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Cantine de soutien à la mutuelle de la Kunda le 21 octobre

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Cantine de soutien à la mutuelle de la Kunda suivi d'une projection de Sia, le rêve du python de Dani Kouyaté.

La mutuelle permet à chaque personne de donner ou prendre de l'argent chaque mois selon ses moyens et ses besoins, pour constituer un système de solidarité et d'entraide matérielle qui assure l'autonomie de chacun.e de ses membres.

L'idée partait du constat des inégalités matérielles dans notre collectif dû à des différences de classes, de pouvoir toucher des thunes de l'État parce que certain.es ont des papiers alors que d'autres pas, d'accès au travail...
On voulait aussi sortir d'un rapport affinitaire ou interpersonnel de dépannage de sous et de le prendre en charge collectivement.

On a réfléchi à un système d'organisation pour pouvoir faire un partage régulier d'argent en s'appuyant sur différentes expériences existantes : la mutuelle de Lyon, la mutuelle TPGQIF de Paname, mais aussi des podcasts comme https://radiogalere.org/?playlist=2018-01-25-emission-libredebat...

Bref on espère que ça créera des espaces pour discuter thunes, rapport de classe...

On vous invite donc à une cantine de soutien et une projection à prix libre pour contribuer à la mutuelle et permettre qu'elle puisse continuer de manière perenne.

19H ouverture des portes
20H bouffes
21H30 projection de Sia, le rêve du python
00H fermeture des portes

46 rue Jules Lagaisse, Vitry-sur-Seine

Une autre réponse “La joie armée noire”

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Dans la continuité d'Une réponse enthousiaste à “La Joie Armée Noire”, Une autre réponse à “La joie armée noire” réagit à la publication de “La joie armée noire”, un texte d'anarchistes insurrectionnel.le.s noir.e.s qui réfléchissent à la situation et aux potentialités insurrectionnelles noires après les manifestations et émeutes liées à la mort de George Floyd à partir de 2020 aux États-Unis.

Dans la continuité d'Une réponse enthousiaste à “La Joie Armée Noire”, Une autre réponse à “La joie armée noire” réagit à la publication de La Joie Armée Noire, un texte d'anarchistes insurrectionnel.le.s noir.e.s qui réfléchissent à la situation et aux potentialités insurrectionnelles noires après les manifestations et émeutes liées à la mort de George Floyd à partir de 2020 aux États-Unis. Ce texte a aussi été publié par Haters Cafe. Merci à toutes celleux qui ont participé à cette traduction.
Introduction de Haters Cafe : Voici une autre réponse à La joie armée noire qui nous a été envoyée par mail. Nous espérons qu'elle permettra de poursuivre les conversations suscitées par l'article original. Une fois encore, nous tenons à souligner que cette réponse ne correspond pas nécessairement aux vues du “Haters Cafe”, que nous ne sommes pas les auteur.rice.s et que nous n'avons pas l'intention de parler au nom de l'auteur.rice.

J'ai été très excité.e lorsque je suis tombé.e sur La joie armée noire ! J'ai envie de textes et d'actions anarchistes noires, et j'étais particulièrement heureux.se de voir quelque chose de nouveau qui venait d'une perspective insurrectionnelle au lieu du même vieux socialisme déguisé en anarchie. Personnellement, je suis un.e anarchiste insurrectionnel.le, même si je pense que mes idées sur l'insurrection sont plus antisociales que celles des auteur.rice.s. Pour moi, l'insurrection commence au niveau individuel avec la décision de ne pas se laisser gérer. Il ne s'agit pas nécessairement de révolution pour moi, je suis assez pessimiste quant à cette possibilité, mais si une révolution se produit et qu'elle est anarchiste, cela pourrait être intéressant. J'ai inclus mon opinion politique pour donner un peu contexte sur l'origine de mes idées. Je pense que mes opinions sont assez différentes de celles des auteur.rice.s de La joie armée noire, alors prenez ma critique avec un grain de sel.

Les auteur.rice.s mentionnent les masses, et spécifiquement les masses noires, ainsi que le peuple, et même l'humanité toute entière. Pour moi, ces groupes sont trop grands pour être considérés comme uniformes. Je ne pense pas que cela ait un sens de dire que “les masses noires ont prouvé qu'elles n'étaient pas intéressées par le “définancement” [Defund] ou le “contrôle communautaire” [Community Control] [1] de la police ou de parler de “l'ensemble de l'humanité dans une conflictualité constante avec des forces d'oppression”. Ces discours aplatissent de grands groupes de personnes, et c'est une préparation à la déception quand ces groupes sont plus mélangés et compliqués que cela. Certain.e.s Noir.e.s sont flics, ou libéraux.les, ou possèdent des entreprises, ou s'en moquent. L'humanité entière ne va pas se soulever, tous ensemble, si c'était le cas, il n'y aurait même pas besoin d'une insurrection ou d'une révolution puisque tout le monde serait déjà sur la même longueur d'onde dans ce scénario. Certaines personnes se soulèveront parfois, beaucoup ne le feront pas.

