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Loi immigration : un passé si présent

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Ce que les années 1930 ont à nous apprendre des politiques d'immigration du gouvernement Macron, des délires de Darmanin et de notre responsabilité collective.

D'une crise à l'autre

La crise économique de 1929 a entraîné un développement de la xénophobie dans une France déjà structurellement raciste. Par un mouvement désormais évident, les pouvoirs publics ont voulu faire reposer l'échec de leurs politiques sur des étrangers rendus responsables du chômage et de l'agitation politique. Le 10 août 1932, le Parlement, dominé par le second « cartel des gauches », adopte à l'unanimité une « Loi protégeant la main-d'œuvre nationale », qui prévoit l'instauration de quotas visant à limiter la présence de travailleurs étrangers sur le sol français [1]. Ces derniers ne peuvent excéder 5% de la main d'œuvre employée à l'occasion de travaux publics. Dans les entreprises privées, les « organisations patronales ou ouvrières, nationales ou régionales intéressées » peuvent désormais négocier avec le gouvernement la proportion d'étrangers « par profession, par industrie, par commerce ou par catégorie professionnelle, pour l'ensemble du territoire ou pour une région. » Les employeurs embauchant plus de travailleurs étrangers que le seuil fixé par la loi encourent des sanctions financières.

Autre conséquence de cette loi : l'instauration d'autorisations ministérielles spéciales accordées aux travailleurs étrangers, se trouvant ainsi dans l'obligation d'être « validés » par le gouvernement. Quant aux autres, ils doivent à tout prix régulariser leur situation auprès des autorités, ou se résigner à la clandestinité et aux bidonvilles. Devant les préfectures, les files d'attente s'allongent. La logique qui régit l'action du gouvernement Herriot et son cartel des gauches est simple : juguler l'immigration en faisant dépendre l'émission de documents d'identité de l'activité des étrangers. En conséquence, l'obtention d'un contrat de travail tend elle aussi à dépendre, légalement du moins, de la possession d'un tel document. C'est le serpent qui se mord la queue. Pendant ce temps, on assiste à l'affirmation d'un certain antiracisme moral et économiciste, qui rappelle que la formation des travailleurs étrangers n'a pas coûté un Franc à la société française, ou encore que ces derniers rapportent plus qu'ils ne coûtent. Le problème, quand on fait de la morale, c'est qu'on finit par en oublier la politique. La logique de double-peine des lois d'un Daladier nous rappelle l'action d'un Darmanin, dont la dernière « loi immigration » doit être examinée - c'est-à-dire adoptée par vote ou par 49-3 - cette année. La réduction de la lutte antiraciste à sa dimension morale a, elle aussi, de beaux jours devant elle [2]. Mais revenons-en à nos radicaux.

La politique d'austérité menée par le gouvernement, piloté par Édouard Herriot et le Parti Radical, passe mal. S'aliénant sa gauche, le cartel doit s'allier au centre-droit pour s'accrocher au pouvoir. Pendant ce temps, les refoulements aux frontières et les expulsions d'étrangers se multiplient. La communauté polonaise est tout particulièrement touchée : plus de 100 000 départs enregistrés jusqu'en 1936. La stigmatisation des étrangers est d'autant plus importante que la période a vu un certain nombre d'événements impliquant des étrangers instrumentalisés par la presse et la classe politique : assassinat du président de la République Paul Doumer par un russe blanc en mai 1932 à Paris, affaire Stavisky en janvier 1934, assassinat du roi Alexandre de Yougoslavie et du ministre des Affaires étrangères Louis Barthou par un nationaliste croate en octobre 1934 à Marseille.

Entre opportunisme et indifférence

Le pouvoir tire doublement profit de l'expulsion d'étrangers : d'une part, il contente le sentiment xénophobe en période d'aggravation de la crise économique ; d'autre part, il se débarrasse de la main d'œuvre étrangère investie dans le mouvement ouvrier, dans l'indifférence quasi-généralisée. La CGT constitue même des « comités français de chômeurs » fermés aux étrangers [3], avant de collaborer avec le gouvernement pour faciliter l'expulsion de travailleurs étrangers. Attaquée par la CGTU et constatant que le renvoi d'étrangers ne fait pas se résorber le chômage, la CGT est contrainte de changer de ligne sur l'immigration : refus du refoulement « indistinct », accent mis sur la profitabilité d'une main d'œuvre dont « la formation n'avait rien coûté à la collectivité nationale », affirmation « d'obligations morales » envers les travailleurs étrangers... et proposition de création d'un « Commissariat général de l'immigration » chargé de dispatcher les travailleurs étrangers sur le territoire selon les offres d'emploi, tout en veillant à concéder aux travailleurs français la priorité, ça va de soi [4].

En 1931, on recensait 3 millions de réfugiés politiques et travailleurs étrangers sur le sol français, soit 7% de la population totale. Kool Shen n'était pas encore né, mais sa punchline était déjà d'actualité : « Ils pensent aussi que 3 millions de chômeurs c'est 3 millions d'immigrés, donc c'est clair que c'est gagné. » Rien n'a vraiment changé depuis. Le pouvoir s'est contenté de blanchir des groupes nationaux dont les pays d'origine, en Europe du Sud et de l'Est, ont progressivement intégré le centre impérialiste. Mais ça, c'était avant le Front Populaire, qui marque un tournant dans l'histoire coloniale et raciste de l'État français en consacrant la solidarité internationaliste et la fraternité universelle. Ou pas.

