay a la capacité d'aider à nourrir (physiquement et culturellement) les luttes et les initiatives d'Ile-de-France pour faire advenir un autre avenir que ce qu'il nous est promis aujourd'hui au vu des décisions politiques actuelles.

Cela fait 2 ans que Zaclay, campement pour défendre les terres du Plateau de Saclay a vu le jour. A l'occasion de ces 2 ans, nous invitons les rebelles et utopistes d'Île-de-France (et plus largement) à venir ancrer cette lutte dans la durée. Cette lutte a 2 faces : la construction d'un monde plus désirable et la défense de celui-ci face à des projets écocides. Nous pensons que l'une ne va pas sans l'autre et prônons dans ce sens une diversité de modes d'actions (mis à part les attaques contre des personnes).

Si nous sommes pour l'autogestion nous avons tout de même préparé quelques activités pour la semaine paysanne qui s'ouvre avec les rassemblements festifs et déterminés du 13-14 mai :

Construction d'une grange paysanne, AG interlude des luttes d'Ile-de-France, construction d'un projet d'installation collective sur le plateau, cantine à prix libres et autres joyeusetés...

PS : ramène ta tente, frontale, gants, outils et parapluie pour venir défendre et faire vivre les terres du Plateau de Saclay !

Votre écologie n'est pas la nôtre - sur le racisme des mouvements écolos

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

On a rédigé cette brochure pour partager nos expériences des mouvements écolos, en tant que personnes racisées. On y dénonce des comportements et pensées racistes et on essaie aussi de donner des perspectives pour une écologie décoloniale.

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PDF de la brochure

Pourquoi cette brochure ?

Cette brochure a été rédigée à plusieurs mains par des personnes racisées ayant fait partie de Youth For Climate et côtoyant toujours les milieux écolos. Elle fait suite à deux discussions sur le même sujet qui ont eu lieu à l'été 2022, lors du festival des Digitales à la Baudrière (squat anarcha-féministe TPG à Montreuil) et lors des assises nationales de Youth for climate. À ces deux moments, on a pu enrichir et confirmer des réflexions qu'on avait déjà eues.

L'espace pour parler de racisme dans les mouvements écolos (et milieux militants en général) est nécessaire mais trop rare, quand il n'est pas inexistant. Nous souhaitions ouvrir un espace pour les personnes qui en ont besoin, et pour que, nous-mêmes, nous puissions partager des expériences et des ressentis trop longtemps gardés pour nous, dans l'optique de dénoncer et faire face ensemble aux comportements et pensées racistes.

On n'a pas le temps ni l'énergie ou l'envie de faire de la pédagogie. Les personnes blanches doivent prendre le temps de se renseigner et de se remettre en question d'elles-mêmes tant individuellement que collectivement : arrêter de penser qu'être blanc.he.x est une position neutre, réfléchir à ce que cela renvoie en tant qu'individu et en tant que groupe.

Tout comme la société française prône un universalisme colorblind (« je ne vois pas les couleurs, on est tous égaux » etc), les mouvements écolos perpétuent ces dynamiques en ignorant le racisme. Nous nous opposons à tout ça et revendiquons une écologie qui tente de prendre en compte les enjeux de race, classe, genre, validisme, psychophobie... Il y a des dynamiques racistes et coloniales dans les mouvements écolos tant au niveau de la pensée politique, des agressions « ordinaires », que des violences racistes. Certains mouvements ont des idéologies directement racistes et colonialistes. Certains, sans prôner une idéologie raciste, ne questionnent jamais ces sujets. Tandis que d'autres tentent, parfois à tort et à travers, d'intégrer une pensée antiraciste. Mais tous perpétuent des dynamiques racistes et coloniales. (mention spéciale aux mouvements ou collectifs majoritairement blancs qui s'auto-qualifient antiracistes et/ou décoloniaux, ce qui empêche la remise en question/critique, leur antiracisme existe plus pour ne pas être raciste que pour lutter réellement contre le racisme)

Les agressions (racistes, entre autres) ne sont pas des conflits. On ne peut pas régler les violences par des médiations : ce ne sont pas des « conflits interpersonnels » ni des « dramas », comme on a pu nous le dire. C'est nier et minimiser toute la violence subie que de penser l'inverse. Tout le monde est concerné, il ne suffit pas de « ne pas être raciste » : ne pas prendre position lors d'une situation d'injustice, c'est être du côté de l'opresseur.e.x.