L'un des aspects intéressants de l'anarchie insurrectionnelle est que les rebel.le.s n'ont pas besoin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde qu'elleux pour lutter. L'anarchie insurrectionnelle est proactive, elle crée la lutte en luttant. Attaquer, s'auto-organiser, et développer l'affinité pour le faire est une façon de commencer à se battre, et cela ne nécessite personne, sauf peut-être un ou deux complices pour commencer. D'un point de vue plus social/révolutionnaire, cela donne des exemples de la façon dont les autres peuvent commencer à lutter contre la domination et, on l'espère, inspirer d'autres personnes à prendre des initiatives de façon autonome. Ce que j'essaie de dire, c'est que l'anarchie insurrectionnelle a beaucoup d'espace pour s'étendre et changer d'échelle, mais elle n'est pas liée ou limitée à la lutte de masse et peut même être pratiquée seul.e.

Souvent, lorsque l'insurrection — en tant qu'événement — est mentionnée par les auteur.rice.s, on suppose qu'elle est à venir. Soit qu'elle est généralement en route, soit qu'elle est provoquée par un événement catalyseur. Cela soulève deux dilemmes : 1) une insurrection pourrait ne pas arriver du tout, alors que faire ? 2) que faire quand il n'y a pas d'insurrection ? Encore une fois, la beauté de l'anarchie insurrectionnelle est qu'elle contourne ces deux problèmes en commençant tout simplement à lutter malgré tout ! Si l'insurrection arrive, tant mieux, il y aura des rebelles qui ont déjà commencé à se révolter, et qui ont de l'expérience et de la confiance en tant que participants, et si elle n'arrive pas maintenant (encore ?) il y a des rebelles qui se battent, qui au moins entrent en conflit avec la domination et qui peut-être font de l'agitation pour l'insurrection.

Pour un texte aussi centré sur le potentiel de révolte des masses noires, j'ai été surpris de ne pas voir beaucoup de choses sur la propagande et le dialogue pour développer le désir et la capacité d'insurrection dans la population noire comme moyen d'arriver à une insurrection/révolution de masse. Je pense qu'en supposant qu'une insurrection est en route, les auteur.rice.s ont oublié qu'iels peuvent participer activement à la création des conditions qui la rendront possible. Iels mentionnent brièvement les interventions menées par les communautés et la culture révolutionnaire. Je pense qu'il est important de détailler ce à quoi ça pourrait ressembler si la participation de masse est un objectif plutôt qu'une hypothèse.

Une chose que je pense qu'il est important de mentionner est que même si quelqu'un.e souhaite l'unité, en ayant des politiques radicales et anti-autoritaires, les individu.e.s et les groupes rebel.le.s vont rassembler certaines personnes et en éloigner d'autres. D'après mon expérience, la plupart des gens ne sont pas anarchistes, et le fait d'être Noir.e ne suffit pas à pousser quelqu'un.e à être d'accord avec les luttes anarchistes, et encore moins à y participer. Les idées radicales amènent les gens à s'attaquer à des problèmes sur lesquels iels ne sont pas forcément toustes d'accord, et sont susceptibles de dresser les Noir.e.s contre d'autres Noir.e.s qui cherchent à mieux s'intégrer et à progresser dans la société. Ce n'est pas grave, comme on l'a déjà dit ; tous les gens de notre couleur de peau ne sont pas nos semblables.

Honnêtement, je suis fatigué.e de la critique de la gauche blanche. Ce n'est pas que la gauche blanche est géniale (elle ne l'est pas), ou que les critiques de la gauche blanche sont souvent fausses (elles ne le sont pas). C'est que la gauche blanche, et la gauche en général, est sans importance en dehors du monde du militantisme. Dans les moments de grande explosion, la gauche essaie parfois d'intervenir, mais elle est généralement très en retard et doit rattraper son retard. Les auteur.rice.s soulignent à juste titre que la gauche blanche a laissé tomber les Noir.e.s à maintes reprises. Pourtant, la gauche blanche est présentée comme une force importante au sein des insurrections, traitée comme une sorte d'allié/ennemi qu'il faut contraindre à faire ce qu'il faut. Il semble étrange que tant d'énergie soit dépensée pour essayer de convaincre les gauchistes blanc.he.s (et les menacer), alors que les auteur.rice.s savent que la gauche blanche est historiquement peu fiable et lâche. Il existe des personnes bien plus intéressantes que les gauchistes blanc.he.s : des Noir.e.s non-politisé.e.s, d'autres radicaux.les noir.e.s, des personnes non-Noires avec lesquelles nous pouvons trouver une solidarité en tant que Noir.e.s, et même des Blanc.he.s non affilié.e.s.