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https://www.youtube.com/watch?v=duZh2lOgl5s

La victoire du Front Populaire, au pouvoir entre mai 1936 et avril 1938, apporte une certaine accalmie pour les travailleurs immigrés, qui attendent beaucoup de la gauche française. Mes leurs espoirs ne tardent pas à être déçus. Loin de défaire l'œuvre législative raciste de leurs prédécesseurs radicaux, les élus du Front Populaire siègent avec ces derniers. Le Front populaire a été élu sur un programme politique antifasciste et un programme économique réformiste. Sa première tâche est la dissolution des ligues factieuses, censée conjurer la menace fasciste. En ce sens, il prolonge l'action du gouvernement précédent, qui avait adopté en janvier 1936 la loi de dissolution et avait commencé à l'appliquer. Du point de vu économique, le Front Populaire entend bien gouverner la société capitaliste française, et redresser ses finances « à l'instar de Roosevelt aux États-Unis, de conduire, comme on le dira plus tard, une politique de relance par la consommation, dont on espère la reprise de la production, la réduction de la thésaurisation et le retour de la croissance. » [5] Pas de quoi casser trois pattes à un révolutionnaire.

Des lendemains qui déchantent

La gouvernance socialiste-radicale, ralliée par les communistes, est cependant rapidement dépassée par les événements. Il faut dire que la victoire du Front Populaire a provoqué l'enthousiasme populaire. Y'a d'la joie et du soleil dans les ruelles. Les lendemains qui chantent, c'est pour maintenant. La classe ouvrière entend bien revoir à la hausse le prix de sa force de travail, et arrêter de se vendre comme un chien au patron. Les grèves de mai-juin 1936 ne laissent même pas le temps au Front populaire de former son gouvernement. Tout commence au Havre, le 11 mai, quand les salariés d'usines d'aviation arrêtent le travail et occupent leur lieu de travail pour demander la réintégration de deux ouvriers licenciés pour avoir fait grève le 1er mai. À l'intervention policière répond la solidarité ouvrière : les dockers entrent en grève. La classe ouvrière est bouillante. Le 13 mai, grève dans les usines Latécoère à Toulouse. Le 14, grève et occupation chez Bloch à Courbevoie. Les entreprises voisines suivent, surtout dans le secteur textile et alimentaire. Le 24 mai, la commémoration de la Semaine Sanglante réunit 600 000 personnes à Paris, qui se couvre de drapeaux rouges et résonne de chants révolutionnaires. Le 28, c'est au tour de Renault Billancourt. Si la CGT négocie un accord et remet les ouvriers au travail, la lame de fond continue : entre le 2 et le 5 juin, la grève et les occupations se généralisent. Dans les usines et les magasins à l'arrêt, on danse, on rit, on mange. On compte environ 2 millions de grévistes répartis dans 12 000 grèves, dont 9 000 avec occupation du lieu de travail. Du jamais vu.

L'aile gauche du Front populaire presse Léon Blum de rentrer à fond aux côtés des grévistes, estimant qu'il y a là une occasion historique de conquérir tout le pouvoir et d'accomplir une transformation radicale de la société. Dans la nuit du 7 au 8 juin, gouvernement et patronat signent les accords de Matignon et appellent à la reprise du travail. Mais voilà, les « grèves de la joie » [6] continuent. Les appareils politiques et syndicaux, voyant leur monopole institutionnel de la lutte des classes menacé, réagissent avec condescendance... et xénophobie. Le 11 juin, le chef de file des communistes Maurice Thorez déclare : « Il faut savoir arrêter une grève dès que satisfaction a été obtenue ». Son appel est relativement peu entendu en province. Dans le même temps, le gouvernement se livre à de véritables chasses à l'homme contre les éléments poussant à la poursuite de la grève et menaçant le petit pouvoir des délégués syndicaux. Des milliers de gardes mobiles sillonnent les routes à la recherche des irréductibles : 1 300 sont arrêtés, dont 800 à Paris. La solidarité ouvrière prônée par les organisations politiques et syndicales du prolétariat n'est plus d'actualité : les bureaucrates dénoncent les éléments les plus conscientisés et investis.

Le PCF et la CGT procèdent également à des centaines d'expulsions contre leurs militants étrangers, en prenant soin de les donner à la police : plus de 1 100 arrêtés d'expulsion sont établis à la suite de ces purges. État, patrons, partis de gauche et syndicats répètent en chœur : ces travailleurs immigrés sont des éléments provocateurs au service de l'étranger. [7] Surtout les Italiens et les Polonais, comme en attestent les rapports de police. Une thèse largement reprise par l'extrême droite après les événements, sans surprise. Plus tard, le syndicaliste d'origine italienne Ernesto Caporali, dépêché par la CGIL auprès de la CGT en 1924 pour gérer la question de la main d'œuvre italienne en France, déclarait : « Les ouvriers étrangers n'ont pas été remorqués… Bien souvent, ils sont été à la pointe du combat. » [8]

Être étranger sous le Front populaire

Le Front populaire prend relativement peu de mesures effectives contre le racisme et la xénophobie que subit la population immigrée. Le 4 juillet, le ministre de l'Intérieur issu des rangs de la SFIO, Roger Salengro, déclare : « La France entend rester fidèle à sa tradition de terre d'asile. Il ne serait pas cependant admissible que des étrangers qui bénéficient de cet asile puissent, sur notre territoire, prendre part de manière active aux discussions de politique intérieure et provoquer des troubles et du désordre. » L'ordre n'exclut pas la réforme. La réforme garantit l'ordre. Il n'est jamais question de mettre en application les slogans révolutionnaires et radicaux répétés en boucle par les représentants. Un nouveau certificat d'accueil est instauré pour les réfugiés allemands le 17 septembre 1936, et le gouvernement affiche sa volonté d'humaniser les relations entre l'administration et les étrangers. Malgré une limitation des expulsions forcées, les étrangers peinent à retrouver bonne presse. Il faut dire que les purges xénophobes de juin n'ont pas été du meilleur effet, alimentant au contraire les fantasmes obsessionnels de l'extrême droite. Enfin, les quotas instaurés par la loi protégeant la main-d'œuvre nationale du 10 août 1932 sont appliqués à la lettre.

