PROJET AUTOBLOG


Paris-luttes.info

Site original : Paris-luttes.info

⇐ retour index

Assemblée pour la Palestine - internationalistes uni.e.s

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Ce qui est en train de se passer en Palestine n'est pas un épisode de plus dans un conflit « complexe ». C'est un génocide en direct après 75 ans de colonisation. Nous refusons de continuer passivement à débattre de comment condamner les horreurs. Nous refusons de laisser les haines antisémites et islamophobes se nourir de la situation. Nous refusons de rester spectateur.ice.s.

Nous devons nous lever massivement pour la dignité de toutes ces vies.

Nous appelons à une assemblée autonome et transnationale en région parisienne, à Montreuil le jeudi 9 novembre à 18h30 à l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel

Au Caire, pour la premiere fois depuis 10 ans, la foule a surgit sur la place Tahrir symbole des révolutions arabes de 2011 pour crier sa solidarité avec la Palestine. De Londres à Baghdad, en passant par New York et Amman, les manifestations massives nous rappellent la flamme d'une décennie de soulèvements qui ne s'est toujours pas éteinte.

La France, en plus de son « soutien inconditionnel » à Israel et son appel à une intervention de la « coalition internationale », est parmi les rares pays à interdire les manifestations de solidarité avec le peuple palestinien.

Après l'extermination des peuples indigènes des Amériques, après la traite des esclaves, après la Shoah, les gouvernements occidentaux, en soutenant sans réserve Israel, se rendent à nouveau responsables des pires atrocités coloniales, des pires massacres racistes.

Les hypocrisies coalisées nous rendent malade. Celles des états occidentaux qui se présentent comme leaders du monde libre et démocratique mais financent les atrocités d'Israel, saccagent le Moyen-Orient, pillent l'Afrique et Abya Yala. Celle du régime russe qui condamne les attaques d'Israel tout en colonisant l'Ukraine. Celle du régime iranien qui soutient la Palestine mais massacre les révoltés en Iran, en Irak ou en Syrie. Celles des régimes arabes qui instrumentalisent les malheurs du peuple palestinien pour leurs propres intérêts et répriment les réfugié.e.s palestinien.ne.s dans les camps au Liban ou en Syrie.

Que le Hamas, une force plus que réactionnaire, représente aujourd'hui l'espoir d'une libération nationale est bien le signe des échecs et des trahisons de la gauche « progressiste ».

Tous les gouvernements, sans distinction, nous ont trahis. N'en laissons aucun nous diviser. Notre unité, celle des peuples révoltés, est à construire. Elle sera notre force. Elle est notre seul espoir.

Nous ne pouvons pas choisir une force impérialiste, autoritaire ou colonisatrice au profit d'une autre. La liberation n'est pas divisible ! Nous nous opposons à toutes les violences qui maintiennent l'ordre établi et mutilent les vies. Celles du patriarcat qui tuent les femmes, et les dissident.e.s sexuelles. Celles du racisme qui frappe les juif.ve.s et les personnes noires depuis plusieurs siècles. Celles du capitalisme qui, partout, se nourrit de la détresse, de l'exploitation, de la mort et de la guerre.

Contre le génocide en cours à Gaza et pour la libération de la Palestine nous appelons à ouvrir un front uni depuis le centre de la bête, ici en Occident. Une coalition entre les marges des empires et les dissident.e.s des centres pour contribuer au combat mondial pour la vie et la dignité.

Les victoires historiques contre les colonialismes en Irlande, au Vietnam, en Algérie ou contre l'apartheid en Afrique du Sud ont été obtenues par les insurgé.e.s sur leurs terres. Mais ces peuples ont aussi arraché leur libération en gagnant dans les centres des empires, quand une partie suffisamment grande de la population de ces centres a exigé la fin de la guerre, de la colonisation ou de l'apartheid. À notre tour d'agir !

Pour un mouvement puissant contre l'occupation et l'apartheid, il nous faut créer des espaces ouverts d'auto-organisation, faire éclater l'énergie populaire, multiplier les brèches.

Personne n'est libre tant que nous ne le sommes pas tous.tes.

Si ce front est capable de se lever aujourd'hui pour Gaza, il pourra le faire demain contre les bombes des régimes russe et syrien en Syrie, contre celles de la Turquie sur le Kurdistan. Il pourra soutenir les féministes en Iran et à Abya Yala, les révolutionnaires au Soudan ou en Algérie, les luttes des Arménien.ne.s et des Ouïghours, la résistances des Mapuche et des Sahraouis. C'est ce que signifie l'entraide entre révolté.e.s. C'est ce que nous appelons l'internationalisme des peuples.

Se battre pour la Palestine, c'est se battre pour le monde.

Si vous voulez agir mais ne savez pas quoi faire, si vous avez la rage et vous ne voulez plus vous sentir impuissant.e.s, si vous voulez vous mettre en mouvement au lieu de regarder la mort les écrans, rejoignez-nous !

Nous appelons à une assemblée autonome et transnationale en région parisienne, à Montreuil le jeudi 9 novembre à 18h30 à l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel 93100.

L'amalgame tue

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Antisémitisme, dérives sémantiques et confusions.

Nous constatons le retour d'un antisémitisme effréné, tant du côté des élites blanches, que du côté des masses populaires. Le protocole des sages de Sion (1903) est une fabrication tsariste qui a permis à l'Okhrana [1] de diviser les masses et de les détourner de leur mission la plus urgente (renverser le pouvoir royal). Ceci en focalisant la haine populaire sur la population juive accusée de tous les maux. Le Protocole a également servi à l'hitlérisme de base argumentative pour édifier sa paranoïa antisémite. Ce passé spectral produit des effets dans notre présent. Nous pensons que l'horreur passée peut toujours se reproduire et ce n'est pas une farce.

L'antisémitisme est une production discursive bestiale qui a toujours arrangé le pouvoir. Il arrange tous les pouvoirs. C'est une recette qui marche à chaque coup. Aujourd'hui nous voyons s'opérer dans les médias une confusion entre le pouvoir meurtrier de Nétanyaou et la population civile israélienne. Population qui compte beaucoup de femmes et d'hommes révolutionnaires hostiles à ce gouvernement. Qu'une part très importante de civil.es israéliens désire renverser le gouvernement n'arrange pas les dominants sociaux (où qu'ils soient). Il s'agit de maintenir la violence entre les peuples à tout prix pour que la révolution sociale et la fraternité anarchiste entre les êtres n'arrivent jamais. En France et en Europe s'installe une confusion archaïque : confusion entre la politique de Nétanyaou et l'identité juive, confusion entre les États et les peuples ! L'antisémitisme des années trente s'est fait des habits neufs. Alain Laubreaux et Lucien Rebatet n'ont pas vraiment quitté des consciences.
La notion de Complot juif propagée autrefois par le Protocole des Sages de Sion semble en mesure de servir à nouveau d'outil de division politique et de persécution. Ces persécutions vont s'exercer indistinctement contre la population juive et contre les personnes racisées issues des quartiers populaires.