Les questions que je pose aux auteur.ice.s sont les suivantes : pourquoi se concentrer autant sur la gauche blanche ? Cela a-t-il un sens d'investir de l'énergie en elleux ou la lutte des Noir.e.s serait-elle mieux servie en faisant nos propres affaires et en laissant la gauche rattraper son retard, comme cela semble se produire organiquement ? A quoi cela ressemblerait-il de se concentrer sur notre autonomie et notre libération en tant que Noir.e.s anti-autoritaires ? Qu'est-ce que nos luttes ont en commun avec les luttes des personnes non-Noires et avec qui pouvons-nous faire équipe ?

La joie armée noire a un ton très militant. Il critique la peur de la rébellion armée des Noir.e.s, si courante chez les gauchistes et anarchistes blanc.he.s, et je pense qu'il a raison de le faire. L'État est prêt et disposé à tuer des Noirs et à laisser les justiciers autoproclamés le faire aussi. Dans “Une réponse enthousiaste à “La Joie Armée Noire””, il est dit que lorsque les rebelles escaladent le niveau de violence, il est logique de s'attendre à une escalade de la part des ennemis également. Ce texte souligne aussi qu'il y a tant à apprendre de la lutte et de la lutte armée passées et présentes des Noir.e.s, sur l'île de la Tortue [2] et ailleurs. Je voulais apporter mon soutien à ces déclarations, il y a beaucoup à apprendre, beaucoup à faire attention, et les enjeux sont vraiment élevés.

Une chose déroutante dans La joie armée noire est que les auteur.ice.s disent qu'iels ont l'intention de montrer que leurs vies ne sont pas dispensables (“La gauche blanche peut croire que soit nous avons un désir de mort, soit que nos vies sont inutiles et nous sommes déterminés à prouver le contraire.”) et aussi que si la gauche blanche ne fait pas une assez bonne coalition, iels sont prêts à tuer et à être tués pour cela (“Si rien ne se fait, nous prouverons que nous sommes tous des humains qui peuvent vivre et mourir par la violence tout de même et au même rythme. “). Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça et ça me semble être quelque chose d'important à réfléchir.

Malgré toutes mes critiques, je suis heureux que La joie armée noire ait été écrit et il y a beaucoup de choses qui m'ont plu. Je voulais y répondre pour élargir les conversations autour de l'anarchie insurrectionnelle noire et parmi les anarchistes Noir.e.s. J'essaie d'écrire à partir d'un lieu de solidarité et j'espère que cela se voit. Je suis également heureux.se de voir que quelqu'un.e d'autre a déjà répondu à La joie armée noire, je suis excité.e de voir que le dialogue entre anarchistes Noir.e.s de différentes perspectives se développe par écrit et je suis heureux.se de pouvoir y contribuer.

La critique de l'entraide édentée m'a paru vraie. Surtout depuis le début de la pandémie de COVID-19, l'entraide a été diluée pour signifier quelque chose d'indiscernable de la charité. Placer l'entraide aux côtés et dans le cadre d'approches insurrectionnelles de la lutte a tellement plus de sens, et a un potentiel beaucoup plus acerbe que de donner des choses juste parce que les choses sont difficiles en ce moment.

La joie armée noire prend des positions intransigeantes et refuse de nettoyer l'histoire au nom du libéralisme. Les auteur.rice.s rappellent aux lecteurs que l'histoire de la lutte des Noirs va bien au-delà de la désobéissance civile et de la protestation pacifique. Les émeutes récentes, les mouvements des années 1960 et 1970, et même ceux qui remontent aux marrons et aux insurrections d'esclaves sont tous rappelés et réitérés. Il n'est pas surprenant qu'iels soutiennent la lutte sans compromis dans le présent, rejetant les positions libérales, le réformisme et l'auto-victimisation. Iels soutiennent le démantèlement de l'oppression dans le présent, iels rappellent aux lecteurs que les alternatives et les “en-dehors” [opting out] ne détruiront pas le capitalisme et que l'attaque est une voie à suivre. À la lumière de tant de libéralisme noir et de récupération des luttes noires, voir ces perspectives écrites est une bouffée d'air frais.