Les propositions de réforme du statut des étrangers portées par les associations humanitaires - faciliter l'octroi des papiers et l'accès à la nationalité française, étendre les avantages sociaux, garantir le droit d'asile, autoriser la participation aux élections professionnelles, encadrement plus strict des expulsions, etc. - restent lettre morte. Dans les discours des socialistes et des communistes, la main d'œuvre immigrée est absente. Le 11 juillet 1936, Maurice Thorez profite d'un discours pour énumérer les catégories sociales défendues par le parti : la main d'œuvre immigrée ne figure pas sur la liste. Le 4 juin 1937, le quotidien de la SFIO, Le Populaire, consacre un article aux accomplissements du Front populaire : aucune mesure favorable aux étrangers et aux travailleurs immigrés n'y figure. Dans les organes syndicaux, elle est surveillée de près : les petits-chefs français refusent de perdre leur position au profit d'éléments étrangers. Pour les travailleurs immigrés, le Front Populaire fut sans aucun doute « la plus amère des désillusions ». [9]

Ralph Schor, historien et professeur à l'Univeristé de Nice, écrivait : « Quand les Français eurent été satisfaits par les premières lois sociales, d'autres soucis absorbèrent l'attention des pouvoirs publics : les difficultés financières, les débuts de la guerre d'Espagne, la détérioration de la situation internationale, la montée des oppositions. Il ne paraissait pas urgent de satisfaire précipitamment les revendications des étrangers, question délicate, généralement impopulaire et source de dépenses nouvelles. L'année 1936 est l'une de celles où l'immigration fut le moins traitée par les journaux de toutes tendances. En cette période du Front populaire, les Français pensèrent d'abord à eux-mêmes. » [10]

Fascisation express

Le 12 avril 1938, le radical Édouard Daladier succède à Léon Blum après l'échec de ce dernier à obtenir du Parlement les moyens de mener sa politique de réforme financière. Il restera président du Conseil jusqu'au 22 mars 1940, moment de transition vers un gouvernement d'Union nationale. Bien que le Front populaire s'achève le 12 avril 1938, les députés élus deux ans plus tôt conservent leur siège : et pour cause, il ne s'agit jamais que d'un changement d'alliance politique. Daladier ne sort pas de nulle part : il était ministre des Travaux publics sous le gouvernement d'Édouard Herriot, celui-là même qui a promulgué la loi du 10 août 1932. Après la victoire du Front populaire, Daladier avait été nommé Vice-président du Conseil et Ministre de la Défense nationale et de la Guerre, poste qu'il occupe jusqu'à sa promotion. Daladier a été l'artisan de décrets-lois qui ne sont pas sans rappeler les intentions de l'actuel ministre de l'Intérieur - le sinistre Darmanin, ancien d'Action française accusé de viol -, mais aussi des politiques migratoires bien ancrées de l'État français.

Le 2 mai 1938, un premier décret-loi (complété le 14 mai) instaure le délit d'entrée irrégulière et clandestine sur le sol français et facilite le tri aux frontières par la demande de documents officiels difficiles à obtenir. [11] Un second décret-loi intervient le 12 novembre, qui prévoit l'internement des « indésirables étrangers » dans des centres de rétention administrative, alors appelés « camps de concentration ». L'histoire de ces camps a notamment été documentée par la communauté espagnole, internée après la Retirada, et dont la mémoire a été imposée par les descendants des exilés face au silence de l'État français. Un an plus tard, le 18 novembre 1939, ce second décret-loi est élargi à « tout individu, Français ou étranger, considéré comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Élargissement qui cible en particulier la population juive venue d'Europe centrale et les « gens du voyage ». C'était, quelque part, « Vichy avant Vichy ». [12]

Entre deux décrets-lois sur la politique frontalière et migratoire, Daladier prend soin de revenir sur les avancées sociales conquises en juin 1936 : pas moins de 32 décrets-lois sont promulgués en octobre 1938 dans ce sens. Daladier s'en prend à la loi sur les 40 heures de travail, qu'il qualifie de « loi de paresse et de trahison nationale ». [13] Dans le Nord, en Lorraine, à Lyon et à Marseille, la classe ouvrière répond par la grève. La direction de Renault annonce 28 000 licenciements pour rupture de contrat de travail. La CGT à appelé à une grève générale pour le 30 novembre, que le gouvernement brise en réquisitionnant des transports et en envoyant la troupe aux portes des usines. Le 1er décembre, 36 000 ouvriers sont licenciés dans l'aéronautique et les arsenaux, 8 000 dans la chimie et l'automobile. Parmi eux, une moitié de responsables syndicaux de la CGT. On estime que 40% des licenciés n'ont pas retrouvé d'activité au bout de 6 mois. Novembre noir pour la classe ouvrière. [14] Quelques temps auparavant, l'ambassadeur français à Rome, François-Poncet, confiait à Mussolini : « La France a besoin d'une fascisation de la démocratie. » La couleur avait été donnée.

Le 21 avril 1939, constatant une explosion de la xénophobie et de l'antisémitisme, le gouvernement Daladier adopte les décrets-lois Marchandeau, qui modifient la loi de 1881 sur la liberté de la presse et prévoient de sanctionner « la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, [avec] pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants. » Elle sera abrogée par Vichy peu après. Trop tard. Au début de la guerre, les antifascistes étrangers seront internés avec leurs compatriotes, sans considération pour leur engagement et leur volonté de combattre les Allemands. Seuls seront mobilisés ceux naturalisés, ainsi que les réfugiés bénéficiant du droit d'asile et soumis aux mêmes obligations que les Français par un décret-loi du 12 avril 1939.