Que Nétanyaou soit un fasciste est une aubaine pour les antisémites : ils s'en serviront ! Et nous ne parlons pas seulement de certaines forces moyen-orientales, nous parlons de tous les États policiers. Nous ne parlons pas seulement de l'extrême droite ou de réseaux religieux intégristes s'affirmant douteusement comme décoloniaux, mais aussi d'une pseudo-ultra-gauche négationniste issue de la Vieille Taupe.

Cette situation géopolitique devrait être un cauchemar pour tous les anti-autoritaires. C'est un cauchemar pour nous.

Récemment des étoiles de David ont été taguées sur les murs un peu partout en France. Nous ignorons qui sont les auteurs de telles inscriptions (déséquilibrés ou manoeuvre politique réfléchie) et d'ailleurs peu importe. Le fait est là. La dernière fois qu'une telle chose insupportable s'est produite avec ampleur c'était en 1938 sur le territoire allemand durant la « nuit de Cristal ». Nous n'acceptons pas que l'on nous dise que ce qui se passe ici est justifié par ce qui se passe là bas ! Cette haine d'un autre âge est injustifiable. Corrélativement nous constatons l'explosion de propos islamophobes tant du côté de l'extrême droite que du côté des soc-dem. Des inscriptions anti-arabes carrément génocidaires s'étalent sur les murs, dans les latrines publiques, dans les conversations de bistrot, relayant tout à fait les discours antisémites les plus inquiétants.

Nous sommes très pessimistes pour l'avenir. Organisons nous maintenant contre les dérives antisémites propagées par le Hamas et instrumentalisées par l'extrême droite, sans rien céder aux discours policiers qui légitiment l'islamophobie et les bombardements sur Gaza. Stop aux propagandes fascistes. Halte à l'antisémitisme quel que soit sa forme. L'emballement médiatique risque de favoriser en France les pires passages à l'acte !
Il est temps de relire Victor Klemperer (LTI, La langue du IIIe Reich) :
« Les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu'après quelques temps l'effet toxique se fait sentir. »

Ni Hamas, ni Nétanyaou !

Les peuples ne sont ni les Chefs, ni les États.

K.


[1] Police secrète tsariste, dans l'empire russe

Au nom de tous·tes les nôtres - rassemblement en souvenir de nos collègues mort·es au travail

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Samedi 11 novembre à 11h, rassemblement à Paris pour les travailleurs et travailleuses du BTP mort·es au travail en 2023. Appel du Syndicat Unifié du Bâtiment de la Confédération Nationale du Travail.

Nous ne pensons pas que mourir ou être blessé·e sur un chantier fait partie des risques du métier. Si nous avons choisi la date symbolique du 11 novembre, c'est parce que la lutte des classes n'a pas connu d'armistice. Les prolétaires étaient de la chair à canons en 14-18, aujourd'hui iels sont exploité·es comme de la chair à patrons sacrifiée pour toujours plus de rentabilité.

Il est temps que nos collègues accidenté·es quittent les pages des faits-divers pour remplir celles des chroniques judiciaires. Nous voulons voir les patrons-voyous condamnés pour les morts qu'ils provoquent. Pour cela rendez-vous à 11h le 11 novembre 2023 sur la place Suzanne Valadon dans le 18e à Paris.

Ni oubli pour nos collègues qui sont mort·es sur les chantiers, Ni pardon pour les capitalistes qui provoquent ces décès par une organisation du travail uniquement tournée vers le profit.

Le Syndicat Unifié du Bâtiment et des Travaux Publics de la CNT

Non a l'immigration jetable, non à a loi Darmanin, défendre et étendre l'aide médicale d'état !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le collectif Uni.e.s Contre l'Immigration Jetable (UCIJ 2023) s'oppose à la politique discriminatoire du gouvernement, fondée prioritairement sur le soupçon et la répression en matière de migration et d'asile. Il revendique une politique migratoire d'accueil digne et le respect des droits de toutes et tous.

Non à l'immigration jetable !

Rassemblement devant le Sénat à parir de 13h !

Le 6 novembre, Le projet de Loi arrive au Sénat
Darmanin instrumentalise l'assassinat d'un professeur à Arras pour durcir ncore son discours sur l'immigration. Les migrant·e·s sont considéré·e·s désormais non plus seulement comme des délinquant·e·s mais comme de potentiel·le·s terroristes. Cette utilisation du contexte politique pour criminaliser les personnes qui sont venues et viennent en France pour fuir la guerre, les persécutions, la misère ou les conséquences du dérèglement climatique est désastreuse. Le gouvernement en profite pour accélérer le calendrier parlementaire sur la loi dite « asile et immigration » qui sera débattue au Sénat à partir du 6 novembre et à l'Assemblée nationale début décembre. Dans ce contexte, il est impératif de nous mobiliser : convaincre, interpeller les parlementaires et se mobiliser le 6 novembre, en particulier devant le Sénat à Paris.Appel « Uni.es contre l'immigration jetable. Pour une politique migratoire d'accueil »
Nous refusons le nouveau projet de loi asile et immigration

Non à la loi darmanin !