J'aime beaucoup les questions que posent les auteur.rice.s de La joie armée noire. J'aimerais voir plus d'anarchistes Noir.e.s s'y attaquer. Trouver, créer et développer des positions anarchistes insurrectionnelles noires, et expérimenter la poussée et l'extension des insurrections en tant que radicaux noirs me semblent des objectifs valables ! Critiquer l'espace anarchiste insurrectionnel blanc n'est généralement pas une priorité absolue pour moi, mais c'est une chose généreuse à faire, surtout venant d'une perspective anarchiste noire qui cherche aussi l'insurrection. Au-delà des trois questions que La joie armée noire vise à aborder, je suis également convaincu.e que la pensée anarchiste noire peut être à la fois élargie et approfondie. J'espère que d'autres personnes continueront à s'intéresser aux questions posées par les auteur.rice.s et à en soulever de nouvelles.


[1] Une proposition de réforme de la police qui place le contrôle de la police dans les mains de communautés urbaines, plutôt que dans celles d'élites politiques. Elle fut popularisée par les Black Panthers.

[2] “Turtle Island” est un terme utilisé dans les milieux radicaux nord-américains pour désigner l'amérique du nord ou l'amérique dans son ensemble. Dans plusieurs cosmologies de peuples autochtones des amériques, le monde entier a été créé sur le dos d'une tortue.

N'ayons pas peur des ruines

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le dernier cycle de luttes témoigne de notre capacité à mettre en œuvre une autodéfense populaire protéiforme. Ayons-en conscience. N'ayons pas peur des ruines.

Sur les ronds-points, nous avons remis en cause le monopole légitime de la politique en faisant l'expérience de notre capacité à nous organiser par et pour nous-mêmes. Loin des faux besoins et des interférences abrutissantes de la télévision et des lumières bleues de nos écrans-prisons, nous avons construit des liens de solidarité affective et alimentaire durables et beaux. Nous avons (ré)appris à décider pour nous-mêmes, selon nos propres modalités, en défendant des principes de démocratie directe et absolue. Nous nous sommes réapproprié des espaces improbables, hautement inhospitaliers, pour les transformer en places publiques et en lieux de vie fraternels. Pendant un temps, nous avons repris le contrôle sur notre vie quotidienne.

Certes, nos cabanes et nos ronds-points n'étaient pas parfaits, mais ils ont eu le mérite de prouver qu'un autre monde était possible. Un monde où la classe de politiciens professionnels qui nous gouverne, la horde de policiers qui nous mutilent et la myriade d'intermédiaires chargés de capter notre parole et de parler en notre nom pouvaient disparaître sans nous porter aucun préjudice.

Sur les Champs-Élysées, au Puy-en-Velay à Croix-Sud et partout où nous avons décidé de nous défendre face aux violences policières, nous avons remis en cause le monopole légitime de la violence. Contre la violence de l'État, c'est-à-dire la violence au service de la survie d'un système économique et politique fondé sur notre exploitation et notre domination, nous avons opposé une autre forme de violence. Les émeutes, les pillages et les affrontements avec la police étaient autant d'actes de légitime défense face à cette violence inique.

Si le gouvernement et les médias ont refusé de traiter le mouvement des gilets jaunes, plus important mouvement contestataire depuis un demi-siècle, comme un mouvement social à part entière ; s'ils ont préféré parler de « crise » et nous faire passer pour des fous et des barbares, c'est précisément parce que ni l'un ni les autres n'étaient prêts à accepter que le peuple puisse se constituer en force collective et adopter la violence comme outil politique.

Pendant la pandémie, nous avons prolongé nos expériences de solidarité alimentaire et affective en veillant à briser l'isolement des personnes âgées ou en situation de handicap, en cuisinant pour nos voisins et en réalisant des maraudes auprès des personnes sans-abris, en autoproduisant des masques afin d'aider les gens pour qui le télétravail n'était pas une option, et qui ne pouvaient pas toujours se permettre d'acheter de quoi se protéger, etc. Par ces actes, nous avons fait perdurer notre mobilisation. Chaque panier repas distribué, chaque masque confectionné, chaque sac de course monté sur le palier d'un voisin vulnérable constituait, à sa manière, le prolongement des affrontements violents qui nous ont opposé aux forces de conservation du régime.

Dans la violence et l'entraide, nous nous sommes constitués en sujets politiques indépendants des partis et de leur fanfare politicienne, autonomes vis-à-vis des structures chargées de parler à notre place. Aucune aide exceptionnelle n'achètera notre volonté de vivre et de nous épanouir hors du contrôle et des calculs de l'État. C'est lui qui dépend de nous, pas l'inverse.

Notre violence est politique, elle est là pour rappeler au monde notre capacité à nous défendre et à attaquer quand la faim nous guette, quand nos enfants regardent un frigo vide, quand nos droits sont bafoués, quand on nous refuse notre droit inaliénable à une vie digne et libre. Ces dernières années, nous avons su en faire usage avec un sens particulier de la stratégie. Cortège de tête, black bloc, blocages routiers, autoréductions, opérations péage gratuit, sabotage de radars, grèves sauvages, blocages de raffineries et de plateformes logistiques, occupations d'universités et de centres commerciaux, de ronds-points et de terres agricoles : nous forgeons notre arsenal dans la lutte ; nous apprenons à manier nos armes et nos outils collectifs dans la lutte.