Un passé si présent

L'histoire que nous avons tenté de synthétiser ici est importante. Elle résonne tristement avec l'actualité politique française. Le 25 juillet 2022, l'infâme Gérald Darmanin profitait d'un faitdivers pour annoncer un durcissement de la politique migratoire et une facilitation des expulsions. Le 20 juillet, sur la place Gabriel-Péri dans le quartier lyonnais de la Guillotière, à Lyon, la population avait répondu au harcèlement policier en mettant une patrouille en civil à l'amende. Un suspect sans titre de séjour valide est rapidement interpellé. Darmanin s'empresse d'annoncer son expulsion. Or, la justice le prouve innocent. Darmanin s'entête : innocent cette fois-ci, mais avec des antécédents ! La procédure d'expulsion est lancée, l'opportunisme est sans gêne. Puis, le 2 novembre de la même année, Darmanin et Olivier Dussopt, le ministre du Travail, dévoilaient leur nouveau projet de loi sur l'immigration. Profitant du meurtre de la collégienne Lola, Darmanin relance la polémique sur le « faible » taux d'application des OQTF, et annonce vouloir instaurer un titre de séjour spécifique pour les « métiers en tension ». [15] Allons droit au but : il s'agit de faire le tri entre « bons » et « mauvais » immigrés, et d'expulser les mains inoccupées. Le travail, cette catégorie de base du système et des rapports sociaux capitalistes, n'a décidément pas fini de nous pourrir la vie.

Le Parti radical a joué un rôle historique dans le triomphe et la consolidation du capitalisme en France. D'une part, les radicaux étaient attachés à la laïcité, fidèles aux institutions de la IIIe République, et défendaient la démocratie représentative comme pendant politique naturel du système économique. Favorables à des réformes sociales modérées visant à améliorer les conditions matérielles d'existence des exploités, ils rejetaient néanmoins toute perspective d'abolition de la propriété privée et étaient attachés à l'idée de nation française. Rapidement, le Parti radical s'est trouvé en faiseur de Roi. Il constituait le « parti pivot » du régime. Son républicanisme le poussait à accepter des alliances à droite comme à gauche, au nom de la bonne gouvernance de la France et de la défense des intérêts nationaux. La création de la SFIO en 1905 change la donne : les radicaux sont concurrencés sur leur gauche par une formation au poids électoral non-négligeable (9,9% en 1906, 12,9% en 1910, 16,6% en 1914, 21,2% en 1920). Les radicaux se retrouvent contraints de défendre des réformes moins modérées que les leurs, de nature à effrayer ses alliés réguliers à droite de l'échiquier. Malgré l'émergence d'une gauche socialiste puis communiste, les radicaux conservent leur position et participent à quasiment tous les gouvernements de l'entre-deux-guerres, dont les deux « cartels de gauche » et le « Front populaire », qu'ils finissent par déposer en 1938 au profit d'une alliance avec la droite et de mesures d'austérité fatales aux conquêtes du Front populaire.

Comment expliquer ce revirement ? En réalité, les radicaux sont non seulement soucieux de conserver le rôle pivot dans le jeu politique, mais aussi de préserver le cadre institutionnel républicain et bourgeois, que les réformes sociales et l'agitation ouvrières avaient surpris et ébranlé en juin 1936. C'est cet attachement à la République qui poussera les radicaux à opérer la fascisation de l'appareil d'État précédant l'arrivée au pouvoir de Pétain. À première vue, on serait tenté de dire que ce dernier tournant autoritaire des radicaux a été un échec cuisant : en effet, le régime de Vichy a été le fossoyeur de la IIIe République. Toutefois, ce régime tombé, les Républiques successives ont conservé et intégré son œuvre modernisatrice. Si bien qu'on peut se demander si le pari de la fascisation et de Pétain n'était pas un pari réussi pour les radicaux : paradoxalement, l'idéologie républicaine et la démocratie représentative rétablies sont sorties grandies de la Seconde guerre mondiale, et ont résisté au « péril rouge » et à la bipolarisation du monde. Quoi qu'il en soit, le rôle historique des radicaux nous invite à penser le processus de fascisation de l'État et de la société au-delà de la seule extrême droite. Une démarche qui nous semble d'autant plus cruciale que nous faisons actuellement face à ce que d'aucuns nomment un « extrême centre » versant de plus en plus dans l'autoritarisme, et dont le néolibéralisme ressemble de plus en plus à une dictature dans les limites de la démocratie.


[1] Loi publiée dans le Journal Officiel du 12 août 1932, https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Loi_du_10_aout_1932.pdf

[2] « Les immigrés rapportent davantage à l'État que ce qu'ils ne coûtent, selon l'OCDE », Libération, 28 octobre 2021

[3] Léon Gani, Syndicats et travailleurs immigrés, Paris, Editions sociales, 1972, p.13-19, https://excerpts.numilog.com/books/9782307142058.pdf

[4] La gauche parlementaire et syndicale a depuis longtemps réécrit sa propre histoire pour se poser en chantre de l'antiracisme. Mais elle garde des traces indélébiles de la « nationalisation de la classe ouvrière » qu'elle a opéré. N'oublions pas que, récemment encore, alors qu'elle s'opposait vigoureusement à la réforme des retraites, la gauche se souciait relativement peu des travailleurs et des travailleuses pauvres et sans-papier, pour qui la retraite relève plus du rêve que d'autre chose. Une conquête sociale comme la retraite mérite qu'on se batte aux côtés de celles et ceux qui en sont privées.

[5] Michel Margairaz, Danielle Tartakowsky, « L'avenir nous appartient », une histoire du Front populaire, Larousse, 2006, p. 56

[6] Simone WEIL, La Révolution prolétarienne, 10 juin 1936

[7] « Le Front populaire... ou la trahison des dirigeants socialistes et communistes », NPA Tendance CLAIRE, 2011, https://tendanceclaire.org/article.php?id=23

[8] Ernesto Caporali, Le Peuple, 6 décembre 1936

[9] Ernesto Caporali, Le Peuple, 15 avril 1938

[11] Riadh Ben Khalifa, « La fabrique des clandestins en France (1938-1940) », in Migrations Société 2012/1 (N° 139), p.11-26

[12] Expression empruntée au titre d'un article de L'Humanité publié le 8 Septembre 2008.