Ces quelques réflexions et idées sont appliquables à d'autres milieux (le milieu féministe blanc par exemple) et on retrouve certains mécanismes similaires face à d'autres minorités opprimées (handies-psy, personnes non-binaires/trans...).

On espère que vous utiliserez cette brochure pour engager des discussions et des changements dans vos cercles et mouvements militants.

1. Les dynamiques racistes dans les mouvements écolos

Les mouvements écolos sont en très grande majorité constitués de personnes blanches. Les personnes racisées sont souvent seules et n'ont pas la possibilité de prendre conscience des dynamiques racistes et coloniales qu'elles subissent. Il est aussi compliqué de les dénoncer lorsqu'elles le réalisent : s'exprimer sur le racisme face à une majorité blanche est difficile. On fait face à la fragilité blanche : les personnes blanches se sentent attaquées lorsqu'on les confronte à leurs agissements, prises de position, biais ou discours racistes. Elles ont des positions défensives qui invisibilisent et nient nos vécus, ce qui retourne la situation en nous poussant à les rassurer.

Les personnes racisées subissent une forte charge mentale raciale : les problématiques antiracistes et décoloniales leur sont laissées, les personnes blanches n'y pensent pas (ou s'y prennent mal). C'est toujours à nous de ramener le sujet sur la table. Ça en dit long sur la considération de ces enjeux, pourtant fondamentaux, au sein de l'écologie.

Les personnes racisées sont aussi moins écoutées que les personnes blanches : leur parole et leurs ressentis sont minimisés voire invisibilisés. Les personnes blanches prennent plus de place, coupent et monopolisent la parole. Par exemple, on écoute plus une personne blanche qui répète pourtant ce que vient de dire une personne racisée. Quand on arrive à mettre des mots sur ces dynamiques, on est peu écouté.es.x et au final, il y a peu voire pas de changement au sein du groupe.

Les mouvements peuvent aussi utiliser les personnes racisées pour donner une bonne image « de diversité » et créer une façade antiraciste/décoloniale. C'est la tokenisation, elle peut être plus ou moins volontaire et/ou assumée, et peut se traduire par :

  • une assimilation de la pesonne tokenisée à toutes les autres personnes racisées, ce qui est une forme d'essentialisation car cela nie son individualité.
  • un sentiment de forte responsabilité : elle est la seule à devoir représenter des enjeux importants qui, souvent, la touchent directement (charge mentale raciale, voir plus haut), on se tourne vers elle à chaque fois qu'on parle d'antiracisme, dont elle est censée tout connaître.
  • se demander si apporter des idées antiracistes dans la ligne politique du mouvement c'est bien sachant que personne n'y aurait pensé si on n'en avait pas parlé, alors que diffuser ces idées est nécessaire mais on en a marre de faire passer un mouvement pour antiraciste/décolonial alors qu'au final il n'y a qu'une ou deux personnes au sein du groupe qui prennent en compte ces enjeux.

On retrouve aussi des tendances au white saviorism : les personnes blanches agissent comme ce qu'elles pensent être la meilleure façon d'aider les personnes racisées sans se soucier de leurs besoins. Ce sont ces personnes blanches qui bénéficient socialement et individuellement de ces actions alors que, souvent, elles ne résolvent pas, voire empirent, les problèmes systémiques qui sont à la source de ce pour quoi elles présument lutter. Elles renvoient une image fétichisée, misérabiliste et déshumanisante des MAPA (most affected people and areas, le terme regroupe les pays du Sud global et les communautés opprimées/marginalisées). Elles peuvent s'incarner à travers certaines formes d'actions ou voyages humanitaires, parfois l'adoption internationale...

Et des tendances au whitesplaining, quand les blanc.hesx expliquent la lutte aux personnes racisées en prenant une position supérieure ou infantilisant les personnes racisées qui, évidemment, n'y connaissent rien. Par exemple, un.e.x militant.e.x écolo blanc.he.x va expliquer à un.e.x militant.e.x antiraciste en quoi l'écologie c'est (plus) important.