Nous utiliserons ces armes à chaque fois qu'il nous semblera nécessaire ou pertinent de le faire. Pour défendre notre droit inaliénable à la dignité et à la liberté. Pour nous émanciper de nos maîtres et reprendre le contrôle sur nos vies. Pour que toutes celles et ceux à qui ce monde déplaît puissent en changer.

Gilets Jaunes Invisibles

L'Actu des Oublié.es • Saison III • Episode 2 - Royaume-Uni : Mouvement syndical, limites et perspectives

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Tous les deux lundis, l'Actu des Oublié.es évoque les luttes dans le monde. Cette semaine, nous partons au Royaume-uni.

Cette semaine, nous partons au Royaume-uni où des grèves d'une ampleur inédite parcourent le pays depuis la mi-juin. Malgré des victoires significatives dans certains secteurs, une puissance et une longévité inégalées depuis cinquante ans, le mouvement syndical touche ses limites quant à transporter la contestation à l'ensemble de la société britannique. Au sein des syndicats comme en dehors, on cherche alors à former d'autres organes à même de combattre efficacement les politiques outrageusement néo-libérales des gouvernements conservateurs qui s'enchainent depuis douze ans.

Episode 2 - Royaume-Uni : Mouvement syndical, limites et perspectives
Avec Sarah Pickard – Maître de conférences en civilisation britannique à la Sorbonne nouvelle
Et Marc Lenormand – Spécialiste du syndicalisme et des mouvements sociaux au Royaume-Uni et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier.

MEDIAS
Révolution Permanente, The World Socialist Web Site, The Guardian
Sur la lutte contre la Poll Tax : Dossier « La taxe qui a fait tomber Thatcher » sur solidaire.org
www.wesayenough.co.uk.
dontpay.uk

MUSIQUE
Sun Rise above – Every day I wake up on the wrong side of capitalism,
Icykal – It's that time
Laayie et Icykal - Fake Dictators
Flohio – 10 More Rounds

VISUEL
Affiche de Don't Pay UK, Juin 2022.
Manifestation contre la vie chère, Londres, Avril 2022. Autrice : Alisdare Hickson

Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : « ici on noie les Algériens ! »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Ce jour-là, des dizaines d'Algériens ont été noyés dans la Seine ou massacrés par la police française à Paris. C'est un devoir de justice de ne pas l'oublier. Le 17 octobre 1961 alors que la guerre d'Algérie touche à sa fin, le FLN appelle à une manifestation pacifique dans les rues de Paris pour dénoncer le couvre-feu raciste imposé quelques jours plus tôt aux Algériens et par extension à tous les Maghrébins (obligation d'être sans cesse isolé, et interdiction aux travailleurs algériens de sortir de 20h30 à 5h30, les cafés tenus par des musulmans doivent fermer à 19h...). Cette manifestation rassemble environ 30.000 personnes.

Début de la manifestation pacifique le 17 octobre 1961 à Paris

Le préfet de police de Paris, Maurice Papon, qui a reçu carte blanche des plus hautes autorités, dont de Gaulle, lance, avec 7.000 policiers, une répression sanglante. Il y aura 11.730 arrestations, et peut-être beaucoup plus de 200 morts, noyés ou exécutés, parmi les Algériens.

Ce crime au coeur de l'État français n'a toujours pas été reconnu officiellement alors même que les partisans de la Nostalgérie prônent la promotion de l'oeuvre positive française durant la colonisation dans les programmes scolaires !!!

Le 27 octobre 1961, Claude Bourdet, alors conseiller municipal de Paris et aussi journaliste à "France-Observateur", avait interpellé le préfet de police, Maurice Papon, en plein conseil municipal de Paris sur l'exactitude des faits qui se lisaient dans la presse parisienne, à savoir le repêchage dans la Seine de 150 cadavres d'Algériens depuis le 17 octobre 1961 entre Paris et Rouen.