[13] « ]Il y a quatre-vingt-dix ans, la loi des huit heures de travail par jour », L'Humanité, 23 septembre 2011

[14] « Les « décrets Daladier ». 1938, le novembre noir du mouvement ouvrier », sur L'Humanité, 30 novembre 2018

[15] Thibaud Métais et Julia Pascual, Darmanin et Dussopt sur le projet de loi « immigration » : « Nous proposons de créer un titre de séjour métiers en tension », Le Monde, 02 novembre 2022

Violences policières : la justice blanchit mais cache son chiffre noir

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Les procureurs trouvent deux fois plus d'excuses aux violences quand elles sont commises par des policiers. Un quart des agents considérés comme coupables sont absous en toute discrétion. Les premières statistiques dévoilées par Politis objectivent la fabrique de l'impunité. Article repris de Rebellyon

C'est un beau cadeau de Noël. Fin décembre, l'hebdomadaire Politis a publié quelques chiffres du ministère de la Justice sur le traitement des plaintes pour violences policières. Une première ! Dès 2016, l'ONU avait critiqué l'opacité de la France sur le sujet… en vain jusque là. Flagrant déni décrypte les données 2021 en 4 constats.

Le chiffre noir du nombre total de plaintes reste inconnu

Premier constat : 836 « personnes dépositaires de l'autorité publique » (PDAP) ont été identifiées et mises en cause dans une affaire de violences volontaires (voir méthodo). Or, dans de nombreux cas, les enquêtes ne permettent pas d'identifier les auteurs. Le chiffre noir total des plaintes pour violences policières reste donc inconnu à ce jour. La communication du ministère de la Justice demeure lacunaire. Cependant, même ce chiffre partiel est plus élevé que tous ceux avancés jusqu'à présent. L'IGPN par exemple n'a traité que 510 dossiers de violences en 2021. Et pour cause : ce service n'effectue qu'une toute petite partie des enquêtes.

Absolution dans 5 cas sur 6

Deuxième constat : parmi le nombre d'affaires où les auteurs ont été identifiés, la part de classements sans suite est énorme. Presque 5 policiers sur 6 en ont bénéficié. 3 policiers sur 4 sont considérés comme « non poursuivables » par les procureurs. Ils bénéficient 2 fois plus de cette excuse que la population générale (voir méthodo). Les raisons qui expliquent cette différence de traitement sont nombreuses (légitime défense, etc.) et souvent peu reluisantes : enquêtes bâclées qui ne concluent rien, motifs juridiques bidons, ordres de la hiérarchie judiciaire pour enterrer définitivement une affaire, etc.

Un quart des coupables blanchis discrètement

Troisième constat : près du quart des policiers qui ne bénéficient d'aucune excuse légale et que les procureurs estiment donc coupables ont pourtant fait l'objet d'« alternatives aux poursuites ». Il s'agit de dispositifs laissés à l'entière appréciation du procureur, à l'issue desquels aucune peine n'est prononcée : simple rappel des faits, obligation d'accomplir un stage, etc. Dans ces procédures, la victime ne peut jouer aucun rôle et la décision est discrètement négociée entre le procureur et l'auteur, loin de tout regard du public. Ce taux de traitement de faveur est surprenant dans la mesure où la fonction de PDAP devrait plutôt être une circonstance aggravante (voir méthodo).

Hausse constante depuis 2016

Dernier constat : le nombre d'affaires avec auteur identifié ne cesse d'augmenter depuis 2016. La hausse enregistrée avec la répression des Gilets jaunes de 2018 à 2020 s'est poursuivie en 2021. En dépit du verrou opéré par les procureurs, près de 700 policiers et gendarmes ont été poursuivis par la justice pour violences depuis 2016.

Méthodo :

Violences : Les chiffres ne concernent que les violences volontaires, quelles que soient leurs conséquences (ITT, mutilation permanente, etc.) et leurs circonstances (avec ou sans arme, en réunion, etc.). Ils ne comprennent pas les homicides volontaires (tirs par armes à feu, etc.).

PDAP : Les statistiques judiciaires permettent de savoir si l'auteur des faits était une « personne dépositaire de l'autorité publique » (PDAP), mais sans plus de précision. On ne sait pas si les auteurs sont gendarmes, policiers, surveillants de prison, etc.

Taux de classements comparés : en 2021, 74 % des PDAP mises en cause pour violences sont considérées comme « non poursuivables » par les procureurs (70 % en 2019). Pour les violences en général, ce taux est de seulement de 33 % (chiffres 2019)

Alternatives aux poursuites : en 2021, 22 % des PDAP « poursuivables » ont bénéficié d'alternatives aux poursuites (25% en 2019). Pour les auteurs de violences en général, ce taux est de 39 % (chiffres 2019). Mais bon nombre des violences commises en général, avec ITT de moins de 8 jours, sont passibles de simples amendes, ce qui peut expliquer un traitement moins sévère. En revanche, les violences commises par des PDAP sont toujours passibles de prison car la fonction de l'auteur des faits est une circonstance aggravante. Théoriquement, elles devraient donc faire l'objet de moins de mansuétude.

Politis : En septembre, le journal avait demandé au ministère de la Justice les statistiques sur les plaintes pour violences volontaires commises par des PDAP. Le journal raconte : « Sans réponse du ministère nous avons saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). Quelques semaines plus tard, le bureau des statistiques nous transmettait un premier document. Puis un autre ».

Cassiopée : La machine statistique du ministère est assez simple. Suite à une plainte pour violences commises par une PDAP, les procureurs décident de classer les dossiers, ou pas. A cette occasion, ils remplissent un logiciel interne, nommé « Cassiopée », qui précise la catégorie d'auteurs (PDAP ou non), l'infraction (violence avec ITT de plus de 8 jours, etc.), et leur décision : ouverture d'information judiciaire, saisie du tribunal, alternatives aux poursuites, ou classement sans suite.

Article publié initialement sur Rebellyon par Flagrant Déni

Solidarity Collectives - Pas de repos jusqu'à la mort du dernier dictateur

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

« Solidarity Collectives » (anciennement « Operation Solidarity ») est un réseau de volontaires anti-autoritaires formé avant l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine pour aider les camarades en première ligne et les civils touchés par la guerre. « Collectifs » n'est pas seulement un nom, mais l'essence de notre initiative qui a été rejointe par diverses organisations et groupes d'Ukraine, d'Allemagne, de Pologne, de France, des États-Unis, des Pays-Bas, du Canada et de nombreux autres pays.