Le nouveau projet de loi Asile & Immigration du gouvernement conduit à une négation radicale des droits fondamentaux des migrant·e·s. Il a pour objectif de graver dans le marbre et de radicaliser les pratiques préfectorales arbitraires et répressives : systématisation des OQTF et des IRTF, dans la suite des instructions déjà prises pour augmenter les assignations à résidence et le nombre de Centre et Locaux de Rétention Administrative.
Le projet s'inscrit délibérément dans une vision utilitariste et répressive dont témoigne l'obsession des expulsions et l'inscription des sans-papiers au fichier des personnes recherchées. Les migrant·e·s sont déshumanisé·e·s et considéré·e·s uniquement comme de la main-d'œuvre potentielle, qui n'a droit qu'à des propositions de régularisations précaires, limitées aux métiers dits “en tension”. Alors que la dématérialisation prive de l'accès au séjour de nombreux étranger·e·s, le droit du séjour et le droit d'asile vont être encore plus restreints. Le projet prévoit des moyens pour empêcher d'accéder ou de rester sur le territoire, au lieu de les utiliser pour accueillir dignement celles et ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la misère ou les conséquences du dérèglement climatique... Les droits protégés par les conventions internationales sont de plus en plus bafoués (asile, droit de vivre en famille, accueil des femmes et des personnes LGBTIA+ victimes de violences...) y compris ceux des enfants (enfermement, non-respect de la présomption de minorité, séparation des parents...). Les droits des étranger·e·s sont de plus en plus précarisés.
L'attaque s'inscrit dans l'agenda global du gouvernement : chômage, retraites, logement, santé
En 2006 déjà, nous étions uni·e·s contre l'immigration jetable, nous appelons donc à nous mobiliser contre cette réforme qui, si elle était adoptée, accentuerait encore le fait que les étranger·e·s en France sont considéré·e·s comme une population de seconde zone, privée de droits, précarisée et livrée à l'arbitraire du patronat, de l'administration et du pouvoir. Il est de la responsabilité de nos organisations, associations, collectifs et syndicats de réagir.

Nous appelons à la mobilisation la plus large possible sur tout le territoire le 6 novembre 2023 contre la loi Darmanin
Partout interpellons les parlementaires ! À Paris devant le Sénat, à 13h

Pour un accueil digne et une couverture santé décente pour tou.te.s ! Défendre et étendre l'Aide Médicale d'État

Les parlementaires LR veulent supprimer l'AME, l'Aide Médicale d'État, qui permet aux sans-papiers de se faire soigner.
La foire aux fantasmes : l'AME serait ruineuse, un appel d'air au tourisme médical, pour réaliser des traitements de confort, dans des filières de soin mafieuses...
L'AME en réalité :

  • concerne les étrangers en situation irrégulière à faibles ressources
  • pèse 0,47% du budget de l'Assurance Maladie
  • offre un panier de soins réduit et inférieur à celui de l'ex-CMU

Seulement 51% des sans-papiers y ont recours : ignorance des droits, peur de la police, complexité administrative dissuasive.
Une dangereuse absurdité

  • La santé d'une population est une entreprise collective. Les microbes ne
    connaissent pas le statut des personnes qu'ils infectent. Les sans-papiers sont
    surexposés à des risques de par leurs métiers et conditions de travail et de vie.
  • Reporter les soins jusqu'aux urgences vitales est inhumain, et aggraverait la saturation médicale et administrative des structures de dernier recours (Pass24, urgences). Les expert·e·s sont unanimes Sur La nécessité de renforcer les démarches de soins et d'accès à une couverture maladie.

Le porte-parole du gouvernement et le ministre de la Santé se sont dits opposés à la suppression de l'AME. Qu'à cela ne tienne, Gérald Darmanin se déclare déterminé à l'acter. La surenchère dans l'utilisation des sans-papiers comme bouc émissaire fait planer une menace sérieuse sur l'AME.
La proposition réapparaît au Sénat avec la loi asile immigration.
Face à cette infamie, l'UCIJ revendique

  • Le droit à la santé. L'AME doit être maintenue et son obtention facilitée. Ses bénéficiaires doivent pouvoir accéder à la complémentaire santé solidaire (Puma) afin d'assurer des soins de qualité pour tou·te·s
  • L'égalité d'accès aux soins. Tout délai de carence en matière d'accès aux soins doit être abrogé. Les structures sanitaires et notamment les hôpitaux doivent avoir les moyens de fonctionner à la hauteur des besoins de santé de toutes les personnes. Des consultations psychologiques et psychiatriques
    doivent être accessibles notamment pour celles et ceux ayant vécu un parcours migratoire dramatique
NdPLI : Le collectif « les étudiant.e.s en santé et leurs allié.e.s contre la fin de l'Aide médicale d'État » organise une manifestation à 17h30 devant le Sénat. Voir leur appel sur l'Agenda militant


Non au pass alimentaire. Ce que ne peut pas être une Sécurité sociale de l'Alimentation

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

La contre-offensive libérale s'accélère. Elle s'approprie et détourne jusqu'au sens des mots. La contre-réforme des retraites devient une « avancée sociale majeure » ; le CNR devient « Conseil national de la Refondation ». Dans ce contexte, comment ne pas se méfier de ce que l'on nous présente comme une Sécurité sociale de l'Alimentation ?

Ce texte a été écrit entre fin 2021 et début 2023, en réponse aux nombreuses limites et incohérences soulevées lors de discussions et de lectures sur la Sécurité sociale de l'Alimentation.

Le texte en format brochure

Introduction :

La Sécurité sociale de l'alimentation (SSA) est un nouveau concept à la mode. Si certain-es savent précisément ce qu'iels en attendent et où iels veulent l'emmener, d'autres y adhèrent et en font la publicité sans trop se demander ce qu'il vaut.

Ce texte a été écrit suite à la lecture de l'ouvrage Reprendre la terre aux machines de l'Atelier Paysan, du dossier de la Confédération paysanne [1] ainsi que d'une bande dessinée de vulgarisation Encore des patates !? Pour une sécurité sociale de l'alimentation

Pour le situer, le collectif pro-SSA regroupe les Ami-es de la Conf', l'Atelier Paysan, l'Ardeur, Démocratie alimentaire, la Confédération paysanne, le réseau CIVAM, Ingénieurs sans frontières, Mutuale, le réseau salariat, l'union des familles laïques.
Il existe également un site internet qui vulgarise ce concept.

Le parti politique Europe Écologie Les Verts l'a inclus à son programme politique. Opposante active à l'union de la gauche, Carole Delga préface un livre [2] de plaidoyer pour la SSA. Et Emmanuel Macron s'en inspire dans ses politiques sociales et agricoles.

Ce concept soulève de nombreuses questions :
La SSA, c'est quoi ? Comment la faire émerger ? Comment éviter une prise de contrôle étatique ? Comment donner une valeur à ce que l'on mange ? Comment la positionner vis-à-vis du mouvement social ? Quel positionnement face aux risques de pénuries agricoles ? Comment éviter les dérapages dans sa mise en œuvre ? Le conventionnement est-il consensuel ? Comment éviter l'exclusion des agris ? Quel positionnement face à la propriété des terres agricoles ? Comment penser les communs ?

0/ Présentation : La Sécurité Sociale de l'Alimentation, c'est quoi ?