« Monsieur le Préfet de Police »

Intervention de Claude Bourdet au Conseil municipal de Paris, le 27 octobre 1961

- Les silences de Monsieur Maurice Papon

Claude Bourdet

« J'en viens d'abord aux faits. Il n'est guère besoin de s'étendre. Parlerai-je de ces Algériens couchés sur le trottoir, baignant dans le sang, morts ou mourants, auxquels la Police interdisait qu'on porte secours ? Parlerai-je de cette femme enceinte, près de la place de la République, qu'un policier frappait sur le ventre ? Parlerai-je de ces cars que l'on vidait devant un commissariat du quartier Latin, en forçant les Algériens qui en sortaient à défiler sous une véritable haie d'honneur, sous des matraques qui s'abattaient sur eux à mesure qu'ils sortaient ? J'ai des témoignages de Français et des témoignages de journalistes étrangers. Parlerai-je de cet Algérien interpellé dans le métro et qui portait un enfant dans ses bras ? Comme il ne levait pas les bras assez vite, on l'a presque jeté à terre d'une paire de gifles. Ce n'est pas très grave, c'est simplement un enfant qui est marqué à vie !

Je veux seulement mentionner les faits les plus graves et poser des questions. Il s'agit de faits qui, s'ils sont vérifiés, ne peuvent pas s'expliquer par une réaction de violence dans le feu de l'action. Ce sont des faits qui méritent une investigation sérieuse, détaillée, impartiale, contradictoire.

D'abord, est-il vrai qu'au cours de cette journée, il n'y ait pas eu de blessés par balle au sein de la Police ? Est-il vrai que les cars radio de la Police aient annoncé au début de la manifestation dix morts parmi les forces de l'ordre, message nécessairement capté par l'ensemble des brigades... et qui devait donc exciter au plus haut point l'ensemble des policiers ? C'était peut-être une erreur, c'était peut-être un sabotage, il faudrait le savoir ; et peut-être, d'autre part, n'était-ce pas vrai. C'est pour cela que je veux une enquête.

Photo d'Elie Kagan prise le 17 octobre 1961

De même, est-il vrai qu'un grand nombre des blessés ou des morts ont été atteints par des balles du même calibre que celui d'une grande manufacture qui fournit l'armement de la Police ? Qu'une grande partie de ces balles ont été tirées à bout portant ? Une enquête dans les hôpitaux peut donner ces renseignements. Il est clair que ce n'est pas n'importe quelle enquête et que ceux qui la feraient devraient être couverts par son caractère officiel et savoir qu'ils ne risqueraient rien en disant la vérité.

De même, est-il vrai qu'un grand nombre des blessés ou des morts ont été atteints par des balles du même calibre que celui d'une grande manufacture qui fournit l'armement de la Police ? Qu'une grande partie de ces balles ont été tirées à bout portant ? [...] Et que sont devenus leurs corps ?

Et voici le plus grave : est-il vrai que dans la « cour d'isolement » de la Cité, une cinquantaine de manifestants, arrêtés apparemment dans les alentours du boulevard Saint-Michel, sont morts ? Et que sont devenus leurs corps ? Est-il vrai qu'il y a eu de nombreux corps retirés de la Seine ? Dans les milieux de presse, et pas seulement dans les milieux de la presse de gauche, dans les rédactions de la presse d'information, on parle de 150 corps retirés de la Seine entre Paris et Rouen. C'est vrai ou ce n'est pas vrai ? Cela doit pouvoir se savoir. Une enquête auprès des services compétents doit permettre de le vérifier. Cela implique, ai-je dit, non pas une enquête policière ou administrative, c'est-à-dire une enquête de la Police sur elle-même, mais une enquête très large, avec la participation d'élus.

- L'essentiel

J'en viens maintenant au propos qui est pour moi l'essentiel : celui qui vous concerne directement, Monsieur le Préfet de Police. Mon projet n'est pas de clouer au pilori la Police parisienne, de prétendre qu'elle est composée de sauvages, encore qu'il y ait eu bon nombre d'actes de sauvagerie. Mon projet est d'expliquer pourquoi tant d'hommes, qui ne sont probablement ni meilleurs, ni pires qu'aucun de nous, ont agi comme ils l'ont fait. Ici je pense que, dans la mesure où vous admettrez partiellement ces faits, vous avez une explication. Elle a d'ailleurs été donnée tout à l'heure : elle réside dans les attentats algériens, dans les pertes que la Police a subies.

Il s'agit seulement d'expliquer, sur le plan subjectif, l'attitude de la Police, cette explication est, en partie, suffisante. Nous nous sommes inclinés assez souvent ici sur la mémoire des policiers tués en service commandé pour le savoir, mais cela n'explique pas tout. Et surtout, ces explications subjectives ne suffisent pas. Le policier individuel riposte lorsqu'il est attaqué, mais il faut voir les choses de plus loin. Ce qui se passe vient d'une certaine conception de la guerre à outrance menée contre le nationalisme algérien. Ici on peut me répondre : « Auriez-vous voulu que nous laissions l'ennemi agir librement chez nous ? Et même commettre des crimes impunément ? » Sur ce plan, la logique est inévitable : l'ennemi est l'ennemi ; il s'agit de le briser par tous les moyens, ou presque. Mais l'ennemi répond alors de la même façon, et on arrive là où nous sommes aujourd'hui. Il était impossible qu'il y ait une guerre à outrance en Algérie et qu'il ne se passe rien en France. Mais ce que je dis - et cela me semble vérifié pour tout ce qu'on a dit ici, à droite, sur la puissance du FLN en France, et sur la menace qu'il représente -, c'est qu'il aurait pu rendre la situation infiniment plus grave qu'il ne l'a rendue.