« Solidarity Collectives » (anciennement « Operation Solidarity ») est un réseau de volontaires anti-autoritaires formé avant l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine pour aider les camarades en première ligne et les civils touchés par la guerre. « Collectifs » n'est pas seulement un nom, mais l'essence de notre initiative qui a été rejointe par diverses organisations et groupes d'Ukraine, d'Allemagne, de Pologne, de France, des États-Unis, des Pays-Bas, du Canada et de nombreux autres pays.

Rien de tout cela ne serait possible sans un grand nombre de personnes unies par l'idée d'aider le mouvement de résistance ukrainien. Le réseau ABC (en particulier ABC Dresde, Allemagne - ABC Galicja, Pologne), No Borders Team Poland, 161crew pologne, XVX Tacticaid, The Antifa International des États-Unis, Yellow peril tactical des États-Unis, Ecological Platform de Lviv et bien d'autres - ils ont tous rendu cela possible. Et sans nos amis dans les syndicats de travailleurs/euses, nous n'aurions pas un beau bureau / entrepôt à Kiev.

Sur la base de nos valeurs anti-autoritaires, nous avons décidé de résister activement à l'agression russe. Nous soutenons le droit du peuple ukrainien à l'autodéfense et considérons l'invasion russe comme un acte impérialiste. Malgré les caractéristiques multidimensionnelles de tout événement mondial, les principales raisons de cette guerre sont la politique impériale de la Fédération de Russie, la croyance en la mission historique des élites russes et une tentative d'établir un contrôle sur ce qu'elles pensent être leur sphère d'influence. Les raisons ne doivent pas être recherchées ni dans les intérêts économiques de l'oligarchie russe, ni dans les « précautions de sécurité russes », et surtout pas dans les manigances de l'OTAN. Le soutien total au peuple ukrainien dans sa lutte (ce qui ne signifie pas nécessairement soutenir les politiques du gouvernement) est la seule position cohérente pour les anarchistes et les gauchistes du monde entier.

Les Ukrainiens mènent une lutte armée contre la Russie parce qu'il n'y a pas d'autre moyen de résistance efficace en ce moment. Les recettes pacifistes classiques ne fonctionnent pas ici parce que les parties au conflit ne sont pas égales. Si l'armée russe se rend, la guerre prendra fin. Si les soldats ukrainiens déposent les armes ou « les retournent contre leur gouvernement », comme le suggèrent certains « experts sur l'Ukraine », l'armée russe occupera plus de territoires et commettra plus de crimes de guerre. Les deux solutions sont également irréalistes. Et la réalité exige des réponses pratiques et des actions spécifiques.

À grande échelle, l'Ukraine n'a pas d'autre choix que de se défendre avec des armes. Cependant, sur le plan individuel, de nombreux hommes et femmes ukrainiens, y compris nos camarades, ont rejoint les unités armées volontairement et consciemment.

Alors, que fait-on ? Nous avons créé une équipe de bénévoles composée de personnes et d'initiatives très différentes, réussissant à maintenir son travail malgré les crises et le reformatage. Nous avons établi un réseau logistique et des partenariats solides avec de nombreuses initiatives anarchistes et de gauche en Europe et au-delà. Au niveau national, nous coopérons avec des groupes anti-autoritaires, des syndicats, des militants locaux et des institutions dans les zones proches de la ligne de front.

Les soldats que nous soutenons sont des militants/es de convictions diverses : anarchistes, défenseurs/euses des droits de l'homme, syndicalistes, éco-anarchistes, anarcho-féministes, punk-rockers, réfugiés politiques de Biélorussie et de Russie, etc. Beaucoup d'entre eux n'étaient pas d'accord avec la vision et les idées des uns et des autres avant la guerre. Il y a aussi des gens de différentes opinions politiques, et des membres de différentes organisations et mouvements, qui s'opposent aujourd'hui à l'agression russe.

La plupart des combattants/es sont des travailleurs/euses de différentes professions sans partis politiques ni fondations pour les soutenir. C'est pourquoi, dans Solidarity Collectives, nous essayons de soutenir les syndicats dont les membres ont été mobilisés ou se sont portés volontaires pour aller en première ligne. Tout d'abord, ce sont les syndicats des cheminots, des travailleurs de la construction et des mineurs. Nous sommes également solidaires avec eux dans la lutte contre l'adoption des lois antisociales poussées par certains politiciens odieux sous prétexte de nécessité de guerre.

Tous ceux que nous soutenons, cependant, sont unis par un ennemi commun, parce que la machine impériale russe ne permettra à aucun d'entre nous d'exister.

Voici quelques présentations des différents/es camarades que nous soutenons :