La SSA déclare s'inspirer de la Sécurité sociale de 1945, et plus particulièrement de la Sécurité sociale de la santé, appliquée à un modèle alimentaire. Actuellement, elle n'a apparemment pas encore été mise en place, même si à un niveau local, des modèles solidaires se revendiquant de la SSA sont expérimentés (voir plus loin).

L'idée, portée par le collectif, est la suivante : chacun-e paye une cotisation selon ses revenus (les sans-revenus n'en paient pas) et reçoit une somme d'argent fixe, en bons d'achats, destinés à des dépenses alimentaires.

L'objectif est double.
Premièrement, au niveau des individus, il s'agit de concilier les deux aspects de la question : Côté consommateurs-ices, recevoir une somme d'argent devant être suffisante pour avoir le choix d'une alimentation de qualité. Le collectif estime le montant de cette somme d'argent à 150€ par mois et par personne. Côté producteurs-ices, avoir une rémunération correcte et des conditions de travail satisfaisantes.
Deuxièmement, d'un point de vue de politique alimentaire et écologique global, l'afflux d'argent fléché vers l'agriculture permet le retour d'une paysannerie plus nombreuse, avec une production agricole en adéquation avec les besoins alimentaires de la population.

Les caisses de la SSA gèrent de manière démocratique l'argent collecté et le redistribuent.
Ces 150€ peuvent être dépensés directement auprès des producteurs-ices, dans des supermarchés, dans certains restaurants et certaines cantines, dans des AMAP ou des services de portage à domicile [3]. À la condition que ceux-ci aient été auparavant conventionnés par les caisses, en une sorte de référencement participatif citoyen.

L'émergence effective de la SSA nécessitera peut-être des compromis bancals ou des mises en application contre-productives. Pour mieux la critiquer, partons de l'hypothèse que sa mise en place correspondra parfaitement à ce que souhaite le collectif qui la porte.

Il semble aux personnes ayant rédigé cette brochure que les propositions portées par les différentes composantes du collectif pro-SSA soient partiellement contradictoires.

Le point de départ de la réflexion est que les politiques d'aide alimentaire pour les pauvres (pensées comme provisoires à leur mise en place dans les années 1980 [4], puis pérennisées) ont de nombreux effets négatifs.

Soyons clair dès le début : la SSA est-elle préférable à l'aide alimentaire ? Oui.
Est-elle souhaitable pour autant ? Non.

Plusieurs points font débat, considérons-les un par un.

1/ Une émergence improbable

La Sécurité sociale de 1945 n'est pas arrivée seule mais est le fruit d'un contexte : une part importante de la population politisée, endurcie (et abîmée) par une guerre mondiale (parfois deux) et entraînée au maniement des armes.
Les conditions d'obtention d'une telle avancée sociale peuvent-elles être réunies de nouveau ?

De plus, il est trompeur de faire commencer l'histoire de la Sécurité sociale en 1945. Le collectif pro-SSA le vulgarise succinctement ainsi : « A l'époque, la protection sociale était essentiellement d'inspiration mutualiste, soit charitable (religieuse), soit paternaliste (patronale). »

Au contraire, la Sécurité sociale de 1945 est le résultat de décennies d'existence de réseaux de solidarité et d'entraide plus ou moins informels à l'échelle locale. Le mouvement des Maisons du Peuple [5] du tout début 20e siècle est un bon exemple qui fut documenté.

Quelques extraits :

  • « il faut insister sur une spécificité de la Maison du Peuple au regard d'autres lieux de politisation : celle-ci a aussi, via la coopérative, un impact sur la vie quotidienne de ses membres. Non seulement elle leur procure du bon temps, mais également du pain, du charbon, des médicaments, une assurance chômage et santé. » [...]
  • « Pour Anseele, les coopératives ouvrières ont pour vocation de constituer « des forteresses d'où la classe ouvrière bombardera la société capitaliste à coup de pommes de terre et de pains de 4 livres. » » [...]
  • « Loin d'être une spécificité de La Paix, toutes les coopératives socialistes, à Roubaix, telles l'Avenir du Parti ouvrier ou plus tard la Semeuse, et au-delà dans le Nord, assurent un service médical et pharmaceutique gratuit, une assurance mutuelle en cas d'accident ou de décès et une caisse de secours en cas de grève. »
<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

L'émergence de la Sécurité sociale s'est faite progressivement et s'est appuyée sur de multiples expérimentations locales. De même, la création d'une SSA à l'échelle nationale semble, dans le meilleur des cas, très prématurée. Peut-être faudrait-il commencer par des initiatives plus locales, dans une approche issue de la base ?

2/ Un risque de contrôle étatique

Peu à peu, l'État a repris le contrôle de la Sécurité sociale de 1945. D'une Sécu sous contrôle majoritairement ouvrier, on est passé à une gestion partagée avec le patronat, avec une prise de pouvoir croissante de l'appareil d'État.

Le collectif pro-SSA rappelle d'ailleurs les étapes qui ont mené à cela [6] : augmentation des parts de représentation patronale, formatage des salarié-es des caisses, augmentation du reste à charge, suppression des cotisations remplacées par la CSG (Contribution Sociale Généralisée) et CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale), …
Comment pourrait-il en être autrement pour la SSA ? Souhaitons-nous vraiment que l'État (aussi bienveillant que l'on puisse l'imaginer) contrôle encore plus notre alimentation et les terres nourricières ?

3/ Un grand flou quant à la valeur des choses

Qu'en est-il des biens d'importation ? Café, mangues ou encore riz : comment déterminer un prix rémunérateur pour des denrées produites hors des sociétés occidentales, parfois sous d'autres climats, à plusieurs milliers de kilomètres de là où elles sont consommées ?

Et plus généralement, quelle valeur relative donner aux denrées agricoles, entre elles, et relativement à d'autres biens et services ?

150€ par mois est insuffisant pour se nourrir. Comment a été fixé un tel montant ? Dans son Observatoire des prix 2021, Familles rurales nous rappelle quelques chiffres :

« Le prix moyen mensuel de notre panier « varié » pour une famille de 4 personnes s'élève à 696€ pour les premiers prix, 765€ pour les marques nationales et 1148€ pour le bio. Cette note tombe à 450€ quand on varie moins les produits tout en respectant le PNNS [Plan National Nutrition Santé] et le cycle des saisons. »

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

Tiens donc. Le collectif rappelle que le reste à charge [7] affaiblit la Sécu… et « en même temps » propose un prototype de SSA avec un reste à charge. Contradiction ?