Certains mouvements écolos se demandent : « comment faire pour que les personnes racisées nous rejoignent ? » alors qu'ils sont très blancs parce qu'ils excluent de fait les personnes racisées (celles-ci partent pour toutes les raisons citées précédemment et bien d'autres encore). Ils se demandent aussi : « comment rendre les mouvements antiracistes plus écolos ? », mais là encore, ça décrédibilise et minimise l'importance des luttes antiracistes tout en whitesplainant leur vision de la lutte. Cela rejoint une méconnaissance et un mépris de l'antiracisme, qui est vu comme ignorant de l'écologie.

D'un autre côté, les actions directes ainsi que les formations et l'antirépression sont pensées par et pour les personnes blanches. Elles ne prennent pas en compte le rapport différent à la police et à la justice. Ce rapport est pourtant bien plus violent envers les personnes racisées. Le concept de désobéissance civile, de se faire emmener en GAV pour prouver quelque chose/se faire médiatiser, c'est possible que quand on est blanc.he.x, avec des papiers, ...

Dans les milieux écolos, il y a trop souvent de l'appropriation culturelle (locks, danses, spiritualité, vêtements et bijoux...) que le capitalisme blanc se réapproprie parfois (comme le véganisme, la spiritualité, le yoga...). Spoiler alert : les personnes blanches n'ont pas tout inventé.

Dans tout ça, les blanc.hes.x ne se sentent concerné.es.x que quand iels se sentent accusé.es.x de racisme, sans prendre conscience de la violence que leurs comportements peuvent engendrer en général. Par exemple, lors d'une de ces discussions, beaucoup se sont concentré.es.x longtemps sur l'appropriation culturelle. On a ressenti ça comme un intérêt seulement pour ce qui les concernait ou accusait de racisme en ne prenant pas compte du reste. En gros, iels voulaient qu'on leur dise qu'iels n'étaient pas racistes car iels ont plus peur d'être considéré.esx comme racistes que des conséquences que leurs comportements engendrent sur nous.

2) Une pensée écolo raciste et/ou colonialiste

Ici, on aborde quelques idées, théories et concepts souvent utilisés alors qu'ils diffusent ou engendrent du racisme et/ou colonialisme.

Attendre de tous.tes.x le même effort individuel alors que tous.tes.x n'ont pas les mêmes moyens est classiste, raciste, validiste... D'autant plus que ça omet les dynamiques internationales et limite l'action écologiste au niveau personnel : tout le monde n'a pas la même responsabilité dans le ravage écologique, celleux qui y participent le moins en subissent le plus les conséquences : c'est le concept d'injustice climatique.

Il faut prendre en compte le racisme environnemental qui prend racine dans une organisation sociale historiquement raciste, appuyée par des inégalités géographiques, économiques et sociales. Il mène à un risque plus fort, pour les personnes racisées, d'être impactées par la crise écologique (pollution, exposition à des évènements météorologiques extrêmes...). Par exemple, l'intoxication au chlordécone en Guyane et en Martinique, l'exposition aux microparticules pour les habitant.es.x à proximité des voies rapides...

L'environnementalisme réduit l'écologie à une gestion de stocks de la nature qui est vue comme une ressource dont la valeur est fixée par l'utilisation humaine. Cette vision dépolitise la lutte écologiste en se focalisant uniquement sur la question de l'environnement et en niant totalement les autres dynamiques oppressives.

« Ce qui est urgent, c'est la crise climatique, le reste on verra plus tard. » C'est à l'écologie de prendre en compte l'imbrication des rapports de domination, d'autant plus que cette imbrication est à l'origine du problème écologique.

Penser que la crise écologique est causée par un trop grand nombre d'humain.es.x sur terre ne place pas le problème au bon endroit et induit des réflexions écofascistes, validistes et racistes sur la fécondité, les naissances, les migrations. Par exemple, on peut entendre que c'est parce que la crise écologique entraine des migrations qu'il faut lutter pour l'écologie. L'adoption internationale est souvent vue comme une solution écolo sans remettre en cause d'où elle vient (colonialisme, white saviorism, patriarcat, domination Nord/Sud...) ni ce qu'elle peut entrainer (traumatismes, racisme...).

La fétichisation et/ou l'idéalisation des cultures non-occidentales : le mythe de la nature sauvage, la projection de stéréotypes sur les autochtones ou les peuples « respectueux de la nature »... C'est déshumanisant, méprisant et reprend des clichés historiquement coloniaux.