  • Nous sommes membres de la coopérative Bread for life. Avant l'invasion, nous popularisions les idées de freeganisme et de bricolage. Nous étions indépendants/es, cuisinions, nourrissions lors d'événements locaux, nous accroupissions et construisions des ateliers ouverts sur le squat. En février, une partie du groupe a décidé que nous resterions ici dans le sud (de l'Ukraine) en cas d'invasion pour riposter. Début mars, nous avons rejoint l'un des groupes armés pour former notre équipe médico-évacuée sur sa base. À ce stade, nous avons été soutenus avec du matériel par des camarades d'Operation Solidarity, et maintenant nous continuons à être soutenus par Solidarity Collectives. Actuellement, nous travaillons dans des directions différentes, nous ne sommes plus dans le même groupe. Mais unis par une idée commune - l'idée de liberté, d'égalité, de sororité, de fraternité et de tout ce qui ne peut être réalisé que par le combat.
  • Notre ami Oleg : politologue, musicien, photographe, défenseur des droits des animaux et activiste. Maintenant, il sert dans la 72e brigade qui combat dans l'est de l'Ukraine. Entre autres choses, ils ont tenu la route Lysychansk - Bakhmut. Nous soutenons Oleg depuis un certain temps maintenant.
  • Le Resistance Committee est né comme initiative quelques semaines avant le début de l'invasion à grande échelle des forces russes. Son but était de coordonner les efforts de différents groupes et individus anarchistes / antiautoritaires dans le domaine militaire. Maintenant, c'est plus de coordination que d'organisation dont il s'agit. Il correspond donc à sa tâche initiale. Nos fondements idéologiques communs sont définis dans notre Manifeste. Notre ennemi immédiat actuel est l'impérialisme russe. Cependant, nous nous opposons à l'autoritarisme et à l'oppression en général. Depuis le début et jusqu'à présent, les anarchistes de Biélorussie et de Russie qui ont survécu en Ukraine des répressions politiques dans leurs pays respectifs ont activement participé au Comité de résistance avec des camarades ukrainiens. Nous définissons le comité de la Résistance comme une coordination antiautoritaire, donc un peu plus large que juste anarchiste. Le nombre exact n'est pas sûr et pas si facile à spécifier car il n'y a pas d'adhésion fixe au CR. Ce n'est pas si grand, et nous ne pouvons pas dire qu'il grandit, même si depuis le début de l'invasion à grande échelle, plus d'anarchistes ont rejoint le combat. Actuellement, nous avons plusieurs petits groupes de camarades anarchistes et antifascistes intégrés dans la défense territoriale, l'armée régulière et les unités de volontaires.
  • En 2013, notre camarade Swallow a été membre du groupe d'autodéfense anti-autoritaire de l'Euromaïdan de Kharkiv, puis a participé à la création du squat « Autonomia » à Kharkiv, a organisée un centre social et culturel et a participé activement à plusieurs initiatives militantes. Le matin du 24 février, Swallow effectuait déjà une reconnaissance aérienne sur la ligne de front à l'aide de drones civils ordinaires.

Actuellement, Solidarity collectives a trois principaux domaines de travail :

FRONT MILITAIRE

Dès le début de la guerre, notre tâche principale a été de fournir aux militants/es anti-autoritaires qui ont rejoint les unités militaires tout ce dont ils/elles avaient besoin. Grâce aux dons, nous avons acheté et remis une centaine de gilets pare-balles (4e norme de protection), des dizaines de casques, des appareils de vision nocturne, des caméras thermiques, des télémètres, des drones, de la médecine tactique, des uniformes militaires, des chaussures, des vêtements et bien plus encore – des équipements spéciaux et quotidiens. Aujourd'hui, Solidarity Collectives soutient régulièrement jusqu'à 80 combattants, dont beaucoup sont en première ligne.

FRONT HUMANITAIRE

Grâce au réseau logistique que nous avons construit et qui comprend 4 entrepôts et des voitures, nous recevons et transportons l'aide humanitaire là où elle est le plus nécessaire depuis le début de la guerre. À ce jour, nous avons organisé nos propres convois humanitaires ou livré des marchandises à Bucha, Bilohorodka, Tchernihiv, Kryvyi Rih, Mykolaïv, Kramatorsk, Malyna, Kharkiv et d'autres villes. Ces transports se composent de médicaments, de vêtements, de nourriture, de sacs de couchage et de matelas, de bouteilles de gaz avec bouteilles et d'équipements électroniques.

DIA

Les gens discutent de la « question ukrainienne » partout dans le monde. Expliquer pourquoi toutes les forces anti-autoritaires, malgré tout, devraient soutenir le mouvement de résistance ukrainien est notre tâche principale aujourd'hui. Par conséquent, nous sommes toujours prêts à participer à des conférences, des débats ou à partager notre vision avec les journalistes.

Nous travaillons quotidiennement à recueillir les besoins des combattants/es, à faire des achats en Ukraine et à l'étranger, à organiser des voyages humanitaires dans les régions touchées par la guerre, à communiquer avec des initiatives amicales et à publier les résultats de notre travail. Pour beaucoup, c'est la partie la plus importante de notre vie maintenant.

La pratique est l'un de nos principes fondateurs. Nous nous sommes réunis pour aider la résistance ukrainienne à repousser l'agression russe. Mais nous ne sommes pas seulement "contre" quelque chose, mais aussi "pour". Notre objectif est une société libre et juste, nos valeurs principales sont l'égalité sociale, économique et des sexes.

  • Nous pensons que la reconstruction en Ukraine dont les politiciens et les diplomates discutent déjà devrait profiter au peuple. Elle ne devrait pas être basée sur les dogmes néolibéraux que les auteurs/ices du plan de reconstruction tentent d'y inclure.
  • Nous pensons que le féminisme d'aujourd'hui devrait être basé sur une position proactive. Aujourd'hui, les militantes du mouvement anti-autoritaire combattent courageusement l'agresseur, dirigent des unités militaires et fournissent une aide médicale sur le champ de bataille. En outre, la plupart des membres de Solidarity Collectives sont des femmes, et elles font la plupart du travail dans la direction militaire.
  • Nous soutenons les mouvements anti-autoritaires et anticoloniaux dans le monde entier. Aujourd'hui, les militants/es anti-autoritaires en Ukraine acquièrent une expérience qui pourrait être utile pour renverser les dictateurs et les régimes autoritaires à la fois dans les pays post-soviétiques et dans d'autres régions.
  • Nous soutenons les mouvements de défense des droits des animaux et luttons contre le changement climatique. Nous transmettons la nourriture végétalienne aux combattants végétaliens et plaidons pour le passage des combustibles fossiles aux sources d'énergie renouvelables. Il ne s'agit pas seulement de prévenir les catastrophes climatiques dans un avenir lointain, mais aussi de réduire la dépendance à l'égard de l'économie russe axée sur les ressources.

Nos objectifs sont incompatibles avec le régime autoritaire de Poutine. Mais nous sommes prêts/tes à nous battre pour eux dans l'Ukraine d'après-guerre en nous opposant également aux tendances autoritaires de notre société.