- La guerre à outrance

Les dirigeants algériens ont agi non pas en vertu de sentiments d'humanité mais dans leur propre intérêt, parce qu'ils voulaient pouvoir organiser les Algériens en France, parce qu'ils voulaient « collecter » comme on l'a dit et cela, vous le savez bien, en général beaucoup plus par le consentement que par la terreur. Il y avait là aussi, probablement, l'influence d'un certain nombre de cadres algériens, en particulier de ces cadres syndicaux de l'UGTA, très enracinés dans le mouvement syndical français, très proches de la population métropolitaine, hostiles au terrorisme. Ce sont malheureusement eux, justement, parce qu'ils étaient connus, repérés, voyants, qui ont été les premiers arrêtés, souvent déportés en Algérie, et on ne sait pas malheureusement, vous le savez, ce que ceux-là sont devenus.

Vous répliquerez qu'il y a eu, dès le début de la guerre, des règlements de compte entre Algériens, des liquidations de dénonciateurs, etc., c'est-à-dire des crimes que la Police ne pouvait pas tolérer, quelle que fût sa politique. Oui, mais il y a, pour la Police, bien des façons d'agir et dans les premiers temps, on n'a pas vu se produire, du côté policier, les violences extrêmes qui sont venues ultérieurement. Ce que je dis, c'est qu'à un certain moment, on a estimé que cette action de la Police ne suffisait pas.

On a estimé qu'il fallait qu'à la guerre à outrance menée contre le FLN en Algérie corresponde la guerre à outrance menée contre le FLN en France. Le résultat a été une terrible aggravation de la répression, la recherche par tous les moyens du « renseignement », la terreur organisée contre tous les suspects, les camps de concentration, les sévices les plus inimaginables et la « chasse aux ratons ».

Je dis, Monsieur le Préfet de Police, que vous-même avez particulièrement contribué à créer ainsi, au sein d'une population misérable, épouvantée, une situation où le réflexe de sécurité ne joue plus. Je dis que les consignes d'attentats contre la Police étaient bien plus faciles à donner dans un climat pareil de désespoir. Je dis que même si de telles consignes n'existaient pas, le désespoir et l'indignation suffisaient souvent à causer des attentats spontanés, en même temps qu'à encourager ceux qui, au sein du FLN, voulaient en organiser. Je dis qu'on a alimenté ainsi un enchaînement auquel on n'est pas capable de mettre fin.

- Est-il vrai ?

Je pense, Monsieur le Préfet de Police, que vous avez agi dans toute cette affaire exactement comme ces chefs militaires qui considèrent que leur propre succès et leur propre mérite se mesurent à la violence des combats, à leur caractère meurtrier, à la dureté de la guerre. C'était la conception du général Nivelle au cours de l'offensive du Chemin des Dames, et vous savez que l'Histoire ne lui a pas été favorable. C'est cette conception qui a été la vôtre à Constantine et celle que vous avez voulu importer dans la région parisienne, avec les résultats que l'on sait. Maintenant, vous êtes pris à votre propre jeu et vous ne pouvez pas vous arrêter, même en ce moment, à une époque où la paix paraît possible. La terreur à laquelle la population algérienne est soumise n'a pas brisé la menace contre vos propres policiers, bien au contraire. J'espère me tromper, j'espère que vous n'aurez pas relancé, d'une manière encore pire, l'enchaînement du terrorisme et de la répression.

Car, enfin, il n'était pas condamnable, il était excellent que le FLN cherche, lui, à sortir de cet engrenage par des manifestations de rue, des manifestations dont un grand nombre de gens ont dit qu'elles étaient, à l'origine, pacifiques. Nous aurions dû comprendre, vous auriez dû comprendre, que c'était là l'exutoire qui permettrait au désespoir de ne pas se transformer en terrorisme. Au lieu de cela, vous avez contribué à créer une situation pire. Vous avez réussi, et peut-être certains s'en félicitent-ils, à dresser contre les Algériens, il faut le dire, une partie importante de la population parisienne qui ne comprend pas évidemment pourquoi ces Algériens manifestent. Elle n'est pas algérienne, cette population, elle ne vit pas dans les bidonvilles, sa sécurité de tous les instants n'est pas menacée par les harkis, etc. Alors, évidemment, « que viennent faire dans les rues ces Algériens ? Leur attitude est incompréhensible ! »

Je dis, Messieurs les Préfets, mes chers collègues, que loin de chercher à réprimer l'agitation politique des Algériens, nous devons dans cette perspective de négociation, de paix, qui s'ouvre enfin, même si c'est trop tard - nous devons chercher à légaliser l'activité politique des Algériens en France. Il faut que leur action politique s'effectue au grand jour, avec des organisations légales, donc contrôlables, avec des journaux que l'on puisse lire. Nous devons leur laisser d'autres moyens que ceux du désespoir.