Égalité n'est pas équité. Les besoins en alimentation varient selon l'âge, l'activité, la classe sociale, le corps de chacun-e et bien d'autres facteurs encore.

Le « reste à charge » du budget alimentaire varie selon les revenus du foyer. Un chèque alimentation d'un montant fixe pourrait s'avérer être un maximum symbolique pour les foyers modestes.

Côté producteurs-rices, qui fournira le plus de denrées pour 150€ ? Le risque de dumping [8] – et de concurrence de toustes contre toustes – est réel.
Côté consommateurs-ices, que se passera-t-il lorsque le crédit de 150€ aura été épuisé ? Le choix se résume pour les plus pauvres entre le risque de fin de mois difficiles pour remplir le frigo ou l'assurance d'une malbouffe durable. Ainsi, ce qui est présenté comme une Sécurité sociale s'apparente davantage à un pass alimentaire, à l'image des pass transport (comme le pass navigo), qui bippe rouge ou vert selon l'argent restant -ou pas- sur le compte, ce qui contrevient à l'objectif d'universalité d'accès à la ressource.

À l'inverse, pour les foyers aisés, un supplément budget pousserait à des achats plaisir (à l'instar du « chèque restaurant »).

Que faire alors ? Réduire les inégalités ?

A défaut, adapter le montant du chèque, ou encore le prix des denrées ? Interdire l'achat de nourriture au-delà du montant fixe du chèque ? Le collectif assume de refuser une politique alimentaire spécifique en faveur des pauvres et revendique l'universalité.

Des paradoxes émergent alors, bien résumés dans un article du journal en ligne Reporterre :

Dans un premier temps, le texte présente un exemple – parmi tant d'autres – de solidarité alimentaire [9] en zone rurale : tarification de la nourriture adaptée aux revenus et permettant à tous-tes d'accéder à une alimentation de qualité ; organisation locale et affinitaire ; forte implication des producteurs-ices dans la gestion de l'initiative… Selon l'article, début 2022, une dizaine d'initiatives du même type existaient en France.

Dans un second temps, l'article rappelle… que ce n'est pas du tout la voie à suivre : « Pour Dominique Paturel [chercheuse à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae)], si les avancées locales sont bienvenues, le mouvement en faveur de la SSA doit tout de même éviter l'écueil qui consisterait à se limiter à « des initiatives citoyennes » au risque de perdre son côté systémique. »

Assumant cette contradiction, le parti politique EÉLV fait de la SSA une composante de son programme électoral pour l'élection présidentielle de 2022, en souhaitant « l'expérimenter dans les territoires volontaires ».

L'article de Reporterre réaffirme une vision de la SSA pleine de contradictions :

  • contrôle politique et bureaucratique (« des institutions reposant sur la représentation des experts ») via des subventions et en même temps « caisses primaires gérées démocratiquement au niveau local » ;
  • dumping social [10] subi par le producteur, qui « se contente d'un Smic et d'autosuffisance alimentaire pour vivre. » (soit une rémunération inférieure au SMIC horaire au vu des durées annuelles de travail des paysan-nes) et en même temps « pour les paysans aussi, ce modèle serait synonyme d'un mieux vivre. » ;
  • non-dénonciation des inégalités de revenus au sein de la population ;
  • aliénation des travailleurs-ses qui se verraient privé-es de la possession de leur outil de travail, tout en restant dans le strict cadre de l'économie capitaliste (« socialiser l'outil de travail permettra de dégager le paysan d'une partie du capital à rembourser et donc de son endettement ») ;
  • dumping alimentaire [11] avec un chèque de 150€ par mois et par personne, lorsque l'article rappelle que les dépenses actuelles sont de l'ordre de 332€ à 511€ [12] par mois et par personne ;

On pourrait relever encore bien d'autres contradictions.

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

La conclusion de l'article l'annonce pudiquement : « le pont avec le monde ouvrier reste, lui, à bâtir. » Et pour cause : le monde ouvrier, fort de ses expériences autogestionnaires, connaît la genèse de la Sécurité sociale et se méfie des reculs sociaux présentés comme des avancées.

Derrière l'unité de façade du collectif, le Réseau salariat fait souvent entendre une voix discordante. Là où le processus de prise de décision proposé par le collectif pro-SSA reposerait sur un combinaison de citoyen-nes et d'expert-es, il propose « Cette nouvelle « sécu » permettrait une inversion du rapport de force, en rendant la gestion [mais pas la propriété formelle, ndla] de l'outil aux premier-es concerné-es, celles et ceux qui produisent la valeur ». Exit ainsi les experts, les profs, les caissières, les médecins, les étudiants, les retraités…

Attribuer le pouvoir décisionnaire aux seul-es paysan-nes et ouvrier-es des champs, des ateliers, des usines et des chantiers (et à leurs représentant-es) serait en tout état de cause, plus proche de la réalité de l'émergence de la Sécu de 1945, telle que rappelée dans la brochure Encore des patates.

C'est là d'ailleurs un énorme aveu de faiblesse de la Confédération paysanne (favorable à la mise en place de la SSA) : les paysan-nes gèrent déjà bien souvent la production, le transport, la distribution, la gestion des stocks… Comment imaginer qu'un syndicat paysan laisse écrire que des citoyen-nes, majoritairement sans connaissance ni expérience de la chose agricole, puissent faire mieux que des pros ?

4/ Une idée à la droite du mouvement social : un concept néolibéral ?

La SSA revendique s'inspirer de la Sécurité sociale de la Santé.

Une rémunération contre des denrées... N'est-ce pas effectivement là une version agricole de la tarification à l'activité ("t2a") [13] dans le domaine de la Santé ? À cette époque, les syndicats de salarié-es s'étaient mobilisés contre cette régression sociale.

Alors bon. Une majorité de la population ne se sent pas forcément concernée par la thématique agricole. De même, dans une société validiste, les thématiques de santé sont plutôt délaissées. Pour mieux concevoir ce que donnerait la SSA, imaginons-la appliquée à l'éducation.

Chaque adulte recevrait pour les enfants dont il a la charge un chèque mensuel permettant de payer une partie de ses frais d'enseignement. Il devrait financer de sa poche le reste à charge. Selon ses moyens, il choisirait ensuite parmi des entreprises privées, sélectionnées par une caisse, laquelle correspondrait à la « qualité » souhaitée pour les enfants en questions. Ses paiements seraient fichés sur une carte qu'il faudrait présenter à chaque passage. Libre à chacun-e de se tourner plutôt vers des précepteurs-ices non validé-es par les caisses, et de les rémunérer à sa guise. Présentée ainsi, l'initiative ne donne pas du tout envie.