Nous sommes reconnaissants/es du soutien apporté par tous ceux/celles qui ont travaillé avec nous pendant tous ces mois. À ceux/celles qui aident à collecter des fonds, à transférer des véhicules, à organiser des événements publics ou à venir en Ukraine avec de l'aide humanitaire. Aujourd'hui, nous sentons la force de la solidarité internationale capable de faire de grandes choses, malgré la division de la gauche internationale sur la « question ukrainienne ». Nous sommes conscients que cette solidarité n'est pas facile, mais nous vous demandons de ne pas céder à la lassitude de la guerre, surtout maintenant que votre soutien est crucial pour nous.

Nous sommes également prêts/tes à un dialogue ouvert avec ceux qui hésitent encore, mais qui sont prêts à entendre la position de la communauté anti-autoritaire en Ukraine. Nous voulons vous voir de notre côté des barricades !

Entre-temps, notre travail se poursuit.

Pas de repos jusqu'à la mort du dernier dictateur.

podcasts (anglais) :

https://a-dresden.org/2022/07/10/solidarity-collectives-interview-about-solidarity-work-with-ukraine/

https://anchor.fm/ypt-tiger-bloc-podcast/episodes/20---Solidarity-Collectives---Ukraine-Russia-War-e1nvgcq

chaînes viéos :

https://www.youtube.com/@sol_col
https://kolektiva.media/c/solidarity.collectives/videos?s=1

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Assemblée ouverte de « Kalimero »

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Kaliméro est une assemblée solidaire des prisonni-eres de la guerre sociale. Ce jeudi 12 janvier à 19h, elle se tiendra à la Kunda, 48 rue Jules Lagaisse, à Vitry-sur-seine.

La prison est un des rouages de ce système basé sur l'exploitation et la domination que nous voulons raser au sol, c'est pourquoi nous envoyons des mandats à celles et ceux accusé·e·s d'actes de révolte dont on est solidaires.

Une caisse de solidarité a besoin de continuité. Nous n'avons ni sponsor, ni mécène, aussi avons-nous convenu d'un rendez-vous par mois pour collecter des sous pour alimenter la caisse. Ces rencontres sont également l'occasion d'échanger sur nos pratiques face à la répression, d'assurer le suivi des différentes histoires et de discuter des situations qui se présentent. Elle est également un moment de discussion autour des possibles moyens d'esquive, de résistance et d'auto-organisation offensive contre la machine judiciaire et carcérale.

Dans un souci de régularité, ces rencarts ont été fixés le 2e jeudi de chaque mois à 19h. La prochaine réunion de Kaliméro aura lieu le 12 janvier à la Kunda au 48 rue Jules Lagaisse, à Vitry-sur-seine.

Pour envoyer de l'argent, pour demander des informations, ou pour être tenu·e·s au courant des prochains rendez-vous de la caisse et être inscrit·e·s sur la mailing-list de Kaliméro, écrivez à kalimeroparis(at)riseup.net

La possibilité des dominations. (L'État m'a tabassé parce qu'il en a le pouvoir)

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Contribution aux luttes contre les violences d'État.
Article de Mathieu Rigouste publié sur IAATA à l'occasion de son procès pour s'être fait tabasser par les flics il ya 10 ans

Dans un tweet récent, une personne s'alarmait face à un mur d'écrans de contrôle. Amenée à travailler dans un centre de « supervision » relié à des caméras de surveillance, elle découvrait qu'elle en venait à scruter les moindres faits et gestes des passant-es. Elle s'indignait du fait que le dispositif de surveillance l'amenait à considérer n'importe qui comme suspect et à chercher à contrôler ses comportements.

Notre socialisation et nos conditions matérielles d'existence déterminent en partie notre liberté de penser et d'agir. De la même manière, la place que nous occupons à l'intérieur du système de pouvoir conditionne nos manières d'être et notre rapport au monde. Nos pratiques nous fabriquent et nous transforment. Le système sécuritaire est structuré notamment autour de ces principes. Lorsqu'il réussit à nous faire participer au contrôle, lorsqu'il a le pouvoir de nous faire collaborer avec la chaîne punitive, il nous produit à la fois comme agents et sujets du maintien de l'ordre capitaliste-raciste-patriarcal.

En amont de ses fonctions de reproduction de l'ordre social, économique et politique, la police est produite en donnant à certains humains le pouvoir d'agir sur le corps et l'esprit, la destinée et la dignité des autres. La police attire, filtre, intègre et reconduit parmi ses agents en particulier des personnes désireuses de distribuer des violences racistes, capitalistes et patriarcales. Mais le système fabrique aussi le policier comme accumulateur et distributeur de ces violences dont les classes dominantes ont besoin pour régner. L'être humain devient un policier, aussi raciste, capitaliste et patriarcal que le système l'exige, en « faisant son travail » quotidiennement. On devient policier en exerçant le pouvoir de contrôler, surveiller et réprimer, et ce pouvoir est produit et organisé par la société. Un policier peut nous abattre ou nous mutiler parce qu'il dispose d'une arme et du droit de s'en servir. Il pourra nous étrangler tant que nous ne serons pas capables de l'empêcher d'entrer en contact avec nos corps. Et il sera violent à l'égard des dominé-es tant que la police et les rapports sociaux de domination qui lui donnent naissance, existeront.

Des policiers humilient, harcèlent, briment, contraignent, enlèvent, passent à tabac, déportent, torturent, mutilent, violent, incarcèrent et mettent à mort, principalement des prolétaires et des non-blanc-hes, des révolté-es et des révolutionnaires, parce que ce sont les violences que les classes dominantes jugent nécessaires pour régner et faire fonctionner les rapports sociaux de classe, de race et de genre. Mais aussi parce que c'est possible pour eux de le faire. Parce que des institutions leur permettent de le faire, les protègent et valident leurs pratiques. Parce que cette société est organisée de manière à ce qu'ils puissent passer à l'acte et continuer.

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