Monsieur le Préfet de Police, cela suppose que vous, vous changiez d'attitude. Ici je suis obligé de vous poser une question très grave. Je vous prie, non pas de m'en excuser, car vous ne m'en excuserez pas, mais de comprendre qu'il est difficile, pour un journaliste qui sait que son journal sera saisi, si quoi que ce soit déplaît un peu trop à la Police ou au gouvernement, d'écrire un article sur ce sujet. Mais quand ce journaliste est conseiller municipal, il a la possibilité de venir dire ces choses à la tribune et de les dire sans ambages.

Est-il vrai qu'au mois de septembre et d'octobre, parlant à des membres de la Police parisienne, vous ayez affirmé à plusieurs reprises que le ministre de la Justice avait été changé, que la Police était maintenant couverte, et que vous aviez l'appui du gouvernement ?

Voici ma question : est-il vrai qu'au mois de septembre et d'octobre, parlant à des membres de la Police parisienne, vous ayez affirmé à plusieurs reprises que le ministre de la Justice avait été changé, que la Police était maintenant couverte, et que vous aviez l'appui du gouvernement ? Si c'était vrai, cela expliquerait, en grande partie, l'attitude de la Police au cours de ces derniers jours. Si ce n'est pas vrai, tant mieux. De toute façon, d'ici quelques années, d'ici quelques mois, quelques semaines peut-être, tout se saura, et on verra qui avait raison. Et si j'avais eu tort aujourd'hui, je serais le premier à m'en féliciter. »

  • Extrait du livre “Mes batailles” de Claude Bourdet (Ed. In Fine, 1993) pages 161/167 et aussi paru dans la revue France-Observateur du 2 novembre 1961 -

Même si Papon a été débouté de la plainte déposée contre lui, tous ces faits, tout ces massacres ont été complètement avérés au cours du procès, cependant aujourd'hui le gouvernement français ne les a toujours pas officiellement reconnus.

A voir aussi le documentaire : Mémoires sauvées du vent, qui fait un retour sur la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, et la lente intégration des travailleurs algériens, des bidonvilles aux cités de relogement, avec les conséquences que l'on sait.

À partir d'archives, ce document relate les événements d'octobre 1961, du couvre-feu imposé aux "Français musulmans d'Algérie" par le préfet de police Maurice Papon, à la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 qui aurait fait près de 300 victimes selon les historiens, en passant par les rafles qui l'ont suivie et le retour forcé vers leur "douars d'origine" des interpelés. Puis il s'attarde sur la condition des travailleurs algériens dans les bidonvilles de Nanterre, avec cet entretien mené par Monique Hervo qui y a séjourné, jusqu'à leur transfert sous l'impulsion du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas vers des cités de relogement... avec les conséquences que l'on sait : la progressive ghettoïsation de ces quartiers. Dès les Années 70, on n'hésite plus à parler dans les médias de "seuil de tolérance", de "côte d'alerte", de "français de souche" qui désertent ces banlieues... Une mise à l'index qui trouvera son exutoire dans le vote populiste des Années 80, jusqu'aux émeutes de 2005 qui, trente ans plus tard, démontrera à une France médusée la face cachée d'une politique de la ville réduite à sa plus simple expression. Racisme, discriminations, contrôles au faciès, bavures policières... la liste est longue des renoncements d'une République, qui n'a toujours pas soldé les séquelles de ses guerres coloniales.

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Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : « ici on noie les Algériens ! »

Ce jour-là, des dizaines d'Algériens ont été noyés dans la Seine ou massacrés par la police française à Paris. C'est un devoir de justice de ne pas l'oublier.
Le 17 octobre 1961 alors que la guerre d'Algérie touche à sa fin, le FLN appelle à une manifestation pacifique dans les rues de Paris pour dénoncer le couvre-feu raciste imposé quelques jours plus tôt aux Algériens et par extension à tous les Maghrébins (obligation d'être sans cesse isolé, et interdiction aux travailleurs algériens de sortir de 20h30 à 5h30, les cafés tenus par des musulmans doivent fermer à 19h...). Cette manifestation rassemble environ 30.000 personnes.

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