Ce concept de chèque alimentation invisibilise totalement un autre concept : celui de service public. Et en particulier, la gratuité d'accès pour les usagèr-es.

L'idée ici n'est pas de discuter la pertinence du concept de service public, notamment sa version française « historique », étatique et centralisée, mis en place via le salariat (la fonction publique). D'autres modèles existent ou ont existé en d'autres temps et d'autres lieux ;

L'idée n'est pas non plus de discuter si ces services publics dans leur forme historique sont une forme ultime et aboutie, ou si des évolutions/adaptations/améliorations sont possibles, que l'on pourrait appeler « service commun », « service collectif » ou autrement ;

L'idée est de souligner le danger que représente l'évolution du concept de Sécurité sociale en une succession de chèques destinés à des entités privées lucratives.

À l'instar de la santé et de l'éducation, l'alimentation (en quantité et de qualité) ne devrait qu'être gratuite. Le collectif SSA propose une piste frontalement opposée à un monde de la gratuité.

En particulier, si l'alimentation est un droit, alors la carte de Sécurité sociale est un obstacle au droit, qui exclut les sans-papiers, les plus précaires et bien d'autres. Elle permet, par conséquence, la marchandisation de ce droit.

La stratégie du chèque ?

De même qu'un « chèque carburant » ne fait pas une Sécurité sociale des transports, de même qu'un « chèque culture » ne fait pas une Sécurité sociale de la culture, un « chèque alimentation » [14] ne fait pas une Sécurité sociale de l'alimentation.

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; } <style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

C'est même l'inverse. Il s'agit là du grand rêve libéral : un chèque santé et une rémunération des « aidant-es »6 pour finir de démanteler la Sécu ; un chèque éducation pour privatiser l'Éducation nationale.

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; } <style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

Il s'agit là de remplacer des politiques publiques interventionnistes et planificatrices par une myriade de choix individuels de consommation [15]. Il ne s'agit pas d'une vue de l'esprit : le très libéral Macron propose, lui aussi, un « chèque alimentaire ». Annoncée par la Convention citoyenne pour le climat en 2020, elle figure dans la loi Climat et résilience promulguée en 2021 mais ne figure pas dans le budget 2023.

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

Un autre intérêt du chèque : à l'instar de la retraite « par points » (le projet de réforme avorté en 2020), son montant peut être « gelé » pendant une période plus ou moins longue.
Il s'agit là d'une ficelle politique courante. François Fillon, ancien premier ministre de droite, le formule ainsi : « Le système par points, en réalité, ça permet une chose, qu'aucun politique n'avoue : ça permet de baisser chaque année le montant de points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions ».

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

En effet, sauf réévaluation, plus la hausse des prix est importante, plus la baisse du pouvoir d'achat est forte si la valeur nominale du chèque reste constante. C'est actuellement le cas du point d'indice de la fonction public (régulièrement « gelé ») ou de la « prime de Nöel », versée aux chômeur-euses en décembre : d'une valeur initiale de 1000 francs, elle vaut actuellement 152,45 euros. Elle n'a jamais été revalorisée.

Une fois cela dit, rien n'empêche de continuer à imaginer ce que pourrait être une réelle Sécurité Sociale de l'alimentation, conforme à l'idéal « communiste » de l'après-guerre.

5/ Un risque accru de pénuries agricoles

Cette SSA est dépendante du contexte de surproduction agricole : Qu'en serait-il si la production venait brutalement à décroître ?
(Hypothèse probable au vu de la rapidité du changement climatique, ou encore d'instabilités économiques, politiques, sanitaires, militaires, …)

Nous en reviendrions alors à ces situations, en d'autres temps et d'autres lieux [16], où les files d'attentes s'allongent, où la population a de l'argent à dépenser mais où les rayonnages restent désespérément vides.

Mais au fait, pourquoi Ambroise Croizat, qui a mis sur pied la Sécurité sociale de 1945, n'y a pas ajouté un volet agricole ? Peut-être parce qu'à cette époque, la production agricole était insuffisante pour nourrir convenablement tout le monde : le rationnement s'est prolongé plusieurs années après la fin de la guerre.

<style> .lire-ailleurs { text-align: center;font-weight: 800; } .lire-ailleurs a { background-color:#f5f5f5; color:black; display: block; padding: 0.5rem 0; margin-bottom: 0.5rem; text-decoration: none !important; } .lire-ailleurs a:hover { background-color: #a30005; transition-property: background-color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a:hover span { color: white; transition-property: color; transition-duration: 0.3s; } .lire-ailleurs a span { color:#a30005; }

6/ De nombreux risques de dérapages

Maintenant supposons que ces caisses de SSA restent sous contrôle "démocratique" de la population locale (démocratie directe, démocratie représentative, tirage au sort ou autre, peu importe en première approche).

Forçons le trait pour illustrer les dérives potentielles.
• Imaginons un département rural du Nord-est de la France, qui a voté largement à l'extrême droite [17]. On imagine facilement les risques, vis-à-vis des agriculteurs-ices conventionné-es, de discrimination de la caisse locale « représentative » en termes de genre, de couleur de peau, de religion, d'orientation sexuelle et bien d'autres encore.

• Imaginons des quartiers urbains aisés, où des cadres dynamiques débordé-es seraient prêt-es à mettre le prix pour leur alimentation : leur choix se portera spontanément vers une alimentation "équilibrée" (pour des sédentaires) et de qualité. Cette offre sera proposée seulement par les structures les plus grosses et les plus solides, qui pourront fournir une gamme très diversifiée. Il s'agit là d'une réalité déjà documentée : combien de Biocoops se fournissent déjà, par facilité logistique, chez des grosses fermes [18] au détriment des petit-es producteur-ices qui, réuni-es, pourraient pourtant fournir les volumes demandés ?

• Imaginons un quartier très citoyen, qui se prête au jeu de fixer des règles éthiques (mais sans connaissance des réalités agricoles) : produire sans chimie, sans tracteur voire sans moteur, sans plastique, selon la lune, … Les rares agriculteur-ices assez "pur-es" pour accepter ces conditions et être conventionné-es verront leur tâche bien complexifiée, et pour le même tarif.

On pourrait rallonger cette liste.

7 / Le conventionnement : diviser pour mieux régner ?