Il faut remettre en question l'emploi de certains termes. Rappelons-nous leur histoire et quelle position leur utilisation induit :

  • l'effondrement : penser voire fantasmer l'effondrement comme un évènement unique futur alors que les effondrements sont multiples et en cours depuis des années, c'est avoir un positionnement très occidentalocentré ; et voir ça comme un cycle naturel, voire un « mal pour un bien » qui permet « un nouveau départ » peut virer en théorie très individualiste et en fantasme survivaliste
  • la nature : le dualisme occidental et colonial « nature/culture » divise tout, pense la nature comme séparée de l'humain, mène à une vision paternaliste de la nature pour la sauver parfois aux dépens des populations qui y vivent comme c'est souvent fait en créant des réserves naturelles, ce dualisme a aussi souvent placé les populations racisées du côté de la nature, en les animalisant (figure du « sauvage » par exemple).

3) Perspectives pour une écologie décoloniale

On veut défendre une vision de l'écologie comme une défense et une amélioration de la vie, des conditions de vie et des milieux de vie, en repensant nos rapports avec le vivant ainsi que les êtres vivants, qui prend en compte logiquement et réellement l'imbrication des rapports de domination. Dans cette optique, on veut, entre autres, une écologie qui lutte aussi contre les CRAs, les frontières, le système carcéral et judiciaire car ils reproduisent des violences meurtrières racistes en toute impunité. Un positionnement clair de l'écologie dans ces luttes devient nécessaire, d'autant plus qu'il existe des pensées écologistes anti-migrations comme vu plus haut.

Pour l'autonomie des luttes écolos décoloniales, les personnes racisées ont besoin de pouvoir s'organiser en mixité choisie (comme le fait le FLED, Front de Lutte pour une Écologie Décoloniale) pour riposter face à la suprématie blanche des mouvements écolos, en menant efficacement une lutte antiraciste/décoloniale sans devoir faire de la pédagogie ou subir du racisme.

Il faut reconnaître les luttes de personnes racisées qui n'entrent pas dans la dynamique écolo individuelle blanche et qui pourtant sont plus radicales car plus pertinentes, profondes et puissantes. Souvent, ces luttes sont invisibilisées, que ce soit dans les médias ou par les mouvements dits écolos. Les crimes coloniaux écocidaires ne sont pas pris au sérieux, ni reconnus par les États responsables alors même que ceux-ci doivent une réparation qui ne pourra jamais être à la hauteur des destructions.

par exemple : les luttes pour l'indépendance des terres autochtones en Abya Yala, les luttes contre les empoisonnements coloniaux écocidaires comme celui au chlordécone aux Antilles ou l'agent orange au Vietnam, les conséquences d'essais nucléaires en Polynésie et au Sahara (en ce qui concerne la France) et en général, contre l'exploitation coloniale et néo-coloniale des terres et des corps racisés - extractivisme, délocalisation, mondialisation

Les luttes antiracistes et décoloniales sont écologiques car s'attaquent directement aux causes du ravage écologique, contrairement à beaucoup de mouvements écolos qui réduisent l'écologie à une histoire de nature et d'environnement à protéger.

Suggestions de ressources

Kiffe ta race 77, véganisme, écoféminisme... des trucs de blanc·hes ? (podcast, également adapté en livre)

À l'intersection 13, justice climatique, écoféminismes et luttes du Sud global (podcast)

Nwar Atlantic (podcast)

Écolonialité : race, nature et capital, sem nagas (brochure mutant.e.s 8)

Trahir sa race , sem nagas (fanzine mutant.e.s 4)

La race de l'écologie (brochure)

Sentir-penser avec la Terre, l'écologie au-delà de l'Occident, Arturo Escobar (livre)

Une écologie décoloniale, Malcom Ferdinand (livre)

Une poupée en chocolat, Amandine Gay (livre)

L'invention du colonialisme vert, Guillaume Blanc (livre)

Tropiques toxiques, Jessica Oublié, Nicola Gobbi, Vinciane Lebrun (roman graphique)

@sansblancderien (insta)
@la.charge.raciale (insta)
@fled____ (insta)

contact : ecologie-antiracisme@riseup.net
pour des retours, questions, échanges, suggestions... n'hésitez pas