Discriminations et copinages, mise en concurrence et nivellement par le bas, concentration capitalistique des moyens de production, absurdité bureaucratique, ... Il s'agit là bien évidemment de stéréotypes. La réalité serait plus probablement un peu plus subtile que tout cela, mais in fine seuls les plus structurés, les plus riches, les plus communicants, avec le plus de capital social, tireraient leur épingle du jeu. Via un conventionnement sélectif, la SSA pourrait être le moyen d'une nouvelle étape de concentration des terres agricoles.

En d'autre termes, ce serait un coup dur pour la petite paysannerie. Soit l'exact opposé de l'objectif affiché au départ : la SSA à la fois comme fin en soi et comme moyen pour le développement d'une paysannerie nombreuse.

Dans le dossier que la Confédération paysanne a consacré à la SSA, l'agronome Mathieu Dalmais répond à cette critique : la SSA, « c'est la moitié de l'ensemble de la consommation alimentaire : reste largement de la place pour les paysan-nes qui voudraient continuer hors de ce système. » Mais l'argument ne tient pas : revendiquer un reste à charge reviendrait à fragiliser la SSA. À qui profiterait cette agriculture à deux vitesses ? Et qui la subirait ?

Et surtout, sur quels critères sera fondé le conventionnement ? Sur le type de production ? Sur l'utilisation de chimie ? Sur le fait d'être un « gentil patron » ?

Là où la fonction publique hospitalière assure historiquement aux fonctionnaires un statut protecteur, la SSA oppose les agris conventionné-es et celleux qui ne le sont pas. Soit très exactement ce que les syndicats enseignants dénoncent : pour une même mission, des enseignant-es « au statut », sélectionné-es (par un concours) et des enseignant-es « contractuel-les », moins protégé-es, moins rémunéré-es, moins formé-es… En un mot, précaires.

Toujours dans le dossier de la Confédération paysanne, le Réseau salariat assume : un « salaire irrévocable » sera attribué aux acteurs de la SSA (notamment aux paysan-nes). À elleux uniquement ?
De même, il s'agit de « libérer les structures conventionnées du carcan du crédit, via le financement de leurs projets par des subventions accordées par la caisse. » On reconnaît là un marqueur du capitalisme interventionniste, caractérisé par des « plans de relance ». Passons sur le fait que l'agriculture (paysanne en particulier) appartient historiquement à l'économie informelle : récup', troc, productions non marchandes, entraide, … La SSA ne peut pas faire mieux sans y consacrer des budgets bien supérieurs. Elle peut cependant déstabiliser tout le secteur et via ses subventions ciblées, aviver une concurrence déjà déloyale. Avec tous les drames sociaux qui en découlent.
Derrière les revendications d'universalité d'accès à une alimentation de qualité, comment éviter le maintien d'un précariat agricole ?

8/ Une agriculture sans agriculteur-ices ?

Dans l'imaginaire populaire, l'agriculture c'est un truc de ploucs. D'ailleurs, faire pousser des patates et des navets semble à la portée de tout le monde. Les préjugés sur l'agriculture ont la vie dure, notamment auprès du personnel politique. En conséquence, les jardins d'insertion [19] (qui n'insèrent personne ailleurs que dans les basses couches du salariat) se multiplient dans le domaine agricole. Et viennent en concurrence directe avec les paysan-nes : une partie de la clientèle traditionnelle délaisse l'agriculture paysanne au profit de l'agriculture salariée précarisée d'insertion, avec le sentiment de faire une bonne action en soutenant des pauvres et en profitant de prix plus avantageux.

Voyons comment se met en place une agriculture sans agriculteur-ices :
Les pauvres doivent tenir le discours du « bon pauvre » qui souhaite s'en sortir. Les politiques libérales imposent une contre-partie à l'obtention de l'aide sociale. Les structures d'insertion (privées) remettent les pauvres au travail en échange d'argent (public). Les caisses de la SSA valident la production. La population se félicite d'une production locale et éthique.
La boucle est bouclée et la paysannerie en est exclue.

La question est alors posée de savoir comment la SSA, dont l'objectif déclaré est la présence d'un million de paysan-nes en France, peut atteindre cet objectif.

9/ Et la terre elle est à qui ?

Le Réseau salariat propose [20] : « généraliser la propriété d'usage de la terre par celleux qui la travaillent, la propriété patrimoniale de cette dernière étant confiée à la Caisse. » Il y aurait donc à terme une coexistence de grands propriétaires publics (les caisses).

A qui doit appartenir la terre ? Vaste question. Il convient d'abord de rappeler la distinction entre propriété formelle (des propriétaires) et propriété d'usage (des exploitant-es). Bien peu d'agris sont propriétaires de toutes les parcelles qu'iels exploitent. Il est fréquent qu'iels doivent « louer » leurs terres à des propriétaires non exploitant-es (typiquement des agriculteur-ices retraité-es, ou leurs héritièr-es urbain-es, qui perçoivent ainsi un complément de revenu).

Comment les caisses peuvent-elles devenir propriétaires des terres agricoles ?
N'y a-t-il pas d'autres politiques alimentaires à mener avec tout cet argent ?
Quid des réactions des agris que l'on exproprie ?
Est-ce une bonne chose de participer à la concentration des terres agricoles ?

La réponse d'une « propriété collective » passe à côté des enjeux : propriété publique ? Les ex-zadistes de NDDL en dénoncent les travers et poussent pour un rachat vers une propriété collective privée. Propriété privée collective ? Rien de nouveau alors : une bonne partie des terres agricoles sont déjà des propriétés collectives privées (souvent familiales).

Beaucoup des paysan-nes libertaires se reconnaissent dans la phrase attribuée à Emiliano Zapata : « La tierra es de quien la trabaja » ; "La terre appartient à qui la travaille". Et donc ni aux caisses de la SSA, ni aux élu-es, ni aux citoyen-nes, ni aux bureaucrates de l'État ou de fondations privées (Terres de lien, par exemple), ni aux rentièr-es.

De plus, le transfert de la propriété formelle des terres agricoles au caisses de la SSA facilite la mise en place de grands projets d'infrastructure inutiles et imposés aux populations (GPII) via l'expropriation [21] : la lutte contre le projet de construction d'une centrale nucléaire à Plogoff a mené à la création d'un groupement foncier agricole (GFA) [22], qui a rendu plus difficile l'expropriation des terres agricoles et a contribué à l'abandon du projet.

Plus récemment, pour permettre la construction de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, la majorité des terres agricoles a été progressivement rachetée. La résistance au projet a pu s'appuyer, en plus des occupations de terres et de bâtiments, sur les propriétaires ayant refusé de vendre leurs parcelles et leurs maisons. Le transfert de la propriété des terres agricoles aux caisses de la SSA rend impossible ce type de défense des terres agricoles.

SSA et tragédie des communs [23]

Le collectif pro-SSA l'affirme : « La terre deviendra un moyen de production mis en commun, comme l'hôpital dans le service public de santé. » Il convient de se méfier de la nouvelle rhétorique sur les « communs » ; Qu'est ce qu'un « commun » ? Vaste question.
En agriculture, on appelait « communaux » ou « sectionnaux » (et probablement de pleins d'autres noms) des parcelles collectives, le plus souvent propriété de la commune.
C'était des parcelles de propriété publique, dont on ne pouvait refuser l'usage à quiconque.

Par exemple une prairie, où les paysan-nes sans terre pouvaient venir faire pâturer une vache, ou encore une forêt, où les villageois-es pouvaient venir abattre leur bois de chauffage (droit d'affouage).

Une critique de ces communs a été formulée par les économistes libéraux sous le nom de « tragédie des communs » : Selon eux, les paysan-nes – ou certain-es d'entre elleux – auraient individuellement intérêt à faire pâturer un maximum de bétail jusqu'à sur-pâturer les prairies collectives et que plus rien n'y pousse, et abattre jusqu'au dernier arbre des forets collectives pour stocker du bois de chauffage.
La solution proposée étant : privatiser les communs et attribuer des titres de propriété privée. On a appelé ce processus le mouvement des enclosures.

Et pourtant. La tragédie des communs n'a pas eu lieu en Europe occidentale. Localement, les paysan-nes ont toujours trouvé collectivement les outils de gestion des communaux. Le contrôle social, dans des sociétés villageoises où les liens d'interdépendances sont nombreux, a dû jouer un rôle.

De nos jours, de nombreuses municipalités rurales continuent à gérer des parcelles agricoles et forestières.

Mais pour les besoins de leur cause, de nombreux acteurs du monde rural alternatif, des ex-zadistes de Notre-Dame-Des-Landes aux sociaux-démocrates de la Confédération paysanne en passant par les bureaucrates de Terres de lien et bien d'autres, ont fait évoluer le terme : d'une propriété publique et ouverte à tous-tes, le « commun » est devenu une propriété privée (certes collective le plus souvent) à l'usage d'un petit groupe affinitaire ou d'un-e individu-e.

Conclusion

Le mot de la fin revient à Nicolas Girod, porte parole de la Confédération paysanne : « Nous devons donc imposer dans le débat public la nécessité d'intervention publique, de maîtrise et de régulation des marchés » [24]. Est-ce bien suffisant de revendiquer réguler les marchés ?
Tout ça pour ça : invoquer les luttes communistes et les conquis sociaux du siècle dernier pour au final revendiquer une ligne sociale-démocrate, interventionniste, keynésienne… En d'autre termes : revendiquer rester dans une économie de marché.

Là est l'enjeu. Si la SSA ne semble pas pouvoir tenir toutes ses promesses la question demeure : comment sortir l'agriculture et l'alimentation de l'économie de marché ?


[1] Campagnes Solidaires, numéro 364, septembre 2020, pages centrales

[2] Manger, Entretien de Dominique Paturel réalisé par Marie-Noëlle Bertrand, Editions Arcane 17, 2020

[3] Le portage à domicile désigne les livraisons à domicile de repas, notamment pour les personnes âgées ou à l'état de santé fragile.

[4] La première banque alimentaire ouvre en France en 1984, l'association les Restaurants du coeur est fondée en 1985.

[5] Les maisons du peuple sont également appelées bourses du travail. Avant cela, il existait déjà les prémisses de la Sécu chez les pirates.

[6] Pour une Sécurité sociale de l'alimentation, 2021, p. 50

[7] Le remboursement des soins par l'Assurance maladie et les complémentaires santé ne couvre pas la totalité des frais exposés. Une partie de la dépense de santé reste donc à payer directement par les ménages : c'est ce que l'on appelle le reste à charge.

[8] Le dumping est une pratique commerciale qui consiste à vendre une marchandise à un prix inférieur au prix de marché, parfois au-dessous du prix de revient

[9] Dans un cadre d'agriculture marchande, néanmoins.

[10] Le dumping social, ou moins-disance sociale, est a mise en concurrence des travailleurs-es entre elleux, notamment en termes de revenus et de conditions de travail.

[11] À l'image du dumping social, on pourrait définir le dumping alimentaire le fait de mettre en concurrence les aliments entre eux, notamment en termes de prix, de quantité et de qualité.

[12] Les chiffres annoncés dans cet article diffèrent de ceux cités plus haut.

[13] Cette réforme a été imposée en France par la droite (dans le « plan Hôpital 2007 », annoncé en septembre 2003). L'objectif était alors de réduire l'augmentation des dépenses de santé, en passant d'une dotation budgétaire globale à un financement proportionnel aux actes de soin effectués.

[14] Emmanuel Macron, figure du capitalisme libéral, le propose d'ailleurs dans son programme électoral de 2022

[15] Comme le décrypte Grégoire Chamayou dans son livre La Société ingouvernable, La fabrique, 2018

[16] RDA au siècle dernier, Venezuela actuellement, par exemple.

[17] Marine Le Pen obtient au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2022 60 % des voix dans l'Aisne, 57 % dans les Ardennes, 57 % en Haute-Marne, 56 % dans la Meuse, 57 % dans le Pas-de-Calais...

[18] Voire directement à leur centrale d'achat

[19] Les jardins d'insertion se présentent comme un outil idéal contre l'exclusion, et s'adressent à des personnes en situation d'exclusion sociale ou professionnelle.

[20] Campagnes solidaires, septembre 2020, p. IX

[21] Les GPII peuvent désigner tant des autoroutes, des aéroports, des « méga-bassines »… Autant de constructions qui rognent sur les terres agricoles.

[22] Le GFA est la manifestation des tentatives des pouvoirs publics de favoriser l'investissement dans l'agriculture ainsi que d'éviter l'émiettement des exploitations. Il permet de créer et conserver des exploitations.

[23] Article ayant pour titre original The tragedy of the commons, de Garrett Hardin, présenté dans Science le 13 décembre 1968.

[24] Campagnes solidaires, septembre 2020, p. X